Ma question s’adressait à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, mais Mme Duflot connaissant bien notre département, elle sera bien évidemment à même d’y répondre.
Soumis au devoir de réserve, interdits de faire grève, les agents pénitentiaires ont pourtant, à de nombreuses reprises, manifesté cette année pour exprimer leur « ras-le-bol » face à ce qu’ils appellent la « déroute » de la politique carcérale.
Au début du mois de juin 2013, ils se sont rassemblés devant l’établissement pénitentiaire de Fresnes pour dénoncer la violence grandissante des détenus à leur égard : un surveillant venait encore d’être pris à partie par un détenu, provoquant son malaise, tandis que l’un de ses collègues était également agressé avec une fourchette, agression qui lui a valu une incapacité temporaire de travail de quinze jours. C’est dire si la fourchette devait être affûtée !
La multiplication de ces agressions est l’illustration de la détérioration des conditions de travail de ces agents en milieu pénitentiaire, alors qu’ils sont eux-mêmes très exposés. Les surveillants dénoncent la surpopulation carcérale chronique et leurs sous-effectifs, situation qui devient compliquée à gérer. Déjà, en avril 2012, ils soulignaient ce manque de moyens. De fait, nous en assumons tous, les uns et les autres, la responsabilité, quel que soit le gouvernement que nous ayons soutenu.
Le centre pénitentiaire de Fresnes compte 2 275 détenus pour une capacité de 1 440 places et quelque 750 surveillants. Or, derrière la surpopulation, les trafics s’organisent, rendant ces personnels de plus en plus exposés et leur travail de plus en plus difficile.
Le 22 mai dernier, une centaine d’agents ont manifesté contre la remise en cause de leurs pratiques professionnelles. En effet, le tribunal administratif de Melun venait de suspendre la fouille corporelle intégrale pour les détenus s’étant rendus au parloir pour rencontrer des visiteurs. Instituée par le directeur de la prison de Fresnes en décembre 2012, cette pratique, il est vrai ingrate y compris pour les surveillants, était pourtant nécessaire pour des raisons de sécurité. Le juge a considéré que cette application systématique constituait une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de ces détenus. Néanmoins, le problème reste posé.
Certes, le recrutement de conseillers d’insertion et de probation que Mme la garde des sceaux a annoncé dans le cadre de la réforme pénale va dans le bon sens. Mais, des promesses à leur mise en œuvre, nous sommes très loin du compte. Si le ministère de la justice veut atteindre la moyenne de 40 dossiers par conseiller d’insertion et de probation, les 450 recrutements promis d’ici à 2015 sur tout le territoire ne suffiront évidemment pas. Si l’on fait un rapide calcul, il apparaît que ce sont 1 500 agents qu’il conviendrait de recruter.
Les syndicats demandent donc un plan pluriannuel de quatre à cinq ans avec des objectifs garantis.
Vous le savez, madame la ministre, deux conceptions s’affrontent au sujet des prisons, même si là n’est pas l’objet de ma question : l’une demande une plus grande sévérité et la construction de places nouvelles dans les prisons – conception partagée plutôt par mes collègues siégeant sur les travées qui m’entourent –, l’autre, qui est plutôt celle de Mme la garde des sceaux, vise au contraire à diminuer les effectifs en réservant la prison pour les formes les plus graves de la délinquance. Il s’agit là d’une question d’importance nationale dont la Haute Assemblée sera sans doute prochainement saisie.
Il n’empêche, quelle que soit l’orientation à court terme, le problème de la sécurité du personnel sera toujours présent. Aussi, je vous demande, madame la ministre, de quelle manière votre collègue entend répondre à ces préoccupations et quelles vont être ses priorités en matière de politique pénitentiaire et de sécurité des agents de l’administration pénitentiaire.