Vous avez évoqué tout à l’heure un tel cas de figure, madame la ministre. Or, sur ce point, rien n’a été prévu. Ne prend-on pas ainsi le risque de politiser davantage, contrairement à l’objectif visé, ce type de nomination ?
On peut d’ailleurs s’interroger sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne va pas au bout de sa démarche : pourquoi ne transpose-t-il pas aux nominations des présidents de l’audiovisuel public le dispositif prévu pour les nominations des membres du CSA, à savoir un vote conforme du Parlement aux trois cinquièmes des suffrages exprimés par les commissions compétentes ?
Nous avons déposé un amendement en ce sens. On nous opposera son inconstitutionnalité. Ainsi, l’impossibilité constitutionnelle, pour le Parlement, de prendre position en la matière justifie quelque peu l’ancien système, qui, lui, permettait une telle intervention. À mon sens, il s’agit donc d’un recul quant au rôle joué par le Parlement !
Par ailleurs, vous le comprendrez, nous avons toute légitimité de nous interroger sur la volonté sincère du Gouvernement en matière d’indépendance, après la nomination récente, au CSA et au CNC, de personnalités dont la compétence professionnelle ou la valeur intellectuelle ne font aucun doute, mais dont le parcours politique, si fondé soit-il, n’est pas symbolique de l’indépendance pure et parfaite que vous entendez nous imposer, madame la ministre... Et je passe sous silence les destitutions récentes, au grand dam de la profession, de grands professionnels du théâtre !
Je m’adresse simplement au Gouvernement : quand on veut faire progresser l’indépendance, donner des gages de celle-ci et des leçons de vertu, il faut aussi confirmer son engagement par des actes.
J’en viens maintenant aux autres dispositions du projet de loi. Vous avez souhaité, madame la ministre, à l’occasion de ce texte, étendre les pouvoirs du CSA. Ce fut malheureusement le prétexte, à l’Assemblée nationale mais aussi au Sénat, d’ajouter de nombreuses autres dispositions, sur telle ou telle question liée à la révolution numérique. Ont ainsi été posés des « cataplasmes » concernant des sujets qui n’avaient pas vocation à être traités par le présent projet de loi. Nous les attendions au sein d’une réforme plus vaste, plus réfléchie, plus approfondie, et sûrement pas dans un texte pour lequel la procédure accélérée a été engagée.
Je citerai, par exemple, le passage de chaînes de la TNT payante à la TNT gratuite, qui a été adopté par l’Assemblée nationale et qui a fait grand bruit. Il s’agit de donner au CSA un pouvoir décisionnel particulièrement important et dont les conséquences économiques ne sont pas neutres. En effet, le Conseil pourra permettre à des chaînes payantes d’intégrer le marché des chaînes gratuites sans passer par un appel d’offres, ce qui est impossible aujourd’hui, et sera seul juge de l’opportunité de cette transformation.
On comprend fort bien que l’accès à un autre marché publicitaire peut aider une chaîne payante qui serait en difficulté. Mais encore faut-il que le marché économique des chaînes gratuites soit à même de l’accueillir sans danger. Or ce sujet, introduit en séance, à l’Assemblée nationale, n’a bien sûr fait l’objet d’aucune étude d’impact. Un encadrement était donc nécessaire, auquel notre rapporteur a tenté de procéder.
Selon moi, le dispositif est perfectible, et je présenterai donc tout à l’heure, au nom du groupe UMP, des amendements tendant, d’une part, à éviter l’arrivée soudaine d’un concurrent – à mon sens, les chaînes payantes doivent aller jusqu’au terme de leur engagement –, et, d’autre part, à recueillir l’avis de l’Autorité de la concurrence, qui me semble incontournable.
D’autres mesures concernant les SMAD, les services de médias audiovisuels à la demande, ont été introduites dans le projet de loi, cette fois par notre rapporteur, au nom de la prise en compte des évolutions technologiques du secteur. Il s’agit de créer une obligation de déclaration et de permettre au CSA de régler les litiges. Je présenterai des amendements visant à supprimer ces dispositions, en rappelant que les distributeurs nationaux subissent la concurrence des grands distributeurs internationaux, qui s’affranchissent des règles nationales.
Je citerai encore, pour illustrer la précipitation ayant présidé aux débats, l’article 6 sexies, qui concerne le passage de chaînes du mode standard à la HD et dont l’ambiguïté a suscité une réécriture par notre commission.
De même, pourquoi un article 6 sexies A vient-il traiter du sujet des radios numériques ? N’est-il pas prématuré de statuer sur une échéance qui ne s’est pas encore présentée ? Pis encore, vous avez très « cavalièrement » envisagé, monsieur le rapporteur, lors des auditions, un passage en force sur le sujet sensible de l’Hadopi, vous posant la question « pragmatique » de « profiter de cette loi ». En ne donnant pas suite à une telle interrogation, vous avez, me semble-t-il, bien fait.
Néanmoins, vous avez auditionné la présidente de la Hadopi et ouvert un débat qui n’était pas lié au projet de loi, celui de la défense des droits d’auteur. Sans la difficulté à rassembler une majorité sur ce sujet, nul doute que nous aurions été appelés à légiférer de façon impromptue.
Tout cela ne paraît pas constituer une bonne méthode législative. Cette petite loi devient une demi-grande loi, avec des sujets qui sont traités en dehors de leur contexte, sans avoir fait l’objet d’un véritable débat global. Qui plus est, elle ne sera pas représentée devant l’Assemblée nationale, ce qui nous paraît vicier certaines dispositions que nous sommes en train d’inscrire dans la loi.
Tout d’abord, parce que nous allons examiner ce texte en procédure accélérée, les modifications votées par la Haute Assemblée ne pourront pas donner lieu à un débat chez nos collègues de l’Assemblée nationale. Ensuite, pour un certain nombre d’amendements examinés en commission ce matin même, des consultations sont en cours, car ces dispositions portent sur des sujets qui mettent en jeu des intérêts économiques dans un contexte de forte concurrence internationale et conditionnent la qualité de notre secteur audiovisuel.
Je regrette que le projet de loi ait été examiné dans la précipitation à l’Assemblée nationale en fin de session extraordinaire. Ici, les débats ont également été menés tambour battant, de sorte que les premières auditions ont eu lieu avant même l’ouverture de la session ordinaire.
On nous annonçait une réforme ambitieuse. Nous attendions une procédure nouvelle garantissant plus sûrement l’indépendance de l’audiovisuel public. Au fond, nous avons le sentiment d’un texte d’affichage.
Madame la ministre, vous nous annonciez une augmentation des pouvoirs du CSA. Certes, ils sont accrus, mais au prix de quelles lourdeurs et de quelles contraintes pour nos entreprises !
Nous réservons donc notre position au sort qui sera donné à nos propositions. Nous serons également très attentifs au grand projet global sur l’audiovisuel qui nous est annoncé maintenant pour la fin de l’année 2014.
Il y a dans cette future loi de grands et beaux sujets à traiter, sur lesquels nous aurions pu déjà travailler au fond si le Gouvernement n’avait pas préféré, comme il le fait depuis un an et demi, livrer un combat politique pour détruire soigneusement ce que la dernière mandature a construit ! §