La part croissante dans notre pays des chaînes à péage dans la diffusion des rencontres sportives est particulièrement préoccupante. En 2016, pour la première fois en France, la phase finale de football du Championnat d’Europe des nations ne sera pas, dans sa totalité, visible gratuitement. La retransmission de vingt-neuf matchs sera ainsi réservée aux abonnés de beIN SPORT, chaîne payante et détentrice des droits. C’est un précédent navrant !
Le problème concerne le football, mais pas uniquement. La Formule 1 est ainsi passée au « tout-payant » ; en rugby, le Top 14 est désormais retransmis par Canal+ ; les grands tournois de tennis – US Open, Wimbledon, Open d’Australie – sont également diffusés par des chaînes à péage, ainsi que tout le basket-ball de haut niveau et l’essentiel du handball.
Il s’agit malheureusement d’une particularité française. Alors que les chaînes en clair – du service public ou non – sont rebutées par l’inflation des droits sportifs, elles ne l’ont pas été dans d’autres pays européens. Pour la Formule 1, par exemple, en Grande-Bretagne et en Italie, les bouquets payants retransmettent les Grands Prix. Cependant, chacun a passé un accord, respectivement avec la BBC et la RAI, pour que ces deux chaînes publiques diffusent neuf courses en direct et les autres en différé.
Cette tendance française à la raréfaction du sport gratuit à la télévision exclut de fait les téléspectateurs aux moyens financiers réduits. Il n’est pas sûr, par ailleurs, que les sponsors des grandes manifestations sportives s’en arrangent très longtemps s’ils ne peuvent plus toucher un public aussi large que précédemment. Cette tendance contribue également à marginaliser des sports qui ne devraient pas l’être. Ainsi, à ce jour, seulement 7 % des retransmissions sportives concernent le sport féminin et 95 % de celui-ci est diffusé uniquement sur des chaînes payantes. Il est souhaitable que la télévision publique reprenne la main afin d’éviter une telle marginalisation, inacceptable.
Certes, il existe un décret de 2004 dressant la liste des vingt et un événements sportifs d’importance majeure qui doivent être diffusés en clair, mais il est aujourd’hui insuffisant et ses termes demeurent trop imprécis.
Je rappelle par ailleurs que l’avocat général près la Cour de justice de l’Union européenne a, par exemple, estimé le 12 décembre 2012 que les États de l’Union ont le droit d’interdire la diffusion de la Coupe du monde et de l’Euro de football sur des chaînes payantes et d’exiger leur retransmission sur une télévision en accès libre.
Madame la ministre, il existe donc une forme de fracture sociale en matière de retransmissions sportives télévisuelles. Quelles mesures envisagez-vous pour garantir au public le plus large l’accès aux compétitions qui sont des événements d’importance majeure pour notre société ?