Séance en hémicycle du 1er octobre 2013 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La sé ance, suspendue à douze heures, est reprise à quatorze heures trente-cinq, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Mes chers collègues, j’ai reçu de M. Alain Le Vern une lettre par laquelle il se démettait de son mandat de sénateur de la Seine-Maritime, à compter du lundi 30 septembre à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, il est remplacé par Mme Marie-Françoise Gaouyer, ici présente, dont le mandat de sénateur de la Seine-Maritime a commencé aujourd’hui mardi 1er octobre, à zéro heure.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite la plus cordiale bienvenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

En application de l’article 5 bis de notre règlement, j’ai reçu les déclarations des présidents des groupes qui souhaitent être reconnus comme groupes d’opposition ou groupes minoritaires au sens de l’article 51-1 de la Constitution.

M. Jean-Claude Gaudin, président du groupe UMP, a fait connaître que son groupe se déclare comme groupe d’opposition.

M. François Zocchetto, président du groupe UDI-UC, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe CRC, M. Jacques Mézard, président du groupe RDSE, et M. Jean Vincent Placé, président du groupe écologiste, ont quant à eux fait savoir que leurs groupes se déclarent comme groupes minoritaires.

Chacun de ces groupes pourra donc, au cours de la session, bénéficier des droits attribués aux groupes d’opposition et minoritaires par la Constitution et par notre règlement, notamment dans le cadre des « espaces » de l’ordre du jour qui leur sont réservés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bordier

Monsieur le président, lors des scrutins n° 343 et 344 sur le projet de loi interdisant le cumul de fonctions exécutives locales avec le mandat de député ou de sénateur, M. Pierre Hérisson a été déclaré votant pour alors qu’il souhaitait voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi et du projet de loi organique, adoptés par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public (projets n° 816 et 815 [2012-2013], textes de la commission n° 850 et 849 [2012-2013], rapport n° 848 [2012-2013]).

La conférence des présidents a décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est pour moi une grande fierté de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, les dispositions du projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, qui a été enrichi et adopté en première lecture par l’Assemblée nationale le 24 juillet dernier.

Ce projet de loi répond à un engagement très fort du Président de la République, pris devant les Français, celui de conforter l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public, France Télévisions, Radio France et France Médias Monde. Cet engagement a été pris au nom d’un droit fondamental de chacun de nos concitoyens et d’une liberté essentielle pour la République : la liberté d’expression.

À travers ce projet de loi, trois grands principes sont défendus : l’indépendance, la démocratie et l’impartialité.

L’indépendance, tout d'abord, est une garantie républicaine que nous rétablissons en confiant la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public non plus au Président de la République, mais à l’autorité indépendante de régulation elle-même. Nous rendons ainsi au Conseil supérieur de l’audiovisuel une compétence historique, qui fut l’une des raisons de sa création en 1982, sur l’initiative du gouvernement de Pierre Mauroy. La désignation des présidents des sociétés nationales de programme est évidemment un élément essentiel de cette indépendance.

L’indépendance du CSA est donc rétablie, mais elle est également renforcée : c’est une instance à l’indépendance accrue qui sera désormais chargée de ces nominations.

En effet, le projet de loi prévoit que les nominations des membres du collège du CSA se feront selon une procédure tout à fait renouvelée et inédite, qui renforcera le rôle du Parlement, en particulier celui des commissions chargées des affaires culturelles. Cette procédure associe de plus à la décision, pour la première fois, l’opposition parlementaire, ce qui constitue une avancée démocratique majeure, correspondant à un état de maturité de nos institutions. Nous avons donc pris la décision de faire confiance au sens de la responsabilité de chacun des parlementaires pour procéder à ces nominations des futurs membres du CSA.

Le collège du CSA est resserré et passera de neuf à sept membres. Le Président de la République, qui choisissait trois membres, ne nommera plus que le président de l’instance de régulation. Les six autres membres, désignés par les présidents de chaque assemblée parlementaire, le seront désormais après un avis conforme des commissions des affaires culturelles de chaque chambre, qui voteront à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez l’intérêt que je porte aux échanges que nous avons pu avoir au cours du travail parlementaire. À l’Assemblée nationale, les députés ont ajouté par voie d’amendement un certain nombre de garanties supplémentaires de cette indépendance, en prévoyant que les membres du Conseil seront désormais nommés sur la base de critères de qualification, afin d’assurer la nomination de personnalités à la compétence indiscutable, en améliorant les règles relatives aux incompatibilités auxquelles sont soumis les membres du CSA et sur lesquelles il leur a semblé important d’apporter des clarifications, en érigeant le CSA en autorité publique indépendante, enfin en affirmant que les nominations au Conseil doivent respecter l’égalité entre les femmes et les hommes, ce qui est totalement cohérent, vous le savez, avec l’action du Gouvernement.

Il s’agit aussi, au travers de cette réforme, de faire avancer la démocratie, de l’approfondir. En renforçant le rôle du Parlement sur les nominations des membres du CSA, nous conférons ainsi une plus grande légitimité à l’instance de régulation. En associant l’opposition parlementaire, par cette règle de la majorité des trois cinquièmes, nous évitons également toute critique concernant le caractère partisan de telle ou telle nomination.

C’est une avancée démocratique majeure et sans précédent. Je sais les inquiétudes et les craintes de blocage du processus de nomination qui ont pu s’exprimer, car nous connaissons tous le fonctionnement de la vie politique et nos propres défauts.

Néanmoins, ce processus, qui existe dans plusieurs États européens, est la marque d’une démocratie moderne, dont la France pourra être fière, dans laquelle le critère objectif de la compétence, de l’intérêt général au service de l’indépendance de l’audiovisuel public – une grande cause que nous partageons tous – dépasse les logiques partisanes, pour mieux servir l’intérêt commun.

Le succès de cette procédure apportera, je n’en doute pas, la preuve de la maturité de nos institutions politiques, où le dialogue et le débat retrouvent toute leur place et toute leur efficacité.

Le projet de loi organique qui accompagne le projet de loi ordinaire tire les conséquences de cette réforme en supprimant de la liste des emplois dont le Président de la République assure la nomination les présidences des sociétés de l’audiovisuel public.

Ce projet de loi, je le répète, c’est à la fois l’indépendance et la démocratie. C’est aussi l’impartialité. En effet, ce texte réforme la procédure de sanctions applicable devant le CSA afin de la mettre en conformité avec les exigences d’impartialité applicables aux autorités administratives ayant à prononcer des sanctions, telles qu’elles résultent de l’évolution récente de la jurisprudence constitutionnelle et européenne.

L’instauration d’un rapporteur indépendant du collège du CSA répond à ce même impératif d’impartialité. La procédure de sanction opérera désormais une séparation claire entre, d’une part, la poursuite et l’instruction, qui seront confiées au rapporteur, et, de l’autre, le prononcé de la sanction, qui restera exercé par le collège du Conseil.

Le présent projet de loi a bénéficié du travail parlementaire sur de nombreux points. Les enrichissements apportés permettront non seulement de renforcer l’indépendance de l’audiovisuel public, conformément au but que nous visons, mais aussi de traiter un certain nombre de questions arrivées à maturité, pour lesquelles il importait de pouvoir agir dès aujourd’hui.

Je songe en particulier à la prise en compte par le CSA des aspects économiques du secteur audiovisuel.

On le sait, les enjeux financiers du paysage audiovisuel français sont aujourd’hui immenses. Les équilibres sont fragiles, et aucune liberté de communication n’est possible sans les moyens permettant de l’exercer.

Des dispositions votées par les députés et d’autres modifications adoptées en commission par le Sénat consacrent une plus large place à la prise en compte des équilibres économiques de l’audiovisuel par et dans les jugements du CSA. C’est une dimension absolument essentielle de la prise de décision dans le contexte actuel.

Ainsi, afin de garantir à la fois le développement des acteurs en place et la viabilité économique des nouveaux entrants, toute décision d’autorisation de nouveaux services susceptibles de modifier le marché audiovisuel fera désormais systématiquement l’objet d’une étude d’impact préalable. Cette innovation majeure permet d’aligner les exigences de transparence et de publicité relatives au processus de décision du CSA sur celles que le Gouvernement s’impose pour l’élaboration des projets de loi.

Le CSA devra analyser l’impact prévisible de ses décisions. Cette prise en compte des réalités économiques du secteur se traduira par l’enrichissement de son rapport annuel, qui rendra compte de l’effet de ses décisions sur le domaine de l’audiovisuel. C’est, là aussi, la marque d’une autorité de régulation responsable et modernisée. De fait, on ne pouvait se contenter d’une autorité de régulation qui ne voyait que d’un seul œil et qui n’était pas à même d’examiner, à travers ses processus de décision, tous les aspects économiques en jeu. De telles décisions concernent pourtant des questions cruciales.

De surcroît, les acteurs de l’audiovisuel auront l’assurance de mieux comprendre les décisions du régulateur et les arguments sur lesquels elles se fondent.

Au-delà, les députés ont, avec le soutien du Gouvernement, apporté des réponses à la question du financement de l’audiovisuel public.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le maintien de la publicité au cours de la journée sur les chaînes de France Télévisions offre aujourd’hui une visibilité de long terme à la firme. Cette décision donne également une visibilité aux autres acteurs de l’audiovisuel. En outre, dans une période d’efforts significatifs de redressement des comptes de l’entreprise, elle permet de ne pas accroître la contrainte budgétaire qu’aurait suscitée la suppression complète de la publicité sur les antennes du groupe public, prévue pour 2016.

Par ailleurs, d’autres dispositions visent à assurer une meilleure gestion du domaine public hertzien dévolu à l’audiovisuel. Je songe, par exemple, à l’abrogation des canaux compensatoires de la télévision numérique terrestre, ou TNT, et aux dispositions permettant de garantir le développement technologique de la TNT gratuite, avec la généralisation de la haute définition. Les parlementaires sont associés aux choix de réaffectation des fréquences audiovisuels, et notamment au fameux débat relatif à la « bande 700 ».

Votre commission de la culture, de l’éducation et de la communication a considérablement amélioré le texte.

Madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, cher David Assouline, je vous remercie du travail accompli depuis plusieurs semaines au titre de ce projet de loi. Je tiens à saluer la grande qualité de votre rapport. Celui-ci expose parfaitement les enjeux auxquels ce projet de loi répond tout en formulant de nombreuses propositions d’amélioration qui recueillent mon assentiment. Les modifications que vous avez apportées permettent, elles aussi, d’enrichir le présent texte et de lever certaines ambiguïtés.

Parmi ces avancées, je tiens à souligner l’importance de l’encadrement de l’agrément que pourra délivrer le CSA pour le passage d’une chaîne de la TNT d’un modèle économique à un autre, notamment du payant au gratuit.

Les députés ont souhaité accroître la responsabilité du CSA en renforçant le rôle de cette instance dans l’organisation du marché de la télévision numérique terrestre.

En effet, le texte issu de l’Assemblée nationale permet au CSA d’autoriser le changement de mode de financement des services de communication audiovisuelle hertziens. La commission de la culture du Sénat a considéré que cet amendement, tendant à modifier une disposition centrale de la procédure d’autorisation des éditeurs de services, appelait une nécessaire prudence. L’encadrement qu’elle a retenu me semble de nature à sécuriser juridiquement les futures décisions du Conseil.

Il était ainsi essentiel de prévoir que le pluralisme et les équilibres économiques du secteur seraient bien pris en compte dans les décisions du CSA.

Concernant la modification des conventions des services de télévision et de radio, la commission de la culture a limité, à juste titre, la nouvelle obligation imposée au CSA de recourir à la réalisation d’une étude d’impact aux cas des services et réseaux nationaux, sur lesquels les enjeux sont cruciaux.

Par ailleurs, je me réjouis des dispositions qui visent à confier au CSA une mission de conciliation des litiges entre les éditeurs de services et les producteurs audiovisuels. Il est essentiel que le Conseil soit une instance de dialogue entre les chaînes, les producteurs et les distributeurs d’œuvres audiovisuelles, en dehors des procédures déjà existantes et sans formalisme aucun.

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti

Cette disposition avait été proposée par M. Jean-Pierre Plancade, que je salue, dans son rapport d’information sur les droits audiovisuels. Je me réjouis qu’elle figure désormais dans ce projet de loi.

M. Jean-Pierre Plancade opine.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti

Enfin, compte tenu du développement et du succès des services à la demande, qui ont été intégrés dans le champ de la réglementation audiovisuelle par la loi du 5 mars 2009, votre commission a souhaité que soit complétée l’extension de la réglementation audiovisuelle aux services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD.

Après quatre ans de régulation de ces services par le CSA, ce marché a atteint une certaine maturité. Il est désormais essentiel que le Conseil dispose de meilleurs moyens de réguler ces services, notamment via la nécessaire déclaration de ces derniers.

De fait, avec la multiplication des SMAD et l’apparition de nouvelles plateformes de diffusion – notamment la télévision connectée –, l’extension du pouvoir de règlement des différends exercé par le CSA aux litiges entre éditeurs et distributeurs de services à la demande, de même que les dispositions visant à soumettre les éditeurs de SMAD et leurs distributeurs à une déclaration préalable auprès du Conseil, permettront à ce dernier de mieux identifier et réguler les SMAD.

J’en suis certaine, ce projet de loi fera encore l’objet d’améliorations au cours de nos débats d’aujourd’hui.

Ce texte constitue une réforme majeure pour l’audiovisuel. Il convenait avant tout de restaurer toutes les garanties d’indépendance de l’audiovisuel public. C’est la première étape d’une profonde réforme du cadre juridique du secteur audiovisuel.

Nous tous mesurons les mutations auxquelles ce secteur est confronté. Afin de préparer cette seconde étape de refondation de la législation, nous avons lancé plusieurs travaux de réflexion. À cet égard, l’étude engagée sur l’évolution du secteur de la communication nous a conduits, notamment, à nous interroger sur le meilleur moyen de réguler des contenus accessibles à partir de supports de diffusion multiples.

Les conclusions de la mission sur l’acte II de l’exception culturelle, que nous avions confiée à Pierre Lescure, l’ont montré : les bouleversements en marche appellent non pas une réponse strictement institutionnelle, mais une véritable réforme de fond. Les propositions formulées dans ce cadre ouvrent des voies de réflexion nouvelles, au sujet desquelles le Gouvernement a évidemment souhaité recueillir les avis des parlementaires et des professionnels de tous les secteurs concernés.

C’est la raison pour laquelle j’ai organisé des Assises de l’audiovisuel au début du mois de juin dernier. À l’issue de ces débats, qui ont permis de constater un besoin de réforme largement partagé et de mieux identifier les mesures envisageables, j’ai souhaité engager une concertation en vue de faire évoluer le cadre juridique de la régulation audiovisuelle et de l’adapter aux mutations profondes de ce secteur, qui sont notamment liées à l’essor des terminaux connectés à Internet.

C’est ainsi que, le 9 septembre dernier, a été lancée une consultation publique sur la modernisation de la réglementation applicable à la communication. Ce travail permettra de préparer la modernisation de la réglementation relative à la communication audiovisuelle et de contribuer à définir la position de la France, dans le cadre des négociations européennes relatives à l’évolution des directives applicables à la communication, qu’il s’agisse de la directive « Services de médias audiovisuels », du paquet « Télécoms » ou de la directive « Commerce électronique ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, si nous avons choisi de commencer par ce texte, c’est parce qu’il constitue le socle, le garant de l’indépendance de l’audiovisuel public. C’est sur cette réforme que pourront se fonder de nouvelles régulations des médias, indispensables à toute grande démocratie.

Ce projet de loi est essentiel. Il est aussi nécessaire que le principe qu’il défend, à savoir l’indépendance. Je le répète, dans une société démocratique, on ne peut se reposer uniquement sur la vertu de celles et ceux qui exercent les responsabilités, en particulier à la tête des grandes entreprises de l’audiovisuel. Il faut, par des dispositions et des procédures élaborées dans cette enceinte du débat public qu’est le Parlement, apporter toutes les garanties permettant d’assurer l’indépendance au sens le plus noble et le plus profond du terme.

Indépendance et démocratie vont de pair. Indépendance et confiance également. Le mode de nomination des futurs membres du CSA, tout à fait inédit quant au partage des responsabilités entre le Parlement et le Gouvernement, repose sur cette vision confiante de l’évolution de nos institutions.

Certes, la majorité et l’opposition peuvent s’affronter sur un grand nombre de sujets, en exprimant leurs différends. Toutefois, elles doivent également savoir se retrouver et s’accorder quant au choix des personnes qui seront chargées, pour une durée excédant celle des mandats parlementaires, d’assurer les conditions de l’indépendance de l’audiovisuel public. Nous en faisons le pari !

Au travers de cette évolution – je dirai même de cette révolution –, le Gouvernement fait un choix de responsabilité. De surcroît, il s’en remet au sens de la responsabilité de chacun des parlementaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas une minute que vous saurez exercer celui-ci avec talent !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le président, madame la ministre, chère Aurélie Filippetti, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, lors de la réforme constitutionnelle de 2008, le Sénat a fait le choix d’inscrire le pluralisme et l’indépendance des médias parmi les libertés fondamentales garanties par la loi.

Je suis fier d’avoir été, avec le groupe socialiste, à l’initiative de cette innovation, qui a emporté l’adhésion de l’ensemble du Sénat, alors même que nous étions dans l’opposition, démontrant ainsi l’attachement de notre assemblée à porter la nécessité de l’indépendance et du pluralisme jusqu’au sein de notre loi fondamentale.

Il s’agit aujourd’hui encore, dans ce projet de loi, de garantir par les textes et les mécanismes de droit que, en dépit des alternances politiques inhérentes à la vie démocratique, l’indépendance de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde soit toujours respectée.

Les médias publics jouent un rôle bien particulier dans notre démocratie : ils portent les valeurs de qualité et d’autonomie. Le travail du journaliste y est protégé, l’esprit d’indépendance, chéri.

Or, ne nous voilons pas la face, le citoyen a pu avoir l’impression, avec la réforme de 2009, que le service public n’était plus porteur de ces ambitions et de ces valeurs. Le débat avait d’ailleurs été très vif, dans cet hémicycle. Il est plus apaisé aujourd’hui.

La loi de 2009 a bien eu des effets néfastes sur l’indépendance des médias, ainsi que le souligne le rapport sur son application, dont j’ai été le co-auteur, avec notre collègue Jacques Legendre.

La suppression de la publicité, tout d’abord, a conduit à faire largement reposer le financement de France Télévisions sur la dotation de l’État. On voulait rendre le service public indépendant des annonceurs, alors qu’il l’était déjà. On l’a rendu dépendant de l’État, alors qu’il ne l’était pas ! C’est tout le paradoxe de la précédente réforme.

La nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public par le Président de la République, ensuite, a considérablement aggravé cet effet boomerang. On a voulu mettre fin à ce que certains appelaient « une hypocrisie » en assumant, dans un geste d’affranchissement généralisé, les pressions sur les médias, comme si elles étaient consubstantielles à l’exercice du pouvoir. Ce n’est pas notre façon de voir les choses.

L’onde de choc s’est propagée à l’ensemble des décisions des présidents de l’audiovisuel public, sur lesquelles le soupçon de la partialité a systématiquement pesé. Chacune d’entre elle a été commentée, analysée, disséquée au prisme des choix politiques qu’elle était censée représenter, et non comme le simple souhait de faire vivre une antenne de façon libre et pluraliste.

Comme nous l’avons souligné à plusieurs reprises, le jugement ne portait pas sur les personnes nommées elles-mêmes : il se nourrissait du soupçon que le mode de nomination faisait peser sur leur action.

Certains pensent que l’indépendance est une exigence quotidienne, une pratique plutôt qu’une règle fixée dans le marbre et que le mode de nomination est donc secondaire. Pour ma part, je tiens pour une erreur d’opposer règle et pratique.

À mes yeux, cela reste un pari. Quelles que soient leurs qualités personnelles, rien n’assure a priori que les présidents de l’audiovisuel sauront, en toutes circonstances, garder un esprit de neutralité et d’impartialité. Il est tout de même difficile, notamment pour un président en place, de ne pas penser au renouvellement de son mandat. Ce responsable peut donc être tenté de plaire, voire de complaire, à l’autorité qui le nomme et a le pouvoir de renouveler son mandat.

Au-delà de l’exercice de l’indépendance, il faut surtout considérer les garanties d’indépendance.

On peut être indépendant dans ses actes tous les jours, mais cela ne sert à rien, surtout en ce qui concerne les médias, sans ce que j’appellerai « l’apparence de l’indépendance ». Cela ne sert à rien si la perception de cette indépendance est brouillée pour nos concitoyens, et si toutes les décisions sont jugées à l’aune de cette suspicion.

Un mode de nomination indépendant est donc, à mon sens, un préalable nécessaire à toute politique de service public. Si les règles ne suffisent certes pas à assurer l’indépendance, il n’y a pas d’indépendance sans règles.

Tel est l’objectif du présent projet de loi : fixer un ensemble de garanties offrant aux présidents de l’audiovisuel public un cadre pour exercer leur fonction sans avoir à répondre au risque du soupçon, pour prendre des décisions en étant protégés de la critique de l’asservissement.

Je veux rendre hommage au Gouvernement, et en particulier à Mme la ministre, tant il est rare qu’un exécutif vienne devant une assemblée se dessaisir d’une de ses prérogatives. Cela ne s’est pas souvent produit et ne se reproduira pas souvent !

Le service public doit rappeler chaque jour au public le principe fixé à l’article XI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : « La libre communication des pensées et des opinions est l’un des droits les plus précieux de l’homme. »

La garantie première de ce principe est, selon nous, l’autorité de nomination, qui doit constituer un filtre entre le pouvoir politique et les médias audiovisuels. Pour que la nomination soit pleinement légitime, cet intermédiaire doit lui-même être neutre. Le choix effectué dans le présent projet de loi est simple : les nouveaux présidents de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde seront dorénavant nommés par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

Il ne s’agit cependant pas de l’ancien CSA, que l’on pouvait soupçonner d’agir en faux nez d’un pouvoir politique, continuant à régler en sous-main la question des nominations. Voilà pour l’hypocrisie à laquelle on prétendait mettre un terme !

Cette nomination est confiée à un nouveau CSA, incontestable, dont la composition aura fait l’objet d’un large consensus politique, puisque six de ses sept membres seront nommés avec l’accord des commissions des affaires culturelles à une majorité des trois cinquièmes. Je le répète, et Mme la ministre l’a souligné elle aussi : à une majorité positive des trois cinquièmes !

Quelle que soit l’analyse que l’on fasse de cette proposition, on reconnaîtra qu’elle est révolutionnaire en droit français et qu’elle constitue une nouveauté qui n’a pas fini d’être commentée, dès lors que nous aurons de nouveau à légiférer. Elle confère plus de droits au Parlement et doit ainsi être appréciée par l’ensemble des parlementaires, qu’ils soient aujourd’hui dans l’opposition ou, demain, dans la majorité.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

M. Bruno Retailleau. Que voulez-vous, cela nous fait vivre…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Quelles que soient les alternances à venir, vous apprécierez le fait que nous accordions plus de pouvoir à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Une majorité politique qualifiée pour des nominations, cela représente une complète innovation. Dans les faits, c’est l’obligation pour les majorités et les minorités politiques du moment, quelles qu'elles soient, de chercher le plus large accord sur le choix des personnes.

Le projet de loi va encore un peu plus loin dans la modernité en prévoyant que les candidatures des présidents de l’audiovisuel public fassent l’objet d’un véritable projet stratégique. Après ce processus démocratique, les commissions parlementaires seront associées, via la transmission d’un rapport d’orientation du nouveau président et une éventuelle audition.

Que le CSA soit le garant de la liberté de communication, une liberté fondamentale, rendait particulièrement utile cette évolution. Le retour dans son giron de la nomination des présidents de l’audiovisuel public l’imposait. L’article 1er du texte est donc bien le pilier de la réforme de l’audiovisuel public et, plus largement, de la construction d’un CSA à l’indépendance et à la compétence incontestables.

D’autres mesures viennent au demeurant renforcer la pertinence de l’édifice.

Premièrement, le CSA devient une autorité indépendante dotée de la personnalité morale, afin de faciliter l’exercice de ses missions.

Deuxièmement, les critères de compétence pour les nominations de ses membres sont renforcés, ainsi que le régime d’incompatibilités, qui est particulièrement complet.

Troisièmement, le régime de sanction est mis en conformité avec le droit conventionnel et constitutionnel. Dans la pratique, un rapporteur indépendant sera désigné pour instruire les dossiers de poursuites et de sanctions, à charge ensuite pour le collège de prendre la décision adéquate. Le respect de ces principes me paraît tout à fait nécessaire dans une démocratie moderne.

Quatrièmement, afin que le CSA ne soit pas seulement un organe de nomination, l’article 6 nonies, tel qu’il a été introduit par l’Assemblée nationale, prévoit en outre que l’autorité puisse émettre un avis sur les rapports relatifs à l’exécution du contrat d’objectifs et de moyens. Cet avis permettra notamment d’éclairer le Parlement, ainsi que le choix fait au moment du renouvellement des présidents de l’audiovisuel public.

Cinquièmement, et enfin, concernant l’élément essentiel de l’indépendance financière, le maintien de la publicité au cours de la journée sur France Télévisions est affirmé.

Parce que ce texte est fondateur d’une nouvelle régulation du secteur, le projet de loi a été étoffé à l’Assemblée nationale dans sa partie consacrée aux pouvoirs du CSA – c’était prévisible –, le choix ayant été fait de renforcer ses compétences de régulation économique.

Les articles 6 ter à 6 octies prévoient notamment que le rapport d’activité du CSA comporte des éléments sur les effets économiques de ses décisions, sur l’état de la concentration dans les médias ou encore la situation de la télévision locale. Parce que de nouveaux pouvoirs imposent de nouvelles responsabilités, le CSA est aussi invité à rendre davantage compte devant nos assemblées parlementaires, ce qui est positif.

Les modifications de convention des chaines de télévision et de radio devront également faire l’objet d’une étude d’impact. En effet, il peut être judicieux de confier des pouvoirs à un régulateur, mais la loi est là pour encadrer son action et le Parlement pour contrôler son activité.

Le CSA réserve des appels à candidature pour des fréquences à haute définition à des chaines déjà présentes en simple définition. La commission de la culture a souhaité préciser cette disposition, afin qu’elle remplisse l’objectif bien précis de favoriser le passage à la haute définition.

Le Conseil devra, de plus, agréer les changements de capitaux conduisant à une modification du contrôle d’une chaine de télévision ou de radio, ce qui permettra de donner une base juridique à une taxe relative à la revente de fréquences. Cette disposition, dont j’étais à l’initiative, a déjà été adoptée par le Sénat, mais je rappelle qu’elle avait été censurée par le Conseil constitutionnel, qui y avait vu un cavalier dans une loi de finances.

Je présenterai de nouveau avec opiniâtreté cet amendement, comme depuis quelques années, lors du débat de la prochaine loi de finances. Il sera alors appuyé sur cette disposition législative, qui constitue une avancée. Son adoption permettrait probablement de faire entrer de l’argent dans les caisses de l’État, ce qui est, en général, apprécié par nos collègues de la commission des finances.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Votre commission est particulièrement attachée à ce que les fréquences assignées par le CSA ne deviennent pas les otages d’intérêts spéculatifs. Rappelons qu’il s’agit bien de fréquences à vocation socio-culturelle. J’ai déjà été amené à dénoncer les pratiques qui existaient précédemment. Celles-ci ne pourront plus avoir lieu sans surmonter la dissuasion d’une taxation.

Enfin, et ce sujet n’est pas passé inaperçu, le CSA pourra faire passer une chaine de la TNT payante à la TNT gratuite sans appel à candidature, comme c’est le cas jusqu’à présent. Cette question fait l’objet d’un débat à la fois juridique, politique et économique.

Les aspects juridiques sont évoqués dans le rapport que j’ai rendu sur le texte. Il apparaît que les risques sont, dans ce domaine, limités, d’autant que la commission de la culture m’a suivi dans la volonté d’encadrer le dispositif afin d’en assurer la sécurité juridique.

Sur le plan politique, il s’agit d’une compétence que le CSA a plusieurs fois revendiquée, estimant la loi trop rigide sur ce point. Ce projet de loi vise à moderniser le Conseil et à lui conférer la souplesse nécessaire pour être utile à un monde de l’audiovisuel qui vit, depuis une dizaine d’années, une révolution encore en cours.

Dans ce contexte, plutôt que de devoir repasser par la loi à chaque évolution, il apparaît efficace de conférer cette souplesse au CSA aujourd’hui, tout en l’encadrant et en assurant sa sécurité juridique. Cela lui garantit la possibilité, dans ce domaine comme dans d’autres, d’agir au regard des évolutions à l’œuvre et à venir.

Enfin, sur le plan économique, il est évident qu’il n’est pas du ressort du Parlement de trancher : la mesure prévue ne vise, je le répète – j’ai entendu les questions des journalistes ! – qu’à confier un pouvoir au CSA, lequel pourra, ou non, en faire usage.

À cet égard, il nous est apparu qu’il était du devoir du Parlement non pas de freiner cette évolution – le CSA doit devenir le régulateur souple d’un monde audiovisuel en pleine mutation –, mais d’encadrer à la fois les modalités de sa décision et les critères de ses choix.

Au vu des amendements déposés, nous reprendrons ultérieurement la discussion sur la nature de l’encadrement proposé par la commission.

J’évoquerai également deux articles relatifs à la gestion des fréquences.

Aujourd’hui, le CSA est coincé entre l’obligation légale d’affecter les fréquences disponibles et la tentation de certains de réaffecter ces fréquences au profit du secteur des télécommunications. Il pourrait ainsi être amené à allouer des fréquences non pas pour répondre à un impératif de pluralisme, ou sans tenir compte de la santé économique des acteurs, mais pour les préempter en faveur de l’audiovisuel.

Par ce présent projet de loi, nous tentons de sortir de cette situation par le haut.

Tout d’abord, l’article 6 quater vise à créer une commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle, composée de parlementaires, qui sera consultée sur tous les projets de réaffectation de fréquences allouées au CSA en lieu et place, notamment, de la Commission du dividende numérique.

Ensuite, aux termes de l’article 6 septies, afin d’éviter de reproduire ce qui s’est passé en 2012, le CSA prendra ses décisions relatives à l’usage des fréquences après avoir procédé à des études d’impact et à une consultation publique, et pourra différer l’utilisation de ces fréquences pour une durée de deux fois deux ans. C’est une sage décision que de laisser au régulateur le choix d’utiliser ou non les fréquences mises à sa disposition !

Enfin, l’article 6 decies tend à supprimer définitivement les canaux dits « bonus », attribués rapidement en 2007, qui sont contraires au droit communautaire.

Votre commission est pleinement favorable à l’esprit du texte, qui est sous-tendu par deux excellents principes : d’une part, la garantie de l’indépendance de l’audiovisuel public, qui doit pouvoir tenir un cap culturel sans être contesté dans sa légitimité, et, d’autre part, l’autonomie de l’organe de régulation, qui doit disposer de nouvelles compétences, tout en rendant mieux compte de ses décisions devant le Parlement.

Les amendements qui ont été adoptés par la commission pour enrichir le texte, comme le Sénat sait le faire, ont été guidés par ces deux principes et s’inscrivent dans la tradition sénatoriale de la recherche de l’équilibre et de la préservation des libertés publiques.

Concernant le premier point, la commission a prévu que les études d’impact obligatoires du CSA lors des modifications de conventions soient réservées aux seules télévisions et radios nationales. Si cette procédure devait s’appliquer à toutes les télévisions et radios locales, cela créerait un engorgement absolu. Au lieu de promouvoir l’efficacité, on paralyserait le système.

Elle souhaite également favoriser le passage à la HD, la haute définition, en respectant les catégories de service existantes.

Elle a également prévu que le CSA puisse assurer une mission de conciliation entre les chaînes de télévision et les producteurs. La question de la circulation des œuvres prête souvent à controverse, alors qu’elle est de l’intérêt de chacun. Le CSA pourrait jouer là un rôle tout à fait intéressant.

Concernant le second point, la commission a décidé que la nomination du président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, serait encadrée par l’article 13 de la Constitution. Aujourd'hui, le président est choisi par le conseil d’administration de l’INA entre les membres désignés par l’État et il est ensuite nommé formellement par décret en conseil des ministres.

Le texte présenté par la commission renforce les pouvoirs du Parlement, puisque les commissions des affaires culturelles donneront leur avis sur cette nomination et pourront mettre leur veto à une majorité des trois cinquièmes.

La commission a également souhaité améliorer l’information des parlementaires, ceux-ci se retrouvant souvent dépourvus d’éléments pertinents, notamment lors du débat budgétaire.

Le dernier avis du CSA sur le COM, le contrat d’objectifs et de moyens, de France Télévisions a montré son intérêt. Il a permis de soulever certaines questions et d’engager un débat. En effet, le financement de l’audiovisuel public est un sujet d’intérêt général, qui mérite que nous puissions être pleinement informés. La commission a donc prévu que l’avis sur les COM soit systématique.

La présidente de la commission et moi-même avons présenté en commission un amendement visant à réaménager les délais, afin que les commissions parlementaires ne soient pas dépossédées de la possibilité qu’elles ont de rendre un avis sur le COM. Pour avoir connu une telle situation à deux reprises – deux fois de trop ! –, nous préférons inscrire une telle disposition dans la loi.

Enfin, nous avons introduit des dispositions visant à améliorer la transition entre les présidents de l’audiovisuel public, à renforcer la transparence des sociétés avec lesquelles les entreprises publiques signent des contrats et à favoriser la parité au sein des conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public.

Avec l’ensemble de ces dispositions, le projet de loi pouvait paraître complet concernant tant la question de l’indépendance de l’audiovisuel public que celle des nouveaux pouvoirs de régulation du CSA.

Cependant, mes chers collègues, je vous avoue avoir été frappé par l’étrange silence entourant la convergence numérique et les effets de celle-ci sur les compétences du CSA. On a beaucoup parlé de régulation économique, mais la révolution technologique, qui constitue, pourtant, un enjeu majeur, semble avoir disparu du champ de la réflexion, en tout cas à l'Assemblée nationale.

Sur ma proposition, la commission a donc avancé sur plusieurs points.

La loi du 5 mars 2009 a introduit dans notre droit interne la notion de services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD, et a confié au CSA des pouvoirs de régulation, avec, par exemple, des compétences en matière de sanction ou encore de saisine s’agissant de la concurrence.

La commission a souhaité compléter les dispositions actuelles – cela n’a pas été fait en 2009 ! –, en confiant au CSA un pouvoir de règlement des différends sur les SMAD et en prévoyant une obligation de déclaration des éditeurs et des distributeurs de SMAD, afin que ce conseil puisse exercer ses compétences.

Je veux être clair sur ce sujet, car j’entends déjà les polémiques : les SMAD sont présents sur le câble et le satellite, mais aussi sur internet. Le CSA disposera donc de compétences renforcées en matière de régulation sur des contenus potentiellement présents sur internet.

Je le répète, cette compétence concernera uniquement des SMAD, dont la définition est très restrictive, qui sont des programmes strictement similaires à ceux qui existent à la télévision. Il ne s’agit donc pas un instant de donner, comme j’ai pu le lire, un quelconque pouvoir au CSA sur Dailymotion ou d’autres sites contenant des vidéos.

Je l’ai déjà souligné, le CSA ne saurait être le régulateur de l’internet, au risque d’être Big Brother.

Prenons l’exemple de la protection des jeunes publics. Il est normal que le CSA ait un pouvoir sur les SMAD dans la mesure où ces programmes sont similaires à ceux qui sont diffusés sur les chaînes de télévision. En revanche, pour ce qui concerne les autres contenus, ce sont les règles de droit commun régissant internet qui doivent s’appliquer, avec le recours à un juge.

Enfin – pardonnez-moi d’avoir été un peu long –, …

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

… une réflexion doit avoir lieu sur la question de la place et de la protection des contenus culturels, notamment ceux qui sont soumis à droit d’auteur.

En commission, j’ai indiqué être favorable à un transfert rapide des compétences de l’Hadopi vers le CSA. Mais j’ai constaté que l’Assemblée nationale n’en avait pas débattu, ce que je déplore étant donné l’importance de cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Quoi qu’il en soit, sur la forme, cela ne rend pas service à la cause que je veux défendre.

Pour notre part, nous avons engagé ce débat, et j’ai pris acte de l’engagement de Mme la ministre, que je remercie, d’avancer très rapidement sur ce sujet en proposant un texte de portée large sur la création, qui permettra d’engager une discussion plus globale. Il s’agira alors d’apprécier la question de la protection artistique dans son ensemble à l’heure du numérique. C’est pourquoi je n’ai proposé aucune mesure spécifique sur ce sujet.

Pour conclure, je tiens à remercier Mme la présidente de la commission et les collaborateurs de la commission de la culture, qui ont dû travailler en un temps très restreint – la commission s’est réunie au début du mois de septembre –, ainsi que l’ensemble des sénateurs qui, très nombreux, ont assisté aux auditions publiques, alors même que le Sénat ne siégeait pas encore. Par leur contribution, ils ont nourri notre réflexion et participé, d’une certaine manière, à nos arbitrages.

Que se poursuivent maintenant les discussions qui ont eu lieu en commission et qui ont enrichi, grâce aux amendements déposés par tous nos collègues, quelle que soit leur appartenance politique, le texte qui vous est proposé !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Madame la ministre, il y a un an, vous vous trouviez devant nous au banc du Gouvernement pour dresser le bilan de l’application de la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Lorsque j’ai pris connaissance du projet de loi que vous nous avez soumis, je me suis demandé, je vous l’avoue, s’il s’agissait d’un projet de loi normal.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Puis, après l’avoir lu avec beaucoup d’intérêt et d’attention, je me suis posé cette question : est-il révolutionnaire ? L’enfant de mai 68 que je suis ne saurait vous dire si ce texte est véritablement révolutionnaire, mais il peut vous assurer très sereinement et en toute sincérité qu’il s’agit d’un texte d’apaisement et de maturité politique.

En 2009, j’avais été agressé par les propositions qui avaient été formulées. J’avais même eu une discussion avec les membres du groupe socialiste, parce que j’avais relevé que ce texte avait le mérite de la clarté – le président du CSA était nommé par le Président de la République –, mais cela ne voulait naturellement pas dire – je profite de l’occasion qui m’est ici donnée pour le souligner ! – que je l’approuvais sur le fond.

Vous aviez alors, madame la ministre, tenu des propos importants et intéressants, repris par M. le rapporteur, qui étaient empreints d’un sentiment partagé par tous ici, sur toutes les travées – il y avait ceux qui pouvaient le dire, ceux qui ne le pouvaient pas et ceux qui le disaient à mi-voix…

Avec ce projet de loi, les choses vont rentrer dans l’ordre de ce que je considère être une nouvelle forme de démocratie, beaucoup plus apaisée. C’est en tout cas ce que j’espère.

Aujourd'hui, vous réformez le CSA, en le modernisant : le nombre de ses membres sera réduit de neuf à sept, et six d’entre eux seront nommés selon une règle innovante et profondément démocratique, à savoir la validation par un vote positif des commissions des affaires culturelles de chaque assemblée à une majorité des trois cinquièmes.

C’est une avancée incontestable, que nous réclamions et qui implique un large consensus entre majorité et opposition autour des personnes choisies. Mes chers collègues, nous ne pouvons tous qu’être favorables à une telle proposition, qui renforce l’implication du Parlement. D’ailleurs, il faudrait certainement étendre cette décision à d’autres nominations.

En outre, l’attribution au CSA du statut d’autorité publique indépendante, qui lui conférera une plus grande autonomie et une plus grande souplesse en termes de gestion, avec, pour corollaire, un contrôle renforcé du Parlement, mérite d’être saluée.

Il en va de même pour la réforme de la procédure de sanction applicable devant le CSA, qui va aussi dans le sens d’une plus grande indépendance et d’une plus grande transparence.

Je me félicite également de la possibilité accordée au CSA, au travers d’un amendement adopté par l’Assemblée nationale, de permettre le passage d’une chaîne de la TNT payante à une chaîne gratuite, c’est-à-dire « en clair », et inversement. Notre rapporteur a confirmé la place d’une telle mesure dans ce projet de loi et a apporté quelques précisions, qui étaient souhaitables d’ailleurs. Je proposerai moi-même de clarifier la situation par le biais d’un amendement.

Je rappelle que cette mesure, qui correspond à une demande du CSA, contribue à adapter les missions de ce dernier aux réalités du paysage audiovisuel.

Nous ne pouvons que souscrire aux différentes avancées que je viens d’énoncer. Toutefois, si les garanties d’indépendance de l’audiovisuel public sont incontestablement renforcées par les dispositions contenues dans ces deux textes, se pose une autre question fondamentale, intimement liée à celle de l’indépendance, qui est, elle, aujourd'hui éludée ; je veux parler du financement.

Je sais, madame la ministre, que vous aborderez cette question ultérieurement. Cependant, je ne puis pas ne pas l’évoquer.

Considérant les déclarations que vous aviez faites voilà un an et avec lesquelles je n’avais pas le moindre désaccord, je regrette véritablement que nous n’en débattions pas. Vous indiquiez alors : « Il faut assurer des ressources pérennes et durables au service public de l’audiovisuel. Ce dernier doit être financé par une ressource stable et non soumise aux aléas budgétaires, une ressource moderne et adaptée à l’évolution des pratiques, une ressource juste et équitable. »

Le compte rendu intégral des débats rapporte que, en entendant ces mots, un certain sénateur Jean-Pierre Plancade s’est exclamé : « Chiche ! ». Madame la ministre, je vous fais la même réponse cet après-midi !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Je n’ai pas changé d’avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Force est de constater que nous sommes encore loin de cette situation optimale ; aussi, madame la ministre, je vous invite à mettre en pratique vos préconisations le plus rapidement possible.

De fait, sans ressources stables et majoritairement indépendantes des dotations budgétaires, lesquelles sont soumises aux aléas politiques et économiques, l’audiovisuel public ne pourra jamais être véritablement indépendant !

Faut-il rappeler dans quelle situation dramatique France Télévisions se trouve actuellement, avec l’effondrement des recettes publicitaires et la baisse des dotations ? Sans compter que le projet de loi de finances pour 2014 prévoit une nouvelle diminution, de 1 %, du budget alloué à l’audiovisuel public…

En vérité, le problème du financement est le grand absent de cette réforme.

Sans doute, l’abandon du projet de suppression de la publicité sur France Télévisions au cours de la journée est bienvenu ; mais, s’il évite une aggravation de la situation, il ne résout rien.

Sans doute également faut-il se réjouir que la Cour de justice de l’Union européenne ait entériné, en juin dernier, la taxe sur les opérateurs de télécommunications, dite « taxe Copé », instaurée en 2009 pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures. En effet, une condamnation de la France dans cette affaire nous aurait coûté très cher.

Pour légitime qu’il soit, le soulagement né de cette décision doit-il mener à l’abandon des réflexions sur un possible élargissement de la redevance audiovisuelle à d’autres supports, envisagé l’été dernier par le groupe de travail sur le financement de l’audiovisuel public que vous avez institué, madame la ministre, et dont notre éminent collègue David Assouline faisait partie ?

Pour ma part, je ne le crois pas. L’audiovisuel public a toujours, et peut-être plus que jamais, besoin d’un financement stable et pérenne. C’est le pilier qui manque actuellement à son indépendance. Pour assurer cette indépendance, la redevance pourrait et devrait jouer un rôle fondamental, comme c’est le cas au Royaume-Uni et en Allemagne.

C’est pourquoi nous ne pourrons pas échapper très longtemps à la question de l’élargissement de l’assiette de cette contribution, même si je suis tout à fait conscient que le contexte actuel de très forte pression fiscale n’est pas propice à une telle extension.

Avec le même souci de renforcer l’indépendance de l’audiovisuel public, mes collègues du groupe RDSE et moi-même avons déposé une série d’amendements visant à redonner des marges de manœuvre aux chaînes de télévision, en particulier publiques, en leur permettant de disposer de parts de coproduction sur les œuvres qu’elles financent.

Cette mesure me paraît inspirée par le bon sens ; du reste, elle a été recommandée par le groupe de travail du Sénat sur les relations entre les éditeurs et les producteurs dans le domaine des droits sur les programmes audiovisuels, dont j’ai rédigé le rapport, publié en mai dernier. J’aborderai cette question de manière plus approfondie lors de la discussion des articles.

Pour terminer, je regrette que le projet de loi ne traite pas davantage de l’adaptation de la régulation assurée par le CSA aux enjeux du numérique.

Madame la ministre, vous avez mené, avec vos collègues Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, une réflexion sur l’éventualité de rapprocher l’ARCEP et le CSA. Cette idée semble actuellement abandonnée ; à titre personnel, je dois dire que je le regrette un peu. Sur quelles autres pistes le Gouvernement travaille-t-il désormais pour répondre à cet enjeu fondamental ? J’apprécierais beaucoup, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions à cet égard.

Par ailleurs, je crois savoir que notre rapporteur, David Assouline, avait quelques idées intéressantes au sujet de la possible utilisation par le CSA de l’expertise et de la connaissance de l’Internet dont dispose actuellement la Hadopi. Malheureusement, comme il l’a lui-même souligné, la procédure accélérée ne permet pas un véritable dialogue entre députés et sénateurs ; j’ai cru comprendre qu’il le regrettait, et je le déplore moi aussi. De fait, ce dialogue aurait été bénéfique en permettant l’enrichissement du projet de loi sur des questions aussi importantes.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir enrichi autant que possible le projet de loi au cours de son examen en commission, notamment en ce qui concerne les services de médias à la demande.

Je le remercie également d’avoir repris à son compte l’une des propositions de mon rapport, visant à favoriser la circulation des œuvres : en effet, comme Mme la ministre l’a souligné, l’article 2 ter du projet de loi dans le texte de la commission attribue au CSA une mission de conciliation entre les chaînes et les producteurs d’œuvres audiovisuelles en cas de litige.

En définitive, même si je regrette qu’il n’aille pas assez loin, je pense que ce projet de loi est bon, à condition qu’il soit la première pierre d’une réforme beaucoup plus importante !

Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’il avait d’abord été envisagé d’inclure ces deux projets de loi dans une réforme beaucoup plus large de l’ensemble du secteur audiovisuel français, nous considérons qu’ils sont loin d’être de petits projets de loi.

Du reste, le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public, qui précise et renforce les attributions du Conseil supérieur de l’audiovisuel, a été fortement enrichi lors de son examen par l’Assemblée nationale, puis au cours des travaux menés au Sénat, en commission, depuis le mois de septembre dernier.

Lors des auditions nombreuses et très riches conduites par notre collègue David Assouline, certains sénateurs de l’opposition ont mis en doute l’apport du projet de loi en matière d’indépendance de l’audiovisuel public. Nous ne partageons pas leur point de vue !

Pour bien saisir les enjeux de la réforme, mais aussi les progrès que marque ce projet de loi ainsi que les améliorations que nous pourrions encore lui apporter, je crois qu’il n’est pas inutile de rappeler brièvement la longue et tortueuse marche de l’audiovisuel français vers plus d’indépendance.

Mes chers collègues, vous me pardonnerez ce petit détour historique, que je crois indispensable pour mesurer combien notre pays, l’une des plus anciennes et des plus grandes démocraties au monde, a été et demeure à la traîne d’autres nations en matière de régulation et d’indépendance de son secteur audiovisuel.

Notre débat sur l’indépendance de ce secteur trouve ses origines dans l’immédiat après-guerre. Inquiet de l’intense utilisation propagandiste qui avait été faite des médias, en particulier de la radio, par les régimes fasciste et nazi avant 1939 et durant l’Occupation, conscient aussi des dérives liées à la coexistence non régulée, dans l’Entre-deux-guerres, d’un puissant secteur radiophonique privé et d’un secteur public mal organisé et doté de faibles moyens, le Gouvernement provisoire issu de la Libération décida d’établir sur la radio, et indirectement aussi sur la télévision, un monopole d’État absolu dont l’instauration, du reste, était dans les cartons de l’État depuis la fin des années 1930.

C’est ainsi qu’une ordonnance du 23 mars 1945 a institué la Radiodiffusion française, la RDF : cet établissement public, ancêtre de l’Office de radiodiffusion-télévision française, l’ORTF, avait pour mission d’assurer le monopole complet de l’État sur l’ensemble des moyens de diffusion hertzienne connus à cette époque.

Dès la naissance de cet organisme, un important débat s’est fait jour au sujet de sa nature, de ses attributions et du degré d’indépendance dont il devait bénéficier.

Devait-il être une institution nationale dotée d’une certaine autonomie, sur laquelle le Gouvernement n’exercerait qu’une tutelle lointaine, un peu à l’exemple de la BBC ? Telle était la conception défendue par Jean Guignebert, journaliste très renommé avant-guerre, grand résistant et premier président du conseil supérieur de la RDF.

Devait-il, au contraire, être un pur instrument du monopole d’État, sous le contrôle direct du pouvoir exécutif ? C’est malheureusement cette seconde conception qui prévalut, lorsqu’un décret du 20 septembre 1945 plaça l’information radiophonique sous la tutelle politique et quotidienne du ministère de l’information. La télévision d’État fit l’objet du même traitement dès ses premiers balbutiements, au tout début des années 1950.

Sans doute la création de l’ORTF, en 1964, conféra-t-elle une autonomie un peu plus grande à la télévision française ; mais celle-ci demeura dans le cadre étroit du monopole étatique, tandis qu’en Grande-Bretagne, le monopole de la BBC avait été aboli dès 1955.

Il fallut attendre 1969 pour que Jacques Chaban-Delmas, Premier ministre, supprime enfin le ministère de l’information, lequel fut rétabli dès 1973, peu après le renvoi d’Arthur Conte. Il faut dire que celui-ci, en tant que président de l’ORTF, avait dénoncé les pressions exercées par le Gouvernement au sujet de la nomination des directeurs de stations et d’antennes, en particulier de celle du directeur de France Culture.

C’est en 1981 seulement que le monopole d’État sur la radio fut aboli. S’agissant de la télévision, c’est en novembre 1984 que naquit Canal+, la première chaîne privée payante, autorisée dans des conditions dérogatoires si particulières que certains ne manquèrent pas de dénoncer le fait du prince.

Entre-temps, la gauche au pouvoir avait créé, en 1982, la Haute Autorité de la communication audiovisuelle ; premier organisme de régulation du secteur audiovisuel français, cette institution était composée de neuf membres : trois nommés par le Président de la République, trois par le président du Sénat et trois par le président de l’Assemblée nationale.

Elle fut remplacée, en 1986, par la Commission nationale de la communication et des libertés, dont les membres, au nombre de treize, étaient nommés selon une procédure différente. En 1989, cette instance devint finalement le CSA, le mode de désignation prévu en 1982 étant rétabli.

Mes chers collègues, vous le constatez : c’est à un rythme très lent, et non sans des régressions, que nous sommes arrivés au point où nous nous trouvons aujourd’hui.

La loi organique du 5 mars 2009 a d’ailleurs marqué un nouveau recul dans l’indépendance du CSA, puisqu’elle a placé la nomination des présidents des groupes de l’audiovisuel public sous la seule responsabilité du Président de la République.

Madame la ministre, je vous félicite d’avoir compris l’importance de ce dossier et je vous remercie d’avoir fait preuve d’un grand sens de l’écoute, qui a permis au texte initial du Gouvernement d’être enrichi au fur et à mesure de l’avancement du débat parlementaire.

L’esprit général de la réforme est simple : il s’agit avant tout de donner un nouveau statut au Conseil supérieur de l’audiovisuel, pour renforcer ses pouvoirs et son autonomie. Il s’agit aussi de changer les modes de nomination de ses membres.

Ainsi, avec ce texte, nous avons l’occasion d’entailler enfin le cordon ombilical qui relie encore l’exécutif à l’audiovisuel public. Nous, écologistes, pensons qu’il faut s’en réjouir, car c’est un signal quasi inédit depuis 1958, et qu’il faut encourager, vers une sorte de « des-hyperprésidentialisation » du régime.

Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

De fait, le Président de la République va céder une partie de ses pouvoirs à une autorité indépendante, en même temps que le Parlement verra ses prérogatives renforcées pour la nomination de six des sept membres du nouveau CSA.

Parmi les autres progrès prévus par le projet de loi dans le texte de la commission, deux nous tiennent particulièrement à cœur.

En premier lieu, nous nous félicitons que, après quelques hésitations, le projet de loi ne comporte plus aucune disposition visant à transférer au CSA certains pouvoirs d’Hadopi.

Tout d’abord, l’introduction de tels transferts aurait été indélicate par rapport à nos collègues de l’Assemblée nationale, qui n’auraient pas pu en débattre de manière satisfaisante, le projet de loi étant examiné en procédure accélérée.

Surtout, c’est le sens même d’une telle initiative qui pose problème aux écologistes : nous sommes tout simplement opposés à un tel transfert, pour des raisons de principe.

Je n’insiste pas davantage sur cette question, certain que nous aurons prochainement l’occasion d’en débattre de nouveau.

En second lieu, nous saluons le renforcement des garanties en matière de continuité des services publics et de bonne gestion des deniers de l’État. En effet, l’indépendance n’est pas qu’une affaire de grandes déclarations : elle doit aussi et surtout s’inscrire dans les pratiques ; par ailleurs, elle entraîne une responsabilité pour ceux qui en bénéficient.

C’est dans cet esprit que nous avons déposé une série d’amendements, dont certains ont été adoptés par la commission.

Je pense, notamment, à l’obligation de transparence des comptes imposée aux producteurs privés les plus importants, dès lors que ceux-ci souhaitent travailler avec les groupes de l’audiovisuel public.

Je pense aussi à la mise en place d’une procédure de « tuilage » pour faciliter le passage de témoin lors de l’arrivée d’un nouveau président de groupe, et permettre ainsi une plus grande continuité d’action.

Une telle procédure existe à l’étranger – à la BBC, le tuilage entre deux directions dure six mois –, mais aussi en France, dans de grandes institutions culturelles, comme le festival d’Avignon. Elle est justifiée dans la mesure où les programmations engagent parfois plusieurs années. De fait, au moment de leur entrée en fonction, les présidents successifs de France Télévisions ont tous regretté d’avoir les mains liées, pendant au moins la première année de leur mandat, par les décisions de leur prédécesseur.

En outre, l’instauration de ce tuilage sécurisera les équipes en cas de reconduite du président sortant ; lorsque le président ne sera pas confirmé, elle évitera les atmosphères de fin de règne, lesquelles ont conduit par le passé à certaines dérives qui n’ont pas contribué à améliorer l’image de notre service public de l’audiovisuel.

Les amendements que nous défendrons devant le Sénat visent à s’inscrire dans la même logique de responsabilité, de transparence, de bonne gestion et de renforcement de la qualité du service public.

En particulier, nous proposerons que les conseils d’administration des groupes de l’audiovisuel public comprennent des représentants des usagers, par le biais des associations agréées de consommateurs, lesquelles sont déjà des interlocuteurs réguliers du CSA ; dans notre idée, ces représentants seraient nommés sur le quota du Conseil.

Il nous paraît en effet invraisemblable aujourd'hui que la gouvernance de tels services publics continue d’exclure, de fait, tout représentant du public. Rappelons que, dans d’autres pays, comme les Pays-Bas ou le Canada, des représentants du public participent aux conseils d’administration de nombreuses chaînes.

Pour le groupe écologiste du Sénat, la présence de représentants des téléspectateurs et des citoyens est une dimension essentielle de la modernisation de l’ensemble de nos institutions publiques au service du public.

Nous proposons également que, en amont de la nomination des présidents des groupes, l’État définisse des objectifs plus précis que ceux, très vagues, qui sont assignés à l’heure actuelle, notamment par l’article 20 du cahier des charges des missions de service public ou au travers du contrat d’objectifs et de moyens de chaque groupe concerné. On ne peut que s’étonner que de telles orientations n’aient jamais été imposées jusque-là, afin de mieux cadrer en amont les projets proposés par les candidats à la présidence de ces groupes, au moment de leur audition.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je terminerai par un dernier aspect, sans doute l’un des plus importants : la diversité et la qualité de l’offre proposée par le service public de l’audiovisuel. En effet, nous croyons fermement que le pluralisme et les qualités de ce dernier doivent être protégés et renforcés, en prenant évidemment en compte les grands équilibres du marché audiovisuel actuel et en anticipant aussi les grandes évolutions de demain.

La démultiplication de l’offre de chaînes qui s’est opérée au cours des dix dernières années repose essentiellement sur un net développement du secteur privé, dans un contexte de concurrence extrêmement vive. À ce titre, il nous paraît aujourd’hui assez aberrant, voire surréaliste, qu’une chaîne publique d’information internationale de la qualité de France 24, financée par des deniers publics, ne soit pas accessible à l’ensemble des téléspectateurs résidant en France. Nous avons donc déposé un amendement dont l’objet est de permettre à cette chaîne d’obtenir une fenêtre télévisuelle autorisant nos concitoyens à profiter de la richesse de ses programmes.

Pour conclure, le groupe écologiste considère que ce projet de loi et certains des amendements déposés nous offrent l’occasion de franchir enfin une étape importante en matière de modernisation de notre audiovisuel public et d’envoyer un message fort témoignant de la fin de ce que nous avons appelé, au début de notre intervention, « la longue et tortueuse marche vers l’indépendance » de notre système radiophonique et télévisuel. §

M. Thierry Foucaud remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

M. Jean-Pierre Leleux . Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, elle est effectivement « longue et tortueuse », la marche vers l’indépendance !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

L’objet de ce texte, comme son titre l’indique, est d’assurer l’indépendance de l’audiovisuel public. C’est une belle ambition, partagée, me semble-t-il, sur l’ensemble des travées de notre assemblée.

Sont visées les modalités de désignation des présidents de l’audiovisuel public, d’une part, et la composition de l’organisme régulateur du secteur, le CSA, d’autre part.

Il y a beaucoup à dire sur la notion d’indépendance. L’audiovisuel public a-t-il jamais été indépendant ? Dans quelle mesure peut-il l’être réellement ? Les présidents des sociétés de l’audiovisuel public ont sans aucun doute conscience de l’exigence de neutralité liée à leur fonction et s’attachent à prendre des décisions en toute indépendance. Cependant, ils ont eux-mêmes, comme tout citoyen, des convictions politiques et, lorsqu’ils sont dans l’isoloir, ils font nécessairement un choix.

La notion d’indépendance est donc sujette à débat. Certes, il faut tendre vers une absence de contrôle politique des nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Mais une telle exigence confine parfois à l’utopie et relève davantage d’une philosophie. Surtout, pour les personnes qui exercent les fonctions qui nous occupent aujourd’hui, il s’agit d’un devoir et d’une responsabilité, dont la consistance repose sur des vertus telles que l’honnêteté intellectuelle, la conscience intime et le respect de valeurs morales.

Madame la ministre, vous avez qualifié la loi de 2009 de « loi funeste ». Elle avait pourtant le mérite de la transparence et s’appuyait sur une disposition de la Constitution, l’article 13 de cette dernière, lequel énonce que certains « emplois et fonctions […], en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation » donnent lieu à une nomination du Président de la République après avis des commissions parlementaires.

Autrement dit, sur le plan constitutionnel, la spécificité de certains secteurs légitime une désignation par le Président de la République. En l’espèce, à la suite d’un recours de l’opposition d’alors, le Conseil constitutionnel avait estimé que tel était bien le cas pour la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Le dispositif avait donc été validé.

Je tiens d’ailleurs à souligner, car on a tendance à l’oublier, que le CSA devait donner un avis conforme dans le cadre de cette nomination et que le Parlement pouvait s’y opposer par un vote négatif représentant au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions compétentes. Ce dispositif était donc encadré et avait le mérite de la transparence.

Cependant, il faut reconnaître qu’un tel mode de nomination a pu susciter quelques difficultés pour les présidents ainsi désignés. Certains, lors de nos auditions, ont témoigné d’une forme de gêne et d’une suspicion provoquée non pas tant par la procédure elle-même que par le débat frontal et politique qui s’était ensuivi. En tout cas, ils ont ressenti qu’un doute pouvait être exprimé à leur endroit quant à leurs choix stratégiques.

On ne peut donc être opposé à une modification de la loi, de manière à rechercher de meilleures conditions d’indépendance et de transparence.

J’avoue toutefois mon incompréhension à la lecture de ce projet de loi. La nouvelle majorité nous avait annoncé un texte audacieux. Celui-ci ne fait pourtant que revenir à une nomination par le CSA. Outre que le président du Conseil sera lui-même nommé par le Président de la République, le CSA n’est-il pas juge et partie s’il assume à la fois une fonction de régulateur du secteur et un pouvoir de désignation des présidents de l’audiovisuel public ?

De plus, le contrôle parlementaire disparaît purement et simplement, ce qui constitue à mes yeux un vrai recul. Ainsi le Gouvernement est-il prompt à dénoncer le système précédent, mais guère convaincant dès lors qu’il s’agit de proposer un autre projet.

La seule avancée concerne une autre désignation, celle des membres du CSA, qui devra être validé par un vote des commissions parlementaires compétentes représentant les trois cinquièmes des suffrages exprimés, ce qui implique un accord de l’opposition. C’est un beau geste, il faut le saluer. Encore convient-il de relativiser ce progrès

M. David Assouline s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Vous avez évoqué tout à l’heure un tel cas de figure, madame la ministre. Or, sur ce point, rien n’a été prévu. Ne prend-on pas ainsi le risque de politiser davantage, contrairement à l’objectif visé, ce type de nomination ?

On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne va pas au bout de sa démarche : pourquoi ne transpose-t-il pas aux nominations des présidents de l’audiovisuel public le dispositif prévu pour les nominations des membres du CSA, à savoir un vote conforme du Parlement aux trois cinquièmes des suffrages exprimés par les commissions compétentes ?

Nous avons déposé un amendement en ce sens. On nous opposera son inconstitutionnalité. Ainsi, l’impossibilité constitutionnelle, pour le Parlement, de prendre position en la matière justifie quelque peu l’ancien système, qui, lui, permettait une telle intervention. À mon sens, il s’agit donc d’un recul quant au rôle joué par le Parlement !

Par ailleurs, vous le comprendrez, nous avons toute légitimité de nous interroger sur la volonté sincère du Gouvernement en matière d’indépendance, après la nomination récente, au CSA et au CNC, de personnalités dont la compétence professionnelle ou la valeur intellectuelle ne font aucun doute, mais dont le parcours politique, si fondé soit-il, n’est pas symbolique de l’indépendance pure et parfaite que vous entendez nous imposer, madame la ministre... Et je passe sous silence les destitutions récentes, au grand dam de la profession, de grands professionnels du théâtre !

Je m’adresse simplement au Gouvernement : quand on veut faire progresser l’indépendance, donner des gages de celle-ci et des leçons de vertu, il faut aussi confirmer son engagement par des actes.

J’en viens maintenant aux autres dispositions du projet de loi. Vous avez souhaité, madame la ministre, à l’occasion de ce texte, étendre les pouvoirs du CSA. Ce fut malheureusement le prétexte, à l’Assemblée nationale mais aussi au Sénat, d’ajouter de nombreuses autres dispositions, sur telle ou telle question liée à la révolution numérique. Ont ainsi été posés des « cataplasmes » concernant des sujets qui n’avaient pas vocation à être traités par le présent projet de loi. Nous les attendions au sein d’une réforme plus vaste, plus réfléchie, plus approfondie, et sûrement pas dans un texte pour lequel la procédure accélérée a été engagée.

Je citerai, par exemple, le passage de chaînes de la TNT payante à la TNT gratuite, qui a été adopté par l’Assemblée nationale et qui a fait grand bruit. Il s’agit de donner au CSA un pouvoir décisionnel particulièrement important et dont les conséquences économiques ne sont pas neutres. En effet, le Conseil pourra permettre à des chaînes payantes d’intégrer le marché des chaînes gratuites sans passer par un appel d’offres, ce qui est impossible aujourd’hui, et sera seul juge de l’opportunité de cette transformation.

On comprend fort bien que l’accès à un autre marché publicitaire peut aider une chaîne payante qui serait en difficulté. Mais encore faut-il que le marché économique des chaînes gratuites soit à même de l’accueillir sans danger. Or ce sujet, introduit en séance, à l’Assemblée nationale, n’a bien sûr fait l’objet d’aucune étude d’impact. Un encadrement était donc nécessaire, auquel notre rapporteur a tenté de procéder.

Selon moi, le dispositif est perfectible, et je présenterai donc tout à l’heure, au nom du groupe UMP, des amendements tendant, d’une part, à éviter l’arrivée soudaine d’un concurrent – à mon sens, les chaînes payantes doivent aller jusqu’au terme de leur engagement –, et, d’autre part, à recueillir l’avis de l’Autorité de la concurrence, qui me semble incontournable.

D’autres mesures concernant les SMAD, les services de médias audiovisuels à la demande, ont été introduites dans le projet de loi, cette fois par notre rapporteur, au nom de la prise en compte des évolutions technologiques du secteur. Il s’agit de créer une obligation de déclaration et de permettre au CSA de régler les litiges. Je présenterai des amendements visant à supprimer ces dispositions, en rappelant que les distributeurs nationaux subissent la concurrence des grands distributeurs internationaux, qui s’affranchissent des règles nationales.

Je citerai encore, pour illustrer la précipitation ayant présidé aux débats, l’article 6 sexies, qui concerne le passage de chaînes du mode standard à la HD et dont l’ambiguïté a suscité une réécriture par notre commission.

De même, pourquoi un article 6 sexies A vient-il traiter du sujet des radios numériques ? N’est-il pas prématuré de statuer sur une échéance qui ne s’est pas encore présentée ? Pis encore, vous avez très « cavalièrement » envisagé, monsieur le rapporteur, lors des auditions, un passage en force sur le sujet sensible de l’Hadopi, vous posant la question « pragmatique » de « profiter de cette loi ». En ne donnant pas suite à une telle interrogation, vous avez, me semble-t-il, bien fait.

Néanmoins, vous avez auditionné la présidente de la Hadopi et ouvert un débat qui n’était pas lié au projet de loi, celui de la défense des droits d’auteur. Sans la difficulté à rassembler une majorité sur ce sujet, nul doute que nous aurions été appelés à légiférer de façon impromptue.

Tout cela ne paraît pas constituer une bonne méthode législative. Cette petite loi devient une demi-grande loi, avec des sujets qui sont traités en dehors de leur contexte, sans avoir fait l’objet d’un véritable débat global. Qui plus est, elle ne sera pas représentée devant l’Assemblée nationale, ce qui nous paraît vicier certaines dispositions que nous sommes en train d’inscrire dans la loi.

Tout d’abord, parce que nous allons examiner ce texte en procédure accélérée, les modifications votées par la Haute Assemblée ne pourront pas donner lieu à un débat chez nos collègues de l’Assemblée nationale. Ensuite, pour un certain nombre d’amendements examinés en commission ce matin même, des consultations sont en cours, car ces dispositions portent sur des sujets qui mettent en jeu des intérêts économiques dans un contexte de forte concurrence internationale et conditionnent la qualité de notre secteur audiovisuel.

Je regrette que le projet de loi ait été examiné dans la précipitation à l’Assemblée nationale en fin de session extraordinaire. Ici, les débats ont également été menés tambour battant, de sorte que les premières auditions ont eu lieu avant même l’ouverture de la session ordinaire.

On nous annonçait une réforme ambitieuse. Nous attendions une procédure nouvelle garantissant plus sûrement l’indépendance de l’audiovisuel public. Au fond, nous avons le sentiment d’un texte d’affichage.

Madame la ministre, vous nous annonciez une augmentation des pouvoirs du CSA. Certes, ils sont accrus, mais au prix de quelles lourdeurs et de quelles contraintes pour nos entreprises !

Nous réservons donc notre position au sort qui sera donné à nos propositions. Nous serons également très attentifs au grand projet global sur l’audiovisuel qui nous est annoncé maintenant pour la fin de l’année 2014.

Il y a dans cette future loi de grands et beaux sujets à traiter, sur lesquels nous aurions pu déjà travailler au fond si le Gouvernement n’avait pas préféré, comme il le fait depuis un an et demi, livrer un combat politique pour détruire soigneusement ce que la dernière mandature a construit ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, malgré les déclarations tonitruantes du début de mandat, force est de constater aujourd’hui que le texte que nous sommes amenés à examiner est décevant au regard des grands enjeux de l’audiovisuel du XXIe siècle.

D’abord discuté et voté à la va-vite en fin de session extraordinaire par nos collègues de l’Assemblée nationale, le texte que le Gouvernement présente au Sénat y est encore examiné en procédure accélérée, alors qu’il traite pourtant de sujets fondamentaux. Des sujets sur lesquels les parlementaires, hélas, n’ont été que peu amenés à réfléchir et à s’exprimer.

En effet, je veux le rappeler, les parlementaires n’ont pas été conviés aux Assises de l’audiovisuel, une pratique qui va à l’encontre de la tradition républicaine et de la qualité des débats. Ils n’ont pas été davantage associés au groupe de travail chargé de repenser la contribution à l’audiovisuel public. C’est un paradoxe lorsqu’on songe que le principe d’un groupe de travail sur ce sujet avait été acté dans la loi de 2009 ici même au Sénat, via un amendement que notre commission avait porté !

Permettez-moi, madame la ministre, de relever qu’il y a un paradoxe à prétendre depuis des mois avancer sur ces questions sans respecter pour autant le rôle du Parlement !

À cet égard, je rappellerai le court-circuitage par Bercy de la représentation nationale dans l’attribution de la « bande des 700 ». Réaffecter des fréquences vers les opérateurs de télécommunication, pourquoi pas, mais ce projet ne saurait être instauré sans débat préalable avec la représentation nationale, sans réflexion liée, d’ailleurs, au développement de l’audiovisuel.

Une tentative de passage en force a été notée également avec la cacophonie autour de l’éventuel transfert de la riposte graduée de l’Hadopi au CSA par un simple amendement. Finalement, il n’en a rien été.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Il faut dire que si le projet d’amendement de M. le rapporteur existait bien, cette disposition ne faisait l’unanimité ni auprès des acteurs du secteur ni au sein de votre propre majorité. Sur ces sujets, l’improvisation politique n’a pas sa place, car les enjeux sont considérables. Ils attendent d'ailleurs depuis un an que des réponses crédibles, solides, leur soient apportées.

En effet, le secteur a subi de multiples et très importantes transformations, celles-ci rendant une partie de notre règlementation obsolète. Je citerai l’arrivée de la TNT, la multiplication des nouveaux supports et des modes de diffusion, le développement de la télévision connectée. Autant de nouveaux usages, mais aussi de nouveaux acteurs qu’il faut désormais prendre en compte.

Tout cela pour dire notre déception à la lecture du texte initial du Gouvernement. Notre rapporteur lui-même l’aura fait observer à cette tribune, il est ainsi regrettable que les effets de la convergence numérique, dont on parle depuis un certain nombre d’années, n’aient pas été pleinement pris en compte au travers d’un travail de réflexion abouti sur le rapprochement du CSA et de l’Autorité de régulation des communications électroniques, l’ARCEP.

On notera aussi que ces évolutions profondes ont bouleversé les modèles économiques traditionnels. Le CSA ne peut donc plus se borner à demeurer un simple régulateur de contenus – un censeur éditorial, diront certains – en parallèle de la poursuite de ses missions originelles.

Parce que le CSA doit continuer à être le garant d’un audiovisuel de qualité, pluriel, diversifié, il lui revient de veiller à ce que soient respectées les conditions d’une concurrence saine et équitable et de veiller, par conséquent, à la régulation économique du secteur.

En ce sens, pour le coup, nous saluons les avancées portées par le projet de loi qui ajoute le critère économique dans la grille d’évaluation du CSA, un point important concernant l’attribution et la gestion des fréquences.

Tout comme vous, mes chers collègues, nous soutenons la nécessité, au travers de cette loi, de progresser dans les modes de nomination. Cependant, nous nous interrogeons, comme notre collègue Jean-Pierre Leleux, sur le côté novateur de ces propositions.

Notons, d’ailleurs, que d’aucuns déplorent l’affaiblissement du contrôle démocratique avec le dessaisissement de la représentation nationale d’un certain nombre de ses prérogatives. En effet, ce texte prive les parlementaires de leur pouvoir de contrôle des nominations des présidents de l’audiovisuel public en confiant au CSA, et à lui seul, cette responsabilité. Il les prive également du droit de regard direct sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens. L’audiovisuel public est pourtant un enjeu qui concerne tous nos concitoyens !

Ce contrôle démocratique devrait, d’ailleurs, s’opérer sur les activités de l’ensemble des autorités indépendantes. Compte tenu de l’évolution des missions confiées au CSA et de l’accroissement des compétences de ce dernier, le Parlement devra veiller à instaurer un lien plus régulier et plus exigeant avec le Conseil dans le rendu de ses travaux

Je pense, notamment, au suivi du contrat d’objectifs et de moyens. Ce contrôle démocratique apparaît d’autant plus nécessaire que, remodelés par ce projet de loi, ses pouvoirs s’étendent désormais entre nomination, régulation, contrôle et tutelle. Des pouvoirs aussi considérables nécessitent, vous le mesurez, mes chers collègues, une autorité impartiale, libérée de toute pression politique.

L’indépendance, c’est bien tout l’objet de ce texte. Poursuivre la réflexion sur la nécessaire indépendance s’inscrit dans les logiques institutionnelles et politiques actuelles, impulsées par la réforme constitutionnelle de 2008.

Chacun doit être conscient, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il n’existe pas de système idéal. Ainsi, il apparaît peut-être exagéré, voire présomptueux, d’affirmer, comme vous l’avez fait, que ce texte est bien « la grande loi, parce qu’elle pousse l’indépendance à un degré jamais atteint ».

Il faut bien mesurer que l’indépendance ne se décrète pas ! Il s’agit d’un équilibre subtil. Il y a, bien sûr, le processus de nomination, mais il y a aussi bien d’autres facteurs.

Comme je le relevais dans mon rapport sur les comptes de France Télévisions de juin 2010, pour les sociétés de l’audiovisuel public, l’indépendance, c’est également celle d’un financement pérenne et dynamique. À cet égard, pour nous, centristes, une télévision publique doit reposer sur des financements publics adaptés – un principe déjà affirmé à l’occasion de la loi de 2009.

Ainsi, nous regrettons le refus opposé depuis des années à une évolution de la contribution à l’audiovisuel public, non pas seulement sur son taux, mais sur son assiette, vers plus d’équité.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

J’ajouterai que, à l’heure où les recettes publicitaires sont devenues incertaines, on a tout fait, sauf garantir l’indépendance de l’audiovisuel public en opérant des coupes brutales l’année dernière et en choisissant de ne pas lui réaffecter entièrement les deux euros d’augmentation de la contribution à l’audiovisuel public. Nous aimerions, d’ailleurs, avoir des nouvelles des 32 millions d’euros actuellement gelés par Bercy.

L’indépendance, c’est aussi les conditions d’exercice du mandat des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Une indépendance que vous avez vous-même mise à mal, madame la ministre, en commentant sur une antenne de radio les choix éditoriaux de France Télévisions. Beaucoup se sont émus de cette sortie abrupte.

Enfin, l’indépendance des sociétés de l’audiovisuel public renvoie aussi à la question des pouvoirs qui incombent à l’Autorité de régulation, donc au profil de ceux qui les exercent, c’est-à-dire les membres qui la composent.

Sur ce sujet, une désignation des membres du CSA avec une majorité positive des trois cinquièmes dans les deux chambres constitue une réelle avancée, que nous saluons. Nous regrettons, toutefois, que le Gouvernement n’ait pas été plus novateur dans le processus de nomination des présidents de l’audiovisuel public.

Cette anomalie est inédite, en France comme en Europe : comment imaginer que l’ARCEP nomme les dirigeants de La Poste ou d’Orange ? Ou que la Commission de régulation de l’énergie nomme le président d’EDF ?

En outre, qui peut croire qu’on renforce l’indépendance de l’audiovisuel public en confiant la responsabilité de nommer ses dirigeants au CSA, dont le président, quelles que soient ses qualités propres, a exercé les fonctions éminemment politiques de directeur de cabinet d’un Premier ministre et qui a été nommé par le Président de la République ?

C’est la raison pour laquelle, sur le modèle de ce qui fut proposé en 2008 par la commission sur la nouvelle télévision publique, nous proposons que les présidents directeurs généraux de la société France Télévisions, de la société Radio France et de la société en charge de l’audiovisuel extérieur de la France soient élus par leur conseil d’administration respectif, sur une liste de trois à cinq noms proposés pour chacune des entreprises par le CSA.

Chaque candidat devra être en mesure de défendre un projet de mandat, tant devant le CSA que devant le conseil d’administration intéressé, qui constituera le cadre général de son plan d’action à cinq ans. Ainsi, la désignation aura lieu selon des critères exigeants de compétence et d’expérience.

Par ailleurs, nous estimons que la désignation du président du CSA doit se fonder sur la compétence et l’expérience du candidat. Et afin d’achever le processus d’indépendance du Conseil entamé par ce texte et de réaliser les engagements du Président de la République pris devant les Français quant aux exigences de neutralité et d’équité de l’audiovisuel public, je propose, avec mes collègues du groupe UDI-UC, que le président du Conseil soit élu par les conseillers eux-mêmes au sein du collège, à l’issue de chaque renouvellement.

Cette mesure permettra d’évacuer tout reproche de favoritisme lié à des attaches partisanes avec le pouvoir en place. L’actuelle majorité a suffisamment stigmatisé la nomination de Rémy Pfimlin et de Jean-Luc Hees par Nicolas Sarkozy pour ne pas se regarder dans la glace aujourd’hui !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Compte tenu des bouleversements précédemment évoqués, qui rendent les sujets plus complexes techniquement et juridiquement, compte tenu aussi de la nouvelle donne économique, nous trouvons qu’il aurait été nécessaire de réfléchir un peu plus profondément au profil des conseillers.

Les sénateurs de l’UDI-UC portent l’idée que la composition du CSA doit être radicalement repensée autour de deux piliers : compétence et expérience. Nous avons amendé le texte dans ce sens. Cependant, telle qu’elle est formulée, la présentation des compétences et de l’expérience attendues des membres du CSA reste trop générique.

Or il est indispensable que les conseillers réunissent des personnalités représentant une diversité de compétences, tant techniques qu’économiques ou juridiques d'ailleurs, ainsi qu’une diversité d’expériences, issues des secteurs de la production, de l’édition et du journalisme audiovisuels.

Aujourd’hui, on le constate, le journalisme est surreprésenté au détriment de la production. Il conviendrait aussi de veiller à la diversité des origines, afin que l’on puisse retrouver au sein du Conseil des chefs d’entreprise et pas seulement des fonctionnaires, issus, qui plus est, du même corps d’État. Cette dernière remarque devrait également s’appliquer aux candidats à la présidence des chaînes de l’audiovisuel public.

Les décisions que le CSA rendra n’en auront que plus de force et de légitimité au moment où le secteur s’est développé et considérablement complexifié.

Autre point que je voudrais souligner, l’autorité indépendante sera d’autant plus respectée si elle parvient à tenir ce rôle de régulateur qui, certes, sévit parfois, mais qui le plus souvent se tient au-dessus de la mêlée, cherchant à arbitrer les différends relatifs à la circulation des œuvres entre professionnels du secteur, afin d’éviter qu’un litige long et coûteux n’apparaisse.

C’est la raison pour laquelle je défends l’institutionnalisation de la fonction de médiateur, instituée à titre expérimental en 2011 et qui a montré toute son utilité. Cette idée avait déjà émise au printemps 2013 par notre collègue Jean-Pierre Plancade.

Certes, l’amendement n° 26 de M. le rapporteur, adopté par notre commission le 17 septembre dernier, constitue une avancée significative sur la question difficile de la circulation des œuvres.

Confier cette mission aux services du CSA pose toutefois un réel problème de compatibilité avec les préconisations de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle impose une stricte séparation entre la fonction d’instruction et celle de sanction. Nous avons donc déposé un amendement sur ce sujet.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au regard de tous ces éléments, il est patent qu’un véritable travail de fond reste à réaliser sur la régulation d’un audiovisuel profondément bouleversé par la convergence numérique, et que l’on peut progresser vers toujours plus d’indépendance.

Enfin, si l’on souhaite la poursuite des grandes missions du CSA, notamment sociétales, et pérenniser un système de financement de la création audiovisuelle, on ne peut plus traiter du contenu, d’un côté, et des contenants, de l’autre.

Une importante réflexion de fond est toujours à mener. Il n’est jamais trop tard pour bien faire !

Notre rapporteur n’a cessé de nous renvoyer à un second texte de loi, dont on ne sait quand nous pourrons l’examiner. Nous savons, en revanche, qu’un véritable travail de fond – j’y insiste – associant le Gouvernement et le Parlement est nécessaire, qu’il faudra étudier en profondeur les propositions du rapport Lescure et réfléchir, puisque tout est lié, à l’ensemble des complémentarités ou articulations à effectuer, non seulement entre le CSA et l’ARCEP, mais aussi dans un cadre plus large prenant en compte les missions de la CNIL et de l’Hadopi.

Sur ce sujet, notre groupe d’études « Médias et nouvelles technologies », rattaché à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et qui regroupe des sénateurs issus de plusieurs commissions intéressées, notamment celles des affaires économiques et des lois, pourrait réaliser un travail intéressant, lequel devra converger au niveau européen.

L’Europe et l’harmonisation des législations et des pratiques : voilà ce dont le secteur de l’audiovisuel a besoin, aussi, aujourd’hui. Pour cette raison, je me réjouis que mon amendement visant à établir un bilan des coopérations et des convergences obtenues entre les instances de régulation audiovisuelles nationales des pays de l’Union européenne ait été adopté par notre commission.

Face à l’évolution des usages et des technologies, les aménagements législatifs nécessaires sont nombreux. J’y insiste à nouveau, ceux-ci méritent du sérieux.

L’épisode de l’Hadopi, que l’on défende ou non le principe de cette instance, est à cet égard consternant. Annoncer sa mort dès la campagne présidentielle sans avoir méthodiquement procédé à son évaluation, à la fois indépendante et nécessaire, puis se dire, juste après la remise des conclusions de la mission Lescure, qu’il y a urgence à sauver le bébé parce que le piratage a repris, et donc se dépêcher de confier au CSA les missions de l’autorité, en l’occurrence la riposte graduée, tout cela relève d’une impréparation et d’une improvisation politique dont nous ne voulons pas.

J’ajoute, en conclusion, que nous avons déposé un certain nombre d’amendements visant à améliorer le texte. Nous tenterons ainsi, modestement, d’apporter notre pierre à l’édifice.

C’est donc à l’issue des débats et en fonction du sort qui sera réservé à ces amendements que nous déciderons de notre vote final.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est urgent pour l’audiovisuel public de redéfinir ses ambitions : ambitions culturelles et de création ; ambitions pour l’information, l’investigation, l’éducation ; ambitions industrielles, pour saisir toutes les occasions de la révolution des réseaux numériques et informationnels.

Pour y répondre, l’audiovisuel public a besoin d’une indépendance retrouvée, tout d’abord à l’égard des logiques de marché qui le tirent vers l’audimat, la normalisation culturelle et une mise en concurrence appauvrissante. Tout cela ne peut se faire, à nos yeux, sans déranger les règles du jeu du marché actuel, afin d’en reconstruire de nouvelles.

La rupture forte que nous ne cessons de réclamer est devenue un impératif, car l’audiovisuel public n’a cessé de s’affaiblir politiquement et financièrement depuis l’adoption de la loi du 8 mars 2009. Je le dis au passage, cette nécessité ne justifiait pas, selon nous, le recours à la procédure accélérée pour l’examen de ce texte.

Voilà plus d’un an et demi que nous attendons une grande réforme de l’audiovisuel. À la place, nous devons nous contenter du présent texte et d’une procédure d’urgence qu’aucune disposition contenue dans la loi ne rendait nécessaire. Nous aurions préféré, au contraire, compte tenu de l’importance du sujet abordé, que le débat parlementaire puisse totalement se déployer et se libérer, afin que nous puissions enrichir ce texte de toutes les dispositions qu’il ne contient malheureusement pas.

Nous tenterons malgré tout, au cours du débat, de provoquer la discussion autour de quelques questions essentielles sur lesquelles, je l’espère, nous pourrons revenir à l’occasion d’un futur texte de loi.

La loi de 2009 a entraîné une conséquence prévisible : la nomination directe des présidents de l’audiovisuel public par le Président de la République n’a fait que renforcer une grave crise de confiance, alimentant les soupçons de dépendance et de collusion d’intérêts, politiques ou non. Le projet de loi revient sur ce point fondamental ; tant mieux.

Il ne s’agit pas, selon nous, de remettre en question l’indépendance réelle des personnes concernées, mais bien de réaffirmer la nécessité de garantir, par des moyens institutionnels, des nominations et un contrôle susceptibles de lever la défiance des citoyens envers les médias, alors même que l’audiovisuel public devrait être leur bien commun.

Ce ne fut pas le seul impact négatif de la loi de 2009 qui, on le sait, a plongé l’audiovisuel public dans une crise de financement qui dure toujours. Celle-ci est amplifiée par le recul de l’engagement de l’État que vient malheureusement de programmer, dans la durée, l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

Je pense ici à la suppression de la publicité sur les chaînes de France Télévisions. Cette mesure, en l’absence de ressources de substitution pérennes a profondément affecté les finances du groupe – on le vérifie aujourd’hui –, sans pour autant modifier significativement le contenu de sa programmation et le dégager des contraintes de l’audimat.

La diminution du budget accordé à l’audiovisuel public a aggravé cette situation, en dépit de l’obligation créée par la loi de 2009 de compenser une partie du manque à gagner induit par la suppression de la publicité.

Si le projet de loi revient sur le mode de nomination des présidents de l’audiovisuel public, ce que nous approuvons, il ne traite en rien du problème de l’indépendance économique du service public, qui reste entier.

Les deux projets de loi rétablissent donc un système de nomination antérieur à la loi de 2009, soit la désignation par les membres du Conseil supérieur de l’audiovisuel à la majorité des membres qui le composent, mais par un CSA réformé, dont le nombre de membres passe de neuf à sept. Par ailleurs, la disposition prévoyant la nomination de trois de ses membres par le Président de la République est supprimée.

La principale nouveauté de ce texte réside dans l’obligation faite aux commissions compétentes de chaque assemblée de valider la nomination des membres du CSA par trois cinquièmes de votes positifs.

Cette règle renforce, à nos yeux, la délibération parlementaire, ce qui est positif. Elle ne garantira pas à elle seule l’indépendance du CSA, et ce d’autant moins que le pluralisme de nos assemblées est encore largement amputé par l’absence de scrutin proportionnel. Elle favorisera néanmoins le débat. Nous veillerons, pour notre part, à ce que ce mode de désignation soit l’occasion d’un processus plus transparent.

Nous approuvons cette disposition dans la mesure où elle revient sur le fait du prince, même si nous aurions préféré, comme nous le proposons depuis des années, un système de désignation des présidents par les membres du conseil d’administration de chaque entreprise publique, instance dont la composition serait profondément revue afin de renforcer la représentation des parlementaires, des syndicats et des usagers et, au-delà, de l’ensemble de la société, pour laquelle, je le répète, l’audiovisuel public est un bien commun.

La démocratisation et le contrôle de la gestion de l’audiovisuel public appellent en effet, selon nous, bien d’autres mesures que celles qui sont proposées dans le projet de loi.

M. le rapporteur a ainsi donné son accord ce matin, en commission, pour l’entrée au sein du conseil d’administration d’un représentant des usagers. C’est une avancée que nous enregistrons avec satisfaction, même si elle est, à nos yeux, trop timide. Il y a bien d’autres pas à faire dans le sens de la démocratisation de l’audiovisuel public.

Le projet de loi, dont le cœur reste la réforme du mode de nomination des présidents de l’audiovisuel public, a été enrichi à l’Assemblée nationale par un certain nombre d’amendements. Ainsi les pouvoirs du CSA sont-ils renforcés par l’attribution d’une nouvelle compétence : l’autorisation de transformation d’une chaîne payante de la TNT en chaîne gratuite, et inversement.

Sans m’étendre trop longuement sur cette question et sans me mêler de l’arbitrage de la guerre économique opposant les grands groupes privés de l’audiovisuel – TF1, d’un côté, Canal + et M6, de l’autre –, je tiens à préciser que nous ne nous opposerons pas à cette nouvelle compétence du CSA, mais soutiendrons les amendements tendant à renforcer l’encadrement de ce transfert. Les exigences ne doivent pas être moindres, en effet, que dans le cas d’une demande d’attribution initiale effectuée par appel à candidature.

Sans évoquer l’ensemble des dispositions proposées, je dirai un mot de l’amendement, essentiel à nos yeux, qui vise à permettre le maintien de la publicité, au cours de la journée, sur les chaînes de France Télévisions.

Il y aurait beaucoup à dire sur la présence de la publicité sur les chaînes de l’audiovisuel public, et ce débat est encore à venir. Tant que les conditions de financement de substitution de France Télévisions ne seront pas réunies – et selon nous, elles ne le sont pas –, la situation économique de l’entreprise nécessite l’abandon de cette mesure prévue en 2009, afin de ne pas aggraver le sous-financement du service public et de lui donner une visibilité stratégique.

Mes chers collègues, je souhaite consacrer la suite de mon intervention à ce qui ne figure pas dans ces projets de loi, dont l’imperfection tient moins, selon nous, à ce qu’ils énoncent qu’à ce qu’ils taisent.

Ce débat à peine refermé, il sera urgent de nous remettre au travail afin d’élaborer ce grand projet de loi pour l’avenir de l’audiovisuel que le Gouvernement nous promet pour 2014.

En effet, réformer le mode de nomination des dirigeants est une mesure emblématique, mais, seule, elle restera symbolique et sans véritables effets. Il faudrait reconfigurer le paysage audiovisuel, résoudre la gravité de la crise de l’audiovisuel public, traiter avec ambition des enjeux d’avenir. Or rien ne figure dans les projets de loi qui permette d’aborder véritablement ces défis ou d’apaiser l’inquiétude des personnels de l’audiovisuel public, confrontés à une grande précarité et à la menace de nombreuses suppressions d’emplois.

C’est pourquoi nous présenterons des amendements visant à soulever tous ces problèmes incontournables, selon nous, en vue de la construction de ce grand projet de loi pour l’audiovisuel que nous appelons de nos vœux.

Ouvrir le débat sur l’indépendance de France Télévisions et de l’audiovisuel public, c’est nécessairement rouvrir aussi celui sur la régulation de l’équilibre des forces économiques dans l’ensemble du secteur audiovisuel, public comme privé.

C’est pourquoi nous proposons, notamment, de rétablir le taux de la taxe sur les chiffres d’affaires publicitaires au niveau prévu par la loi de 2009, soit 3 %. Nous regrettons, à cet égard, que le rapporteur ait introduit dans la loi la pérennisation du taux réduit de 0, 5 %. On nous rétorquera que les ressources publicitaires ne sont pas pérennes. Il n’en reste pas moins que le problème de la mutualisation de ces ressources, dans le monde concurrentiel qui a été organisé, demeure posé et non résolu.

Il faudrait aussi, et nous le proposons au travers de nos amendements, revoir en profondeur les rapports entre France Télévisions et les producteurs privés, afin de redonner au service public la maîtrise des droits sur les productions qu’il finance. Nous entendons ainsi traduire dans la loi les dispositions du rapport d’information que nous avons récemment adopté sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision.

Ce rapport restera-t-il lettre morte, ou bien pouvons-nous commencer à le traduire dans la législation ?

Je le rappelle, France Télévisions a une obligation d’investissements de 470 millions d’euros par an dans la production télévisuelle et cinématographique et de 95 % dans la production indépendante. Ces investissements nourrissent, de fait, les producteurs privés, sans aucune contrepartie en termes de droits pour le service public.

Il s’agit de faire en sorte que France Télévisions dispose de moyens propres de production et de commercialisation et puisse passer des accords de coproduction.

On peut toujours discuter ou contester les dispositions précises que nous proposons au travers de nos amendements. Mais comment refuser d’inscrire dans la loi, au rang de principes, ces missions de France Télévisions ? Je pense évidemment à la mission de coproduction.

Nous souhaitons également relancer le débat sur les nouveaux modes de diffusion de la télévision ; nous proposons notamment la taxation des revenus publicitaires par voie électronique. Le mini « chèque Google » ne peut pas faire office de solde de tout compte. Le débat reste entier. L’exploitation des contenus audiovisuels par les grands groupes de l’économie numérique, qui ne participent même pas au financement, leur assure pourtant des revenus publicitaires.

Enfin, nous ne pouvons pas parler d’indépendance sans aborder la concentration dans le secteur médiatique. () Il faut renforcer et repenser les dispositifs anticoncentration.

Nous avons déposé plusieurs amendements en ce sens, en reprenant des dispositions contenues dans des projets que les membres du groupe socialiste, notamment M. le rapporteur, ont défendus par le passé. J’espère que nous obtiendrons le soutien de la majorité sur le sujet. L’une des mesures que nous vous proposons d’adopter avait été portée par notre collègue David Assouline dans une proposition de loi en 2011.

C’est seulement en abordant l’ensemble de ces éléments que nous pourrons renforcer l’indépendance de l’audiovisuel français et modifier le secteur de manière significative.

À nos yeux, la réforme est trop timide. Elle contient bien quelques avancées, et nous les soutenons, mais elle fait l’économie des mesures nécessaires pour que le dispositif puisse avoir des effets réels. L’avenir et l’indépendance de l’audiovisuel public exigent une grande loi ; ne perdons pas plus de temps pour la faire ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

« Présider la République, c’est partager le pouvoir de nomination aux plus hautes fonctions. C’est aussi ne pas nommer le président ou les présidents des chaînes ou des radios du service public audiovisuel et laisser cette mission à une autorité indépendante. » Cette promesse du candidat François Hollande est devenue un engagement présidentiel ; l’adoption des deux textes relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public que nous examinons aujourd'hui – le groupe socialiste les soutient pleinement – permettra qu’elle soit tenue.

Il s’agit tout d’abord de revenir sur la réforme portée en 2009 par Nicolas Sarkozy, qui s’était arrogé le pouvoir de nommer seul les trois présidents de l’audiovisuel public. Ce faisant, l’ancien président de la République allait à contre-courant de l’Histoire, qui appelait à plus de liberté, et à contre-courant de l’évolution de l’encadrement des médias, secteur dans lequel le juge constitutionnel et les instances européennes exigent sans cesse davantage de pluralisme et d’indépendance, et même à contre-courant de son propre parti, puisque M. Copé, qui était à la tête de la commission pour la nouvelle télévision publique, n’avait pas soutenu une telle option. D’ailleurs, cette décision a abouti à des résultats contraires aux objectifs affichés : le mode de nomination retenu a jeté le soupçon sur le mandat des dirigeants de l’audiovisuel et a eu pour effet de les fragiliser au lieu de les conforter.

Je constate d’ailleurs qu’aucun amendement n’a été déposé pour maintenir le mode de désignation actuel. Peut-être faut-il y voir l’une des manifestations du travail d’inventaire qui est mené actuellement…

L’audiovisuel public ne peut en aucune manière apparaître comme étant soumis à la tutelle non seulement administrative, mais également financière de l’État.C’est pourquoi l’article 6 nonies du projet de loi revient également sur la disparition totale de la publicité, prévue pour 2016.

La suppression de la publicité après vingt heures a produit des effets néfastes. Les ressources attribuées en contrepartie n’ont jamais été à la hauteur des promesses et des besoins. D’ailleurs, elles sont aléatoires et liées au bon vouloir des pouvoirs publics, puisqu’elles sont budgétisées.

Un tel déséquilibre a déstabilisé durablement l’indépendance financière des trois sociétés et, plus particulièrement, celle de France Télévisions. N’aggravons pas la situation !

L’objectif général des textes dont nous débattons est bien de poser les fondements d’un nouveau service public, qu’il s’agit ici de réparer et de refonder, à l’instar de ce que nous avons fait dans d’autres domaines, notamment l’école.

Un service public de l’audiovisuel moderne est nécessairement plus indépendant.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

C’est pourquoi, sur l’initiative de notre rapporteur, dont je salue d’ailleurs l’engagement de longue date sur le sujet et le travail récent sur ces deux textes, une révision constitutionnelle a fait figurer le pluralisme et l’indépendance des médias parmi les libertés fondamentales que la loi doit garantir.

Nous le savons, l’indépendance de l’audiovisuel public passe nécessairement par l’indépendance et l’impartialité des décisions prises par l’instance chargée de faire respecter un tel principe, en l’occurrence le Conseil supérieur de l’audiovisuel !

Comme le souligne M. le rapporteur, le CSA, qui doit constituer un filtre indispensable entre le pouvoir politique et les médias audiovisuels, devient une autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, ainsi que de moyens propres, pour plus de réactivités. Le mode de désignations de ses membres est également modifié, toujours dans le souci d’une plus grande impartialité.

Le rôle du Parlement est également renforcé, qu’il s’agisse de l’encadrement ou du processus de nomination. Ainsi, les commissions parlementaires compétentes devront approuver à une majorité des trois cinquièmes six des sept membres du nouveau CSA. Essayons d’appliquer cette règle de majorité qualifiée à notre commission : nous voyons bien qu’un consensus large devra être trouvé, au-delà des majorités traditionnelles.

Un tel mode de nomination est inédit. Il fera du CSA la plus indépendante des autorités indépendantes.

L’Assemblée nationale et le Sénat ont pu jouer tout leur rôle dans l’élaboration même des textes. De nombreuses dispositions ont été introduites par les parlementaires et, contrairement à ce qui a été prétendu, ont fait l’objet d’un véritable examen de fond.

Je le rappelle, en 2009, certaines mesures étaient entrées en application avant même que nous ayons pu en débattre ! Oui, il s’agit d’un véritable changement de méthode ! Nous allons discuter aujourd’hui en séance publique des dispositions proposées. Le groupe socialiste présentera plusieurs amendements.

Par ailleurs, le rapport annuel du CSA, enrichi, sera désormais présenté devant nos commissions en audition publique. Un avis sur les contrats d’objectifs et de moyens devra être rendu par le Parlement et le CSA ; il sera publié.

En outre, pour répondre à l’impératif d’indépendance, un critère de compétence professionnelle a été introduit pour les nominations. Le champ des incompatibilités a été étendu et précisé. Dans cette logique, un rapporteur indépendant du collège du CSA est créé. Il sera issu de la magistrature administrative et aura pour mission d’instruire les dossiers de poursuites et de sanctions.

C’est dans un cadre redéfini que la nomination des présidents-directeurs généraux de l’audiovisuel public français, France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, est de nouveau confiée à un CSA rénové, garant de la liberté de communication. Plus indépendant, le CSA sera plus légitime et pourra, par conséquent, avoir des compétences élargies.

D’une manière générale, la réforme confère au Conseil supérieur de l’audiovisuel un rôle de régulation économique bien supérieur à celui qu’il exerçait jusqu’à présent, et ce dans un cadre réglementaire assoupli pour faire face aux évolutions technologiques rapides du secteur. L’ensemble reste toutefois encadré, afin que le respect du pluralisme ne s’oppose pas à la préservation des équilibres des marchés publicitaires.

C’est ce qui a été rappelé durant les auditions. Le message a été reçu. Le Sénat a ainsi décidé qu’une étude d’impact serait automatiquement menée et que les acteurs du secteur seraient consultés avant validation des conditions dans lesquelles le CSA pourrait autoriser le passage d’une chaîne de la TNT payante à la TNT gratuite. Le groupe socialiste a d’ailleurs déposé un amendement visant à préciser les conditions de mise en œuvre de l’étude d’impact, pour toute évolution de convention.

Je me félicite en outre de l’adoption en commission d’un amendement visant à faire respecter la parité dans la désignation des administrateurs de France Télévisions, Radio France et l’AEF.

Cette avancée fait écho au projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes, que le Sénat a voté à une large majorité, et, plus généralement, aux engagements du Président de la République quant à la reconnaissance de la juste place des femmes dans notre société.

Ce texte est un socle qui, en renforçant la légitimité et l’indépendance à la fois des présidents de l’audiovisuel public et du CSA, permettra de bâtir un service public de l’audiovisuel tourné vers l’avenir.

L’indépendance devra bien évidemment être complétée ; d’autres dispositions concernant tant l’audiovisuel public que l’ensemble du secteur des médias et des contenus culturels devront suivre. Elle constitue néanmoins la base préalable de toute autre réforme possible, dans une démocratie désormais apaisée.

Marie-Christine Saragosse, auditionnée par la commission de la culture, nous a livré une belle définition de l’indépendance, qui pourrait être une réponse à l’interrogation de notre collègue Jean-Pierre Leleux : l’indépendance, c’est l’équilibre entre la liberté, la responsabilité et la confiance. C’est tout l’enjeu de ces textes, que le groupe socialiste votera évidemment avec enthousiasme. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

Monsieur président, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir voté la refondation de l’école de la République voilà quelques mois, il nous appartient aujourd’hui de refonder ensemble l’audiovisuel public.

Comme le souligne M. le rapporteur, le projet de loi organique et le projet de loi ordinaire dont nous sommes saisis aujourd’hui revêtent trois objectifs principaux : garantir l’indépendance de l’audiovisuel public, réformer les pouvoirs du CSA et prendre en compte les effets de la révolution numérique

Il s’agit de donner au secteur de l’audiovisuel des bases solides en renforçant son indépendance et son intégrité, tout en lui accordant les moyens de s’adapter aux conséquences de la convergence numérique.

J’insisterai à mon tour sur l’importance de l’indépendance du secteur de l’audiovisuel public, garantie intrinsèque de la liberté de communication, principe à valeur constitutionnelle.

Pour ce faire, je reviendrai sur la réforme voulue par le précédent gouvernement et matérialisée par la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, qui a malheureusement eu pour effet de mettre fortement en danger le secteur de l’audiovisuel public, en le plaçant tout simplement sous tutelle de l’exécutif. Je pense à la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public par décret, et non plus par le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Ce faisant, et le rapporteur l’a souligné, la réforme a compromis la légitimité des présidents ainsi nommés et discrédité l’ensemble de leurs décisions.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Bailly

La loi de 2009 a également mis à mal le financement pérenne et, partant, l’indépendance de l’audiovisuel public, en limitant la publicité sur les antennes de France Télévisions et en ne compensant que très partiellement les pertes de recettes publicitaires induites par une telle décision.

Il faut le souligner, le produit des taxes permettant de compenser budgétairement la limitation de la publicité n’a pas atteint le niveau escompté ; l’une de ces deux taxes a été jusqu’à récemment dans le collimateur des instances européennes, sceptiques quant à sa légitimité. Cependant, la non-remise en cause de la taxe télécoms n’apporte qu’une garantie très relative quant à la pérennité du financement du secteur. Comme vous le savez, madame la ministre, une dotation budgétaire est, par essence sujette à variations.

Oui, le secteur de l’audiovisuel a été plus que fragilisé par la loi de 2009 ! Les deux textes qui nous sont présentés aujourd’hui par le Gouvernement tendent à répondre aux inquiétudes de l’ensemble des acteurs concernés. L’une des principales mesures est la réattribution au CSA du pouvoir de nomination des trois présidents des sociétés de diffusion publique.

En effet, on ne saurait garantir l’indépendance et l’intégrité de l’audiovisuel public sans une nomination de ses dirigeants par une autorité indépendante du pouvoir politique, conférant une légitimité à la personne ainsi nommée. Comment le pouvoir politique peut-il être à la fois juge, en ayant un pouvoir de nomination et de révocation, et tutelle, en octroyant notamment la ressource publique annuelle à la société d’un dirigeant qu’il nomme ? La question se pose tout particulièrement dans le cas de l’audiovisuel public, où la liberté éditoriale et l’indépendance du média doivent être conciliées avec le double droit de regard de l’exécutif : nomination et tutelle.

D’ailleurs, le CSA a lui-même jugé que son pouvoir de nomination des trois présidents des sociétés de diffusion publique était légitime et renforçait l’indépendance du secteur public de l’audiovisuel, ainsi que la mise en œuvre effective de la liberté de communication.

Du reste, et cela a déjà été souligné par certains intervenants, l’indépendance est également confortée par la réforme du CSA introduite par le texte. Je me réfère ici à l’article 1er A du projet de loi ordinaire, qui transforme le CSA en autorité indépendante dotée de la personnalité morale, et surtout à son article 1er, qui modifie le nombre et le mode de désignation de ses membres.

Pour la première fois, les commissions des affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat pourront statuer sur la nomination de six des sept membres du CSA.

Mais l’indépendance du secteur public de l’audiovisuel passe également par la pérennisation de son financement. C’est pourquoi le texte acte également le maintien de la publicité en journée sur France Télévisions. Il s’agit ici de renforcer l’indépendance financière de France Télévisions, mais également sa liberté d’action. Cette décision politique contribue à rétablir un véritable service public de l’audiovisuel, indépendant et pluraliste.

Enfin, je souhaite saluer la position adoptée par la commission sur proposition de M. le rapporteur quant à la nomination du président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA. Le texte propose en effet que ce dernier soit nommé suivant la procédure prévue à l’article 13 de la Constitution, c’est-à-dire après avis public des commissions compétentes de chaque assemblée. Ainsi, l’ensemble des nominations des présidents du secteur public de l’audiovisuel sera, ce qui est logique, soumis à l’aval du Parlement.

Il ressort des mesures que j’ai évoquées un renforcement du contrôle du Parlement. Ce contrôle démocratique par les représentants du peuple va de pair avec l’indépendance effective de l’audiovisuel public.

Pour conclure, les dispositions ajoutées par notre rapporteur, que je remercie du travail effectué, et les mesures contenues dans les deux textes sont de nature à renforcer l’indépendance et le pluralisme au sein du secteur public de l’audiovisuel. §

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

« La désignation des responsables des chaînes publiques de télévision et de radio dépendra d’une autorité indépendante et non plus du chef de l’État et du Gouvernement. » Tels étaient les termes de l’engagement 51 du candidat François Hollande ; il nous appartient aujourd’hui de les traduire dans le droit.

La désignation des responsables de l’audiovisuel public par l’exécutif, mesure emblématique de l’ère Sarkozy, a d’emblée été contestée, sept Français sur dix s’y déclarant opposés. Cette seule considération suffit d’ailleurs à rendre une telle disposition inacceptable. En effet, comment envisager un audiovisuel public apprécié, donc performant, dès lors qu’il existe dans l’opinion un doute sérieux quant à son indépendance à l’égard de l’exécutif ?

Au-delà, c’est l’organisation même de la chaîne de télévision ou de la station de radio qui peut pâtir d’un tel défaut de crédibilité. À cet égard, le psychodrame qu’a connu l’Audiovisuel extérieur de la France, l’AEF, devenu depuis peu France Médias Monde, est révélateur. Tout le monde s’accorde à le dire, la gestion de l’AEF par Alain de Pouzilhac, nommé à la tête de l’entreprise par son ami Nicolas Sarkozy, a été calamiteuse, notamment parce qu’il ne bénéficiait pas de la confiance d’une grande partie de ses salariés.

Au regard de cette funeste expérience, je me réjouis que la réforme mette fin à la pratique qui avait cours voilà cinquante ans, à l’époque où l’ORTF n’était rien d’autre que la « voix de la France ».

Le texte garantit donc l’impartialité et la transparence de procédures de nomination collégiales. Certes, des esprits chagrins regretteront l’impossibilité pour le Parlement de valider les nominations suite à une récente décision du Conseil constitutionnel.

Mais rappelons-nous que le texte prévoit également une réforme d’envergure du CSA, dont la composition bénéficiera dorénavant d’une garantie d’indépendance, ses membres devant voir leur nomination approuvée par une majorité des trois cinquièmes au Parlement. Une telle exigence de majorité spéciale induira ainsi des nominations transpartisanes ou, du moins, consensuelles.

En tant que sénatrice des Français de l’étranger et rapporteur, ces dernières années, des crédits de l’audiovisuel extérieur, je suis particulièrement sensible à l’anticipation législative qui a été effectuée par le Président de la République pour la nomination de Marie-Christine Saragosse à la tête de l’AEF.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Pour en finir avec les errements du passé et faire repartir ce formidable outil de rayonnement de la France qu’est l’AEF, François Hollande a ainsi confié au CSA le soin d’en désigner le président. Mme Saragosse reconnaît d’ailleurs elle-même qu’une telle procédure a rendu sa position plus confortable. Sa crédibilité auprès des salariés s’en est trouvée renforcée, lui dégageant une plus grande marge de manœuvre. Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour saluer le beau travail qu’elle a déjà accompli.

France Médias Monde a retrouvé une cohérence avec un véritable projet, englobant France 24, Radio France internationale, RFI, et Monte Carlo Doualiya. Il nous appartient d’encourager, de stabiliser et de sécuriser les équipes d’une entreprise en renaissance.

À cet égard, je souhaite évoquer la question de la diffusion de tels médias en France, même si j’ai bien conscience que ce n’est pas l’objet principal du projet de loi.

Certes, notre audiovisuel extérieur est un outil de rayonnement de notre langue, de notre culture et de nos valeurs à l’étranger, et d’information de nos communautés expatriées. Mais, comme l’a évoqué sa présidente, il remplit également une mission que l’on pourrait qualifier de « sociétale », en s’adressant, certes, à des auditeurs ou téléspectateurs, mais également à des citoyens.

Par exemple, selon Jean-Luc Hees, président de Radio France, RFI remplit des missions de service public laissées de côté par les médias nationaux.

Il serait donc certainement positif de permettre à tous les habitants de notre pays, et pas seulement à ceux de l’Île-de-France et, exceptionnellement, de Marseille, en tant que « capitale européenne de la culture », de bénéficier de l’expertise particulière de cette radio sur l’Afrique.

De même, au seuil de la campagne pour les élections européennes, alors même que, chacun en conviendra, l’actualité européenne ne passionne malheureusement pas les médias nationaux, n’est-il pas incongru que les personnes résidant en France ne puissent pas bénéficier, à l’instar des Français partout ailleurs dans le monde, d’émissions telles que Accents d’Europe, qui visent à créer un sentiment européen ?

Et que dire de l’incompréhension des parlementaires européens, qui s’étonnent de ne pas pouvoir écouter leurs propres interviews depuis Strasbourg, où ils siègent ?

Madame la ministre, ne pensez-vous pas qu’il est temps d’ouvrir la diffusion de RFI à plusieurs villes de France, notamment Strasbourg ?

Dans le même esprit, envisagez-vous une diffusion pérenne de Monte Carlo Doualiya en France, alors même que l’expérience menée conjointement avec RFI à Marseille doit prendre fin le 31 janvier prochain ?

Cette radio arabophone, créée par la France voilà plus de quarante ans, laïque, universaliste, soucieuse de l’égalité entre les hommes et les femmes offrirait pourtant une solution de remplacement bienvenue aux radios de langue arabe, toutes confessionnelles, qui sont présentes sur notre territoire.

Enfin, madame la ministre, vous aviez évoqué un possible octroi d’une fenêtre sur la télévision numérique terrestre, la TNT, pour France 24. Où en est la réflexion ?

Il me semble d’ailleurs que l’option d’une fenêtre sur France 3 Île-de-France mérite d’être envisagée avec prudence : France 24 n’a pas vocation à être la chaîne d’information de l’intelligentsia parisienne. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord féliciter le Gouvernement. Cette réforme répare à la fois un non-sens démocratique et un contresens historique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Elle reprend le fil d’une histoire qui a sans cesse accordé plus d’indépendance aux médias, permettant ainsi la progression du pluralisme, condition fondamentale de notre démocratie.

Je me réjouis des avancées notables sur le CSA, de la nomination de ses membres à l’élargissement de ses compétences. Les deux textes marquent une avancée incontestable, dans le prolongement de nombreuses réformes de gauche qui ont construit depuis trente ans l’indépendance de l’audiovisuel public, comme nous avons construit l’indépendance de la presse ou de la justice.

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Chiron

Il s’agit d’une première étape, symbolique, contenue dans un texte volontairement court, mais d’une étape indispensable pour une démocratie comme la France, attachée à la liberté d’expression et de communication.

L’indépendance a été mise à mal par la réforme de 2009, qui a également fragilisé l’équilibre financier de l’audiovisuel public, en faisant reposer le financement de France Télévisions sur la dotation de l’État.

Une telle dépendance renforcée, associée à la nomination des présidents de l’audiovisuel par le Président de la République, est devenue une subordination, suscitant des soupçons de partialité pour chaque dirigeant nommé. Le texte corrige une telle régression démocratique et supprime enfin un mode de désignation directe par le fait du prince qui, ailleurs en Europe, n’existe qu’en Hongrie. §

Je me réjouis que la réforme instaure des garanties nouvelles d’indépendance et concrétise un engagement fort du Président de la République et du Gouvernement. Les présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde seront dorénavant nommés par le CSA.

L’impartialité du CSA sera elle-même renforcée par une nouvelle procédure de nomination de ses membres. Cette procédure nouvelle, qui associe nécessairement l’opposition parlementaire, renforcera l’autorité du CSA, justifiant ainsi les nombreuses responsabilités nouvelles qui lui seront confiées par le présent projet de loi.

La procédure témoigne également de la confiance du Gouvernement à l’égard du Parlement dans sa capacité à être garant de l’indépendance et à dépasser les logiques partisanes, comme nous savons parfois le faire ici, au Sénat, avec des positions guidées par le seul intérêt général. C’est donc uniquement le critère de la compétence qui permettra aux parlementaires de s’entendre sur un nom.

Le projet de loi prend également en compte les enjeux économiques, en faisant précéder d’une étude d’impact toute nouvelle autorisation délivrée par le CSA et susceptible de modifier le marché de l’audiovisuel.

Alors que l’instabilité des recettes touche l’intégralité du secteur et que certaines décisions récentes ont encore accru la fragmentation du marché publicitaire, il était temps de donner au CSA de nouvelles prérogatives et de le responsabiliser sur les effets économiques de ses décisions.

Je me réjouis par ailleurs de l’adoption en commission au Sénat de nombreux amendements ayant permis de renforcer l’autonomie de l’institution et d’étendre encore son champ de compétences, notamment pour tenir compte des évolutions technologiques du secteur.

En outre, nous pouvons également nous féliciter de la présence dans le texte d’un autre élément essentiel de l’indépendance financière de l’audiovisuel public : le maintien de la publicité en journée sur France Télévisions. Cela confirme une position largement discutée et partagée parmi nous, et rendue plus que jamais inéluctable par la situation du marché publicitaire et le besoin de donner au groupe une plus grande responsabilité dans la gestion de ses ressources.

L’ambition de redonner de l’indépendance et des moyens à l’audiovisuel public devra être prolongée, comme cela a déjà été souligné, par un autre projet de loi dans le courant de l’année 2014, qui concernera l’ensemble du secteur. Le futur texte devra enfin apporter des réponses pérennes à la problématique du financement de l’audiovisuel public. Il s’agira également d’adapter le droit existant à un environnement nouveau, marqué par la révolution Internet, qui a bouleversé les comportements des consommateurs. Et il faudra définir un nouveau modèle de soutien à la création tenant compte de tous les supports, ce qui pourrait d’ailleurs permettre à l’audiovisuel public de récupérer des recettes nouvelles, à la hauteur de son investissement.

Le deuxième temps législatif devra confirmer l’ambition du Gouvernement de garantir la qualité du service public audiovisuel autour de ses missions d’information et de création. Car, à l’heure de la multiplication des chaînes et du développement de la télévision connectée, la différence peut se faire uniquement sur la qualité, celle qu’attendent les Français de la télévision publique.

À cet égard, je me permets une digression pour regretter, comme la majorité des habitants et associations de l’agglomération grenobloise, la vision, hélas ! caricaturale du quartier de la Villeneuve à Grenoble qui a été présentée la semaine dernière dans une émission télévisée. Le reportage dont je parle a suscité, à juste titre, des centaines de réactions d’habitants, d’acteurs associatifs et d’élus, légitimement indignés. La colère face à ce documentaire est encore fraîche ; permettez-moi de profiter de l’occasion pour relayer l’incompréhension collective devant un reportage qui, loin de jouer son rôle et de refléter la vie réelle dans ce quartier, a contribué à le stigmatiser de nouveau, alors qu’il est resté malheureusement marqué par ce que l’on appelle aujourd’hui le « discours de Grenoble » de 2010.

J’espère que l’émission Envoyé Spécial et France Télévisions réagiront à la demande des acteurs locaux et donneront une suite à ce reportage.

Madame la ministre, je ne doute pas de votre volonté de proposer en 2014 une loi la plus complète possible, dans le prolongement des Assises de l’audiovisuel, pour inventer la nouvelle télévision publique, au cœur de notre diversité culturelle, et garante du pluralisme de l’information.

Après le général de Gaulle, qui a créé l’ORTF en 1964, après François Mitterrand et ses lois de libération et d’émancipation de la communication audiovisuelle, l’histoire retiendra ce texte symbolique, porteur des valeurs de notre démocratie : l’indépendance, la transparence, la cohérence ! Voilà comment, à gauche, nous faisons vivre la liberté d’expression des médias au sein d’une démocratie moderne !

Responsabilité, impartialité, qualité ! Voilà en retour ce que nous attendons légitimement des instances de régulation, des dirigeants de l’audiovisuel public et de tous ceux qui sont chargés de faire de la télévision publique un modèle culturel reconnu auquel, nous le savons, les Français sont intimement attachés.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous remercier collectivement de votre apport au débat et saluer le travail mené depuis de longues semaines sur le sujet par M. le rapporteur David Assouline.

Comme Jean-Pierre Plancade l’a souligné, le texte a été mû par une volonté d’apaisement et de modernisation de nos institutions. Nos objectifs sont un renforcement de l’indépendance, un élargissement de la démocratie et une plus grande association du Parlement au mode de désignation des membres du CSA.

Il s’agit d’une avancée majeure. Elle s’inscrit dans le cadre d’une rupture assumée et voulue avec le texte précédent, dont je remarque d’ailleurs que personne ici ne souhaite le rétablissement.

Vous avez également été nombreux à souligner la nécessité de poursuivre la modernisation en procédant à des évolutions et des adaptations sur des sujets techniques de régulation du secteur de l’audiovisuel. Ces questions seront abordées lors du deuxième temps législatif, dont je vous ai parlé.

Au cours de l’année écoulée, qui n’a pas été vaine, nous avons étudié, avec mes collègues Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, la possibilité de rapprocher l’ARCEP et le CSA. Toutefois, au regard des spécificités du spectre hertzien – ce dernier est mis gratuitement à la disposition des chaînes de télévision, en échange d’obligations, alors que son utilisation est payante pour les opérateurs télécoms –, nous avons jugé qu’il n’était pas opportun d’opérer une telle fusion. Le travail entre les deux institutions sera toutefois plus simple et plus régulier dès lors qu’elles comprendront chacune sept membres.

Monsieur Gattolin, je suis évidemment extrêmement sensible à vos propos sur les missions du service public de l’audiovisuel. J’ai d’ailleurs veillé à ce que, dans l’avenant au contrat d’objectifs et de moyens, et malgré la contrainte budgétaire pesant sur le service public, ces grandes missions soient préservées, en particulier le soutien à la création – 20 % pour la création audiovisuelle, 3, 5 % pour le cinéma –, mais aussi les programmes destinés à la jeunesse, l’information de qualité, l’exposition des outre-mer ou encore l’accessibilité.

Vous avez aussi évoqué, de même que Claudine Lepage, la question de l’exposition de France 24 dans l’hexagone. Nous avons évidemment besoin de préserver la mission fondamentale de France 24, qui consiste à diffuser à l’extérieur de nos frontières. Toutefois, dans le souci de mieux faire connaître aux Français cette chaîne, qu’ils financent à travers la redevance, j’ai souhaité que France 24 puisse disposer d’heures d’exposition en métropole, en l’occurrence sur un canal précédemment attribué à France Ô en Île-de-France.

En ce qui concerne RFI et Monte Carlo Doualiya, chère Claudine Lepage, je souhaite encourager des expériences du type de celles qui ont été menées dans le Sud, particulièrement à Marseille. Elles seront examinées de manière pragmatique, au cas par cas, en tenant compte des équilibres économiques. Mais sachez que la promotion de la laïcité opérée par ces radios est très importante pour nous.

Monsieur Leleux, vous avez salué l’indépendance de la nouvelle procédure qui a été instaurée. Je vous remercie d’avoir noté le geste d’ouverture consistant à associer l’opposition au choix des futurs membres du CSA, pour renforcer son indépendance. Il est regrettable que vous n’ayez pas fait montre de la même objectivité en critiquant, de manière totalement inappropriée, de prétendues destitutions dans les établissements théâtraux nationaux.

Je n’ai procédé à aucune destitution d’un responsable d’établissement culturel avant le terme de son mandat, monsieur le sénateur. Mais peut-être les mauvais réflexes des années passées ressurgissent-ils encore de temps en temps…

J’ai prévenu, un an avant l’échéance de leur mandat, les personnes en question qu’elles ne seraient pas reconduites, de sorte qu’elles aient le temps d’organiser leur départ. Cela n’a rien à voir avec un limogeage.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti

Et nous avons mis en place des procédures de sélection transparentes, auxquelles nous associons bien entendu les élus : les candidats sont auditionnés sur leur projet par des commissions, qui établissent ensuite un classement. Nous avons procédé ainsi dans toutes les grandes villes de France, de Lille à Bordeaux – chez Alain Juppé ! –, et, à chaque fois, cela s’est extrêmement bien passé. Je suis très fière d’avoir ainsi instauré des principes transparents, respectueux des personnes, pour le plus grand bénéfice de tous.

Cela permet aussi, chère Françoise Cartron, de renforcer la place des femmes à la tête des établissements culturels et audiovisuels. Les nouvelles procédures ont manifestement permis de lever certains blocages, puisque la proportion des femmes candidates à nos établissements culturels est passée de moins de 15 % à plus de 50 %.

Mmes Françoise Cartron, Claudine Lepage et Gisèle Printz applaudissent.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti

Madame Morin-Desailly, tous les parlementaires ont été conviés aux Assises de l’audiovisuel.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Pour répondre à votre question, le Gouvernement a décidé que les arbitrages sur le calendrier d’ouverture à la téléphonie mobile de la bande 700 ne seraient pas rendus sans une concertation préalable avec les parlementaires.

Nous avons introduit dans le projet de loi la création d’une commission chargée de suivre la modernisation de la gestion du spectre hertzien dédié à l’audiovisuel, qui permettra aussi de passer de la HD à l’ultra HD.

Sans même attendre le vote de la loi, les parlementaires, dont vous faites partie, madame la sénatrice, sont invités dès jeudi à Matignon, où un groupe de travail relatif à la concertation sur la bande 700 sera réuni.

L’arbitrage sur le calendrier d’ouverture sera rendu à la fin du mois d’octobre, après la consultation. Nous veillerons à ce qu’il permette de mettre en place les nouvelles normes de compression et de diffusion et de faire passer l’ensemble des chaînes en HD dans les années à venir, tout en offrant l’espace hertzien nécessaire à la téléphonie mobile.

Vous avez également évoqué les deux euros de redevance supplémentaires que j’ai fait voter l’année dernière. Sachez qu’ils ont été intégralement reversés à France Télévisions.

Cela me permet de revenir sur la réforme de la redevance, que plusieurs d’entre vous ont évoquée.

La redevance est la source de financement qui garantit le mieux l’indépendance du service public, qui est aussi la plus moderne, la plus pérenne et la plus juste socialement, puisqu’elle comporte un certain nombre d’exonérations.

Elle doit toutefois être modernisée, et nous continuerons de travailler sur l’évolution de son assiette pour lui permettre de s’adapter aux évolutions technologiques.

Ces évolutions s’accomplissent de façon concertée, après des consultations. C’est la méthode du Gouvernement, et c’est aussi la mienne, celle que j’ai retenue pour cette réforme. Une telle démarche, qui est respectueuse des institutions, ne souffre pas l’improvisation. Elle laisse place au débat, en particulier avec les parlementaires.

Là encore, les critiques que vous avez émises à propos d’attaques que j’aurais proférées à l’encontre de programmes du service public ou de la télévision sont nulles et non avenues. Je n’ai jamais contesté tel ou tel programme ; j’ai simplement rappelé les grandes missions du service public de l’audiovisuel. Il revient au Gouvernement, notamment au ministre de la culture, de préciser la nature de ces grandes missions, en particulier au moment où l’on négocie un avenant à un contrat d’objectifs et de moyens.

Vous avez évoqué la nomination du président du CSA par le chef de l’État. Je vous rappelle que le Président de la République s’est départi de sa possibilité de nommer deux membres du CSA, se privant lui-même d’un pouvoir.

Vous feignez aujourd’hui d’ignorer l’aspect collégial des décisions du CSA. La voix du son président ne s’impose pas ; elle ne l’emporte pas sur la collégialité du CSA. La collégialité des décisions prises par le CSA constitue une garantie de l’indépendance de l’audiovisuel public.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Monsieur Laurent, vous avez souligné, et je vous en remercie, l’importance de l’encadrement des nouvelles dispositions prévues dans le texte. Vous avez également salué le travail du rapporteur, qui a permis l’enrichissement des pouvoirs nouvellement confiés au CSA. Je suis également très sensible à ces aspects.

Par ailleurs, vous avez mentionné les nouveaux acteurs de l’Internet, comme Google, Apple, Facebook et Amazon, que l’on appelle les GAFA. Je partage votre avis : ces groupes doivent absolument participer au financement de la création. C’était l’un des objets de la mission confiée à M. Pierre Lescure. Nous allons désormais travailler pour que ces acteurs participent au financement de la création. Il y a aujourd’hui urgence dans ce domaine, s’agissant de la création tant audiovisuelle que cinématographique et du monde du livre. Tous les secteurs sont concernés.

Néanmoins, le présent texte porte principalement sur l’indépendance de l’audiovisuel public.

Votre question sur la concentration, qui est pertinente, sera évoquée de manière approfondie lors de l’examen du deuxième texte législatif sur l’audiovisuel. De même, les rapports entre diffuseurs et producteurs font l’objet d’une mission, confiée à Laurent Vallée, visant à renforcer les équilibres entre les investissements, mais aussi la circulation des œuvres. Les conclusions en seront rendues publiques à la fin du mois de novembre. Laissons donc cette mission aller à son terme, afin d’enrichir le texte de la deuxième loi sur l’audiovisuel.

En outre, l’ambition de l’audiovisuel public passe par la réalisation des grandes missions de service public auxquelles j’ai déjà fait allusion. C’est dans cet esprit que j’ai négocié un avenant au contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions.

Un tel contrat pour France Médias Monde sera prochainement conclu suite à la négociation que j’ai menée avec Marie-Christine Saragosse. Ce contrat d’objectifs et de moyens était attendu depuis plusieurs années. Alors qu’il n’avait pas pu être conclu sous la direction d’Alain de Pouzilhac, son aboutissement proche permettra de réaffirmer notre grande ambition pour le service public de l’audiovisuel. Il s’agit là de grandes et belles avancées.

Dans ce même esprit, la défense du service public de l’audiovisuel, vous serez fortement associés à la réflexion qui se poursuivra après ce texte, dans le cadre de la deuxième loi sur l’audiovisuel. Celle-ci portera sur la régulation de l’audiovisuel public à l’ère du numérique.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…

La discussion générale commune est close.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

À l’issue des travaux de l’après-midi, la commission de la culture se réunira brièvement pour examiner plusieurs amendements du Gouvernement.

Par ailleurs, je sollicite quelques minutes de suspension de séance, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Nous passons à la discussion des articles du texte de la commission sur le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public.

Chapitre Ier

Dispositions modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication

(Non modifié)

Au premier alinéa de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, le mot : « indépendante » est remplacé par les mots : « publique indépendante dotée de la personnalité morale ».

L'article 1 er A est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 15, présenté par Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Après l'article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il veille à favoriser ou susciter toute solution de médiation entre éditeurs et producteurs de programmes à l’occasion des différends qui pourraient naître de leurs relations. »

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

J’ai déjà évoqué le contenu de cet amendement lors de la discussion générale.

Si la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est explicite quant au rôle du CSA dans le contrôle de l'établissement de relations non-discriminatoires entre éditeurs et distributeurs de services, elle est muette quant à son rôle dans la régulation des relations entre éditeurs de services de télévision et producteurs et distributeurs de programmes. Son article 1er inscrit la « nécessité, pour les services audiovisuels, de développer la production audiovisuelle » au nombre des impératifs qui pouvant conduire à limiter l'exercice de la liberté de communication au public par voie électronique, et son article 3-1 impose au CSA de veiller « au développement de la production et de la création audiovisuelles nationales ».

À la suite de la proposition, formulée dans une étude réalisée en 2010 par le CSA, d'instaurer un médiateur de la circulation des œuvres sur le modèle du médiateur du cinéma, une mission de médiation à titre expérimental a été instituée en 2011 pour une durée de deux ans. Par ailleurs, dans l’excellent rapport qu’il a remis au nom de notre commission et qui a été publiée au mois de mai dernier, notre collègue Jean-Pierre Plancade affirme la légitimité d'un travail de médiation sous l'égide du CSA et suggère un renforcement de son rôle en la matière.

En tant qu'autorité indépendante garante de l'exercice de la liberté de communication audiovisuelle, le Conseil a acquis une connaissance minutieuse des problématiques de circulation des programmes à l'occasion de ses nombreuses études sur les relations entre producteurs de programmes et éditeurs de services et, plus généralement, entre producteurs et distributeurs de programmes et éditeurs de services de télévision. Cette connaissance est en réalité inhérente à l'étendue de la fonction de régulateur du CSA, qui, en vertu de la loi et des décrets, est chargé de la définition et du contrôle des obligations de contribution des groupes de télévision au développement de la production audiovisuelle.

C'est pourquoi le présent amendement vise à donner au CSA la mission de veiller à l'établissement de relations non-discriminatoires entre éditeurs et producteurs de programmes. À cette fin, il pourra « favoriser ou susciter toute solution de conciliation » à l'occasion des différends qui pourraient naître de leurs relations, et ce sans formalisme de saisine ni de procédure. Il pourra ainsi entamer un dialogue avec les parties en conflit. La rédaction proposée emprunte les termes de l'article L. 213-3 du code du cinéma et de l'image animée, qui définit la compétence du médiateur du cinéma.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cet amendement vise à donner un pouvoir général de médiation au CSA. Or la commission a souhaité, à l’article 2 ter du projet de loi, que le pouvoir de conciliation du Conseil soit limité aux seules situations où un problème est signalé par l’une des parties. Nous ne rendrions pas service au CSA, qui a déjà beaucoup de tâches à accomplir, en lui octroyant un tel pouvoir général.

Au demeurant, la commission a adopté ce matin un amendement tendant à élargir le champ des acteurs autorisés à saisir le CSA, afin de protéger les producteurs qui n’oseraient le faire eux-mêmes. Il pourra ainsi y avoir des saisies collectives, par exemple via un syndicat, pour éviter qu’un producteur ne se mette en difficulté, du fait de sa saisine, vis-à-vis des éditeurs, qui lui passent commande. Cet élargissement va en partie dans le sens que vous proposez. Toutefois, nous ne souhaitons pas que le Conseil puisse s’autosaisir de tout.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Je suis défavorable à l’amendement de Catherine Morin-Desailly, dans la mesure où le dispositif envisagé par la commission, qui va dans le même sens, est plus large.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Cet amendement ne contrarie pas le processus de saisine du médiateur, que nous évoquions tout à l'heure. Il vise seulement à offrir au CSA une possibilité de médiation entre éditeurs et producteurs. Par conséquent, nous le soutenons.

L'amendement n'est pas adopté.

(Non modifié)

L’article 4 de la même loi est ainsi modifié :

1° Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :

« Le Conseil supérieur de l’audiovisuel comprend sept membres nommés par décret du Président de la République.

« Trois membres sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat. Dans chaque assemblée parlementaire, ils sont désignés en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication, après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés. Les nominations au Conseil supérieur de l’audiovisuel concourent à une représentation paritaire des femmes et des hommes. » ;

2° Le cinquième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« À l’exception de son président, le Conseil supérieur de l’audiovisuel est renouvelé par tiers tous les deux ans.

« Les membres du conseil ne peuvent être nommés au-delà de l’âge de soixante-cinq ans. » ;

3° À la première phrase de l’avant–dernier alinéa, le mot : « six » est remplacé par le mot : « quatre ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mmes Morin-Desailly, Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

« Un membre est désigné par le Président de la République, trois membres sont désignés par le Président de l'Assemblée nationale et trois membres par le Président du Sénat.

II. – Après l'alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :

« À l'issue de chaque renouvellement, le président du Conseil supérieur de l’audiovisuel est élu au sein du collège des conseillers. »

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Cet amendement, que j’ai déjà largement évoqué lors de la discussion générale, concerne le mode de désignation du président du CSA, institution dont il s'agit de parachever le processus d'indépendance.

J’ai souligné tout à l'heure à quel point nous avions progressé, notamment en renforçant le pouvoir de contrôle des assemblées. Il faut maintenant aller au bout de la démarche. Nous proposons donc que le Président de la République désigne non pas le président du CSA, mais seulement l’un des membres, le président de l’instance étant élu au sein du collège des conseillers à l’issue de chaque renouvellement.

Certains ont affirmé ce matin que le dispositif serait peu opérationnel, la durée du mandat du président du CSA étant réduite à deux ans. Mais le mandat peut parfaitement être renouvelé et prolongé ! En tout état de cause, le président redeviendrait conseiller s’il n’était pas réélu ; ce sont l’ensemble des conseillers qui garantissent la pérennité du fonctionnement du CSA.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 38, présenté par MM. Leleux, Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi et Vendegou, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

…° La première phrase du troisième alinéa est ainsi rédigée :

« Le président est désigné par les membres du Conseil, à la majorité de ses membres, pour la durée de ses fonctions de membre du conseil. »

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Cet amendement va dans le même sens que celui de Mme Morin-Desailly, à une différence près : nous proposons que le président du CSA soit désigné pour la durée de ses fonctions de membre du Conseil. La suspicion qui pesait sur les présidents nommés par le Président de la République a été largement évoquée. Nous pensons qu’il faut aller au bout de la logique et faire élire le président du CSA par les membres du Conseil.

Je le précise, je me rallierais à l’amendement de Catherine Morin-Desailly s’il était adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

L'amendement n° 4 rectifié pose selon moi un problème majeur s’agissant de l’impératif de continuité de l’action menée par le CSA. Le Conseil étant renouvelable par tiers tous les deux ans, son président pourrait, en vertu d’un tel dispositif, changer tous les deux ans, une durée insuffisante pour l’accomplissement des missions correspondantes.

Par ailleurs, il est très étonnant que l’amendement n° 38 soit proposé par un groupe ayant milité pour la nomination directe des présidents de l’audiovisuel public par le président de la République. Je n’ai pas non plus souvenir que Catherine Morin-Desailly se soit opposée au projet de loi instaurant un tel mode de nomination ; en tant que rapporteur, elle était même son principal soutien.

Je rappelle que la nomination des présidents de l’audiovisuel public sera fortement encadrée. Le président du CSA ne sera que l’un des sept membres. Comme l’a souligné Mme la ministre, le Président de la République ne nommera plus que ce seul membre, contre trois auparavant ; nous n’avons pas été habitués à une telle générosité envers la représentation parlementaire.

Par ailleurs, six membres du CSA, soit une écrasante majorité, seront nommés avec l’accord de l’opposition. Enfin, la nomination du président du CSA est elle-même soumise à l’avis des commissions parlementaires compétentes, qui peuvent opposer leur veto à la majorité des trois cinquièmes.

Le CSA nommera, certes, les présidents de l’audiovisuel public, mais le Conseil a aussi d’autres fonctions majeures, comme l’édiction de normes relevant du pouvoir réglementaire, c'est-à-dire de l’État. Il n’est donc pas choquant que son président soit désigné par l’exécutif. D’ailleurs, seul le collège, dont le président n’est qu’un membre, est habilité à prendre les décisions, et il est désigné selon des modalités garantissant son indépendance à l’égard de l’exécutif.

En tant que rapporteur, je ne veux pas entrer davantage dans la polémique, même si cela me démange…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline, rapporteur. J’émets simplement une observation : vous déplorez aujourd'hui un prétendu manque d’indépendance du CSA alors que vous trouviez hier formidable que le Président de la République nomme directement les présidents de l’audiovisuel public.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il eût été plus logique de votre part de déposer un amendement visant à maintenir l’ancien dispositif, que vous aviez soutenu et que le présent projet de loi prévoit d’abolir.

La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Je constate qu’il n’y a pas de volonté de revenir au système antérieur. C’est déjà une avancée.

Néanmoins, les propositions des auteurs de ces deux amendements ne correspondent pas à l’équilibre que nous avons trouvé entre le renforcement considérable du rôle du Parlement et le pouvoir, finalement très limité, du Président de la République de nommer le président du CSA.

Je rappelle que le président du CSA n’a aucun pouvoir particulier au sein du Conseil : toutes les décisions sont prises en collégialité. Sa seule fonction est d’organiser le travail. En outre, conformément à l’article 13 de la Constitution, sa désignation est soumise au contrôle des assemblées, qui peuvent s’y opposer à la majorité des trois cinquièmes.

La collégialité, le renforcement considérable du rôle du Parlement et les garanties prévues par l’article 13 de la Constitution permettront une évolution tout à fait satisfaisante du CSA.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l’amendement n° 4 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le rapporteur, soyez précis quand vous vous référez à des débats anciens. Contrairement à ce que vous insinuez, les centristes, l’Assemblée nationale comme au Sénat, n’ont jamais milité de manière enthousiaste pour une nomination directe par le Président de la République ; vous le savez très bien.

Je vous renvoie en outre aux travaux de la commission pour la nouvelle télévision publique, dite commission Copé, ainsi qu’à d’autres propositions émises par les sénateurs – nous y reviendrons dans quelques instants, lors de l’examen de mon amendement sur le sujet – sur la nomination des présidents de l’audiovisuel public.

Par ailleurs, chacun est amené à progresser dans la vie et, éventuellement, à changer d’avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Cela étant, ma proposition et celle de Jean-Pierre Leleux – nous n’avons pas agi de concert – présentent l’intérêt d’attribuer aux assemblées parlementaires, qui ont numériquement plus de poids dans la désignation des membres du CSA, la responsabilité de désigner indirectement le président de l’organisme. Cela les pousserait à bien réfléchir au rôle et aux compétences de chaque conseiller, qui est dès lors potentiellement susceptible de devenir président de l’autorité.

Il s’agit donc bien d’une volonté de pousser l’indépendance jusqu’au bout, compte tenu du principe de séparation de l’exécutif et du législatif. C’est cette idée qui nous a animés. Nous voulons l’indépendance ? Allons au bout de la logique !

Vous le savez très bien, la nomination de M. Schrameck – mon propos n’est pas de remettre ses capacités ou compétences en cause – a suscité un certain nombre d’interrogations chez nos collègues, au-delà des sensibilités politiques, les fonctions exercées auparavant par l’intéressé pouvant éveiller des soupçons d’attitude partisane…

Vous le voyez, nous voulons toujours plus d’indépendance et de responsabilisation des autorités dites indépendantes.

Et puisque la rupture de continuité a été évoquée, je suis prête à me rallier à la proposition de mon collègue Jean-Pierre Leleux, qui suggère une durée de mandat différente. C’est le même état d’esprit.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Je veux répondre au reproche qui nous est adressé.

Nous l’avons dit, l’indépendance est la quête d’une « inaccessible étoile », aurait chanté Jacques Brel.

Mme la ministre de la culture et de la communication sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Nous sommes prêts à travailler sur une amélioration, sous réserve qu’elle ne soit pas trop utopique. Puisque nous avons décidé d’entrer dans votre logique, nous vous incitons à la mener à son terme, en faisant en sorte que le président du CSA soit élu par ses pairs, et non nommé par le Président de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je m’étonne de constater que M. le rapporteur et Mme la ministre s’opposent à des amendements allant pourtant dans le sens de leur démarche. Dans la mesure où ils affirment souhaiter un CSA plus indépendant et un mode de nomination des présidents de chaînes irréprochable, tous deux devraient logiquement soutenir de tels amendements.

Leur attitude démontre simplement les limites de la volonté du Gouvernement et de la majorité, qui nous proposent un dispositif alibi, pour ne pas dire hypocrite.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Assouline, qui aime bien les invectives, nous a rappelé que nous avions soutenu le principe de nomination des présidents de chaînes par le Président de la République. Personnellement, j’étais en effet favorable à un tel mécanisme, qui permettait de sortir d’une hypocrisie.

Car, à bien regarder l’histoire des nominations de présidents de chaînes depuis 1981, quelles que soient les majorités, quel que soit le nom des autorités chargées de réguler l’audiovisuel, force est de constater que le pouvoir a toujours réussi à faire nommer qui il souhaitait. Les rares fois, pour ne pas dire la seule fois, où tel n’a pas été le cas, le gouvernement de l’époque n’a eu de cesse de faire partir le président en poste. Toutes les nominations par le CSA ou ses ancêtres ont toujours été des « faux nez » permettant à l’exécutif de nommer qui il voulait.

Vous voulez une véritable indépendance ? Chiche ! Allons jusqu’au bout de la logique et acceptons le dispositif proposé par nos collègues ! Nous sortirons ainsi de l’hypocrisie. Mais je crains que le Gouvernement et la majorité ne soient seulement à la recherche d’un alibi… §

Considérons simplement les nominations effectuées dans ce pays depuis 2012. Nous avons largement évoqué la personnalité du président du CSA, mais nous pourrions multiplier les exemples d’organismes où ont été nommés des gens qui avaient le mérite d’être issus de la promotion Voltaire de l’ENA, et plus précisément de son aile gauche.

De grâce, monsieur Assouline, pas de leçons d’impartialité et d’indépendance !

C’est la première fois que je m’exprime sur ce texte. Aussi vous ferai-je part d’un regret, comme d’autres l’ont fait avant moi. Les véritables problèmes de l’audiovisuel ne sont pas abordés. Je pense à la fusion, un temps envisagée, entre le CSA et l’ARCEP ou aux dotations aux chaînes publiques, qui ont fondu, passant de 450 millions d’euros en 2009 à 115 millions d’euros. Là sont les vrais sujets !

Or, une fois de plus, comme sur la quasi-totalité des projets de lois qu’il nous présente, le Gouvernement nous amuse avec des éléments qui ne constituent pas l’essentiel du sujet.

M. Assouline s’est montré, comme à son habitude, très critique envers l’action de la précédente majorité. Pourtant, la loi de 2009, quoi que l’on pense de son contenu, a au moins eu le mérite d’introduire de véritables réformes. La suppression de la publicité, ce n’était pas rien ! La réorganisation de France Télévisions et la modernisation de sa gouvernance, ce n’était pas rien ! Le fait que cet organisme devienne un média global, ce n’était pas rien ! En revanche, le texte qui nous est proposé aujourd’hui, ce n’est pas grand-chose ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Françoise Cartron, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

À ce stade de la discussion, il me semble que nous avons un peu tendance à tout mélanger. On nous parle d’indépendance, de transparence, de liberté à propos d’amendements portant sur le président du CSA. Ce dernier se trouve à la tête d’un collège comprenant six autres personnes, qui seront nommées selon une procédure respectant le pluralisme démocratique, en devant être adoubées par la majorité des trois cinquièmes des commissions parlementaires compétentes.

Le CSA sera donc pluraliste, et non unicolore. On ne peut donc pas penser que son président agira comme un dictateur, imposant sa volonté, ses choix et ses orientations aux six autres membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

C’est faire un mauvais procès à l’institution.

Si vous vous focalisez sur ces amendements, c’est sans doute que le vent nouveau vous grise ; nous vous avons fait découvrir la liberté et l’indépendance, et vous en voulez toujours plus, comme c’est souvent le cas avec les nouveaux convertis… §Un peu de raison !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous comprenons bien le caractère tactique de la discussion dans laquelle vous voulez nous entraîner.

En réalité, nous passons d’un mode de fonctionnement à un autre. Auparavant, il n’y avait aucune indépendance, puisque les présidents-directeurs généraux de chaînes étaient nommés directement par le pouvoir exécutif, qui avait donc tout le pouvoir. Avec le dispositif que nous institutions, le CSA retrouve de la transparence, du pluralisme et de la liberté. Le président en est, certes, l’animateur, mais il n’en sera pas le guide suprême.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas vous suivre sur ces amendements. §

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mme Morin-Desailly a raison de dire que l’on peut changer. J’emploierai plutôt le verbe « évoluer » ; après tout, on peut aussi changer en mal. En l’occurrence, nous souhaitons tous aller vers l’indépendance.

Voici les arguments que je vous opposerais si j’étais absolument convaincu de la sincérité de votre posture.

Il y a, me semble-t-il, deux raisons pour lesquelles le souhait de voir le président du CSA élu par le collège ne tient pas.

D’une part, vous faites comme si, à l’instar de ce qui se pratique dans certains partis ou associations, le président du CSA avait tous les pouvoirs une fois en fonction. Ce n’est pas le cas. Le principe est celui des délibérations collectives, et les décisions sont prises par le collège, dans lequel siègent six membres désignés par les commissions parlementaires à la majorité des trois cinquièmes.

Vous avez l’air de trouver cela banal ! Selon vous, le summum de l’indépendance serait que le président soit élu par le collège. Mais, je vous le signale, si le président était simplement élu par des membres n’ayant pas – c’est le cas aujourd’hui – l’aval des commissions parlementaires, il n’y aurait aucune indépendance. Inversons donc la perspective : les six membres sont choisis selon une procédure pluraliste et le président est tenu par les délibérations du collège.

D’autre part, vous n’abordez pas une question importante ; c’est là le privilège d’une opposition qui n’est pas responsable de ce qui va se faire concrètement dans le fonctionnement pratique de l’institution… Le président du CSA a un pouvoir réglementaire. Lorsque l’on exerce un tel pouvoir, il est à bien des égards préférable d’être nommé par l’exécutif. Vous le savez très bien, puisque que vous avez déjà gouverné.

Vous le voyez, je vous expose mes arguments en postulant que vous êtes de bonne foi et que votre conversion à une indépendance absolue est réelle.

Monsieur Maurey, je vous sais gré de votre intervention très intéressante, vous qui ne participez d’ordinaire pas à de tels débats. Il me paraît extrêmement positif que beaucoup de sénateurs s’investissent sur ce dossier. J’espère que vous continuerez à nous faire profiter de vos points de vue innovants jusqu’à la fin de la discussion, sans doute vers une heure du matin…

Néanmoins, comme vous détestez que l’on soit hypocrite, je ne le serai pas moi-même : il y avait, je trouve, du petit jeu politicien dans votre intervention.

Vous avez soutenu la réforme de Nicolas Sarkozy, qui prévoyait la nomination directe de tous les présidents de chaînes de l’audiovisuel public par le Président de la République dans un pays où les médias sont censés être indépendants, l’indépendance étant la condition de leur crédibilité. Vous en avez même approuvé le volet relatif au financement de l’audiovisuel public, qui, tout le monde en convient, s’est révélé catastrophique, la suppression de la publicité ayant placé France Télévisions dans une grande difficulté.

Au moment où nous discutons de l’article clé du présent projet de loi, vous pourriez reconnaître qu’il s’agit d’une avancée ; d’ailleurs, chacun devrait la saluer. Le dispositif envisagé nous offre, à nous parlementaires, que nous siégions dans l’opposition ou dans la majorité, le pouvoir de décider de la nomination des présidents de l’audiovisuel public à la majorité des trois cinquièmes.

Il ne me semble pas constructif d’essayer de minimiser la réforme en prétendant qu’elle n’irait pas assez loin. Les postures politiciennes ont malheureusement parfois pour conséquence d’asservir l’intelligence.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Philippe Leroy, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Leroy

Je me permets de faire observer que les arguments de M. le rapporteur – il a évoqué le financement de l’audiovisuel public ou la désignation des présidents de chaînes de télévision, alors que nous parlons uniquement de la présidence du CSA – ne portent pas sur le fond de l’article 1er.

À partir du moment où l’on renouvelle la composition du CSA, je crois souhaitable de discuter du mode de désignation de son président. Pour respecter le souci d’indépendance qui fait l’honneur du Gouvernement et de Mme la ministre, je souscris entièrement à l’idée qu’il faille élire le président de cette autorité. Il faut s’en tenir à ce principe sans recourir à des discours dilatoires portant sur d’autres sujets.

La réalité, c’est que, au nom de l’indépendance, nous proposons de faire élire le président du CSA par les membres de cette autorité. Il n’est pas utile d’aller chercher dans le passé de mauvais arguments pour aborder cette question essentielle pour l’avenir.

C’est pourquoi je voterai des deux mains les amendements de nos collègues Catherine Morin-Desailly et Jean-Pierre Leleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Contrairement à ce qui vient d’être indiqué, l’avalanche d’interventions à laquelle nous assistons ne porte pas sur le fond de l’amendement ; il n’y a là que posture politicienne.

À titre personnel, je souhaite apporter des améliorations au projet de loi, ce que je ferai en défendant mes amendements. Mais, chers collègues, vous cherchez à masquer l’amélioration nette résultant de l’abandon du système que vous aviez institué en 2009 en recourant à des interventions de pure circonstance.

Pour cette raison, nous rejetterons ces amendements, ainsi que les motivations qui les accompagnent.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Il n’existe aucune autorité administrative indépendante ne comptant aucun membre nommé par l’exécutif. D’ailleurs, du point de vue constitutionnel, le pouvoir réglementaire qu’exerce le CSA justifie pleinement le mode de nomination que nous envisageons ; c’est également une manière indirecte de respecter l’expression du suffrage universel.

En outre, et j’y insiste, les décisions du CSA sont collégiales, et son président n’a pas de voix prépondérante. Lorsque l’organe nomme des personnalités qualifiées pour siéger au sein de différents conseils d’administration, il le fait de manière collégiale. C’est aussi le cas lorsqu’il prend des sanctions ou passe des conventions avec les chaînes. Le président du CSA ne bénéficie d’aucune « prime » du fait de sa présidence : il anime les séances et organise la discussion, mais n’a pas de voix prépondérante.

Il serait donc illusoire et vain de faire croire que le Président de la République conservera un pouvoir exorbitant sur le CSA sous prétexte qu’il en nommera le président. L’instance conserve toute son indépendance, d’ailleurs renforcée par la collégialité des décisions – je le rappelle, six membres sont désignés par les assemblées –, qui constitue une garantie d’indépendance très forte.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je mets aux voix l’amendement n° 4 rectifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l’avis la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Voici le résultat du scrutin n° 1 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 38.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’amendement n° 1 rectifié bis, présenté par Mmes Morin-Desailly et Férat et M. J.L. Dupont, est ainsi libellé :

Alinéa 4, deuxième phrase

Après le mot :

communication

insérer les mots :

audiovisuelle ou des communications électroniques,

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Tel que l’alinéa 4 est formulé, la présentation des compétences et de l’expérience attendues des membres du CSA nous semble trop générique.

Il est pourtant indispensable que les conseillers réunissent des personnalités représentant une diversité de compétences, techniques, juridiques ou encore économiques, ainsi qu’une diversité d’expériences, issues des secteurs de la production, de l’édition et du journalisme audiovisuel.

Le présent amendement vise donc à préciser de telles exigences en les polarisant sur le secteur audiovisuel et les communications électroniques, notamment pour apporter un début de réponse aux questions soulevées par les évolutions technologiques et cette fameuse convergence numérique. En effet, de telles mutations bouleversent les modes de distribution traditionnels de l’audiovisuel. Il serait souhaitable de garantir ainsi une meilleure appréhension de ces enjeux fondamentaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le sous-amendement n° 72, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 1 rectifié bis, dernier alinéa

Remplacer le mot :

audiovisuelle

par les mots :

, notamment dans le secteur audiovisuel

La parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Ce sous-amendement tend à préciser l’amendement que vient de défendre Mme Morin-Desailly. Le fait de resserrer les critères de compétence, introduits par un amendement du rapporteur à l’Assemblée nationale, permet d’assurer à la fois la diversité des profils et le respect des expériences. Il me semble positif de recentrer ces expériences sur les secteurs de la communication audiovisuelle et électronique.

Dans sa rédaction actuelle, l’amendement n° 1 rectifié bis s’insère un peu difficilement dans l’article 1er. C’est pourquoi je vous propose de le modifier légèrement. Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 1 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

M. David Assouline, rapporteur. Madame Morin-Desailly, dans un esprit extrêmement constructif, et afin de nous permettre de cheminer ensemble vers plus d’indépendance, je m’associe entièrement à votre souhait de prendre en compte les effets de la convergence numérique dans les critères de désignation des membres du CSA. Quand vos propositions sont bonnes, je suis toujours très heureux de leur réserver un avis favorable, ma chère collègue !

Souriressur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’émets également un avis favorable sur le sous-amendement du Gouvernement, qui apporte un complément utile à l’amendement de Mme Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je remercie M. Assouline, qui, pour une fois, nous fait des amabilités, alors qu’il venait de nous accuser d’adopter des « postures », terme qui me paraît un tant soit peu insultant à l’égard de l’opposition : en général, nos propositions sont constructives !

Je partage le point de vue de Mme la ministre, et j’accepte son sous-amendement, même s’il me semble que l’adverbe « notamment » n’a pas vraiment sa place dans un texte juridique, comme cela est souvent souligné dans cet hémicycle.

Le sous-amendement est adopté.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 41, présenté par MM. Leleux, Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi et Vendegou, est ainsi libellé :

Alinéa 4, deuxième phrase

Après les mots :

après avis conforme de la commission permanente chargée des affaires culturelles statuant

insérer les mots :

à bulletin secret

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Madame la ministre, j’ai salué votre geste dans mon intervention au cours de la discussion générale. Certes, la validation parlementaire sera peut-être difficile à obtenir. Mais je me doute bien que vous n’avez pas dû proposer une telle disposition sans avoir au préalable réfléchi quant au devenir du CSA en cas d’alternance.

Imaginons que les membres du CSA soient nommés uniquement par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, en l’absence de toute contrepartie parlementaire. Nous pourrions parler d’« indépendance dans l’alternance », mais certainement pas d’indépendance réelle. Je salue donc une nouvelle fois l’avancée qui figure dans le projet de loi.

Mais, comme Mme la ministre l’a fort justement fait remarquer, notre monde n’est pas exempt de pressions, qui peuvent s’exercer lorsque le vote n’est pas à bulletin secret.

Je propose donc d’inscrire dans la loi que les commissions compétentes de deux assemblées se prononceront à bulletin secret. Certes, et je ne l’ignore pas, le règlement intérieur du Sénat prévoit, implicitement ou explicitement, que les commissions votent à bulletin secret sur les nominations. Mais elles peuvent aussi décider, à l’unanimité des membres, de se dégager d’une telle obligation.

Je souhaite donc que l’obligation pour la commission permanente chargée des affaires culturelles de chaque assemblée statuant à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés de voter à bulletin secret soit clairement inscrite dans le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le vote à bulletin secret relève pour moi de l’évidence ; je rejoins – encore une fois ! – M. Leleux.

Pour autant, comme vous le savez, par tradition, les assemblées parlementaires n’aiment pas que la loi ou l’exécutif s’immiscent dans leur règlement intérieur. Laissons-leur donc la liberté d’en décider. D’ailleurs, vous y étiez vous-mêmes très attentifs lorsque vous étiez majoritaires au Sénat.

En l’occurrence, le règlement intérieur prévoit que les commissions votent à bulletin secret sur les nominations. Votre amendement est donc satisfait.

Cela étant, si, en dépit de la tradition qui prévaut au Sénat, vous jugez utile d’apporter une telle précision et décidez de maintenir votre amendement, j’émettrai un avis de sagesse. Car le vote à bulletin secret est pour moi, je le répète, une évidence.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Estimant, au nom de la séparation des pouvoirs, que le Gouvernement n’a pas à se prononcer sur une question relevant du règlement intérieur des assemblées parlementaires, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

J’entends bien les arguments de la commission.

Mais, parmi nous, qui pourrait s’offusquer d’une inscription du principe du vote à bulletin secret dans la loi ? Une telle mention constituerait une garantie supplémentaire d’indépendance, chacun pouvant se prononcer en toute conscience sans que son comportement soit influencé par son appartenance à telle ou telle formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 21, présenté par M. P. Laurent, Mme Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 4, après la deuxième phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Les nominations au Conseil supérieur de l’audiovisuel doivent être représentatives de l’ensemble des acteurs de l’audiovisuel français dans leur diversité et à ce titre comprendre au moins un membre représentant des usagers ou des syndicats représentatifs du secteur audiovisuel.

La parole est à M. Pierre Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous proposons d’apporter une garantie supplémentaire de diversité dans la désignation des membres du CSA.

Certes, le projet de loi prévoit déjà que les conseillers sont désignés « en raison de leurs compétences en matière économique, juridique ou technique ou de leur expérience professionnelle dans le domaine de la communication » et énonce les cas d’incompatibilité.

Toutefois, si texte contient effectivement de nombreuses précisions, rien ne permet de garantir que le processus de nomination reflétera la diversité des expériences dans le secteur audiovisuel.

Nous souhaitons donc que les nominations au CSA comprennent « au moins un membre représentant des usagers ou des syndicats représentatifs » du secteur audiovisuel public, fort, je le rappelle, de pas moins de 10 000 salariés. Notre objectif est de garantir la diversité parmi les futurs membres du CSA.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je partage l’état d’esprit des auteurs de cet amendement. D’ailleurs, lorsque nous débattrons tout à l’heure de la composition des conseils d’administration des sociétés audiovisuelles publiques, j’exprimerai très fortement mon souhait que le Sénat se prononce en faveur de la présence en leur sein de représentants des usagers et des associations de consommateurs agréées. Ce serait une innovation.

Mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit en l’occurrence. Le CSA n’a pas vocation à représenter telle ou telle catégorie. D’ailleurs, chacun de ses membres est un téléspectateur, dont le point de vue est bien entendu celui d’un professionnel, mais également celui d’un usager.

En outre, un tel dispositif poserait problème d’un point de vue pratique. Je le rappelle, le projet de loi prévoit que trois des membres du CSA seront désignés par le président de l’Assemblée nationale et trois autres par le président du Sénat, après avis conforme des commissions permanentes chargées des affaires culturelles ; dans ces conditions, qui pourrait nommer un tel représentant des usagers et des téléspectateurs ? L’Assemblée nationale ? Le Sénat ? Une telle proposition ne s’inscrit pas dans l’esprit de la procédure de désignation des membres du CSA.

En revanche, puisque les conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel comptent dans leurs rangs des représentants de salariés, par parallélisme, les représentants des usagers y auraient, pour le coup, eux aussi toute leur place. Nous en reparlerons tout à l’heure.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, tout en partageant le souhait que le téléspectateur puisse lui aussi porter un regard sur le fonctionnement de l’audiovisuel public.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Je souscris totalement à l’idée selon laquelle les téléspectateurs doivent être associés à la réflexion sur le service public de l’audiovisuel.

Cela étant, je pense que le CSA n’est pas le bon cadre pour cela. L’outil adapté, c’est le conseil d’administration des entreprises de l’audiovisuel public. Le CSA, dont le présent projet de loi précise les compétences, est un organe de régulation. S’il devait compter dans ses rangs un représentant des téléspectateurs, celui-ci, qui en serait membre à part entière, percevrait à ce titre une rémunération. Ce serait là son activité professionnelle. Et, à moins de se placer dans une situation de conflits d’intérêts, il ne pourrait donc plus représenter une association quelconque.

Une telle proposition contrevient à l’objectif d’associer nos concitoyens, en tant qu’usagers du service public, à la politique menée dans le domaine de l’audiovisuel.

Je partage le souci de fond, mais je pense que l’outil adapté, ce sont les conseils d’administration, et non le CSA.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Nous pensons évidemment que les usagers doivent être représentés au sein de telles structures. Toutefois, compte tenu des modes complexes de désignation de leurs membres, il faudrait mener une réflexion plus large en amont. Nous voterons donc contre cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

J’avoue que je suis très sensible aux arguments de notre collègue Pierre Laurent, même si je conçois que le CSA ne soit pas le cadre adapté.

Je ne voudrais pas que le législateur crée une caste : être membre du CSA, ce n’est pas faire partie d’une caste au-dessus des lois, au-dessus de tout. C’est pourquoi, à titre de « compensation », les conseils d’administration doivent s’ouvrir à l’ensemble des forces productives de ce pays. L’engagement a été pris, et il doit être respecté.

Même si, pour la raison qui a été indiquée, je ne voterai pas cet amendement, l’analyse de fond de ses auteurs est juste et précise. Encore une fois, ne faisons pas du CSA une caste ; ses membres sont des citoyens comme vous et moi !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

En tant qu’écologiste, je suis très attaché à la représentation des téléspectateurs, puisque nous avons nous-mêmes initié un tel processus dans le cadre du projet de loi.

Cela étant, j’admets bien volontiers qu’un membre du CSA devient, suite à sa nomination, un expert. De fait, indépendamment des possibles conflits d’intérêts, un représentant des téléspectateurs n’y a pas sa place. Mieux vaut qu’il siège au sein des conseils d’administration des chaînes.

Nous avons beaucoup réfléchi au sujet. Cela a été l’occasion pour nous de prendre énormément de contacts. Même s’il existe quelques associations de téléspectateurs, elles ne sont pas représentatives de l’ensemble des téléspectateurs, contrairement à ce qui prévaut par exemple aux Pays-Bas, où de tels groupes peuvent compter jusqu’à plusieurs millions d’adhérents.

Pour notre part, nous avons retenu la solution de représentants d’associations de consommateurs agréées à la fois par le ministère de la justice et par le ministère de l’économie et des finances.

Aussi, et en dépit de la justesse des arguments développés par notre collègue Pierre Laurent, dont nous approuvons l’esprit sur le fond, nous ne voterons pas cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous reprendrons ce débat lors des nominations de membres du CSA.

En poursuivant la discussion, nous devrions alors définir les contours de la notion de « compétence ». On peut retenir une définition restrictive de ce mot, afin de ne prendre progressivement en considération qu’un certain type de profil de candidats, ceux qui peupleront le CSA ou toute autre autorité indépendante, et à écarter de fait quantité d’expériences et de compétences présentes au sein de la société française, dont nous avons tant besoin, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres. Car c’est justement grâce à de tels profils que le CSA pourrait émettre des avis en toute indépendance. Ses avis seraient ainsi l’émanation de la société dans sa diversité, et non pas d’un certain type d’experts qui s’imposent systématiquement, parfois à la majorité de la société, même quand elle pense différemment d’eux.

Notre proposition ne sera manifestement pas retenue, mais j’espère qu’elle pourra en tout cas nourrir la réflexion future sur la diversité des compétences au sein du CSA.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur Plancade, vous demandez un engagement sur la représentation des téléspectateurs au sein des conseils d’administration des sociétés audiovisuelles publiques.

Ce matin, la commission a émis un avis favorable sur deux amendements de Pierre Laurent visant à assurer la représentation des associations de défense des consommateurs, agréées au niveau national, au sein des conseils d’administration de Radio France et de France Télévisions.

Sur le fond, la question des compétences dépasse effectivement le problème de l’usager. Si les deux assemblées doivent parvenir à un consensus dans la désignation des membres, elles porteront leur choix non pas sur des profils non pas politiques, mais techniques. Nous assisterions alors au règne d’acteurs dont les points de vue seraient « admissibles » car neutres, puisque techniques.

Mais la compétence n’est pas tout ! Lorsqu’il désignera différentes personnalités, y compris les présidents de chaîne, le CSA prendra bien sûr en compte leur compétence, leur expérience, mais il devra surtout apprécier leur implication, leur point de vue, leur aura, leur envergure intellectuelle, leur regard culturel, leur volonté de faire preuve de citoyenneté, d’esprit critique… Selon moi, tous ces critères participent de la compétence requise pour bien réguler l’audiovisuel ou pour présider une chaîne de l’audiovisuel public. La technicité que possède un bon chef d’entreprise ou une bonne connaissance de telle ou telle technique ne suffisent pas. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne suis pas partisan de ce seul critère.

Être compétent consiste aussi à être capable de traduire le point de vue du téléspectateur. À ce propos, et vous le savez d’ailleurs, tous les jours, le CSA reçoit des milliers de lettres ; celles-ci sont traitées par un service qui prend en compte leur contenu. Le CSA joue donc déjà aujourd’hui un rôle important en la matière.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je rappellerai tout d’abord que l’amendement que nous avons déposé tendant à aller plus loin en termes d’indépendance que le Gouvernement pour ce qui concerne l’élection du président du CSA a été repoussé.

D’ailleurs, monsieur le rapporteur, ce n’est pas parce que ce sujet de l’indépendance vous gêne qu’il faut travestir la réalité ! Lors du débat relatif au projet de loi portant sur l’audiovisuel de 2009, j’étais le porte-parole de mon groupe puisque Catherine Morin-Desailly en était rapporteur. Or je n’ai pas le souvenir d’avoir tenu la moindre parole complaisante à l’égard de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je vous invite à relire les propos que j’avais eus à l’époque et qui m’ont d’ailleurs valu d’être fortement sermonné – pour ne pas dire plus – par l’exécutif. Je fais partie de ces rares parlementaires dont le discours ne change pas selon qu’ils sont dans la majorité ou dans l’opposition. Je comprends que cela vous dérange fondamentalement…

Cela étant, je suis quelque peu amusé que vous-même, comme Mme la ministre, essayiez de nous expliquer que le président du CSA n’est pas quelqu’un de très important...

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Mais si ! Il est nommé par le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le président du CSA ne serait qu’un membre parmi d’autres… Mais à qui allez-vous faire croire cela ?

De surcroît, cet argument est réversible : si cette personnalité n’est pas si importante, pourquoi alors est-elle nommée par le Président de la République ?

De plus, c’est incontestablement elle qui va organiser et mener les débats, préparer et exécuter les délibérations.

Je le répète, ce n’est pas parce que l’on n’est pas d’accord qu’il faut utiliser de mauvais arguments !

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur l’article 1er du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Les membres du groupe UMP auront la même position.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

J’espère que le ton du présent débat ne va pas perdurer ! Je suis choquée des procès d’intention qui nous sont faits quand nous présentons un amendement. J’ai pour habitude de déposer des amendements par conviction. Je me sens responsable de mes propositions. J’aime en débattre avec mes collègues. Je ne prétends pas toujours détenir la vérité, mais je la recherche.

Je trouve parfaitement inadmissible de m’entendre dire que mes propositions sont banales, de posture, de circonstance et que je ne me sens pas responsable de leurs conséquences !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

M. le rapporteur me semble en outre assez mal placé pour donner ce genre de leçons. Nous nous souvenons de nombreux débats lors de la mandature précédente au cours desquels il n’était pas forcément lui-même de totale bonne foi…

Je ne fais pas de procès d’intention, alors ne nous en faites pas ! Je ne suis pas agressive ; ne le soyez pas non plus !

J’espère que l’examen de l’ensemble des amendements se déroulera dans la tranquillité, la sérénité et le respect. C’est du reste l’esprit du Sénat. §

L'article 1 er est adopté.

L’article 5 de la même loi est ainsi modifié :

1° A

1° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions du code de la propriété intellectuelle, les membres du conseil ne peuvent, directement ou indirectement, exercer des fonctions, recevoir d’honoraires, sauf pour des services rendus avant leur entrée en fonction, détenir d’intérêt ou avoir un contrat de travail dans une entreprise de l’audiovisuel, du cinéma, de l’édition, de la presse, de la publicité ou des communications électroniques. Si, au moment de sa nomination, un membre du conseil détient des intérêts ou dispose d’un contrat de travail ou de prestation de services dans une telle entreprise, il dispose d’un délai de trois mois pour se mettre en conformité avec la loi. » ;

2° Le quatrième alinéa est ainsi modifié :

a) (nouveau) Après le mot : « alinéa », est insérée la référence : « ou au cinquième alinéa » ;

b) Les mots : « majorité des deux tiers » sont remplacés par le mot : « majorité » ;

2° bis

3° L’avant–dernier alinéa est ainsi modifié :

a) À la dernière phrase, les mots : « des deux tiers » sont supprimés ;

b) (nouveau) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :

« Il cesse également, partiellement ou totalement, dans les mêmes conditions, en cas de manquement aux obligations résultant du cinquième alinéa. » –

Adopté.

Le premier alinéa de l’article 17-1 de la même loi est ainsi modifié :

1° Les mots : « ou de télévision » sont remplacés par les mots : «, de télévision ou de médias audiovisuels à la demande » ;

2° Après les mots : « diversité de programmes, », sont insérés les mots : « des œuvres européennes et d’expression originale française et des offres éditoriales des services de médias audiovisuels à la demande » ;

3° Après les mots : « l’offre de programmes », sont insérés les mots : « et de services ».

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 7 est présenté par Mmes Morin-Desailly et Férat.

L'amendement n° 42 est présenté par MM. Leleux, Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi et Vendegou.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l’amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

L’article 2 bis confère au CSA un pouvoir de règlement des différends portant sur les services de médias audiovisuels à la demande entre éditeurs et distributeurs.

Or cette disposition fait précisément l’objet d’une question soumise à la consultation publique lancée par le ministère de la culture et de la communication jusqu’à la fin du présent mois pour préparer un projet de loi « exception culturelle 2 » faisant suite notamment aux travaux menés par la mission Lescure.

Sur la forme, à quoi bon recueillir les avis des parties prenantes sur un sujet si les décisions sont déjà prises et imposées par la loi ?

Sur le fond, une telle disposition préjuge les conclusions de cette consultation, en mettant en œuvre un régime juridique spécifique pour les SMAD nationaux à destination des distributeurs de services nationaux, alors que l’on sait bien que, dans ce domaine, les grands acteurs de la distribution sont internationaux, comme iTunes, Amazon, que vous connaissez tous. Ces derniers s’affranchissent par conséquent des règles nationales. Ils échapperont au règlement de différends. Une nouvelle fois, on augmente les contraintes spécifiques aux acteurs français du numérique tout en laissant le champ libre aux acteurs délocalisés.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire de supprimer l’article 2 bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l'amendement n° 42.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Comme vient de le dire Catherine Morin-Desailly, cet article, qui élargit aux services de médias audiovisuels à la demande la compétence du CSA en matière de règlement des différends, anticipe sur la consultation en cours dont les résultats, que nous attendions à la fin de ce mois-ci, ne seront finalement connus que dans le courant du mois prochain.

Légiférer dès à présent semble donc précipité, eu égard aux enjeux de cette concertation et compte tenu du calendrier retenu pour le prochain projet de loi relatif à la création annoncé par le ministère.

En outre, cette disposition ayant été introduite lors des travaux de la commission au Sénat, l’Assemblée nationale ne pourra pas travailler sur ce sujet.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous estimons cette mesure prématurée. Nous en demandons donc la suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Tout d’abord, le Parlement ne doit pas forcément se sentir tenu par les consultations publiques lancées par le Gouvernement, notamment s’il est convaincu de l’intérêt d’avancer sur une question. C’est d’ailleurs pour cela que le pouvoir législatif est un pouvoir indépendant.

Sans vouloir heurter personne, mais il faut tout de même un minimum de débat et de contradiction, permettez-moi de faire part de deux étonnements sur la forme.

Madame Morin-Desailly, c’est la loi de 2009, dont vous étiez rapporteur, qui a introduit les SMAD dans notre législation et qui a confié au CSA un pouvoir de régulation sur ces services associé d’obligations et de sanctions. Le présent article, très attendu par le secteur, n’est que le prolongement très naturel de ces dispositions.

En outre, l’amendement n° 7 est d’autant plus étonnant que vous avez déposé un autre amendement visant à confier au CSA un très fort pouvoir de contrôle de la concurrence sur le marché des SMAD, sans respect cette fois-ci de la consultation publique lancée par le Gouvernement que vous venez d’évoquer.

Enfin, sur le fond, il me semble intéressant, au vu de l’envergure prise par ces services et de leur importance pour les citoyens, par exemple avec la télévision de rattrapage ou la vente à distance, qu’un principe d’accès non discriminatoire et objectif au marché de la distribution puisse être appliqué. Tel est l’objet du présent article. Sa suppression empêcherait l’expression d’une conviction commune.

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous présenter d’ores et déjà l’amendement n° 70 qui tend à supprimer l’alinéa 3 de l’article 2 bis. La commission souhaite permettre au CSA d’étendre son pouvoir de règlement des différends aux SMAD.

Monsieur Leleux, je partage pour partie vos propos : le débat sur le champ de ce pouvoir peut être reporté à une loi ultérieure parce qu’il nécessite plus de précisions et d’échanges.

En revanche, le principe est attendu depuis longtemps. Il découle très naturellement des positions adoptées en 2009. À l’époque, ceux qui s’étaient alors investis dans le travail législatif lié aux nouveautés émergeant avec la révolution numérique ont voulu faire en sorte que le CSA ne soit pas complètement déconnecté. La loi de 2009 était une avancée. Nous nous efforçons de poursuivre en ce sens.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable aux deux amendements identiques de suppression.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Cette disposition introduite par la commission est une simple extension logique du pouvoir de régulation qui, à juste titre, avait été confié au mois de mars 2009 au CSA. À l’époque, le CSA ne s’était pas vu octroyer le pouvoir de médiation, de règlement des différends entre les éditeurs et les distributeurs des SMAD parce que l’on avait alors jugé que cette question n’était pas encore mûre. Au bout de quatre années, la maturité est atteinte, le marché existe.

Je rappelle en outre que le règlement des différends par le CSA a fait l’objet de deux rapports successifs : celui de Patrick Zelnick et celui de Sylvie Hubac sur le développement de l’offre légale en ligne. Nous sommes donc pleinement dans cette logique qui consiste à continuer d’améliorer l’offre légale en ligne. Il est par conséquent tout à fait opportun de vouloir étendre le pouvoir de règlement des litiges du CSA aux différends entre les éditeurs et les distributeurs des SMAD, ce qui permettra la poursuite du développement serein du marché.

Les précédents orateurs l’ont rappelé : depuis le 9 septembre dernier, une consultation publique relative à la distribution des services audiovisuels, menée sous l’égide du ministère de la culture et de la communication, est lancée. Or la disposition retenue par la commission n’en préjuge en rien les conclusions puisqu’elle ne remet nullement en cause l’équilibre entre les distributeurs et les éditeurs. Aucune contrainte nouvelle ne leur est imposée. Le dispositif de l’article 17-1 de la loi du 30 septembre 1986 reste inchangé. L’amendement n° 70, présenté par la commission, permet aussi de veiller à ce maintien.

En outre, puisque l’articulation des prérogatives entre l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, ou ARCEP, et le CSA est bien entendu maintenue, le CSA demeure l’arbitre des conflits entre les distributeurs, par exemple pour ce qui concerne les box des fournisseurs d’accès à Internet, et les éditeurs de services de communication audiovisuelle, et ne traitera en aucun cas des conflits qui peuvent être liés à l’accès des services à la demande au réseau Internet.

Par conséquent, la proposition du rapporteur est l’extension logique des compétences du CSA découlant d’une disposition de la loi de mars 2009 qui arrive maintenant à maturité. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 70, présenté par M. Assouline, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 2 bis est adopté.

Après l’article 17–1 de la même loi, il est inséré un article 17–2 ainsi rédigé :

« Art. 17–2. – En cas de litige et avec l’accord des parties, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres audiovisuelles ou leurs mandataires. »

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 71, présenté par M. Assouline, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Après le quatrième alinéa de l'article 3-1 de la même loi, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de litige et avec l’accord des parties, le Conseil supérieur de l’audiovisuel assure une mission de conciliation entre éditeurs de services et producteurs d’œuvres ou de programmes audiovisuels ou leurs mandataires, ou les organisations professionnelles qui les représentent. »

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le présent amendement a un triple objet.

Il tend d’abord à déplacer la nouvelle mission de conciliation du CSA prévue à l’article 2 ter du présent projet de loi de l’article 17-2 à l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, afin d’insérer cette nouvelle mission au sein de l’article relatif aux missions générales du CSA.

Il vise ensuite à étendre le champ de la conciliation aux programmes autres que les œuvres audiovisuelles, c’est-à-dire aux programmes de flux tels les magazines ou les jeux.

Il a enfin pour objet de préciser qu’un syndicat de producteurs ou de distributeurs peut être partie au litige, ce qui répond aux inquiétudes des uns et des autres. J’ai déjà défendu cette mesure tout à l’heure et soutenu que des collectifs, des syndicats pouvaient solliciter le médiateur, et pas seulement les protagonistes individuellement, qu’ils soient producteurs ou éditeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Leleux, Legendre, Bordier, Carle et Chauveau, Mme Duchêne, MM. Dufaut, A. Dupont et Duvernois, Mme Farreyrol, MM. B. Fournier, J.C. Gaudin, Grosdidier, Humbert et Martin, Mme Mélot, M. Nachbar, Mme Primas et MM. Savin, Soilihi, Vendegou et Béchu, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 17-2. - En cas de litige et avec l'accord des parties, le rapporteur visé à l'article 42-7 propose les services d'un médiateur, indépendant des fonctions de sanction du conseil, entre professionnels du secteur : éditeurs de services, producteurs d'œuvres audiovisuelles ou leurs mandataires, distributeurs, ou les organisations professionnelles qui les représentent. »

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

L'article 2 ter adopté en commission constitue une avancée significative sur la difficile question de la circulation des œuvres. Comme l’avait fait au printemps dernier le rapport d’information du sénateur Jean-Pierre Plancade, est reconnue la nécessité d’institutionnaliser, pour lui donner force de loi, la fonction de médiateur pour la circulation des œuvres, instituée à titre expérimental en 2011.

Toutefois, le dispositif, tel qu’il nous est proposé, ne répond pas totalement à l’objectif affiché en commission. Ainsi la notion de « conciliation » est-elle différente de celle de « médiation » qui se situe, elle, en amont de toute procédure.

Confier cette mission au CSA pose un réel problème de compatibilité avec les préconisations de la Cour européenne de justice, qui impose une stricte séparation entre les fonctions d’instruction et de sanction. Or une conciliation menée par des services placés sous l’autorité hiérarchique du CSA ne peut pas être compatible, en cas d’échec, avec la procédure de sanction que la loi a confiée au Conseil. Il convient, en conséquence, de désigner un médiateur, rattaché administrativement au président du CSA, mais indépendant hiérarchiquement de la direction générale et des services. C’est ainsi qu’a d’ailleurs été menée l’expérimentation.

Un rapporteur indépendant étant chargé, par le présent projet de loi, de la fonction d'instruction, le déclenchement de cette procédure de médiation semble devoir lui revenir naturellement en amont de son instruction.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par Mmes Morin-Desailly et Férat et M. J.L. Dupont, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

Conseil supérieur de l’audiovisuel

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

propose les services d’un médiateur, indépendant des fonctions de sanction du conseil, entre professionnels du secteur, notamment les éditeurs de services de télévision, les producteurs d’œuvres audiovisuelles ou leurs mandataires et les distributeurs

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je ne reviendrai pas sur les explications de M. Leleux, puisque j’ai largement exposé un point de vue identique lors de la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Dans son rapport d’information, Jean-Pierre Plancade évoquait l’institutionnalisation d’un médiateur de la circulation des œuvres, sans donner plus de précision. Nous soutenions cette proposition. Mais après consultation des différents acteurs, il paraît plus pertinent que les en cause questions soient portées à la connaissance du collège du CSA, plus à même d’avoir une vision d’ensemble et équilibrée de la problématique de circulation des œuvres qu’une seule personne. C’est également l’avis des producteurs eux-mêmes, selon lesquels la connaissance, par le collège, des pratiques des chaînes peut être intéressante pour l’exercice de ses autres missions.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Je rappelle néanmoins que, sur cette question de la circulation des œuvres et des rapports entre éditeurs et producteurs, un relatif consensus s’est dégagé au sein de la commission afin que la situation évolue.

Au stade où nous en sommes, nous sommes parvenus à un bon équilibre. Mais beaucoup d’autres éléments devront figurer dans une future loi concernant ce sujet. Il ne faut pas octroyer à un médiateur un pouvoir qui est actuellement confié au CSA.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

La procédure de conciliation proposée ne pose aucune difficulté juridique au regard de la séparation des pouvoirs d’instruction et de sanction. En l’occurrence, le CSA n’imposera pas de sanction à la suite de cette conciliation ; son rôle consistera à inciter le dialogue entre les parties.

D’ailleurs, si la séparation des pouvoirs était en cause, j’aurais émis un avis favorable sur les amendements n° 43 rectifié et 2 rectifié sans autre condition, puisque l’objet du texte lui-même est d’instaurer une séparation des pouvoirs au sein du CSA en prévoyant un rapporteur indépendant.

En l’espèce, point n’est besoin d’un médiateur extérieur au CSA. Au contraire, la collégialité du Conseil est intéressante, dans la mesure où elle favorisera le dialogue entre les éditeurs et les producteurs ou leurs représentants, les syndicats, c’est-à-dire leurs mandataires. Évoquer ces derniers, à l’instar de M. le rapporteur dans son amendement, permet d’inclure les distributeurs sans qu’il soit nécessaire de les nommer.

De plus, l’amendement n°71 permet d’étendre la possibilité d’engager une conciliation, non plus seulement pour les différends qui peuvent naître sur les œuvres, mais également sur les émissions de flux, ce qui est extrêmement important.

Pour cette raison, je suis favorable à l’amendement n°71 et défavorable aux amendements n° 43 rectifié et 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l’amendement n° 71.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je trouve regrettable que soient seulement cités, dans l’amendement n°71, les conflits entre éditeurs et producteurs sans aucune autre précision. Or il peut exister des conflits entre éditeurs ou encore entre ceux-ci et les distributeurs et il me semble important que la loi le précise.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Leleux

Nous sommes tous d’accord sur cette mission de conciliation ou de médiation, tout en ayant à l’esprit la nuance qui peut exister entre ces deux notions. Mais nous préférons notre rédaction, dans la mesure où elle permet d’expliquer clairement que cette médiation fait partie de la mission du rapporteur en amont de son instruction du litige : le CSA ne doit pas considérer cette mission de conciliation en tant que futur sanctionneur ; il doit donner au rapporteur, qui sera créé à l’article suivant, la mission de confier une médiation à quelqu’un. Cette nuance nous paraît importante.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

En conséquence, l’article 2 ter est ainsi rédigé, et les amendements n° 43 rectifié et 2 rectifié n’ont plus d’objet.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 28, présenté par M. P. Laurent, Mme Gonthier-Maurin, M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La première phrase du 3° de l’article 27 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi rédigée :

« La contribution des éditeurs de services au développement de la production indépendante telle que définie à l’article 71-1, d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, ainsi que la part de cette contribution, dans la limite de 50 % du financement consacré à la production, ou le montant affectés à l’acquisition des droits de diffusion de ces œuvres sur les services qu’ils éditent, en fixant, le cas échéant, des règles différentes pour les œuvres cinématographiques et pour les œuvres audiovisuelles et en fonction de la nature des œuvres diffusées et des conditions d’exclusivité de leur diffusion. »

La parole est à M. Pierre Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Cet amendement tend à traduire dans la loi l’une des préconisations du rapport d’information n° 616 sur les relations entre les producteurs audiovisuels et les éditeurs de services de télévision que nous avons récemment adopté, élaboré sur l’initiative de Jean-Pierre Plancade. Nous avions soutenu la démarche de notre collègue et l’essentiel de ses recommandations.

La question de la part de financement consacrée à la production indépendante ainsi que celle des contreparties en termes de possession des droits sur cette production doivent être examinées. Les dispositions actuelles se révèlent inappropriées, voire dangereuses, pour l’audiovisuel public. Alors que ce constat semble largement partagé, la révision de ces dispositions tarde à venir.

C’est pourquoi, par le biais du présent amendement, nous essayons de faire avancer la situation.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cette proposition n’a pas véritablement été envisagée dans le rapport de M. Plancade. A été évoquée l’idée d’abaisser le quota de production indépendante, mais non d’en fixer un pour la production dépendante.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce rapport, que j’ai lu, posait le problème de façon différente, même si l’on peut, en fixant ce qui relève de l’indépendance, déduire la production dépendante.

Par ailleurs, je connais bien le modèle de la BBC, pour avoir, avec d’autres membres de la commission, examiné son fonctionnement. Et, à notre retour, nous nous étions unanimement étonnés du fait que le modèle français soit quelque peu contradictoire, dans la mesure où le service public de l’audiovisuel, qui pourrait beaucoup investir dans des œuvres et autres productions, n’a aucune part dans cette production.

Je souligne à l’intention de M. Pierre Laurent que, lorsque l’on traite de ce sujet, il ne suffit pas de légiférer pour l’audiovisuel public. Les grands patrons de l’audiovisuel privé sont eux aussi attentifs à cette question ! Dans le conflit susceptible d’opposer producteurs et éditeurs, il faut que les pouvoirs publics, notamment le Parlement, incitent les uns et les autres à parcourir une partie du chemin, pour qu’ils puissent se rencontrer. Ainsi, l’ensemble des intérêts seront défendus.

En ouvrant ce débat, M. Plancade, a suscité un réel émoi. À nos yeux, il faut évoluer dans ce sens, mais au terme d’une concertation. Il faut garantir un donnant-donnant entre éditeurs et producteurs.

Mes chers collègues, je tiens surtout à dresser le constat suivant, car je sais que ce débat se prolongera à travers d’autres amendements : le rapport Plancade soulève des problèmes majeurs, au titre desquels une mission doit précisément remettre ses travaux à la fin du mois de novembre, pour que tout se passe au mieux en permettant à tous les acteurs d’avancer ensemble. On ne peut pas, via un simple amendement, anticiper les débats que susciteront les conclusions de cette mission, sans que l’Assemblée nationale se prononce ! Sur des débats de cette importance, les députés ont tout de même leur mot à dire ! Je rappelle que le présent projet de loi est examiné selon la procédure accélérée.

Il ne s’agit pas de repousser cette question de deux ans ou plus, en enterrant ainsi le rapport de M. Plancade et les travaux de la mission Vallet. Pas du tout ! Nous sommes tous déterminés à aller vite, Mme la ministre au premier chef. Dès le prochain véhicule législatif, il faut donc faire en sorte de présenter les propositions les plus apaisantes possible – même si l’accord ne sera sans doute pas unanime – pour l’ensemble des acteurs, éditeurs et producteurs compris.

Cette réponse vaut pour tous les amendements déposés à ce titre. En l’espèce, l’amendement de M. Pierre Laurent tend à mettre en œuvre une disposition assez maximaliste, même au regard des propositions renfermées dans le rapport !

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

À l’heure actuelle, un travail confié à Laurent Vallet, directeur général de l’Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles, l’IFCIC, est effectivement en cours. Cette mission porte précisément sur les relations entre les producteurs et les chaînes de télévision. Elle permettra de travailler dans une large concertation avec l’ensemble des professionnels, sur le rapport entre, d’une part, les investissements des chaînes dans telle ou telle production et, de l’autre, les droits d’exploitation que lesdites chaînes détiennent sur ces œuvres.

Sur un sujet aussi sensible, il me semble sain que la chronologie de nos travaux respecte cette étude, qui doit s’achever avant la fin de cette année. Je le répète, ses conclusions nous permettront de travailler par la suite à ces bons équilibres. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 28.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Jean-Pierre Plancade, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

On parle fréquemment du « rapport Plancade ». Je souligne à cet égard que ce document ne se dénomme plus ainsi dans la mesure où il a été présenté puis adopté par la commission avec des modifications !

Monsieur le rapporteur, c’est vrai que je n’ai pas fixé un seuil à 50 %. Cela étant, le présent amendement a trait à un problème majeur pour le financement du service public. Il ne s’agit pas simplement de ce dernier, j’en conviens. Mais je parlerai avant tout de l’audiovisuel public, car c’est ce dernier qui m’intéresse avant tout.

Il faut tout de même expliquer ce qui se passe actuellement. L’amendement présenté par Pierre Laurent n’est pas tombé du ciel, par hasard. Il soulève un réel problème. Je le souligne, même si je ne suis pas d’accord avec le taux qu’il tend à instituer.

Mes chers collègues, quel est le véritable problème ? Chacun de nous le sait, mais il est tout de même préférable de l’expliquer. Aujourd’hui, lorsque le groupe France Télévisions commande une œuvre à un producteur, il lui en paye 80 %, voire 90 %, mais la réalisation ne lui appartient pas. Elle reste la propriété du producteur. France Télévisions prend le risque de la distribuer et d’en faire le succès, mais n’a que le droit de l’utiliser pendant deux ou trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Merci, mon cher collègue, de cette précision.

En fait, cet argent, totalement public, ne sert qu’à financer un secteur privé. Ce dispositif a été nécessaire en son temps : je ne dénigre pas les mesures passées ! Nous n’en vivons pas moins dans une autre époque. Je ne comprendrais pas qu’à l’issue de nos débats – ce soir ou demain – nous quittions cet hémicycle sans nous être entendus sur un modus vivendi ou, tout au moins, sans avoir exprimé notre détermination face à la nécessité absolue de résoudre ce problème.

Madame la ministre, on nous dit d’attendre le rapport Vallet. On nous dit : « On réglera ce problème demain. » Or demain, c’est à proprement parler demain ! Je vous le fais observer on ne peut plus calmement : aujourd’hui, il est de notre responsabilité d’hommes politiques de garantir toute l’éthique nécessaire dans les pratiques à l’œuvre depuis vingt ans au sein du service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

Je ne voterai pas cet amendement, même si je comprends la position maximaliste défendue par Pierre Laurent et ne la condamne pas. À mon sens, sur toutes les travées de cet hémicycle, nous pouvons, d’ici à la fin de nos débats, adopter un amendement permettant sinon d’éradiquer définitivement les phénomènes aujourd’hui à l’œuvre, du moins de lutter contre eux. Ces derniers pénalisent le service public et, surtout, constituent un handicap à la création comme à la distribution de l’activité culturelle française.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Plancade

M. Jean-Pierre Plancade. Quand on parle de l’exception culturelle française, il faut garder à l’esprit que les textes régissant aujourd’hui notre audiovisuel public ne sont pas en mesure de la garantir !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M. André Gattolin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. Pierre Laurent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le rapporteur, vous affirmez que ce débat a suscité de l’émoi. Mais l’émoi était déjà là auparavant ! Le groupe France Télévisions consacre 20 % de son chiffre d’affaires au financement de productions au titre desquelles il n’a aucun retour en termes de droits. Il ne s’agit pas d’un petit problème pour l’avenir du service public !

Vous avancez que cet enjeu concerne également le secteur privé. Nous sommes d’accord. Mais les rapports actuels avec la petite production privée ne sont sains pour personne ! Il convient donc de revoir ce système dans la durée. Les grands éditeurs français eux-mêmes devraient se poser la question car, si rien n’est fait, toute la petite production que nous avons développée finira par être rachetée, et non par des éditeurs français. Dès lors, nous achèterons des programmes à des producteurs étrangers que nous avons nous-mêmes alimentés des années durant. §

La question de la défense de notre système productif audiovisuel est posée. Nous avons choisi un modèle voilà de nombreuses années, du temps de l’ORTF et des grandes chaînes. Mais nous avons abandonné la SFP, la Société française de production, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

… à l’issue d’un choix industriel, et nous avons opté pour un autre modèle que celui de la BBC.

Aujourd’hui, ce système nous met en difficulté. Il devient urgent de s’attaquer à ce problème global, qui touche particulièrement le service public. Peut-être le taux proposé via le présent amendement est-il maximaliste. J’en assume la responsabilité. Je suis prêt à débattre de ce sujet, à condition toutefois que nous discutions de propositions de substitution ! Il ne faut pas nous dire : « Il existe un problème très grave, et nous allons peut-être le traiter. » Si le taux que je propose n’est pas le bon, débattons d’autres seuils, d’autres systèmes, bref discutons sérieusement de ce problème et débouchons rapidement sur des solutions !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Madame la ministre, je n’ai pas pour réputation d’être un grand ami des producteurs privés, et les auditions menées par notre commission l’ont confirmé.

Certes, le rapport Vallet est en cours d’élaboration. Toutefois, il ne faut pas qu’une commission d’experts annule le travail parlementaire accompli ! De fait, nous ne sommes pas allés cueillir les pâquerettes ! §

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Nous avons mené un grand nombre d’auditions, et non des moindres. Certaines personnalités interrogées s’y sont exprimées pour la première fois. Plusieurs producteurs ont, notamment, énoncé des vérités que l’on tait généralement, de peur d’être ostracisés. C’est une réalité.

Je ne soutiendrai pas le présent amendement car, ainsi isolée, une telle disposition ne fait pas sens. Je suis d’accord avec tout ce qu’a dit Pierre Laurent, notamment pour ce qui concerne les producteurs privés. Néanmoins, M. le rapporteur l’a rappelé avec raison, il va falloir engager une négociation ! Si le service public dispose de droits sur les productions qu’il contribue à financer, il faut commencer à débattre de l’exclusivité des droits de production.

Aujourd’hui, avec des exclusivités qui durent quarante-deux mois, les productions sont parfois gelées par les chaînes.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Il faut bien l’avouer, on observe en la matière un problème de gouvernance et de gestion de la part de France Télévisions distribution. Cette filiale est censée vendre des programmes, mais elle affiche des pertes, elle ne vend rien ! Cette situation est surréaliste !

Il va falloir aboutir à un équilibre. J’espère que le rapport Vallet et les propositions qui en découleront ouvriront la voie à une véritable collaboration entre le Parlement et le Gouvernement. À cet égard, il ne faut pas avoir peur du lobbydes producteurs privés. Ne le cachons pas : aujourd’hui, à travers les décrets Tasca, certains ont bénéficié d’un interstice né de l’effondrement de la Société française de production et du service public !

Dans le cadre des auditions menées sous l’égide de David Assouline, tous les producteurs des chaînes de télévision nous ont affirmé qu’il était aujourd’hui impossible de créer, pour les entreprises télévisuelles, une dynamique uniquement fondée sur la diffusion. Il faut être à la fois diffuseur et producteur de programmes. C’est le modèle qui fonctionne en Grande-Bretagne, aussi bien dans le public, avec la BBC, que dans le privé, avec ITV. Si l’on n’est pas fabricant, producteur et revendeur de ses propres programmes tout en étant diffuseur et vendeur de publicité ou d’abonnements, à terme, le modèle économique ne fonctionne pas.

Il nous faut débattre de cette question. Quoi qu’il en soit, nous ne nous contenterons pas des conclusions du beau rapport qui nous sera présenté par M. Vallet. Une discussion spécifique sera nécessaire, qui impliquera des concessions de part et d’autre. Dans ce cadre, le service public devra, lui aussi, être à la hauteur des exigences.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Colette Mélot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Le système de régulation française a été régi par deux principes : d’une part, obliger les chaînes à investir dans la fiction – ce rappel a déjà été formulé – et, de l’autre, les empêcher d’être propriétaires desdites œuvres. Ce mécanisme était censé protéger les petits producteurs indépendants, à l’époque où la France ne comptait que quelques chaînes gratuites.

Or ce système a engendré des effets pervers. Il a favorisé des sociétés de production étrangères. Il a enrichi quelques gros producteurs. Cependant, il n’a ni servi la qualité des œuvres ni favorisé l’exception culturelle.

Pour ce qui concerne la création de marques de flux, la France finit bonne dernière. Il faut absolument y remédier. Cela étant, je ne voterai pas le présent amendement, car ce n’est pas au détour d’une telle discussion que nous pourrons traiter d’un sujet si important. Peut-être Mme la ministre pourra-t-elle émettre, à ce propos, un signal au cours de nos discussions… Ce problème pourra sans doute être examiné avec beaucoup plus de précision au cours des mois à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je voudrais faire une clarification. J’ai porté à deux reprises ce sujet en place publique, devant les producteurs et les cinéastes, notamment à Biarritz, en provoquant un certain émoi. Je suis allé défendre cette idée devant ceux qui la trouvait désagréable. On ne peut donc pas diviser cette assemblée entre ceux qui chercheraient à bloquer cette évolution et les autres.

C’est à la suite de mes interventions qu’une mission a été confiée à M. Plancade, qui, dans son rapport, après un important travail, a émis certaines conclusions.

Le système ancien a eu ses avantages, que je rappelle pour ceux qui l’ignoreraient. Quand un terme a été mis à l’ORTF, on a pensé que la création audiovisuelle allait être encouragée par une multitude d’offres, autour des nombreuses sociétés de production qui se sont alors développées, et qu’il fallait favoriser ce processus, notamment par les décrets Tasca, afin que la diversité culturelle puisse prendre tout son essor.

Nous en sommes d’accord, ce dispositif trouve aujourd’hui ses limites. Non seulement des producteurs se sont « engraissés » grâce à l’argent public et ont refusé tout retour pour le service public ou les chaînes privées qui les financent. Mais encore, la contrepartie dont disposent les éditeurs, c'est-à-dire les chaînes, est le blocage de la circulation des œuvres. Or certes un auteur est rémunéré par la chaîne qui a acheté son œuvre, mais il a également envie que celle-ci soit regardée ; il ne comprend pas pourquoi France Télévisions, ou une chaîne, en vertu de ce pouvoir de blocage, fait en sorte qu’elle ne circule pas durant quarante-deux mois, avant de devenir obsolète.

Mon cher collègue, vous voulez permettre à l’audiovisuel public, c'est-à-dire aux chaînes, de recevoir une contrepartie à leur investissement, c’est louable, mais vous ne réglez qu’une partie du problème, car les producteurs et les auteurs, ceux qui créent, sont aussi confrontés à un éventuel blocage de leurs œuvres par les éditeurs.

Ne légiférons pas unilatéralement, à la va-vite, sans que l’Assemblée nationale en débatte. Encourageons la négociation qui nous offre une solution pour légiférer en tenant compte des intérêts des deux parties, dans une logique de donnant-donnant. Permettons aux éditeurs d’obtenir les parts de production, et aux producteurs, la circulation des œuvres.

Par ailleurs, d’aucuns soutiennent, alors que les décrets Tasca s’appliquent depuis longtemps, que si le système proposé n’est pas mis en place dans le mois, il ne le sera jamais. Non ! Nous avons lancé le débat public à Biarritz ; la commission a tout de suite mandaté M. Plancarde, dont le rapport fait consensus ; Mme le ministre a confirmé qu’il fallait aller dans ce sens et a immédiatement nommé M. Vallet en lui demandant de rendre ses conclusions à la fin du mois de novembre, afin que les conséquences en soient tirées dans le futur projet de loi portant sur la création, qui sera soumis à la fin du mois de décembre au conseil des ministres. Il s’agit donc de progresser sur ce sujet dans des délais rapides.

Dans l’intervalle, les deux parties, éditeurs et producteurs, doivent se mettre d’accord. Une fois la loi adoptée, des décrets d’application seront pris.

Continuons à progresser dans cette voie sans créer de déséquilibre en inscrivant tout de suite dans la loi une disposition qui ne concernerait que les producteurs. Respectons la logique du donnant-donnant. Je ne veux pas instaurer un désavantage à l’égard de l’une des parties lors de la négociation à venir.

Mon avis est par ailleurs indépendant de la question du taux. À ce sujet, le taux de 75 %, proposé par M. Plancade, me semble acceptable, car il est moins déstabilisant que celui de 50 %.

En conclusion, je suis donc d’accord sur le principe, mais je demande que le système ne soit pas mis en place au cours de l’examen d’un texte selon la procédure accélérée, avec une seule lecture au Sénat, avant que la mission rende ses conclusions. De surcroît, il convient d’évaluer les contreparties en matière de circulation des œuvres que les producteurs voudront obtenir pour prix de leur effort.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Eu égard aux arguments exposés sur le taux et la précipitation, je le retire, monsieur le président. Cependant, j’espère que les paroles prononcées dans cette enceinte faisant état de la volonté d’avancer rapidement sur cette question ne resteront pas que des mots…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L'amendement n° 28 est retiré.

L'amendement n° 10 rectifié, présenté par Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Après l'article 2 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I- À la deuxième phrase du 5° bis de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les mots : « à l'exception des messages publicitaires » sont supprimés.

II- Cette nouvelle application est à la charge des annonceurs.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Tirant les conclusions de nos travaux en commission, j’ai amélioré la rédaction de mon amendement initial. Le présent amendement porte sur l’obligation de sous-titrage des messages publicitaires.

L’Association des agences-conseil en communication, l’AACC, a étudié, à la demande des associations, la possibilité de sous-titrer les messages publicitaires grâce aux nouvelles technologies. Le Conseil supérieur de l’audiovisuel a reçu l’AACC en audition et approuvé cette initiative.

Il convient donc de supprimer du paragraphe 5 bis de l’article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 l’exclusion de la publicité introduite dans ce texte à l’occasion de l’adoption de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

Cette nouvelle application de la loi sera à la charge des annonceurs.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je constate que le débat en commission a porté ses fruits ! Nous avions bataillé sur le sujet très important du sous-titrage des émissions à destination des personnes handicapées. Un problème demeure : la publicité n’est pas concernée.

Certains, qui n’aiment pas trop la publicité, se réjouissent que certains publics soient épargnés par certains messages qui ne sont pas de très grande qualité culturelle.

Sourires. – Mme Sophie Primas s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce matin, madame Morin-Desailly, vous proposiez que le sous-titrage des messages publicitaires soit à la charge de l’audiovisuel public. Vous proposez maintenant, sur mon incitation, que les publicitaires assument cette dépense, ce qui me semble logique.

Certes, faire peser une telle obligation sur l’ensemble du secteur de l’audiovisuel ne me paraît pas scandaleux, mais formuler cette proposition tardivement me semble un peu cavalier, alors que personne n’en connaît l’impact, eu égard à l’état du marché, au cadre, aux contraintes, ni même le coût, que je n’ai pas évalué.

Je suis vraiment favorable à ce que les personnes handicapées disposent des mêmes possibilités de lecture de tous les messages. À mon sens, cependant, la priorité de cette assemblée n’est pas de leur permettre de déchiffrer des messages commerciaux à longueur d’onde. Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

Bien entendu, les personnes handicapées ne doivent être victimes d’aucune discrimination. La loi de 2005 le rappelle d’ailleurs. À ce propos, nous travaillons sur l’accessibilité aux monuments historiques comme aux salles de cinéma, afin que tout soit prêt d’ici à 2015.

Cela étant, je ne suis pas sûre que ne pas avoir accès à la publicité soit constitutif d’une discrimination

Mme Sophie Primas s’exclame.

Debut de section - Permalien
Aurélie Filippetti, ministre

En outre, bien évidemment, les charges liées au sous-titrage ne devraient en aucun cas reposer sur le service public. Vous proposez, madame le sénateur, que les annonceurs les assument, alors que la conjoncture économique n’est pas facile.

Pour toutes ces raisons, je m’en remets également à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Sophie Primas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Une personne handicapée est un consommateur comme un autre ; elle a le droit d’être également soumise à l’impact publicitaire. On peut considérer que ce n’est pas une chance, mais ce n’est pas à nous d’en décider ! Il ne nous revient pas de définir ce qui est bien et ce qui ne l’est pas. Peut-être d’ailleurs est-ce nous, personnes valides soumises à la publicité, qui sommes handicapées…

Ce registre n’est pas le bon. Il faut rendre accessible la publicité. Néanmoins, je m’abstiendrai lors du vote sur le présent amendement en raison d’un argument évoqué par M. le rapporteur et que je fais mien – vous voyez, tout arrive ! –, concernant les conséquences financières inconnues de cette mesure sur les annonceurs.

Je m’inscris en faux, cependant, sur un autre de vos commentaires, monsieur le rapporteur : une création publicitaire peut avoir une grande valeur artistique ; de grands metteurs en scène réalisent de très bons écrans publicitaires, qui peuvent aussi relever du domaine de l’art.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Je partage souvent le point de vue de Mme Morin-Desailly, mais s’agissant de la publicité, qui, pour notre famille politique, constitue une nuisance en soi, poussant à l’hyperconsommation, ce ne sera pas le cas.

Nous faisons traduire systématiquement toutes nos manifestations et toutes nos activités par des personnes pratiquant la langue des signes. Dieu sait si nous sommes attachés à la défense des droits de tous et hostiles à toute discrimination, mais faire de la publicité à la publicité en la sous-titrant, indépendamment de la question du coût, je ne peux pas m’y retrouver !

Vous comprendrez bien que les écologistes ne puissent pas cautionner une démarche d’apologie de la société de consommation. L’intention de lutter contre une discrimination est louable, mais le support ne nous convient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je maintiens cet amendement, parce que j’estime que, dans l’esprit de la loi de 2005, il faut pousser l’équité jusqu’au bout. Il ne nous appartient pas de mesurer si telle ou telle personne regarde la télévision pour la publicité ou non. Pour ma part, je ne suis pas amateur de publicité, ce n’est pas pour cela que je regarde la télévision, en effet, mais d’aucuns, notamment les associations de handicapés, revendiquent de pallier un manque.

Après tout, on peut considérer que la publicité est aussi de l’information, et je ne vois pas pourquoi les personnes souffrant d’un handicap en seraient privées. Si j’ai déposé le présent amendement, ce n’est pas pour défendre la publicité en tant que telle, mais pour répondre aux revendications des handicapés eux-mêmes.

Enfin, je précise que je n’ai jamais eu l’intention d’accroître les charges de France Télévisions. Je reconnais que mon amendement était initialement mal rédigé, mais le travail de commission est profitable et permet de dégager des propositions satisfaisantes.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous nous laissons entraîner par ce débat, car nous avons tous envie de répondre au problème de discrimination rencontré par les handicapés chaque fois que cela nous est possible. Toutefois, pourquoi devrions-nous sous-titrer les messages publicitaires à la télévision et pas ailleurs ?

La publicité est présente partout, sur le papier, sur les affiches, à la radio, etc. En général, elle n’est pas accessible aux handicapés. En l’espèce, nous allons créer une obligation comme si elle était un service public. Or il s’agit d’une activité privée.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

J’ai poursuivi ma réflexion en vous écoutant les uns et les autres, et ce en dehors de tout parti pris politique. Je me demande vraiment pourquoi nous devrions agir dans ce domaine précis.

Par ailleurs, j’ai appelé votre attention sur l’impact de la mesure proposée, des propos que certains d’entre vous ont pris en compte.

Dès lors que vous décidez de faire porter la charge sur les annonceurs, cette mesure ne pouvant peser sur le service public, quel effet cela aura-t-il sur le marché ? Qui paiera in fine ? Ce ne sont pas les petits annonceurs qui pourront supporter le coût très élevé de la publicité télévisée. Seuls les annonceurs les plus importants pourront amortir cette dépense.

Aujourd'hui, personne ne dispose des éléments d’appréciation nous permettant de prendre une décision sage et responsable, à l’image de la Haute Assemblée. La mesure proposée pourra créer des déséquilibres très importants dans les secteurs économiques concernés.

Ma chère collègue, nous pourrons revenir ultérieurement sur cette question. Aussi, je vous demande désormais de bien vouloir retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. André Gattolin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

J’ai pour coutume de défendre les associations de handicapés et de militer en leur faveur.

À cet égard, je veux dire à mes collègues qui souhaitent œuvrer en ce sens qu’ils peuvent, par exemple, faire établir leur carte de visite en braille, comme je l’ai fait. §Je ne vois pas pourquoi le service public devrait assumer cette dépense concernant des programmes extérieurs, qui reposent sur l’achat d’un espace publicitaire. À la limite, la seule responsabilité de la chaîne, c’est de diffuser des publicités conformes aux exigences de la loi.

Pour avoir travaillé pendant un certain temps dans le domaine des mesures d’audience de la télévision, je puis vous dire que je n’ai jamais entendu un handicapé se plaindre de ne pas pouvoir comprendre ni entendre une publicité. Et n’oublions pas la baisse de la courbe de l’audience des téléspectateurs, avec ou sans handicap, pendant la diffusion d’un espace publicitaire.

Vous pouvez me faire voter n’importe quelle mesure en faveur des handicapés, mais là, on marche sur la tête !

Agissez, si vous le voulez ! Faites établir vos tracts, vos cartes de visite en braille ! Faites en sorte que vos messages soient audibles ; écrivez en gros caractères ! Il est aussi de notre responsabilité politique de nous appliquer à nous-mêmes ce que nous préconisons pour l’ensemble de la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Je me félicite de ce que mon amendement ait suscité un tel débat. Très honnêtement, la question reste posée.

Je le répète, les chaînes publiques assurent une mission de service public. Mais dès lors que les chaînes, qu’elles soient publiques ou privées d’ailleurs, diffusent de la publicité, elles doivent respecter le droit d’équité prévu par la loi de 2005, et il nous faut entendre que certains de nos concitoyens s’estiment lésés.

Pour ma part, je n’aime pas la surenchère que pratiquent certains de nos collègues, arguant du fait qu’ils défendent les droits des handicapés. Nous défendons tous les handicapés. Soyons un peu discrets en la matière.

À partir du moment où une loi-cadre vise à intégrer le handicap dans notre société, le législateur doit se poser les bonnes questions et se demander de quelle façon il peut améliorer les choses.

Cela dit, j’ai entendu les arguments défendus par les uns et les autres. Aussi, dans un esprit de sagesse, je retire mon amendement, monsieur le président, mais il faudra revenir sur cette question, qui ne pourra pas rester sans réponse.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 1er octobre 2013, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur les articles 62 et 63 du code des douanes (pouvoirs des agents des douanes) (2013-357 QPC).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Acte est donné de cette communication.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Didier Guillaume.