Intervention de Jean-Pierre Leleux

Réunion du 1er octobre 2013 à 14h30
Indépendance de l'audiovisuel public — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Jean-Pierre LeleuxJean-Pierre Leleux :

L’objet de ce texte, comme son titre l’indique, est d’assurer l’indépendance de l’audiovisuel public. C’est une belle ambition, partagée, me semble-t-il, sur l’ensemble des travées de notre assemblée.

Sont visées les modalités de désignation des présidents de l’audiovisuel public, d’une part, et la composition de l’organisme régulateur du secteur, le CSA, d’autre part.

Il y a beaucoup à dire sur la notion d’indépendance. L’audiovisuel public a-t-il jamais été indépendant ? Dans quelle mesure peut-il l’être réellement ? Les présidents des sociétés de l’audiovisuel public ont sans aucun doute conscience de l’exigence de neutralité liée à leur fonction et s’attachent à prendre des décisions en toute indépendance. Cependant, ils ont eux-mêmes, comme tout citoyen, des convictions politiques et, lorsqu’ils sont dans l’isoloir, ils font nécessairement un choix.

La notion d’indépendance est donc sujette à débat. Certes, il faut tendre vers une absence de contrôle politique des nominations des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Mais une telle exigence confine parfois à l’utopie et relève davantage d’une philosophie. Surtout, pour les personnes qui exercent les fonctions qui nous occupent aujourd’hui, il s’agit d’un devoir et d’une responsabilité, dont la consistance repose sur des vertus telles que l’honnêteté intellectuelle, la conscience intime et le respect de valeurs morales.

Madame la ministre, vous avez qualifié la loi de 2009 de « loi funeste ». Elle avait pourtant le mérite de la transparence et s’appuyait sur une disposition de la Constitution, l’article 13 de cette dernière, lequel énonce que certains « emplois et fonctions […], en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation » donnent lieu à une nomination du Président de la République après avis des commissions parlementaires.

Autrement dit, sur le plan constitutionnel, la spécificité de certains secteurs légitime une désignation par le Président de la République. En l’espèce, à la suite d’un recours de l’opposition d’alors, le Conseil constitutionnel avait estimé que tel était bien le cas pour la nomination des présidents des sociétés de l’audiovisuel public. Le dispositif avait donc été validé.

Je tiens d’ailleurs à souligner, car on a tendance à l’oublier, que le CSA devait donner un avis conforme dans le cadre de cette nomination et que le Parlement pouvait s’y opposer par un vote négatif représentant au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions compétentes. Ce dispositif était donc encadré et avait le mérite de la transparence.

Cependant, il faut reconnaître qu’un tel mode de nomination a pu susciter quelques difficultés pour les présidents ainsi désignés. Certains, lors de nos auditions, ont témoigné d’une forme de gêne et d’une suspicion provoquée non pas tant par la procédure elle-même que par le débat frontal et politique qui s’était ensuivi. En tout cas, ils ont ressenti qu’un doute pouvait être exprimé à leur endroit quant à leurs choix stratégiques.

On ne peut donc être opposé à une modification de la loi, de manière à rechercher de meilleures conditions d’indépendance et de transparence.

J’avoue toutefois mon incompréhension à la lecture de ce projet de loi. La nouvelle majorité nous avait annoncé un texte audacieux. Celui-ci ne fait pourtant que revenir à une nomination par le CSA. Outre que le président du Conseil sera lui-même nommé par le Président de la République, le CSA n’est-il pas juge et partie s’il assume à la fois une fonction de régulateur du secteur et un pouvoir de désignation des présidents de l’audiovisuel public ?

De plus, le contrôle parlementaire disparaît purement et simplement, ce qui constitue à mes yeux un vrai recul. Ainsi le Gouvernement est-il prompt à dénoncer le système précédent, mais guère convaincant dès lors qu’il s’agit de proposer un autre projet.

La seule avancée concerne une autre désignation, celle des membres du CSA, qui devra être validé par un vote des commissions parlementaires compétentes représentant les trois cinquièmes des suffrages exprimés, ce qui implique un accord de l’opposition. C’est un beau geste, il faut le saluer. Encore convient-il de relativiser ce progrès

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