Force est de constater que nous sommes encore loin de cette situation optimale ; aussi, madame la ministre, je vous invite à mettre en pratique vos préconisations le plus rapidement possible.
De fait, sans ressources stables et majoritairement indépendantes des dotations budgétaires, lesquelles sont soumises aux aléas politiques et économiques, l’audiovisuel public ne pourra jamais être véritablement indépendant !
Faut-il rappeler dans quelle situation dramatique France Télévisions se trouve actuellement, avec l’effondrement des recettes publicitaires et la baisse des dotations ? Sans compter que le projet de loi de finances pour 2014 prévoit une nouvelle diminution, de 1 %, du budget alloué à l’audiovisuel public…
En vérité, le problème du financement est le grand absent de cette réforme.
Sans doute, l’abandon du projet de suppression de la publicité sur France Télévisions au cours de la journée est bienvenu ; mais, s’il évite une aggravation de la situation, il ne résout rien.
Sans doute également faut-il se réjouir que la Cour de justice de l’Union européenne ait entériné, en juin dernier, la taxe sur les opérateurs de télécommunications, dite « taxe Copé », instaurée en 2009 pour compenser la suppression de la publicité après vingt heures. En effet, une condamnation de la France dans cette affaire nous aurait coûté très cher.
Pour légitime qu’il soit, le soulagement né de cette décision doit-il mener à l’abandon des réflexions sur un possible élargissement de la redevance audiovisuelle à d’autres supports, envisagé l’été dernier par le groupe de travail sur le financement de l’audiovisuel public que vous avez institué, madame la ministre, et dont notre éminent collègue David Assouline faisait partie ?
Pour ma part, je ne le crois pas. L’audiovisuel public a toujours, et peut-être plus que jamais, besoin d’un financement stable et pérenne. C’est le pilier qui manque actuellement à son indépendance. Pour assurer cette indépendance, la redevance pourrait et devrait jouer un rôle fondamental, comme c’est le cas au Royaume-Uni et en Allemagne.
C’est pourquoi nous ne pourrons pas échapper très longtemps à la question de l’élargissement de l’assiette de cette contribution, même si je suis tout à fait conscient que le contexte actuel de très forte pression fiscale n’est pas propice à une telle extension.
Avec le même souci de renforcer l’indépendance de l’audiovisuel public, mes collègues du groupe RDSE et moi-même avons déposé une série d’amendements visant à redonner des marges de manœuvre aux chaînes de télévision, en particulier publiques, en leur permettant de disposer de parts de coproduction sur les œuvres qu’elles financent.
Cette mesure me paraît inspirée par le bon sens ; du reste, elle a été recommandée par le groupe de travail du Sénat sur les relations entre les éditeurs et les producteurs dans le domaine des droits sur les programmes audiovisuels, dont j’ai rédigé le rapport, publié en mai dernier. J’aborderai cette question de manière plus approfondie lors de la discussion des articles.
Pour terminer, je regrette que le projet de loi ne traite pas davantage de l’adaptation de la régulation assurée par le CSA aux enjeux du numérique.
Madame la ministre, vous avez mené, avec vos collègues Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin, une réflexion sur l’éventualité de rapprocher l’ARCEP et le CSA. Cette idée semble actuellement abandonnée ; à titre personnel, je dois dire que je le regrette un peu. Sur quelles autres pistes le Gouvernement travaille-t-il désormais pour répondre à cet enjeu fondamental ? J’apprécierais beaucoup, madame la ministre, que vous nous apportiez des précisions à cet égard.
Par ailleurs, je crois savoir que notre rapporteur, David Assouline, avait quelques idées intéressantes au sujet de la possible utilisation par le CSA de l’expertise et de la connaissance de l’Internet dont dispose actuellement la Hadopi. Malheureusement, comme il l’a lui-même souligné, la procédure accélérée ne permet pas un véritable dialogue entre députés et sénateurs ; j’ai cru comprendre qu’il le regrettait, et je le déplore moi aussi. De fait, ce dialogue aurait été bénéfique en permettant l’enrichissement du projet de loi sur des questions aussi importantes.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir enrichi autant que possible le projet de loi au cours de son examen en commission, notamment en ce qui concerne les services de médias à la demande.
Je le remercie également d’avoir repris à son compte l’une des propositions de mon rapport, visant à favoriser la circulation des œuvres : en effet, comme Mme la ministre l’a souligné, l’article 2 ter du projet de loi dans le texte de la commission attribue au CSA une mission de conciliation entre les chaînes et les producteurs d’œuvres audiovisuelles en cas de litige.
En définitive, même si je regrette qu’il n’aille pas assez loin, je pense que ce projet de loi est bon, à condition qu’il soit la première pierre d’une réforme beaucoup plus importante !