Compte tenu des bouleversements précédemment évoqués, qui rendent les sujets plus complexes techniquement et juridiquement, compte tenu aussi de la nouvelle donne économique, nous trouvons qu’il aurait été nécessaire de réfléchir un peu plus profondément au profil des conseillers.
Les sénateurs de l’UDI-UC portent l’idée que la composition du CSA doit être radicalement repensée autour de deux piliers : compétence et expérience. Nous avons amendé le texte dans ce sens. Cependant, telle qu’elle est formulée, la présentation des compétences et de l’expérience attendues des membres du CSA reste trop générique.
Or il est indispensable que les conseillers réunissent des personnalités représentant une diversité de compétences, tant techniques qu’économiques ou juridiques d'ailleurs, ainsi qu’une diversité d’expériences, issues des secteurs de la production, de l’édition et du journalisme audiovisuels.
Aujourd’hui, on le constate, le journalisme est surreprésenté au détriment de la production. Il conviendrait aussi de veiller à la diversité des origines, afin que l’on puisse retrouver au sein du Conseil des chefs d’entreprise et pas seulement des fonctionnaires, issus, qui plus est, du même corps d’État. Cette dernière remarque devrait également s’appliquer aux candidats à la présidence des chaînes de l’audiovisuel public.
Les décisions que le CSA rendra n’en auront que plus de force et de légitimité au moment où le secteur s’est développé et considérablement complexifié.
Autre point que je voudrais souligner, l’autorité indépendante sera d’autant plus respectée si elle parvient à tenir ce rôle de régulateur qui, certes, sévit parfois, mais qui le plus souvent se tient au-dessus de la mêlée, cherchant à arbitrer les différends relatifs à la circulation des œuvres entre professionnels du secteur, afin d’éviter qu’un litige long et coûteux n’apparaisse.
C’est la raison pour laquelle je défends l’institutionnalisation de la fonction de médiateur, instituée à titre expérimental en 2011 et qui a montré toute son utilité. Cette idée avait déjà émise au printemps 2013 par notre collègue Jean-Pierre Plancade.
Certes, l’amendement n° 26 de M. le rapporteur, adopté par notre commission le 17 septembre dernier, constitue une avancée significative sur la question difficile de la circulation des œuvres.
Confier cette mission aux services du CSA pose toutefois un réel problème de compatibilité avec les préconisations de la Cour européenne des droits de l’homme, laquelle impose une stricte séparation entre la fonction d’instruction et celle de sanction. Nous avons donc déposé un amendement sur ce sujet.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au regard de tous ces éléments, il est patent qu’un véritable travail de fond reste à réaliser sur la régulation d’un audiovisuel profondément bouleversé par la convergence numérique, et que l’on peut progresser vers toujours plus d’indépendance.
Enfin, si l’on souhaite la poursuite des grandes missions du CSA, notamment sociétales, et pérenniser un système de financement de la création audiovisuelle, on ne peut plus traiter du contenu, d’un côté, et des contenants, de l’autre.
Une importante réflexion de fond est toujours à mener. Il n’est jamais trop tard pour bien faire !
Notre rapporteur n’a cessé de nous renvoyer à un second texte de loi, dont on ne sait quand nous pourrons l’examiner. Nous savons, en revanche, qu’un véritable travail de fond – j’y insiste – associant le Gouvernement et le Parlement est nécessaire, qu’il faudra étudier en profondeur les propositions du rapport Lescure et réfléchir, puisque tout est lié, à l’ensemble des complémentarités ou articulations à effectuer, non seulement entre le CSA et l’ARCEP, mais aussi dans un cadre plus large prenant en compte les missions de la CNIL et de l’Hadopi.
Sur ce sujet, notre groupe d’études « Médias et nouvelles technologies », rattaché à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et qui regroupe des sénateurs issus de plusieurs commissions intéressées, notamment celles des affaires économiques et des lois, pourrait réaliser un travail intéressant, lequel devra converger au niveau européen.
L’Europe et l’harmonisation des législations et des pratiques : voilà ce dont le secteur de l’audiovisuel a besoin, aussi, aujourd’hui. Pour cette raison, je me réjouis que mon amendement visant à établir un bilan des coopérations et des convergences obtenues entre les instances de régulation audiovisuelles nationales des pays de l’Union européenne ait été adopté par notre commission.
Face à l’évolution des usages et des technologies, les aménagements législatifs nécessaires sont nombreux. J’y insiste à nouveau, ceux-ci méritent du sérieux.
L’épisode de l’Hadopi, que l’on défende ou non le principe de cette instance, est à cet égard consternant. Annoncer sa mort dès la campagne présidentielle sans avoir méthodiquement procédé à son évaluation, à la fois indépendante et nécessaire, puis se dire, juste après la remise des conclusions de la mission Lescure, qu’il y a urgence à sauver le bébé parce que le piratage a repris, et donc se dépêcher de confier au CSA les missions de l’autorité, en l’occurrence la riposte graduée, tout cela relève d’une impréparation et d’une improvisation politique dont nous ne voulons pas.
J’ajoute, en conclusion, que nous avons déposé un certain nombre d’amendements visant à améliorer le texte. Nous tenterons ainsi, modestement, d’apporter notre pierre à l’édifice.
C’est donc à l’issue des débats et en fonction du sort qui sera réservé à ces amendements que nous déciderons de notre vote final.