Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 1er octobre 2013 à 14h30
Indépendance de l'audiovisuel public — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Aurélie Filippetti :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi une grande fierté de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, les dispositions du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, qui a été enrichi et adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 24 juillet dernier.

Ce projet de loi répond à un engagement très fort du Président de la République, pris devant les Français, celui de conforter l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public, France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Cet engagement a été pris au nom d’un droit fondamental de chacun de nos concitoyens et d’une liberté essentielle pour la République : la liberté d’expression.

À travers ce projet de loi, trois grands principes sont défendus : l’indépendance, la démocratie et l’impartialité.

L’indépendance, tout d'abord, est une garantie républicaine que nous rétablissons en confiant la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public non plus au Président de la République, mais à l’autorité indépendante de régulation elle-même. Nous rendons ainsi au Conseil supérieur de l’audiovisuel une compétence historique, qui fut l’une des raisons de sa création en 1982, sur l’initiative du gouvernement de Pierre Mauroy. La désignation des présidents des sociétés nationales de programme est évidemment un élément essentiel de cette indépendance.

L’indépendance du CSA est donc rétablie, mais elle est également renforcée : c’est une instance à l’indépendance accrue qui sera désormais chargée de ces nominations.

En effet, le projet de loi prévoit que les nominations des membres du collège du CSA se feront selon une procédure tout à fait renouvelée et inédite, qui renforcera le rôle du Parlement, en particulier celui des commissions chargées des affaires culturelles. Cette procédure associe de plus à la décision, pour la première fois, l’opposition parlementaire, ce qui constitue une avancée démocratique majeure, correspondant à un état de maturité de nos institutions. Nous avons donc pris la décision de faire confiance au sens de la responsabilité de chacun des parlementaires pour procéder à ces nominations des futurs membres du CSA.

Le collège du CSA est resserré et passera de neuf à sept membres. Le Président de la République, qui choisissait trois membres, ne nommera plus que le président de l’instance de régulation. Les six autres membres, désignés par les présidents de chaque assemblée parlementaire, le seront désormais après un avis conforme des commissions des affaires culturelles de chaque chambre, qui voteront à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez l’intérêt que je porte aux échanges que nous avons pu avoir au cours du travail parlementaire. À l’Assemblée nationale, les députés ont ajouté par voie d’amendement un certain nombre de garanties supplémentaires de cette indépendance, en prévoyant que les membres du Conseil seront désormais nommés sur la base de critères de qualification, afin d’assurer la nomination de personnalités à la compétence indiscutable, en améliorant les règles relatives aux incompatibilités auxquelles sont soumis les membres du CSA et sur lesquelles il leur a semblé important d’apporter des clarifications, en érigeant le CSA en autorité publique indépendante, enfin en affirmant que les nominations au Conseil doivent respecter l’égalité entre les femmes et les hommes, ce qui est totalement cohérent, vous le savez, avec l’action du Gouvernement.

Il s’agit aussi, au travers de cette réforme, de faire avancer la démocratie, de l’approfondir. En renforçant le rôle du Parlement sur les nominations des membres du CSA, nous conférons ainsi une plus grande légitimité à l’instance de régulation. En associant l’opposition parlementaire, par cette règle de la majorité des trois cinquièmes, nous évitons également toute critique concernant le caractère partisan de telle ou telle nomination.

C’est une avancée démocratique majeure et sans précédent. Je sais les inquiétudes et les craintes de blocage du processus de nomination qui ont pu s’exprimer, car nous connaissons tous le fonctionnement de la vie politique et nos propres défauts.

Néanmoins, ce processus, qui existe dans plusieurs États européens, est la marque d’une démocratie moderne, dont la France pourra être fière, dans laquelle le critère objectif de la compétence, de l’intérêt général au service de l’indépendance de l’audiovisuel public – une grande cause que nous partageons tous – dépasse les logiques partisanes, pour mieux servir l’intérêt commun.

Le succès de cette procédure apportera, je n’en doute pas, la preuve de la maturité de nos institutions politiques, où le dialogue et le débat retrouvent toute leur place et toute leur efficacité.

Le projet de loi organique qui accompagne le projet de loi ordinaire tire les conséquences de cette réforme en supprimant de la liste des emplois dont le Président de la République assure la nomination les présidences des sociétés de l’audiovisuel public.

Ce projet de loi, je le répète, c’est à la fois l’indépendance et la démocratie. C’est aussi l’impartialité. En effet, ce texte réforme la procédure de sanctions applicable devant le CSA afin de la mettre en conformité avec les exigences d’impartialité applicables aux autorités administratives ayant à prononcer des sanctions, telles qu’elles résultent de l’évolution récente de la jurisprudence constitutionnelle et européenne.

L’instauration d’un rapporteur indépendant du collège du CSA répond à ce même impératif d’impartialité. La procédure de sanction opérera désormais une séparation claire entre, d’une part, la poursuite et l’instruction, qui seront confiées au rapporteur, et, de l’autre, le prononcé de la sanction, qui restera exercé par le collège du Conseil.

Le présent projet de loi a bénéficié du travail parlementaire sur de nombreux points. Les enrichissements apportés permettront non seulement de renforcer l’indépendance de l’audiovisuel public, conformément au but que nous visons, mais aussi de traiter un certain nombre de questions arrivées à maturité, pour lesquelles il importait de pouvoir agir dès aujourd’hui.

Je songe en particulier à la prise en compte par le CSA des aspects économiques du secteur audiovisuel.

On le sait, les enjeux financiers du paysage audiovisuel français sont aujourd’hui immenses. Les équilibres sont fragiles, et aucune liberté de communication n’est possible sans les moyens permettant de l’exercer.

Des dispositions votées par les députés et d’autres modifications adoptées en commission par le Sénat consacrent une plus large place à la prise en compte des équilibres économiques de l’audiovisuel par et dans les jugements du CSA. C’est une dimension absolument essentielle de la prise de décision dans le contexte actuel.

Ainsi, afin de garantir à la fois le développement des acteurs en place et la viabilité économique des nouveaux entrants, toute décision d’autorisation de nouveaux services susceptibles de modifier le marché audiovisuel fera désormais systématiquement l’objet d’une étude d’impact préalable. Cette innovation majeure permet d’aligner les exigences de transparence et de publicité relatives au processus de décision du CSA sur celles que le Gouvernement s’impose pour l’élaboration des projets de loi.

Le CSA devra analyser l’impact prévisible de ses décisions. Cette prise en compte des réalités économiques du secteur se traduira par l’enrichissement de son rapport annuel, qui rendra compte de l’effet de ses décisions sur le domaine de l’audiovisuel. C’est, là aussi, la marque d’une autorité de régulation responsable et modernisée. De fait, on ne pouvait se contenter d’une autorité de régulation qui ne voyait que d’un seul œil et qui n’était pas à même d’examiner, à travers ses processus de décision, tous les aspects économiques en jeu. De telles décisions concernent pourtant des questions cruciales.

De surcroît, les acteurs de l’audiovisuel auront l’assurance de mieux comprendre les décisions du régulateur et les arguments sur lesquels elles se fondent.

Au-delà, les députés ont, avec le soutien du Gouvernement, apporté des réponses à la question du financement de l’audiovisuel public.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le maintien de la publicité au cours de la journée sur les chaînes de France Télévisions offre aujourd’hui une visibilité de long terme à la firme. Cette décision donne également une visibilité aux autres acteurs de l’audiovisuel. En outre, dans une période d’efforts significatifs de redressement des comptes de l’entreprise, elle permet de ne pas accroître la contrainte budgétaire qu’aurait suscitée la suppression complète de la publicité sur les antennes du groupe public, prévue pour 2016.

Par ailleurs, d’autres dispositions visent à assurer une meilleure gestion du domaine public hertzien dévolu à l’audiovisuel. Je songe, par exemple, à l’abrogation des canaux compensatoires de la télévision numérique terrestre, ou TNT, et aux dispositions permettant de garantir le développement technologique de la TNT gratuite, avec la généralisation de la haute définition. Les parlementaires sont associés aux choix de réaffectation des fréquences audiovisuels, et notamment au fameux débat relatif à la « bande 700 ».

Votre commission de la culture, de l’éducation et de la communication a considérablement amélioré le texte.

Madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, cher David Assouline, je vous remercie du travail accompli depuis plusieurs semaines au titre de ce projet de loi. Je tiens à saluer la grande qualité de votre rapport. Celui-ci expose parfaitement les enjeux auxquels ce projet de loi répond tout en formulant de nombreuses propositions d’amélioration qui recueillent mon assentiment. Les modifications que vous avez apportées permettent, elles aussi, d’enrichir le présent texte et de lever certaines ambiguïtés.

Parmi ces avancées, je tiens à souligner l’importance de l’encadrement de l’agrément que pourra délivrer le CSA pour le passage d’une chaîne de la TNT d’un modèle économique à un autre, notamment du payant au gratuit.

Les députés ont souhaité accroître la responsabilité du CSA en renforçant le rôle de cette instance dans l’organisation du marché de la télévision numérique terrestre.

En effet, le texte issu de l’Assemblée nationale permet au CSA d’autoriser le changement de mode de financement des services de communication audiovisuelle hertziens. La commission de la culture du Sénat a considéré que cet amendement, tendant à modifier une disposition centrale de la procédure d’autorisation des éditeurs de services, appelait une nécessaire prudence. L’encadrement qu’elle a retenu me semble de nature à sécuriser juridiquement les futures décisions du Conseil.

Il était ainsi essentiel de prévoir que le pluralisme et les équilibres économiques du secteur seraient bien pris en compte dans les décisions du CSA.

Concernant la modification des conventions des services de télévision et de radio, la commission de la culture a limité, à juste titre, la nouvelle obligation imposée au CSA de recourir à la réalisation d’une étude d’impact aux cas des services et réseaux nationaux, sur lesquels les enjeux sont cruciaux.

Par ailleurs, je me réjouis des dispositions qui visent à confier au CSA une mission de conciliation des litiges entre les éditeurs de services et les producteurs audiovisuels. Il est essentiel que le Conseil soit une instance de dialogue entre les chaînes, les producteurs et les distributeurs d’œuvres audiovisuelles, en dehors des procédures déjà existantes et sans formalisme aucun.

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