Votre commission est particulièrement attachée à ce que les fréquences assignées par le CSA ne deviennent pas les otages d’intérêts spéculatifs. Rappelons qu’il s’agit bien de fréquences à vocation socio-culturelle. J’ai déjà été amené à dénoncer les pratiques qui existaient précédemment. Celles-ci ne pourront plus avoir lieu sans surmonter la dissuasion d’une taxation.
Enfin, et ce sujet n’est pas passé inaperçu, le CSA pourra faire passer une chaine de la TNT payante à la TNT gratuite sans appel à candidature, comme c’est le cas jusqu’à présent. Cette question fait l’objet d’un débat à la fois juridique, politique et économique.
Les aspects juridiques sont évoqués dans le rapport que j’ai rendu sur le texte. Il apparaît que les risques sont, dans ce domaine, limités, d’autant que la commission de la culture m’a suivi dans la volonté d’encadrer le dispositif afin d’en assurer la sécurité juridique.
Sur le plan politique, il s’agit d’une compétence que le CSA a plusieurs fois revendiquée, estimant la loi trop rigide sur ce point. Ce projet de loi vise à moderniser le Conseil et à lui conférer la souplesse nécessaire pour être utile à un monde de l’audiovisuel qui vit, depuis une dizaine d’années, une révolution encore en cours.
Dans ce contexte, plutôt que de devoir repasser par la loi à chaque évolution, il apparaît efficace de conférer cette souplesse au CSA aujourd’hui, tout en l’encadrant et en assurant sa sécurité juridique. Cela lui garantit la possibilité, dans ce domaine comme dans d’autres, d’agir au regard des évolutions à l’œuvre et à venir.
Enfin, sur le plan économique, il est évident qu’il n’est pas du ressort du Parlement de trancher : la mesure prévue ne vise, je le répète – j’ai entendu les questions des journalistes ! – qu’à confier un pouvoir au CSA, lequel pourra, ou non, en faire usage.
À cet égard, il nous est apparu qu’il était du devoir du Parlement non pas de freiner cette évolution – le CSA doit devenir le régulateur souple d’un monde audiovisuel en pleine mutation –, mais d’encadrer à la fois les modalités de sa décision et les critères de ses choix.
Au vu des amendements déposés, nous reprendrons ultérieurement la discussion sur la nature de l’encadrement proposé par la commission.
J’évoquerai également deux articles relatifs à la gestion des fréquences.
Aujourd’hui, le CSA est coincé entre l’obligation légale d’affecter les fréquences disponibles et la tentation de certains de réaffecter ces fréquences au profit du secteur des télécommunications. Il pourrait ainsi être amené à allouer des fréquences non pas pour répondre à un impératif de pluralisme, ou sans tenir compte de la santé économique des acteurs, mais pour les préempter en faveur de l’audiovisuel.
Par ce présent projet de loi, nous tentons de sortir de cette situation par le haut.
Tout d’abord, l’article 6 quater vise à créer une commission de la modernisation de la diffusion audiovisuelle, composée de parlementaires, qui sera consultée sur tous les projets de réaffectation de fréquences allouées au CSA en lieu et place, notamment, de la Commission du dividende numérique.
Ensuite, aux termes de l’article 6 septies, afin d’éviter de reproduire ce qui s’est passé en 2012, le CSA prendra ses décisions relatives à l’usage des fréquences après avoir procédé à des études d’impact et à une consultation publique, et pourra différer l’utilisation de ces fréquences pour une durée de deux fois deux ans. C’est une sage décision que de laisser au régulateur le choix d’utiliser ou non les fréquences mises à sa disposition !
Enfin, l’article 6 decies tend à supprimer définitivement les canaux dits « bonus », attribués rapidement en 2007, qui sont contraires au droit communautaire.
Votre commission est pleinement favorable à l’esprit du texte, qui est sous-tendu par deux excellents principes : d’une part, la garantie de l’indépendance de l’audiovisuel public, qui doit pouvoir tenir un cap culturel sans être contesté dans sa légitimité, et, d’autre part, l’autonomie de l’organe de régulation, qui doit disposer de nouvelles compétences, tout en rendant mieux compte de ses décisions devant le Parlement.
Les amendements qui ont été adoptés par la commission pour enrichir le texte, comme le Sénat sait le faire, ont été guidés par ces deux principes et s’inscrivent dans la tradition sénatoriale de la recherche de l’équilibre et de la préservation des libertés publiques.
Concernant le premier point, la commission a prévu que les études d’impact obligatoires du CSA lors des modifications de conventions soient réservées aux seules télévisions et radios nationales. Si cette procédure devait s’appliquer à toutes les télévisions et radios locales, cela créerait un engorgement absolu. Au lieu de promouvoir l’efficacité, on paralyserait le système.
Elle souhaite également favoriser le passage à la HD, la haute définition, en respectant les catégories de service existantes.
Elle a également prévu que le CSA puisse assurer une mission de conciliation entre les chaînes de télévision et les producteurs. La question de la circulation des œuvres prête souvent à controverse, alors qu’elle est de l’intérêt de chacun. Le CSA pourrait jouer là un rôle tout à fait intéressant.
Concernant le second point, la commission a décidé que la nomination du président de l’Institut national de l’audiovisuel, l’INA, serait encadrée par l’article 13 de la Constitution. Aujourd'hui, le président est choisi par le conseil d’administration de l’INA entre les membres désignés par l’État et il est ensuite nommé formellement par décret en conseil des ministres.
Le texte présenté par la commission renforce les pouvoirs du Parlement, puisque les commissions des affaires culturelles donneront leur avis sur cette nomination et pourront mettre leur veto à une majorité des trois cinquièmes.
La commission a également souhaité améliorer l’information des parlementaires, ceux-ci se retrouvant souvent dépourvus d’éléments pertinents, notamment lors du débat budgétaire.
Le dernier avis du CSA sur le COM, le contrat d’objectifs et de moyens, de France Télévisions a montré son intérêt. Il a permis de soulever certaines questions et d’engager un débat. En effet, le financement de l’audiovisuel public est un sujet d’intérêt général, qui mérite que nous puissions être pleinement informés. La commission a donc prévu que l’avis sur les COM soit systématique.
La présidente de la commission et moi-même avons présenté en commission un amendement visant à réaménager les délais, afin que les commissions parlementaires ne soient pas dépossédées de la possibilité qu’elles ont de rendre un avis sur le COM. Pour avoir connu une telle situation à deux reprises – deux fois de trop ! –, nous préférons inscrire une telle disposition dans la loi.
Enfin, nous avons introduit des dispositions visant à améliorer la transition entre les présidents de l’audiovisuel public, à renforcer la transparence des sociétés avec lesquelles les entreprises publiques signent des contrats et à favoriser la parité au sein des conseils d’administration des sociétés de l’audiovisuel public.
Avec l’ensemble de ces dispositions, le projet de loi pouvait paraître complet concernant tant la question de l’indépendance de l’audiovisuel public que celle des nouveaux pouvoirs de régulation du CSA.
Cependant, mes chers collègues, je vous avoue avoir été frappé par l’étrange silence entourant la convergence numérique et les effets de celle-ci sur les compétences du CSA. On a beaucoup parlé de régulation économique, mais la révolution technologique, qui constitue, pourtant, un enjeu majeur, semble avoir disparu du champ de la réflexion, en tout cas à l'Assemblée nationale.
Sur ma proposition, la commission a donc avancé sur plusieurs points.
La loi du 5 mars 2009 a introduit dans notre droit interne la notion de services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD, et a confié au CSA des pouvoirs de régulation, avec, par exemple, des compétences en matière de sanction ou encore de saisine s’agissant de la concurrence.
La commission a souhaité compléter les dispositions actuelles – cela n’a pas été fait en 2009 ! –, en confiant au CSA un pouvoir de règlement des différends sur les SMAD et en prévoyant une obligation de déclaration des éditeurs et des distributeurs de SMAD, afin que ce conseil puisse exercer ses compétences.
Je veux être clair sur ce sujet, car j’entends déjà les polémiques : les SMAD sont présents sur le câble et le satellite, mais aussi sur internet. Le CSA disposera donc de compétences renforcées en matière de régulation sur des contenus potentiellement présents sur internet.
Je le répète, cette compétence concernera uniquement des SMAD, dont la définition est très restrictive, qui sont des programmes strictement similaires à ceux qui existent à la télévision. Il ne s’agit donc pas un instant de donner, comme j’ai pu le lire, un quelconque pouvoir au CSA sur Dailymotion ou d’autres sites contenant des vidéos.
Je l’ai déjà souligné, le CSA ne saurait être le régulateur de l’internet, au risque d’être Big Brother.
Prenons l’exemple de la protection des jeunes publics. Il est normal que le CSA ait un pouvoir sur les SMAD dans la mesure où ces programmes sont similaires à ceux qui sont diffusés sur les chaînes de télévision. En revanche, pour ce qui concerne les autres contenus, ce sont les règles de droit commun régissant internet qui doivent s’appliquer, avec le recours à un juge.
Enfin – pardonnez-moi d’avoir été un peu long –, …