Intervention de André Gattolin

Réunion du 1er octobre 2013 à 14h30
Indépendance de l'audiovisuel public — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de André GattolinAndré Gattolin :

De fait, le Président de la République va céder une partie de ses pouvoirs à une autorité indépendante, en même temps que le Parlement verra ses prérogatives renforcées pour la nomination de six des sept membres du nouveau CSA.

Parmi les autres progrès prévus par le projet de loi dans le texte de la commission, deux nous tiennent particulièrement à cœur.

En premier lieu, nous nous félicitons que, après quelques hésitations, le projet de loi ne comporte plus aucune disposition visant à transférer au CSA certains pouvoirs d’Hadopi.

Tout d’abord, l’introduction de tels transferts aurait été indélicate par rapport à nos collègues de l’Assemblée nationale, qui n’auraient pas pu en débattre de manière satisfaisante, le projet de loi étant examiné en procédure accélérée.

Surtout, c’est le sens même d’une telle initiative qui pose problème aux écologistes : nous sommes tout simplement opposés à un tel transfert, pour des raisons de principe.

Je n’insiste pas davantage sur cette question, certain que nous aurons prochainement l’occasion d’en débattre de nouveau.

En second lieu, nous saluons le renforcement des garanties en matière de continuité des services publics et de bonne gestion des deniers de l’État. En effet, l’indépendance n’est pas qu’une affaire de grandes déclarations : elle doit aussi et surtout s’inscrire dans les pratiques ; par ailleurs, elle entraîne une responsabilité pour ceux qui en bénéficient.

C’est dans cet esprit que nous avons déposé une série d’amendements, dont certains ont été adoptés par la commission.

Je pense, notamment, à l’obligation de transparence des comptes imposée aux producteurs privés les plus importants, dès lors que ceux-ci souhaitent travailler avec les groupes de l’audiovisuel public.

Je pense aussi à la mise en place d’une procédure de « tuilage » pour faciliter le passage de témoin lors de l’arrivée d’un nouveau président de groupe, et permettre ainsi une plus grande continuité d’action.

Une telle procédure existe à l’étranger – à la BBC, le tuilage entre deux directions dure six mois –, mais aussi en France, dans de grandes institutions culturelles, comme le festival d’Avignon. Elle est justifiée dans la mesure où les programmations engagent parfois plusieurs années. De fait, au moment de leur entrée en fonction, les présidents successifs de France Télévisions ont tous regretté d’avoir les mains liées, pendant au moins la première année de leur mandat, par les décisions de leur prédécesseur.

En outre, l’instauration de ce tuilage sécurisera les équipes en cas de reconduite du président sortant ; lorsque le président ne sera pas confirmé, elle évitera les atmosphères de fin de règne, lesquelles ont conduit par le passé à certaines dérives qui n’ont pas contribué à améliorer l’image de notre service public de l’audiovisuel.

Les amendements que nous défendrons devant le Sénat visent à s’inscrire dans la même logique de responsabilité, de transparence, de bonne gestion et de renforcement de la qualité du service public.

En particulier, nous proposerons que les conseils d’administration des groupes de l’audiovisuel public comprennent des représentants des usagers, par le biais des associations agréées de consommateurs, lesquelles sont déjà des interlocuteurs réguliers du CSA ; dans notre idée, ces représentants seraient nommés sur le quota du Conseil.

Il nous paraît en effet invraisemblable aujourd'hui que la gouvernance de tels services publics continue d’exclure, de fait, tout représentant du public. Rappelons que, dans d’autres pays, comme les Pays-Bas ou le Canada, des représentants du public participent aux conseils d’administration de nombreuses chaînes.

Pour le groupe écologiste du Sénat, la présence de représentants des téléspectateurs et des citoyens est une dimension essentielle de la modernisation de l’ensemble de nos institutions publiques au service du public.

Nous proposons également que, en amont de la nomination des présidents des groupes, l’État définisse des objectifs plus précis que ceux, très vagues, qui sont assignés à l’heure actuelle, notamment par l’article 20 du cahier des charges des missions de service public ou au travers du contrat d’objectifs et de moyens de chaque groupe concerné. On ne peut que s’étonner que de telles orientations n’aient jamais été imposées jusque-là, afin de mieux cadrer en amont les projets proposés par les candidats à la présidence de ces groupes, au moment de leur audition.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je terminerai par un dernier aspect, sans doute l’un des plus importants : la diversité et la qualité de l’offre proposée par le service public de l’audiovisuel. En effet, nous croyons fermement que le pluralisme et les qualités de ce dernier doivent être protégés et renforcés, en prenant évidemment en compte les grands équilibres du marché audiovisuel actuel et en anticipant aussi les grandes évolutions de demain.

La démultiplication de l’offre de chaînes qui s’est opérée au cours des dix dernières années repose essentiellement sur un net développement du secteur privé, dans un contexte de concurrence extrêmement vive. À ce titre, il nous paraît aujourd’hui assez aberrant, voire surréaliste, qu’une chaîne publique d’information internationale de la qualité de France 24, financée par des deniers publics, ne soit pas accessible à l’ensemble des téléspectateurs résidant en France. Nous avons donc déposé un amendement dont l’objet est de permettre à cette chaîne d’obtenir une fenêtre télévisuelle autorisant nos concitoyens à profiter de la richesse de ses programmes.

Pour conclure, le groupe écologiste considère que ce projet de loi et certains des amendements déposés nous offrent l’occasion de franchir enfin une étape importante en matière de modernisation de notre audiovisuel public et d’envoyer un message fort témoignant de la fin de ce que nous avons appelé, au début de notre intervention, « la longue et tortueuse marche vers l’indépendance » de notre système radiophonique et télévisuel. §

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