Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 1er octobre 2013 à 14h30
Indépendance de l'audiovisuel public — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Il faut dire que si le projet d’amendement de M. le rapporteur existait bien, cette disposition ne faisait l’unanimité ni auprès des acteurs du secteur ni au sein de votre propre majorité. Sur ces sujets, l’improvisation politique n’a pas sa place, car les enjeux sont considérables. Ils attendent d'ailleurs depuis un an que des réponses crédibles, solides, leur soient apportées.

En effet, le secteur a subi de multiples et très importantes transformations, celles-ci rendant une partie de notre règlementation obsolète. Je citerai l’arrivée de la TNT, la multiplication des nouveaux supports et des modes de diffusion, le développement de la télévision connectée. Autant de nouveaux usages, mais aussi de nouveaux acteurs qu’il faut désormais prendre en compte.

Tout cela pour dire notre déception à la lecture du texte initial du Gouvernement. Notre rapporteur lui-même l’aura fait observer à cette tribune, il est ainsi regrettable que les effets de la convergence numérique, dont on parle depuis un certain nombre d’années, n’aient pas été pleinement pris en compte au travers d’un travail de réflexion abouti sur le rapprochement du CSA et de l’Autorité de régulation des communications électroniques, l’ARCEP.

On notera aussi que ces évolutions profondes ont bouleversé les modèles économiques traditionnels. Le CSA ne peut donc plus se borner à demeurer un simple régulateur de contenus – un censeur éditorial, diront certains – en parallèle de la poursuite de ses missions originelles.

Parce que le CSA doit continuer à être le garant d’un audiovisuel de qualité, pluriel, diversifié, il lui revient de veiller à ce que soient respectées les conditions d’une concurrence saine et équitable et de veiller, par conséquent, à la régulation économique du secteur.

En ce sens, pour le coup, nous saluons les avancées portées par le projet de loi qui ajoute le critère économique dans la grille d’évaluation du CSA, un point important concernant l’attribution et la gestion des fréquences.

Tout comme vous, mes chers collègues, nous soutenons la nécessité, au travers de cette loi, de progresser dans les modes de nomination. Cependant, nous nous interrogeons, comme notre collègue Jean-Pierre Leleux, sur le côté novateur de ces propositions.

Notons, d’ailleurs, que d’aucuns déplorent l’affaiblissement du contrôle démocratique avec le dessaisissement de la représentation nationale d’un certain nombre de ses prérogatives. En effet, ce texte prive les parlementaires de leur pouvoir de contrôle des nominations des présidents de l’audiovisuel public en confiant au CSA, et à lui seul, cette responsabilité. Il les prive également du droit de regard direct sur l’exécution des contrats d’objectifs et de moyens. L’audiovisuel public est pourtant un enjeu qui concerne tous nos concitoyens !

Ce contrôle démocratique devrait, d’ailleurs, s’opérer sur les activités de l’ensemble des autorités indépendantes. Compte tenu de l’évolution des missions confiées au CSA et de l’accroissement des compétences de ce dernier, le Parlement devra veiller à instaurer un lien plus régulier et plus exigeant avec le Conseil dans le rendu de ses travaux

Je pense, notamment, au suivi du contrat d’objectifs et de moyens. Ce contrôle démocratique apparaît d’autant plus nécessaire que, remodelés par ce projet de loi, ses pouvoirs s’étendent désormais entre nomination, régulation, contrôle et tutelle. Des pouvoirs aussi considérables nécessitent, vous le mesurez, mes chers collègues, une autorité impartiale, libérée de toute pression politique.

L’indépendance, c’est bien tout l’objet de ce texte. Poursuivre la réflexion sur la nécessaire indépendance s’inscrit dans les logiques institutionnelles et politiques actuelles, impulsées par la réforme constitutionnelle de 2008.

Chacun doit être conscient, madame la ministre, mes chers collègues, qu’il n’existe pas de système idéal. Ainsi, il apparaît peut-être exagéré, voire présomptueux, d’affirmer, comme vous l’avez fait, que ce texte est bien « la grande loi, parce qu’elle pousse l’indépendance à un degré jamais atteint ».

Il faut bien mesurer que l’indépendance ne se décrète pas ! Il s’agit d’un équilibre subtil. Il y a, bien sûr, le processus de nomination, mais il y a aussi bien d’autres facteurs.

Comme je le relevais dans mon rapport sur les comptes de France Télévisions de juin 2010, pour les sociétés de l’audiovisuel public, l’indépendance, c’est également celle d’un financement pérenne et dynamique. À cet égard, pour nous, centristes, une télévision publique doit reposer sur des financements publics adaptés – un principe déjà affirmé à l’occasion de la loi de 2009.

Ainsi, nous regrettons le refus opposé depuis des années à une évolution de la contribution à l’audiovisuel public, non pas seulement sur son taux, mais sur son assiette, vers plus d’équité.

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