Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 2 octobre 2013 à 14h30
Modernisation de l'action publique territoriale et affirmation des métropoles — Suite de la discussion en deuxième lecture d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Monsieur le président, mesdames les ministres, mes chers collègues, si, en première lecture, nous nous sommes entendus pour reconnaître l’importance du fait métropolitain, nous ne sommes pas parvenus, et je le regrette, à édifier l’institution qui manque à l’aire urbaine parisienne.

Le Grand Paris Métropole est une nécessité, et le Sénat se doit de participer à son élaboration. Je sais que chacun d’entre nous a œuvré pour cela ; je sais aussi que nous avons déjà, les uns et les autres, fortement évolué grâce à nos échanges. Les débats que nous allons avoir doivent nous permettre d’apporter maintenant la réponse que les Franciliens attendent, celle qui sera utile à la conduite de politiques publiques locales actives et dynamisantes pour l’ensemble métropolitain.

La métropole que le projet de loi nous propose se définit notamment par ses périmètres. Certains se limitent à une géographie binaire : la métropole d’un côté et ce qui en est exclu de l’autre, la frontière pouvant d’ailleurs varier et faire débat. Pour ma part, j’ai tendance à voir notre géographie régionale de façon plus complexe. Je considère en effet que nous pouvons et devons distinguer, au-delà de la zone dense, d’une part, le cœur de métropole de sa périphérie, faite de zones toujours impactées par la croissance de l’urbanisation, et, d’autre part, des territoires ruraux de plus faible densité mais qui remplissent eux-mêmes également des fonctions métropolitaines.

L’édification du Grand Paris Métropole impose une réflexion sur son organisation, et la quantité d’amendements sur cette thématique me laisse penser que le sujet sera largement traité. J’appelle ainsi spécifiquement votre attention, une fois de plus, sur les relations de la métropole avec sa périphérie. Comment le cœur de la métropole va-t-il organiser sa dépendance, répondre aux besoins des territoires qui l’entourent et ne pas se limiter à externaliser beaucoup de nuisances vers sa grande périphérie ?

En ce qui concerne les zones denses de la grande couronne – celles qui sont dans l’unité urbaine au sens de l’INSEE –, elles sont directement connectées au cœur de la métropole et répondent de plus en plus aux besoins des populations qui travaillent en son cœur. Ainsi, ces espaces accueillent les populations en leur fournissant non seulement des logements, mais aussi un ensemble de services. Si la carte intercommunale y a bel et bien été achevée, il s’avère que certains EPCI sont encore de trop petite taille face au risque du rayonnement qu’occasionnera le futur EPCI du Grand Paris Métropole.

Il est donc important de susciter la création d’ensembles intercommunaux d’une taille suffisante pour dialoguer avec la métropole du Grand Paris et ainsi aboutir à une plus grande cohérence de l’action publique dans toute la région d’Île-de-France. Compte tenu de la diversité géographique de ces territoires, nous vous proposerons de fixer un seuil de 100 000 habitants aux EPCI situés dans l’unité urbaine, y compris en grande couronne.

Ces zones denses de la grande couronne ont également une autre fonction : elles sont l’interface entre la métropole et les zones rurales de la région d’Île-de-France ; elles permettent que la ruralité reste un levier du cœur de la métropole, et non un frein. Nous avons en effet tendance à oublier l’apport des territoires ruraux pour le cœur de la métropole, l’effort que cela leur coûte et le peu de compensation qu’ils ont en retour. Je ne citerai que quelques exemples.

Ainsi, 75 % des besoins de la métropole en sable alluvionnaire, pour le BTP, proviennent des territoires ruraux franciliens, seine-et-marnais principalement. Ces mêmes territoires fournissent une part substantielle de l’eau à Paris et dans son immédiate périphérie, et cela depuis le XIXe siècle. Symétriquement, ils accueillent plus de 50 % des déchets de la métropole, déchets ménagers ou déchets inertes. Ils sont le réceptacle de nombreuses infrastructures parfois nuisibles, telles les plateformes aéroportuaires, les contournements autoroutiers et ferroviaires, les zones logistiques et les équipements multimodaux – fleuves-routes, fer-route, etc. Et que dire des transformations que vont devoir subir ces mêmes territoires afin de protéger des crues le cœur de la métropole – je pense notamment au projet des casiers réservoirs de l’EPCB grand lac de Seine ?

Je vous ai déjà décrit en première lecture la vie des femmes et des hommes qui vivent sur ces territoires, leurs craintes de relégation et d’exclusion de la dynamique métropolitaine, qui engendrent systématiquement des réactions, voire des votes extrémistes. Il est primordial, et ce afin de ne pas perdre les populations de ces territoires, de tisser du lien entre ses territoires ruraux et le cœur de métropole. Ce lien ne peut s’établir dans une confrontation faciale.

J’ai craint pendant un temps que le cœur de métropole n’absorbe peu à peu les zones denses de la grande couronne. Cette annexion aurait, dans un premier temps, brisé la fonction d’interface que remplissent les territoires denses de la grande couronne, puis, dans un second temps, créé un gap important entre le cœur et les territoires ruraux de l’Île-de-France.

La cohésion et la solidarité territoriales, portées, pour certaines compétences, par l’institution régionale, pour d’autres par les conseils généraux, permettent dans la grande couronne de maintenir le lien et d’atténuer les craintes de relégation.

Le périmètre métropolitain, que définit désormais ce texte, répond à ce besoin. Mais nous devons aller plus loin ; nous devons permettre l’expression des territoires au sein de la métropole, et ce par l’intermédiaire de leur conseil général. J’ai déposé un amendement en ce sens, qui vise à créer des conférences territoriales départementales chargées d’assurer la représentation des territoires de la grande couronne et la prise en compte de leurs problématiques par la conférence métropolitaine.

J’ai apprécié l’apport de notre collègue Jean-Jacques Filleul, rapporteur pour avis de la commission du développement durable, proposant la création de pôles d’équilibre et de solidarité territoriale, qui doivent être des structures volontaires et souples. Mais je ne pense pas que l’on puisse en l’état obliger les EPCI à s’inscrire dans cette démarche. Dans une certaine mesure, je peux comprendre la difficulté d’y associer les conseils généraux, et je préconise donc en ce sens la création de conférences territoriales départementales.

Enfin, nous devrons, dans la suite des actes de la décentralisation, poursuivre notre réflexion sur la solidarité financière entre les départements de l’Île-de-France, en prenant en compte les dynamiques et charges de chacun d’eux.

Le Grand Paris Métropole que nous appelons de nos vœux doit construire une articulation entre chaque territoire. Le bon fonctionnement et la dynamique de l’Île-de-France dépendent, demain, du respect de l’équilibre entre le cœur de métropole, sa périphérie et sa ruralité.

Notre action doit permettre de stabiliser la gouvernance de la région capitale, et cela passera nécessairement par une plus grande prise en compte des attentes des territoires qui remplissent des fonctions métropolitaines mais qui n’y trouvent pas leur compte aujourd’hui. J’ai bon espoir que ce texte et les débats que nous allons avoir permettent d’atteindre ces objectifs.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion