Il s’agit d’une première étape, symbolique, contenue dans un texte volontairement court, mais d’une étape indispensable pour une démocratie comme la France, attachée à la liberté d’expression et de communication.
L’indépendance a été mise à mal par la réforme de 2009, qui a également fragilisé l’équilibre financier de l’audiovisuel public, en faisant reposer le financement de France Télévisions sur la dotation de l’État.
Une telle dépendance renforcée, associée à la nomination des présidents de l’audiovisuel par le Président de la République, est devenue une subordination, suscitant des soupçons de partialité pour chaque dirigeant nommé. Le texte corrige une telle régression démocratique et supprime enfin un mode de désignation directe par le fait du prince qui, ailleurs en Europe, n’existe qu’en Hongrie. §
Je me réjouis que la réforme instaure des garanties nouvelles d’indépendance et concrétise un engagement fort du Président de la République et du Gouvernement. Les présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde seront dorénavant nommés par le CSA.
L’impartialité du CSA sera elle-même renforcée par une nouvelle procédure de nomination de ses membres. Cette procédure nouvelle, qui associe nécessairement l’opposition parlementaire, renforcera l’autorité du CSA, justifiant ainsi les nombreuses responsabilités nouvelles qui lui seront confiées par le présent projet de loi.
La procédure témoigne également de la confiance du Gouvernement à l’égard du Parlement dans sa capacité à être garant de l’indépendance et à dépasser les logiques partisanes, comme nous savons parfois le faire ici, au Sénat, avec des positions guidées par le seul intérêt général. C’est donc uniquement le critère de la compétence qui permettra aux parlementaires de s’entendre sur un nom.
Le projet de loi prend également en compte les enjeux économiques, en faisant précéder d’une étude d’impact toute nouvelle autorisation délivrée par le CSA et susceptible de modifier le marché de l’audiovisuel.
Alors que l’instabilité des recettes touche l’intégralité du secteur et que certaines décisions récentes ont encore accru la fragmentation du marché publicitaire, il était temps de donner au CSA de nouvelles prérogatives et de le responsabiliser sur les effets économiques de ses décisions.
Je me réjouis par ailleurs de l’adoption en commission au Sénat de nombreux amendements ayant permis de renforcer l’autonomie de l’institution et d’étendre encore son champ de compétences, notamment pour tenir compte des évolutions technologiques du secteur.
En outre, nous pouvons également nous féliciter de la présence dans le texte d’un autre élément essentiel de l’indépendance financière de l’audiovisuel public : le maintien de la publicité en journée sur France Télévisions. Cela confirme une position largement discutée et partagée parmi nous, et rendue plus que jamais inéluctable par la situation du marché publicitaire et le besoin de donner au groupe une plus grande responsabilité dans la gestion de ses ressources.
L’ambition de redonner de l’indépendance et des moyens à l’audiovisuel public devra être prolongée, comme cela a déjà été souligné, par un autre projet de loi dans le courant de l’année 2014, qui concernera l’ensemble du secteur. Le futur texte devra enfin apporter des réponses pérennes à la problématique du financement de l’audiovisuel public. Il s’agira également d’adapter le droit existant à un environnement nouveau, marqué par la révolution Internet, qui a bouleversé les comportements des consommateurs. Et il faudra définir un nouveau modèle de soutien à la création tenant compte de tous les supports, ce qui pourrait d’ailleurs permettre à l’audiovisuel public de récupérer des recettes nouvelles, à la hauteur de son investissement.
Le deuxième temps législatif devra confirmer l’ambition du Gouvernement de garantir la qualité du service public audiovisuel autour de ses missions d’information et de création. Car, à l’heure de la multiplication des chaînes et du développement de la télévision connectée, la différence peut se faire uniquement sur la qualité, celle qu’attendent les Français de la télévision publique.
À cet égard, je me permets une digression pour regretter, comme la majorité des habitants et associations de l’agglomération grenobloise, la vision, hélas ! caricaturale du quartier de la Villeneuve à Grenoble qui a été présentée la semaine dernière dans une émission télévisée. Le reportage dont je parle a suscité, à juste titre, des centaines de réactions d’habitants, d’acteurs associatifs et d’élus, légitimement indignés. La colère face à ce documentaire est encore fraîche ; permettez-moi de profiter de l’occasion pour relayer l’incompréhension collective devant un reportage qui, loin de jouer son rôle et de refléter la vie réelle dans ce quartier, a contribué à le stigmatiser de nouveau, alors qu’il est resté malheureusement marqué par ce que l’on appelle aujourd’hui le « discours de Grenoble » de 2010.
J’espère que l’émission Envoyé Spécial et France Télévisions réagiront à la demande des acteurs locaux et donneront une suite à ce reportage.
Madame la ministre, je ne doute pas de votre volonté de proposer en 2014 une loi la plus complète possible, dans le prolongement des Assises de l’audiovisuel, pour inventer la nouvelle télévision publique, au cœur de notre diversité culturelle, et garante du pluralisme de l’information.
Après le général de Gaulle, qui a créé l’ORTF en 1964, après François Mitterrand et ses lois de libération et d’émancipation de la communication audiovisuelle, l’histoire retiendra ce texte symbolique, porteur des valeurs de notre démocratie : l’indépendance, la transparence, la cohérence ! Voilà comment, à gauche, nous faisons vivre la liberté d’expression des médias au sein d’une démocratie moderne !
Responsabilité, impartialité, qualité ! Voilà en retour ce que nous attendons légitimement des instances de régulation, des dirigeants de l’audiovisuel public et de tous ceux qui sont chargés de faire de la télévision publique un modèle culturel reconnu auquel, nous le savons, les Français sont intimement attachés.