Intervention de Bernadette Bourzai

Commission des affaires économiques — Réunion du 1er octobre 2013 : 1ère réunion

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai, rapporteur :

La présente proposition de loi que j'ai déposée avec Renée Nicoux en juillet dernier et sur laquelle la Commission a bien voulu me désigner rapporteure, est un texte court et technique, qui vise à répondre à une double urgence.

La première urgence est de trouver un cadre juridique pour assurer la distribution des aides mises en place par l'Union européenne dans le cadre du nouveau fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), appelé à remplacer à partir de 2014 le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD). FranceAgrimer en assure aujourd'hui la gestion, et si l'on veut que cela continue après le 1er janvier 2014, il faut une loi.

La seconde urgence consiste à organiser la participation de la France à l'exposition universelle de Milan de 2015, consacrée au thème « nourrir la planète, énergie pour la vie ». Le pavillon français doit être construit sur le site de l'exposition pour la fin 2014. Or, les contraintes de délai et les spécificités de l'opération justifient de passer par un marché de conception réalisation. Afin de limiter les risques de recours contre le choix d'une telle procédure, il est préférable que la loi autorise spécialement FranceAgrimer à passer un marché de ce type. Nous ne pouvons pas attendre l'examen du projet de loi d'avenir de l'agriculture car les délais sont trop contraints.

Je me suis naturellement posée la question de la recevabilité financière d'une initiative parlementaire portant sur les missions d'un établissement public. Mais il me semble que l'article 40 de la Constitution ne constitue en rien un obstacle. D'une part, le fait de permettre à FranceAgrimer de participer à la mise en oeuvre du FEAD ne s'analyse pas comme l'attribution d'une mission nouvelle mais comme une simple adaptation, le FEAD ne relevant plus de la politique agricole commune (PAC) mais de la politique de cohésion. Il faut simplement autoriser FranceAgrimer à agir hors du champ de la PAC. D'autre part, la gestion administrative et financière du partage de la présence française à l'exposition universelle de Milan 2015 entre pleinement dans les attributions actuelles de FranceAgrimer, qui a un rôle de promotion à l'international des produits agricoles, agroalimentaires et de la mer. Dans ce cadre, l'établissement a par exemple participé en avril 2013 au salon Seafood à Bruxelles. L'exposition universelle de Milan a une plus grande ampleur mais rentre parfaitement dans la mission de promotion de FranceAgrimer.

L'article premier de la proposition de loi permet de continuer à faire participer FranceAgrimer à la mise en oeuvre de l'aide alimentaire, refondue par l'Europe à partir du 1er janvier 2014. Mis en place en 1987, le PEAD s'est inscrit dans le cadre de la PAC, dans la mesure où il permettait de fournir des denrées alimentaires aux associations caritatives à partir des surplus provenant des stocks d'intervention de l'Europe. La PAC ayant été réorientée vers les marchés depuis 1992, les stocks d'intervention se sont réduits jusqu'à quasiment disparaître. Le fonctionnement du PEAD a été modifié, permettant lorsque les stocks d'intervention ne suffisaient pas, de compléter l'approvisionnement par des achats sur les marchés, qui sont aujourd'hui la source quasi exclusive des denrées alimentaires distribuées aux associations caritatives. Intégré au sein des mesures de l'organisation commune de marché (OCM) unique, le PEAD est monté en charge progressivement passant de 100 millions d'euros par an à ses débuts à près de 500 millions d'euros par an, dont entre 70 et 90 millions pour la France, selon les années, ce qui représente environ 130 millions de repas servis. 18 millions de personnes au total en Europe ont ainsi pu bénéficier de ce programme, qui est devenu la principale source d'aide alimentaire des associations caritatives.

Le PEAD peut être complété par des programmes nationaux. En France, le programme national d'aide alimentaire (PNAA) créé en 2004 finance des produits non couverts par le PEAD, comme la viande, le poisson et les fruits et légumes. Il est géré, comme le PEAD par FranceAgrimer. En 2013, le PEAD représentait 67 millions d'euros, financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), instrument du premier pilier de la PAC. Le PNAA, financé sur crédits d'État, représentait pour sa part près de 8,5 millions d'euros.

L'Allemagne, soutenue par la Suède, a contesté en 2008 le rattachement du PEAD à la PAC, dans la mesure où l'essentiel de l'approvisionnement ne provenait plus de stocks d'intervention. Un arrêt du tribunal de l'Union européenne du 13 avril 2011 est venu confirmer cette lecture. La Commission européenne en a immédiatement tiré les conséquences en proposant de réduire l'enveloppe allouée au PEAD d'environ 500 millions d'euros par an à seulement 113 millions d'euros, faisant peser un risque majeur sur la survie du système d'aide alimentaire porté par les associations caritatives.

La France, avec quelques autres États membres de l'Union européenne, a cherché à pallier ce désengagement. Un compromis politique a pu être passé en novembre 2011 avec l'Allemagne afin de prolonger le PEAD de deux ans, en 2012 et 2013, en conservant l'enveloppe de 500 millions par an. Mais rien n'était prévu à partir de 2014.

Or la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale fait partie des objectifs transversaux l'Union européenne, qui a pour mission de renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale, comme le prévoit l'article 174 du TFUE. L'aide alimentaire doit donc continuer à exister, mais au sein de la politique de cohésion. La proposition de nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 faite par la Commission européenne en juin 2011 réservait une enveloppe de 2,5 milliards d'euros pour l'aide alimentaire rattachée à la rubrique 1 du budget européen, et non à la rubrique 2 comprenant la PAC, contre un budget de 3,5 milliards sur sept ans durant la période précédente 2007-2013, soit tout de même 1 milliard de moins. Les négociations menées entre États membres pour revoir à la baisse les dépenses de l'Union dans le nouveau CFP ont fait peser une menace sérieuse et permanente sur ces crédits. La tentation était grande de renvoyer aux États membres la responsabilité de financer les aides alimentaires. Lors du sommet européen du 8 février 2013, un compromis a enfin été trouvé sur le nouveau CFP, compromis préservant l'enveloppe de 2,5 milliards d'euros en faveur de l'aide alimentaire.

Je salue à cet égard le rôle du Président de la République, qui a insisté pour que le FEAD conserve cette enveloppe de 2,5 milliards, alors que la Commission européenne proposait de la réduire à 2,1 milliards d'euros. Il s'agit là d'un beau succès qui n'était pas acquis d'avance face à des États qui considèrent qu'une telle action ne relève pas des attributions prioritaires de l'Union européenne. Une bonne nouvelle ne venant pas toujours seule, le cabinet de M. Stéphane Le Foll m'a informé lors des auditions conduites la semaine dernière que la France bénéficierait très probablement d'une clef de répartition avantageuse. Elle disposera vraisemblablement de la même enveloppe d'aide alimentaire que par le passé.

Comme tout établissement public, FranceAgrimer est soumis au principe de spécialité. Or le nouveau FEAD ne sera plus rattaché à la PAC mais à la politique de cohésion. Il est donc nécessaire de réécrire les articles du code rural le concernant pour l'autoriser à intervenir en matière de politique sociale. FranceAgrimer serait dans le nouveau dispositif l'organisme intermédiaire, l'organisme de gestion étant la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des affaires sociales et de la santé. Il continuerait ainsi à passer les appels d'offres, assurer la distribution aux quatre associations nationales agréées pour distribuer l'aide alimentaire, et contrôler les opérations, tâches auxquelles l'établissement consacre déjà aujourd'hui 14 équivalents temps plein.

Je propose un seul amendement rédactionnel à l'article premier, destiné à mieux préciser ce qui relève de la mission agricole de FranceAgrimer et ce qui relève de l'appui au programme d'aide aux plus démunis, désormais qualifié de mission sociale.

L'article 2 de la proposition de loi confie à FranceAgrimer le portage de la présence française à l'exposition universelle de Milan de 2015, sous l'autorité du commissaire général nommé en avril 2013, M. Alain Berger. Organisées régulièrement dans le monde depuis le milieu du XIXème siècle, les expositions internationales ont pour but de présenter les réalisations industrielles des participants, et constituent donc une vitrine de l'excellence des États. La participation de la France aux expositions universelles ou spécialisées se traduit par la réalisation d'un pavillon français. Lors de l'exposition universelle de Shanghai en 2010, le pavillon français a été le plus visité durant les six mois qu'a duré l'évènement, avec 10 millions de visiteurs.

Le thème retenu pour l'exposition de Milan : « nourrir la planète, énergie pour la vie » laisse la possibilité à la France de jouer un rôle de premier plan dans cette exposition, alors même que montent les préoccupations alimentaires dans le monde. L'exposition de Milan durera du 1er mai au 31 octobre 2015 et chaque pavillon national devra répondre à un cahier des charges très strict. Le pavillon français déploiera 1 800 m² sur une emprise d'un peu plus de 3 500 m² devant prévoir des espaces extérieurs d'animation. Outre un espace permanent d'exposition, il devra prévoir des animations temporaires, un restaurant, un espace de spectacles et une boutique. Le pavillon français devrait intégrer tradition et modernité sous forme de Halle alimentaire de type Baltard. Un budget public total de 20 millions d'euros est prévu pour financer la présence française à Milan.

Les organismes choisis précédemment pour piloter l'équipe de France dans les expositions universelles ont été très divers : l'exposition internationale de Saragosse en 2008 a été portée par Ubifrance. Pour l'exposition universelle de Shanghai en 2010 et pour l'exposition spécialisée de Yeosu de 2012, une structure porteuse dédiée a été mise en place sous forme de société anonyme à capitaux publics : la COFRES SAS. Pour l'exposition spécialisée de Milan, le thème choisi permet d'envisager d'attribuer le pilotage administratif à FranceAgrimer, déjà chargé par la loi d'encourager l'organisation de la mise en marché au niveau international des produits agricoles et alimentaires et de contribuer à des actions de coopération internationale.

FranceAgrimer aura pour tâche principale, sous l'autorité du Commissaire général de l'exposition, de faire construire le pavillon français. Or une telle opération est soumise au code des marchés publics (CMP) et à la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique, qui prévoit une séparation stricte, pour la réalisation d'un ouvrage, entre la mission de maîtrise d'oeuvre - le concepteur - et de celle de celui qui réalise effectivement les travaux - les entrepreneurs - entraînant la nécessité de passer deux marchés distincts : un marché de maîtrise d'oeuvre et un marché de travaux.

Certes, l'article 18 de la loi MOP autorise à confier à un groupement, par un même marché, à la fois la mission portant sur les études et celle sur l'exécution des travaux, « lorsque des motifs d'ordre technique ou d'engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage ». C'est le système du marché de conception-réalisation. Mais la jurisprudence est très stricte et n'admet pas facilement l'utilisation de cette exception. L'article 2 autorise donc expressément FranceAgrimer à recourir à un marché de conception réalisation, élargi le cas échéant à l'exploitation ou à la maintenance.

Il s'agit de prévenir tout risque de recours contentieux portant sur le choix de cette procédure, qui bloquerait la procédure de passation de marché et retarderait l'ouverture du pavillon français, qui doit être livré pour la fin 2014. Nous procédons à une sorte de validation législative préventive. De tels marchés ne se traduisent pas par des coûts plus élevés, la Cour des Comptes ayant même estimé dans le passé qu'ils pouvaient générer des économies. L'ampleur et le retentissement de l'opération paraissent au demeurant suffisants pour qu'une réelle concurrence puisse avoir lieu entre plusieurs groupements pour l'attribution du marché. Cette procédure permettra également d'aller plus vite, en n'ayant pas deux phases d'appels d'offres, répondant ainsi à l'urgence du projet.

Je propose à l'article 2 un amendement tendant à supprimer le dernier alinéa. En effet, il n'était pertinent que la loi permette au directeur général de FranceAgrimer de déléguer sa signature et de nommer ordonnateur secondaire de l'établissement le commissaire général de l'exposition que tant que celui-ci n'avait pas de lien juridique avec l'établissement. Or, le commissaire général étant devenu un agent de FranceAgrimer, il peut désormais recevoir délégation de signature du directeur général. La précision apportée par le troisième alinéa de l'article 2 n'est donc plus nécessaire.

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