Intervention de Hervé Marseille

Réunion du 2 octobre 2013 à 14h30
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Suite de la discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Hervé MarseilleHervé Marseille :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la région capitale constitue une puissance économique et démographique incontournable à l’échelle tant nationale qu’européenne. Avec près de 12 millions d’habitants et plus de 5 millions d’emplois, elle représente 30 % du PIB français et le premier bassin d’emploi européen.

Pourtant, vous le savez, la région capitale peine parfois à s’imposer sur la scène mondiale, alors qu’elle dispose de l’ensemble des atouts nécessaires pour concurrencer les plus grandes métropoles. Elle doit donc désormais bénéficier d’une gouvernance adaptée à ses ambitions.

La conjonction de la multiplicité des acteurs, de l’enchevêtrement des compétences, en l’absence d’un cap stratégique, ne lui permet pas d’exploiter pleinement ses richesses et nuit à l’efficacité de l’action publique. Ce contexte institutionnel, également marqué par le retour de l’État dans la gouvernance de la région capitale, conjugué à la superposition des échelons locaux, est source de conflits de pouvoirs.

Le projet de loi qui est soumis à notre débat contribuera-t-il à la réalisation de l’impératif d’efficacité de la puissance publique et à répondre aux vœux des promoteurs en permettant de construire plus de logements ? À mes yeux, assurément non ! En effet, le texte issu de l’Assemblée nationale tente malheureusement de remettre au goût du jour les schémas d’organisation du passé. Il serait anachronique de reproduire à l’échelle de la région parisienne la logique centralisatrice qui a prévalu jusqu’à la fin du siècle dernier, avec qui plus est un recours aux ordonnances. Tout aussi anachronique serait la reconstitution, peu ou prou, d’un département de la Seine centralisé à l’excès, qui reproduirait le conflit entre Paris et sa banlieue.

Conférer à une structure métropolitaine des prérogatives démesurées reviendrait à stériliser les communes et à supprimer leurs groupements, sans garantie d’efficacité et de lisibilité pour le citoyen.

Intercommunalité, métropole, autant de termes administratifs qui sonnent malheureusement creux aux oreilles de nombre de nos concitoyens.

L’établissement d’une nouvelle structure intercommunale, tentaculaire par sa taille ou l’ampleur des compétences qu’elle engloberait, ne saurait qu’ajouter l’incompréhension à la confusion, la méfiance à la suspicion.

Énième expression d’un dédale administratif qui lasse d’étourdir les Franciliens, le projet de la métropole du Grand Paris manque sa cible, faute d’avoir su l’identifier, c’est-à-dire faute d’accompagner la dynamique des territoires dans leur richesse et leur diversité, faute de fédérer les énergies par un vrai projet ambitieux.

Mes chers collègues, je plaide, tout comme la majorité écrasante des acteurs locaux, pour une véritable initiative à la hauteur de la région capitale, radicalement éloignée de ce qui nous est proposé aujourd’hui.

Parce qu’elle est la première région de France, l’Île-de-France doit être à l’avant-garde des réformes administratives et inscrire son évolution dans les grandes avancées de la décentralisation. Le maître mot de cette réorganisation doit être la subsidiarité : d’un côté, la métropole ouverte sur le monde, porteuse des grandes ambitions et des grands projets préparant l’avenir, de l’autre, la métropole de la proximité, locale et solidaire. Cette « métropole du local » est le fruit d’une légitimité démocratique que les électeurs pourront valider lors des prochaines élections de mars 2014.

Revenir, comme nous y invite l’actuel projet de loi, sur l’acquis du suffrage universel direct pour désigner les représentants de l’intercommunalité constitue une erreur. Comment une structure intégrée, servie par plus de 200 conseillers et 10 000 fonctionnaires, saurait-elle épouser la diversité du paysage francilien et répondre aux préoccupations de nos concitoyens ? Les « territoires », tels qu’ils seront définis unilatéralement par décret, seront vides de toute substance, sans ressources propres ni personnalité. Fiction de proximité, ils ne sauront ancrer cette métropole distante et technocratique dans la réalité des préoccupations quotidiennes.

Pourtant, les impôts qu’elle prélèvera seront, eux, bien réels ! Pour les personnes, comme pour les entreprises, l’absence de visibilité du service rendu fiscal engendre nécessairement de la défiance.

Parce que le consentement à l’impôt, gage démocratique, impose une lisibilité institutionnelle, la déconnexion de la métropole du Grand Paris de ses territoires ne peut que creuser le fossé qui sépare le contribuable de ses attentes légitimes, et ce pour un objectif certainement inavouable.

La future métropole doit obligatoirement poursuivre la formidable dynamique ascendante, désormais irréversible, qui s’est fait jour au lendemain des lois de décentralisation. C’est pourquoi cette nouvelle organisation ne peut que se structurer autour des intercommunalités existantes et à venir. Il pourrait donc s’agir d’une fédération constituée de Paris et des communautés d’agglomération existantes et à venir. Le pôle métropolitain représenterait assurément le statut juridique le plus proche d’une telle orientation.

Parce qu’elle est unique, la région capitale mérite la création d’une structure adaptée à ses spécificités. Ainsi, serait-il également possible de faire évoluer la métropole du Grand Paris, telle qu’elle a été adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, par la création d’un établissement public de coopération intercommunale à statut particulier, s’appuyant sur Paris et les agglomérations de proximité présentes et à venir à l’échelle de l’unité urbaine.

Je tiens à remercier, à ce moment de la discussion, le rapporteur, René Vandierendonck, pour son écoute et le travail important qu’il a accompli pour tenter de rapprocher les points de vue.

Mes chers collègues, les citoyens n’acceptent plus d’être les acteurs involontaires d’un jeu dont ils ne connaissent pas les règles. Mettre à l’écart leurs élus locaux, avec lesquels, au quotidien et en proximité, se gèrent leurs préoccupations, serait un retour en arrière et un manque de considération à leur endroit. Or les acteurs de terrain – élus, fonctionnaires –, par la voix de Paris Métropole, qui a repoussé ce projet à 75 % de ses membres, toutes tendances politiques confondues, par la voix de l’Assemblée des communautés de France, de l’Association des maires de grandes villes de France et des associations des directeurs généraux des villes et des communautés de France, ont affirmé leur volonté d’inscrire la construction de la métropole du Grand Paris dans une dynamique ascendante et partagée, en opposition au projet présenté.

Notre assemblée, qui représente les collectivités territoriales, ne saurait ignorer ces voix concordantes. Elle s’honorerait à les faire siennes.

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