Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 1er octobre 2013 à 21h30
Indépendance de l'audiovisuel public — Article additionnel après l'article 6 quater

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

À l’heure actuelle, le régulateur de l’audiovisuel ne dispose pas d’une compétence suffisamment étendue pour assurer pleinement l’équilibre des marchés de la télévision payante.

Celle-ci est en effet dépendante de l’intervention d’une opération de concentration ou d’une saisine en vue du règlement d’un différend, qui ne règlent qu’a posteriori les problèmes.

Ainsi, l’absence d’une réelle régulation ex ante par le CSA a pu favoriser le développement de pratiques anticoncurrentielles, notamment d’abus de position dominante, certes sanctionnées par l’Autorité de la concurrence, mais dont les conséquences en termes de moindre concurrence dans le secteur de la télévision payante et donc d’appauvrissement du paysage audiovisuel français exigent un accompagnement sur plusieurs années.

C’est la raison pour laquelle, à l’occasion de la deuxième contribution remise au Gouvernement sur l’avenir de la régulation audiovisuelle, le CSA a rappelé l’importance de disposer d’un pouvoir plus complet de régulation ex ante du marché de la télévision payante.

Ces préconisations vont dans le sens de celles qui ont déjà été émises par l’Autorité de la concurrence dans son avis du 7 juillet 2009, ainsi que par Marie-Dominique Hagelsteen, dans son rapport de 2010 sur les exclusivités de distribution et de transport dans le secteur de la télévision.

Un tel pouvoir se rapprocherait de celui qui est détenu par le régulateur britannique, l’OFCOM, qui régule la société Sky depuis 2010, ou encore de celui que possède l’ARCEP dans le secteur des communications électroniques.

Il s’exercerait en étroite liaison et de manière complémentaire avec l’Autorité de la concurrence grâce à des saisines pour avis.

Le CSA aurait ainsi pour mission de procéder régulièrement, par exemple tous les trois ans, à l’analyse de la situation concurrentielle du secteur de la télévision payante, sans être dépendant de l’examen des opérations de concentration.

Il délimiterait les marchés pertinents, identifierait les acteurs puissants sur ces marchés et imposerait, le cas échéant, des obligations visant à développer la concurrence, tout en s’assurant du respect de certains objectifs ne relevant pas de la compétence de l’Autorité de la concurrence, par exemple la qualité et la diversité des programmes ou encore le développement de la production audiovisuelle.

À l’instar de l’ARCEP en matière d’interconnexion et d’accès aux réseaux, le CSA devrait pouvoir imposer aux distributeurs puissants un certain nombre de mesures : encadrement des tarifs de gros et fixation des obligations sur la qualité des chaînes mises à disposition, obligations d’information et de transparence comprenant la publication d’offres de référence, obligations également en matière comptable pour le distributeur puissant, mise à disposition de chaîne éditée par un distributeur puissant sur le principe du must offer ou encore régulation des relations d’exclusivité entre le distributeur dominant et les éditeurs indépendants.

Ces nouvelles prérogatives impliquent que le CSA dispose des pouvoirs d’investigation adéquats à leur exercice. Nous proposons donc de créer dans la loi du 30 septembre 1986 un article 17-2 qui instituerait l’ensemble de ces préconisations, conscients néanmoins que l’ensemble ici présenté constitue l’ossature d’un dispositif qui demeure à étoffer, après concertation avec les acteurs et autorités concernés.

J’ajoute que, tirant conclusion des discussions préalables avec le rapporteur, pour ne pas être en contradiction avec l’article de suppression que j’avais proposé précédemment, je modifie le présent article additionnel : la modification consiste à restreindre les nouvelles prérogatives du CSA au seul secteur de la télévision payante en y excluant, pour l’instant, les services de médias audiovisuels à la demande, les SMAD.

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