Commission des affaires économiques

Réunion du 1er octobre 2013 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • alimentaire
  • exposition
  • franceagrimer
  • transition
  • écologique

La réunion

Source

La commission procède à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi n° 819 (2012-2013) relative aux missions de l'Etablissement national des produits agricoles et de la pêche maritime.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous allons entendre le rapport de notre collègue Bernadette Bourzai, sur la proposition de loi relative aux missions de FranceAgrimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

La présente proposition de loi que j'ai déposée avec Renée Nicoux en juillet dernier et sur laquelle la Commission a bien voulu me désigner rapporteure, est un texte court et technique, qui vise à répondre à une double urgence.

La première urgence est de trouver un cadre juridique pour assurer la distribution des aides mises en place par l'Union européenne dans le cadre du nouveau fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), appelé à remplacer à partir de 2014 le programme européen d'aide aux plus démunis (PEAD). FranceAgrimer en assure aujourd'hui la gestion, et si l'on veut que cela continue après le 1er janvier 2014, il faut une loi.

La seconde urgence consiste à organiser la participation de la France à l'exposition universelle de Milan de 2015, consacrée au thème « nourrir la planète, énergie pour la vie ». Le pavillon français doit être construit sur le site de l'exposition pour la fin 2014. Or, les contraintes de délai et les spécificités de l'opération justifient de passer par un marché de conception réalisation. Afin de limiter les risques de recours contre le choix d'une telle procédure, il est préférable que la loi autorise spécialement FranceAgrimer à passer un marché de ce type. Nous ne pouvons pas attendre l'examen du projet de loi d'avenir de l'agriculture car les délais sont trop contraints.

Je me suis naturellement posée la question de la recevabilité financière d'une initiative parlementaire portant sur les missions d'un établissement public. Mais il me semble que l'article 40 de la Constitution ne constitue en rien un obstacle. D'une part, le fait de permettre à FranceAgrimer de participer à la mise en oeuvre du FEAD ne s'analyse pas comme l'attribution d'une mission nouvelle mais comme une simple adaptation, le FEAD ne relevant plus de la politique agricole commune (PAC) mais de la politique de cohésion. Il faut simplement autoriser FranceAgrimer à agir hors du champ de la PAC. D'autre part, la gestion administrative et financière du partage de la présence française à l'exposition universelle de Milan 2015 entre pleinement dans les attributions actuelles de FranceAgrimer, qui a un rôle de promotion à l'international des produits agricoles, agroalimentaires et de la mer. Dans ce cadre, l'établissement a par exemple participé en avril 2013 au salon Seafood à Bruxelles. L'exposition universelle de Milan a une plus grande ampleur mais rentre parfaitement dans la mission de promotion de FranceAgrimer.

L'article premier de la proposition de loi permet de continuer à faire participer FranceAgrimer à la mise en oeuvre de l'aide alimentaire, refondue par l'Europe à partir du 1er janvier 2014. Mis en place en 1987, le PEAD s'est inscrit dans le cadre de la PAC, dans la mesure où il permettait de fournir des denrées alimentaires aux associations caritatives à partir des surplus provenant des stocks d'intervention de l'Europe. La PAC ayant été réorientée vers les marchés depuis 1992, les stocks d'intervention se sont réduits jusqu'à quasiment disparaître. Le fonctionnement du PEAD a été modifié, permettant lorsque les stocks d'intervention ne suffisaient pas, de compléter l'approvisionnement par des achats sur les marchés, qui sont aujourd'hui la source quasi exclusive des denrées alimentaires distribuées aux associations caritatives. Intégré au sein des mesures de l'organisation commune de marché (OCM) unique, le PEAD est monté en charge progressivement passant de 100 millions d'euros par an à ses débuts à près de 500 millions d'euros par an, dont entre 70 et 90 millions pour la France, selon les années, ce qui représente environ 130 millions de repas servis. 18 millions de personnes au total en Europe ont ainsi pu bénéficier de ce programme, qui est devenu la principale source d'aide alimentaire des associations caritatives.

Le PEAD peut être complété par des programmes nationaux. En France, le programme national d'aide alimentaire (PNAA) créé en 2004 finance des produits non couverts par le PEAD, comme la viande, le poisson et les fruits et légumes. Il est géré, comme le PEAD par FranceAgrimer. En 2013, le PEAD représentait 67 millions d'euros, financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA), instrument du premier pilier de la PAC. Le PNAA, financé sur crédits d'État, représentait pour sa part près de 8,5 millions d'euros.

L'Allemagne, soutenue par la Suède, a contesté en 2008 le rattachement du PEAD à la PAC, dans la mesure où l'essentiel de l'approvisionnement ne provenait plus de stocks d'intervention. Un arrêt du tribunal de l'Union européenne du 13 avril 2011 est venu confirmer cette lecture. La Commission européenne en a immédiatement tiré les conséquences en proposant de réduire l'enveloppe allouée au PEAD d'environ 500 millions d'euros par an à seulement 113 millions d'euros, faisant peser un risque majeur sur la survie du système d'aide alimentaire porté par les associations caritatives.

La France, avec quelques autres États membres de l'Union européenne, a cherché à pallier ce désengagement. Un compromis politique a pu être passé en novembre 2011 avec l'Allemagne afin de prolonger le PEAD de deux ans, en 2012 et 2013, en conservant l'enveloppe de 500 millions par an. Mais rien n'était prévu à partir de 2014.

Or la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale fait partie des objectifs transversaux l'Union européenne, qui a pour mission de renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale, comme le prévoit l'article 174 du TFUE. L'aide alimentaire doit donc continuer à exister, mais au sein de la politique de cohésion. La proposition de nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 faite par la Commission européenne en juin 2011 réservait une enveloppe de 2,5 milliards d'euros pour l'aide alimentaire rattachée à la rubrique 1 du budget européen, et non à la rubrique 2 comprenant la PAC, contre un budget de 3,5 milliards sur sept ans durant la période précédente 2007-2013, soit tout de même 1 milliard de moins. Les négociations menées entre États membres pour revoir à la baisse les dépenses de l'Union dans le nouveau CFP ont fait peser une menace sérieuse et permanente sur ces crédits. La tentation était grande de renvoyer aux États membres la responsabilité de financer les aides alimentaires. Lors du sommet européen du 8 février 2013, un compromis a enfin été trouvé sur le nouveau CFP, compromis préservant l'enveloppe de 2,5 milliards d'euros en faveur de l'aide alimentaire.

Je salue à cet égard le rôle du Président de la République, qui a insisté pour que le FEAD conserve cette enveloppe de 2,5 milliards, alors que la Commission européenne proposait de la réduire à 2,1 milliards d'euros. Il s'agit là d'un beau succès qui n'était pas acquis d'avance face à des États qui considèrent qu'une telle action ne relève pas des attributions prioritaires de l'Union européenne. Une bonne nouvelle ne venant pas toujours seule, le cabinet de M. Stéphane Le Foll m'a informé lors des auditions conduites la semaine dernière que la France bénéficierait très probablement d'une clef de répartition avantageuse. Elle disposera vraisemblablement de la même enveloppe d'aide alimentaire que par le passé.

Comme tout établissement public, FranceAgrimer est soumis au principe de spécialité. Or le nouveau FEAD ne sera plus rattaché à la PAC mais à la politique de cohésion. Il est donc nécessaire de réécrire les articles du code rural le concernant pour l'autoriser à intervenir en matière de politique sociale. FranceAgrimer serait dans le nouveau dispositif l'organisme intermédiaire, l'organisme de gestion étant la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des affaires sociales et de la santé. Il continuerait ainsi à passer les appels d'offres, assurer la distribution aux quatre associations nationales agréées pour distribuer l'aide alimentaire, et contrôler les opérations, tâches auxquelles l'établissement consacre déjà aujourd'hui 14 équivalents temps plein.

Je propose un seul amendement rédactionnel à l'article premier, destiné à mieux préciser ce qui relève de la mission agricole de FranceAgrimer et ce qui relève de l'appui au programme d'aide aux plus démunis, désormais qualifié de mission sociale.

L'article 2 de la proposition de loi confie à FranceAgrimer le portage de la présence française à l'exposition universelle de Milan de 2015, sous l'autorité du commissaire général nommé en avril 2013, M. Alain Berger. Organisées régulièrement dans le monde depuis le milieu du XIXème siècle, les expositions internationales ont pour but de présenter les réalisations industrielles des participants, et constituent donc une vitrine de l'excellence des États. La participation de la France aux expositions universelles ou spécialisées se traduit par la réalisation d'un pavillon français. Lors de l'exposition universelle de Shanghai en 2010, le pavillon français a été le plus visité durant les six mois qu'a duré l'évènement, avec 10 millions de visiteurs.

Le thème retenu pour l'exposition de Milan : « nourrir la planète, énergie pour la vie » laisse la possibilité à la France de jouer un rôle de premier plan dans cette exposition, alors même que montent les préoccupations alimentaires dans le monde. L'exposition de Milan durera du 1er mai au 31 octobre 2015 et chaque pavillon national devra répondre à un cahier des charges très strict. Le pavillon français déploiera 1 800 m² sur une emprise d'un peu plus de 3 500 m² devant prévoir des espaces extérieurs d'animation. Outre un espace permanent d'exposition, il devra prévoir des animations temporaires, un restaurant, un espace de spectacles et une boutique. Le pavillon français devrait intégrer tradition et modernité sous forme de Halle alimentaire de type Baltard. Un budget public total de 20 millions d'euros est prévu pour financer la présence française à Milan.

Les organismes choisis précédemment pour piloter l'équipe de France dans les expositions universelles ont été très divers : l'exposition internationale de Saragosse en 2008 a été portée par Ubifrance. Pour l'exposition universelle de Shanghai en 2010 et pour l'exposition spécialisée de Yeosu de 2012, une structure porteuse dédiée a été mise en place sous forme de société anonyme à capitaux publics : la COFRES SAS. Pour l'exposition spécialisée de Milan, le thème choisi permet d'envisager d'attribuer le pilotage administratif à FranceAgrimer, déjà chargé par la loi d'encourager l'organisation de la mise en marché au niveau international des produits agricoles et alimentaires et de contribuer à des actions de coopération internationale.

FranceAgrimer aura pour tâche principale, sous l'autorité du Commissaire général de l'exposition, de faire construire le pavillon français. Or une telle opération est soumise au code des marchés publics (CMP) et à la loi relative à la maîtrise d'ouvrage publique, qui prévoit une séparation stricte, pour la réalisation d'un ouvrage, entre la mission de maîtrise d'oeuvre - le concepteur - et de celle de celui qui réalise effectivement les travaux - les entrepreneurs - entraînant la nécessité de passer deux marchés distincts : un marché de maîtrise d'oeuvre et un marché de travaux.

Certes, l'article 18 de la loi MOP autorise à confier à un groupement, par un même marché, à la fois la mission portant sur les études et celle sur l'exécution des travaux, « lorsque des motifs d'ordre technique ou d'engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage ». C'est le système du marché de conception-réalisation. Mais la jurisprudence est très stricte et n'admet pas facilement l'utilisation de cette exception. L'article 2 autorise donc expressément FranceAgrimer à recourir à un marché de conception réalisation, élargi le cas échéant à l'exploitation ou à la maintenance.

Il s'agit de prévenir tout risque de recours contentieux portant sur le choix de cette procédure, qui bloquerait la procédure de passation de marché et retarderait l'ouverture du pavillon français, qui doit être livré pour la fin 2014. Nous procédons à une sorte de validation législative préventive. De tels marchés ne se traduisent pas par des coûts plus élevés, la Cour des Comptes ayant même estimé dans le passé qu'ils pouvaient générer des économies. L'ampleur et le retentissement de l'opération paraissent au demeurant suffisants pour qu'une réelle concurrence puisse avoir lieu entre plusieurs groupements pour l'attribution du marché. Cette procédure permettra également d'aller plus vite, en n'ayant pas deux phases d'appels d'offres, répondant ainsi à l'urgence du projet.

Je propose à l'article 2 un amendement tendant à supprimer le dernier alinéa. En effet, il n'était pertinent que la loi permette au directeur général de FranceAgrimer de déléguer sa signature et de nommer ordonnateur secondaire de l'établissement le commissaire général de l'exposition que tant que celui-ci n'avait pas de lien juridique avec l'établissement. Or, le commissaire général étant devenu un agent de FranceAgrimer, il peut désormais recevoir délégation de signature du directeur général. La précision apportée par le troisième alinéa de l'article 2 n'est donc plus nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Le rapport de Bernadette Bourzai est très complet. Il est important de disposer d'un organisme pour distribuer l'aide alimentaire aux plus démunis. FranceAgrimer est sans conteste le bon interlocuteur. Mais le FEAD aura un champ plus large que la seule aide alimentaire, il aura un but général de renforcer la cohésion sociale par la réduction de la pauvreté dans l'Union européenne.

Concernant l'article 2, les délais pour construire le pavillon français sont très contraints, ce qui justifie la procédure choisie. Les élections de 2012 en France ont probablement retardé la préparation de la présence française à l'exposition de Milan de 2015. Le choix fait constitue une exemption justifiée à la mise en concurrence des organismes et une exception à la dissociation des missions de maîtrise d'oeuvre et de travaux. Cet article vise ainsi à éviter tout contentieux sur le choix de la procédure particulière de marché de conception réalisation, pourtant autorisé par la loi MOP, mais risqué sur le plan juridique.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

Concernant l'article 1er, il me paraît légitime que FranceAgrimer poursuive son action en matière d'aide alimentaire. Le FEAD aura un objet plus large qu'aujourd'hui parce qu'il pourra distribuer des biens de première nécessité, comme par exemple des vêtements. C'est une bonne chose. Concernant l'article 2, il me semble que l'ancien président de la République n'était pas très désireux de voir la France participer à l'exposition de Milan. Le thème choisi pour cette exposition : « nourrir la planète, énergie pour la vie » est tout à fait fondamental. Il serait souhaitable que notre commission auditionne M. Alain Berger, commissaire général de l'exposition. La souveraineté alimentaire, y compris des pays émergents, est un enjeu fort qu'il faudra mettre en avant.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

On ne peut que se réjouir qu'il y ait encore un programme européen d'aide alimentaire, et que FranceAgrimer en soit responsable. J'ai toutefois une interrogation : quelle est l'origine des produits achetés par FranceAgrimer ? J'approuve la thématique retenue par l'exposition internationale de Milan. Mais il me semblerait intéressant d'en savoir davantage sur le contenu de cette exposition. Enfin, notre commission pourrait-elle envisager de s'y rendre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Pourquoi en effet ne pas aller à Milan ? Nous en discuterons en Bureau. Il me semble, Mme Nicoux, que sur l'article 2, il n'y a pas d'exception au principe de mise en concurrence mais un simple aménagement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je me réjouis que nous souhaitions tous la prolongation du programme d'aide alimentaire. Concernant la construction du pavillon français à l'exposition de Milan, il n'y aura pas d'absence de mise en concurrence mais simplement recours à un marché particulier, le marché de conception réalisation. Cette formule semble adapter compte tenu des contraintes de construction : le pavillon français de Milan doit en effet être en bois, il doit aussi être démontable et réutilisable -il y aurait déjà des candidats pour le reprendre. Il est donc nécessaire d'associer étroitement le concepteur et le réalisateur.

Je souhaite également que nous entendions en commission le commissaire général de l'exposition, M. Alain Berger lorsqu'il aura avancé dans sa mission, il travaille déjà aujourd'hui avec les entreprises du secteur agroalimentaire ainsi que les régions. L'exposition de Milan est orientée surtout vers le secteur végétal mais il faudra également valoriser les productions animales.

Je souscris à l'idée d'une visite groupée du pavillon français à Milan mais rappelle que cela n'interviendra qu'après les prochaines élections sénatoriales...

Concernant l'aide alimentaire, il faut savoir que les stocks d'intervention ont quasiment disparu. FranceAgrimer lance donc des appels d'offres pour la fourniture de produits bruts ou, le plus souvent, transformés, tant dans le cadre du PEAD que du PNAA. Il serait dommage de se priver de cette compétence.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Compte tenu des montants en jeu, oui. On peut se féliciter d'avoir sauvé l'aide alimentaire, mais aussi très probablement les perspectives de conserver en France une dotation au même niveau que les années précédentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Renée Nicoux

Concernant la question de la concurrence, mon intervention visait simplement à noter que FranceAgrimer n'avait pas été mise en concurrence comme structure porteuse de l'exposition de Milan.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Une fois adoptée par le Sénat, la proposition de loi devra encore être adoptée à l'Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Il serait ennuyeux qu'elle ne le soit pas avant 2013.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Il semblerait qu'un créneau pour l'examen de ce texte existe à l'Assemblée nationale fin octobre.

La commission procède ensuite à l'examen des articles et des amendements du rapporteur.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

L'amendement n° 1 est de clarification, afin de préciser que la liste des missions attribuées à Agrimer par l'article L. 621-3 du code rural et de la pêche maritime ne vaut que pour les domaines de l'agriculture, de l'alimentation et des produits de la mer.

L'amendement n° 1 est adopté.

L'article 1er ainsi rédigé est adopté.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

L'amendement n° 2 supprime le dernier alinéa de l'article 2 ; le commissaire général de la section française à l'exposition universelle de 2015 est devenu agent d'Agrimer, le droit commun s'applique. Il n'est plus nécessaire de créer une disposition spéciale pour que directeur général de l'établissement lui délègue sa signature.

L'amendement n° 2 est adopté.

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.

- Présidence conjointe de M. Daniel Raoul, président, et de M. Raymond Vall, président de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire -

La commission auditionne, en commun avec la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Raymond Vall, président. - Bienvenue au Sénat, monsieur le ministre. L'actualité en matière d'écologie est particulièrement riche et les défis auxquels vous êtes confrontés nombreux : conférence environnementale, budget pour 2014, réchauffement climatique, transition énergétique, réduction de la consommation des ressources naturelles, amélioration de la gestion de l'eau, accroissement du recyclage, préservation de la biodiversité, réforme du code minier et préparation du grand sommet de Paris sur le climat en 2015...

Pouvez-vous nous préciser vos priorités et votre calendrier ? Comme vous, j'estime qu'il ne peut y avoir de révolution énergétique et environnementale sans adhésion de la population et des territoires. Le Sénat, qui souhaite que les collectivités s'engagent en ce sens, vous servira de relais.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Nous sommes très heureux de vous recevoir, monsieur le ministre. La commission des affaires économiques est particulièrement sensible à la transition énergétique et à ses effets concrets. Comme l'a dit le président Vall, l'adhésion de la population est indispensable, et la baisse de la TVA sur les travaux améliorant l'efficacité énergétique des logements va dans le bon sens, puisque les pertes d'énergie sont dues en premier lieu aux habitations, avant même les transports.

Debut de section - Permalien
Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Ayant été parlementaire plus d'une dizaine d'années, j'attacherai une importance toute particulière au Parlement et notamment au Sénat. Les deux ministres du Puy-de-Dôme, MM. Quilliot et Charasse, qui furent deux sénateurs et pour lesquels j'ai travaillé, m'ont appris la sagesse et l'importance de votre haute assemblée.

Ministre de l'écologie, j'ai pour mission de mettre en oeuvre la feuille de route que m'ont confiée le Président de la République et le Premier ministre : faire de notre pays la nation de l'excellence environnementale. Beaucoup parmi vous connaissent mes convictions qui sont anciennes et qui se sont enracinées dans mon territoire d'élection, le Gers.

J'étais hier aux côtés du Président de la République qui recevait les scientifiques du GIEC. Leurs analyses, leurs constats, m'ont conforté dans l'idée que la transition écologique n'est pas une option mais une obligation, qu'elle n'est pas une punition, mais une chance. Il est urgent d'agir. Pourtant, changer notre manière de produire, d'aménager le territoire, de nous loger, de consommer, de nous déplacer, de gouverner ne sera pas une mince affaire. Raison de plus pour que la transition écologique se fasse avec l'adhésion de nos concitoyens et de nos territoires, car la plus belle des lois n'aura aucune efficacité s'ils ne se l'approprient pas.

Je suis également convaincu que la transition écologique permettra en grande partie de répondre aux difficultés économiques et sociales. Nous ne sortirons pas de la crise actuelle sans cette transformation globale. C'est pourquoi je travaille étroitement avec Arnaud Montebourg sur les trente-quatre filières de la France industrielle de demain, dont la moitié concerne la transition écologique, comme les transports du futur, le stockage de l'énergie ou la rénovation thermique des bâtiments.

Pour être accepté par les Français, ce changement de modèle doit être progressif, collectif et concerté. Le Président de la République a d'ailleurs rappelé que la transition écologique devait être un projet partagé : le dialogue environnemental, comme le dialogue social, est indispensable.

En 2012, la première conférence environnementale a réuni des représentants des ONG, des organisations syndicales, des employeurs, des collectivités locales, des parlementaires. Ces derniers devraient occuper une place plus importante, notamment en amont de l'examen des lois. M. le Président Vall, MM. Richard et Bizet font ainsi partie du Conseil national de la transition écologique que j'ai installé le 11 septembre, ce dont je me félicite car nous avions été nombreux à regretter que les parlementaires n'aient pas été associés au Grenelle de l'environnement. En 2012, la feuille de route du Gouvernement mettait l'accent sur la transition énergétique, la biodiversité, la prévention des risques sanitaires environnementaux, le financement de la transition, la fiscalité écologique et la gouvernance environnementale. Un an après, les trois-quarts des décisions prises ont été mises en oeuvre, ou sont en passe de l'être, selon un calendrier connu. D'autres ont pris du retard, nous y reviendrons.

Le Président de la République l'a redit dans son discours d'ouverture de la deuxième Conférence environnementale la semaine dernière : notre pays ne comptera dans le monde qu'à la condition de réussir sa transition écologique et énergétique, ce qui permettra de relancer notre industrie et de créer des emplois.

Si nous nous laissions tenter par l'inaction, la facture énergétique des entreprises bondirait de 100 milliards en 2050 et l'on imagine sans mal les conséquences d'un tel renchérissement sur leur compétitivité, sans parler de la perte du pouvoir d'achat des ménages. Nous devons tout faire pour éviter la précarité énergétique qui désocialise les familles. Ce combat est donc à la fois une priorité environnementale et sociale.

Au cours du débat national sur la transition énergétique qui s'est déroulé de novembre 2012 à juillet 2013, aucun sujet n'a été éludé. Ses conclusions nourriront le projet de loi à venir, qui sera présenté au printemps prochain et débattu au Parlement d'ici la fin 2014. Cette loi nous permettra de respecter les objectifs nationaux fixés par le Président de la République : diminution de moitié de notre consommation d'énergie à l'horizon 2050, réduction de 30 % de notre consommation d'énergies fossiles d'ici 2030, part du nucléaire ramenée à 50 % de notre production d'électricité en 2025, 23 % de notre production électrique d'origine renouvelable en 2020, fermeture de la centrale de Fessenheim en 2016.

Dans ce cadre général, et conformément aux engagements du Président de la République, les demandes de permis exclusif de recherche d'hydrocarbures liquides ou gazeux, c'est-à-dire de gaz ou huiles de schiste, ont été rejetées, en application de la loi Jacob du 13 juillet 2011, qui proscrit la fracturation hydraulique sur notre territoire. Sont concernés les permis de Brignoles, de Beaumont-de-Lomagne, de Cahors, de Gréoux-les-Bains, de Lyon-Annecy, l'extension de Montélimar, les permis de Montfalcon et de Valence. Je le dis une nouvelle fois : la fracturation hydraulique est et restera interdite sur notre territoire.

Dans le même temps, avec le Premier ministre et la ministre de l'égalité des territoires et du logement, nous avons lancé, à Arras, le plan de rénovation énergétique de l'habitat, composante essentielle de la transition énergétique : cet outil permettra de lutter contre la précarité énergétique et les aides pour les travaux d'efficacité énergétique seront accessibles aux deux-tiers de nos concitoyens. Combiné à l'abaissement de la TVA à 5 % sur les travaux de rénovation énergétique, ce dispositif permettra des économies d'énergie, des gains de pouvoir d'achat et des créations d'emplois durables sur tout le territoire. Dans le même esprit, pour que nos concitoyens puissent mieux gérer leur consommation d'électricité, les compteurs Linky remplaceront progressivement les compteurs traditionnels dans tous les foyers d'ici 2020. Ces mesures représentent un investissement de 4,5 à 5 milliards ; la moitié du nouveau programme d'investissements d'avenir (PIA) annoncé le 9 juillet par le Premier ministre sera dédiée à la transition énergétique et écologique. En outre, la notion d'éco-conditionnalité a été introduite dans ce programme.

Nous avons également pris des mesures d'urgence pour relancer le développement des énergies renouvelables : le cadre législatif de l'éolien terrestre a été simplifié. Pour faire face à la crise du photovoltaïque, qui a causé la disparition de 14 000 emplois entre 2010 et 2012, du fait d'une gestion pour le moins erratique de la question du tarif de rachat, nous développerons cette année 1 000 mégawatts en projets nouveaux.

Hier, à Cherbourg, le Président de la République a officialisé le lancement d'un appel à manifestation d'intérêt afin de consolider les filières des énergies marines renouvelables, notamment l'énergie hydrolienne.

Dans le cadre du plan national « biogaz », 800 000 foyers devraient être alimentés en électricité renouvelable, et 555 000 tonnes d'équivalent pétrole en chaleur renouvelable devraient être produites. La loi de transition énergétique devra stabiliser le cadre juridique applicable aux énergies renouvelables, afin de favoriser leur essor.

Le chef de l'État a fait de la simplification des normes une priorité. Or, mon ministère crée beaucoup de normes, et pas seulement du fait des transpositions de directives. Il n'est pas normal qu'il faille six mois pour qu'une unité de méthanisation sorte de terre en Allemagne alors qu'il faut quatre ans chez nous. Je serais donc attentif à cette question.

Les états généraux de la modernisation du droit de l'environnement ont été lancés le 16 avril 2013 et Pierre Moscovici présente à l'Assemblée nationale un projet de loi d'habilitation pour simplifier les activités des entreprises du secteur des énergies renouvelables. Plusieurs régions pourraient expérimenter un certificat de projet pour assurer aux investisseurs et aux industriels concernés la visibilité nécessaire et la mise en place d'une autorisation unique pour les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) en matière d'éolien offshore et on shore. Nous menons ainsi deux expérimentations en Champagne-Ardenne et en Bretagne.

La dernière grande loi de protection de la nature date de 1976. La préparation d'une nouvelle loi biodiversité, annoncée par le Président de la République lors de la première conférence environnementale, est engagée. La consultation va commencer sur le projet de texte, qui prévoit notamment la création dès 2015 d'une Agence française pour la biodiversité. Le texte comprendra également des dispositions sur la protection des espèces, la création de zones de conservation halieutique, la reconnaissance de l'importance des paysages ordinaires, et l'extension de la politique du paysage à la gestion et à l'aménagement.

S'agissant des risques sanitaires environnementaux, l'adoption de plusieurs textes législatifs a permis l'interdiction totale du bisphénol A dans les contenants alimentaires. Une stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens est également en cours d'élaboration et une loi donnant enfin un véritable statut juridique aux lanceurs d'alerte a été votée.

Après que le Comité permanent pour la fiscalité écologique, présidé par Christian de Perthuis, m'a remis son rapport d'étape le 18 juillet, le gouvernement a décidé d'engager la France sur le chemin de la fiscalité du XXIème siècle. Je suis fier de l'introduction dans le projet de loi de finances 2014 d'une composante carbone dans la fiscalité de l'énergie, introduction qui permet de moins taxer la production, grâce au CICE, et davantage les émissions de C02 et de pousser notre société à être plus sobre en carbone. Cette « assiette carbone » sera intégrée aux taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques polluants, c'est-à-dire sur les carburants gaz, fioul et charbon. Le prix de la tonne carbone sera fixé à 7 euros en 2014 et sera compensé par une baisse de la composante des taxes intérieures sur la consommation (TIC) portant sur le volume. Cette mesure sera donc neutre pour les Français, sauf pour le gaz, aujourd'hui intégralement exonéré de TIC. Dès lors, nous travaillons à un ajustement des tarifs sociaux du gaz pour que les ménages modestes n'aient pas à souffrir d'une augmentation du fait de la contribution climat énergie. Le prix de la tonne de C02 passera à 14,5 euros en 2015 et à 22 euros en 2016. Instaurée en Suède dans les années 1990, cette taxe est actuellement de 100 euros la tonne sans que l'économie de ce pays en souffre. Une partie du rendement de ce verdissement de la fiscalité, estimé à 4 milliards en 2016, financera le CICE, le reste permettra de financer la transition écologique. Si nous voulons que cette transition se fasse avec les Français, et non pas contre eux, nous devons promouvoir une fiscalité écologique qui ne s'apparente pas à des impôts « en plus », mais « à la place ». Notre fiscalité doit donc se transformer dans le cadre de la stabilisation des prélèvements obligatoires voulue par le Gouvernement.

La deuxième conférence environnementale a permis d'inscrire notre méthode, celle de la concertation et des actes, dans la durée. Elle a aussi permis de compléter la feuille de route du gouvernement sur cinq nouveaux thèmes : l'économie circulaire, l'emploi et la transition écologique, la politique de l'eau, la biodiversité marine et l'éducation à l'environnement et au développement durable.

Ainsi, pour la première fois, un gouvernement porte le sujet de l'économie circulaire, engageant résolument notre économie vers un système plus économe en ressources, et qui tourne le dos à l'économie linéaire. Je remercie le Président Vall pour son implication dans les travaux de la table ronde sur ce sujet. Les discussions se sont appuyées sur les travaux parlementaires du groupe d'études sur la gestion des déchets de la sénatrice Evelyne Didier, ainsi que sur ceux du Conseil national des déchets présidé par le sénateur Miquel. Grâce aux débats, à l'implication des parlementaires, des engagements forts ont été pris notamment sur la durée de vie des produits, la lutte contre l'obsolescence programmée, l'écoconception et la gestion des ressources nationales.

L'emploi, qui est la priorité absolue du Gouvernement, a aussi été un sujet central de la Conférence et je salue l'engagement de Laurence Rossignol en ce domaine. Avec la transition écologique et énergétique, ce sont en effet des centaines de milliers d'emplois qui sont en jeu pour les années à venir. Il faut saisir toutes les opportunités liées à la création de nouvelles filières mais aussi anticiper l'évolution de certains métiers. Nous devons mobiliser les politiques d'emploi et de formation, initiale et continue, tout au long de la vie. Ainsi en est-il des 2 000 éco-conseillers qui seront recrutés sous forme d'emplois d'avenir pour aider les familles en matière énergétique.

Les discussions sur l'eau, auxquelles les sénateurs Marie-Noëlle Lienemann, Ronan Dantec et Henri Tandonnet ont participé, ont permis d'adopter d'importantes mesures. Ainsi, 1 000 captages prioritaires seront protégés. Un nouveau plan national pour les zones humides sera élaboré et un plan pluriannuel de soutien aux départements d'outre-mer pour l'accès à l'eau et à l'assainissement de qualité sera mis en place.

Concernant la biodiversité marine, la France dispose d'une richesse exceptionnelle. La connaissance des écosystèmes marins et littoraux, en particulier outre-mer, sera renforcée afin de permettre leur protection. Un tiers des mangroves des outre-mer sera placé sous la protection du Conservatoire du littoral d'ici trois ans.

La France participera aux discussions communautaires pour mieux connaître et encadrer la pêche en eaux profondes. Des négociations multilatérales devront avoir lieu rapidement afin de protéger les aires marines en haute mer.

Enfin, l'éducation à l'environnement et au développement durable sera généralisée, pour tous et tout au long de la vie. Elle sera intégrée dans les programmes scolaires. D'ici la fin de la législature, 10 000 projets d'écoles et d'établissements scolaires seront lancés.

Je veux privilégier les concertations les plus larges possibles. Dans cet esprit, vous serez associés en amont à l'élaboration des futurs projets de loi, comme ceux sur la transition énergétique ou sur la biodiversité. La réforme du code minier est un projet attendu et elle démontera qu'il est possible d'innover en matière de procédures et de raccourcir les délais, tout en ne cédant rien sur la protection de l'environnement. Cette réforme tend à rapprocher la réglementation environnementale de la réglementation minière ; rien ne justifiait de conserver un code minier datant de 1806. Un groupe de travail animé par le conseiller d'état Thierry Tuot a rédigé une nouvelle version de ce code, qui sera déposée au Parlement avant la fin de l'année.

Un mot, enfin, sur l'état de notre planète. La transition écologique est indissociable de notre action européenne et internationale. L'Europe devra être à la pointe des négociations sur le climat pour parvenir à un accord contraignant et universel en 2015. Notre pays aura une responsabilité particulière puisqu'il accueillera la Conférence des parties. Lors des précédents sommets internationaux, nous avons nourri des espoirs et connu des déceptions. Même si deux conférences sont prévues avant Paris, celle de Varsovie le mois prochain et celle de Lima en 2014, la France devra se montrer exemplaire en 2015, tout comme l'Union européenne : nous soutenons d'ailleurs l'adoption par l'Union d'objectifs ambitieux de réduction de 40 % de nos émissions en 2030 par rapport à 1990, et de 60 % d'ici à 2040. Ce n'est pas une lubie, le premier volume du cinquième rapport du GIEC confirme la réalité dramatique du changement climatique : la première décennie du XXIème siècle a été la plus chaude depuis 1850. L'augmentation de la température moyenne à la surface du globe, l'élévation du niveau des océans et l'accélération de la fonte des glaciers sont confirmés et l'activité humaine est en grande partie responsable de ces bouleversements. L'homme est à la fois le problème et la solution à cette question. La France devra donc tout faire pour aboutir à un pacte mondial sur le climat en 2015 qui engagera toutes les parties prenantes sur une limitation des émissions de gaz à effet de serre afin de contenir l'évolution des températures en deçà de 2°C d'ici 2100.

Ma feuille de route est donc bien remplie, et j'aurai besoin de vous pour la mettre en oeuvre. Les conférences environnementales annuelles permettront de vérifier l'avancement de nos travaux en vue d'une transition écologique plus que jamais nécessaire, et dont je souhaite que nous la transformions en opportunité, pour tous les Français.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

En tant que rapporteur pour avis sur l'énergie, je suis favorable à l'initiative de la France qui veut créer une communauté de l'énergie au niveau européen, ce qui implique des investissements considérables.

L'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques me semble prématurée. Il est en effet nécessaire de moderniser notre parc. En outre, la réciprocité est loin d'être acquise en Europe.

J'en viens à mes questions : au rythme actuel, je doute que nous parvenions aux 23 % d'énergie renouvelable en 2020, puisque de 2006 à 2012, nous n'avons progressé que de trois points, pour atteindre 13 %. Les raccordements pour l'éolien et le photovoltaïque s'essoufflent. Que comptez-vous faire pour combler ce retard ?

L'article 20 du projet de loi de finances pour 2014 instaure un verdissement de la fiscalité sur les produits énergétiques. Où en sont les négociations sur la réforme de la fiscalité européenne de l'énergie présentée il y a deux ans par la Commission européenne ?

Quid de l'article 56 du projet de loi de finances relatif à la réforme du crédit d'impôt en faveur du développement durable et de l'aménagement de l'éco-prêt à taux zéro dès lors qu'il s'agit de financer la rénovation thermique de 500 000 logements par an ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Plutôt que de parler d'impôt, vous parlez de contribution climat énergie. Vous avez évoqué la neutralité fiscale pour 2014, sauf pour le gaz. Qu'en sera-t-il ultérieurement ? La montée en puissance des dispositifs va être très rapide, puisque l'on passera de 340 millions à 4 milliards en deux ans. Y aura-t-il 4 milliards de prélèvements supplémentaires en 2016 ? Comment concilier la contribution climat énergie avec les quotas de CO2 pour l'industrie ?

Vous avez rappelé que la fracturation hydraulique était interdite, mais vous n'avez pas évoqué les recherches qui se poursuivent pour savoir si notre pays dispose de réserves de gaz de schistes. Le gouvernement deviendrait-il pragmatique ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

En Ardèche, la mobilisation a été extrêmement forte contre l'exploitation des gaz de schiste. En tant que sénateur de ce département, vous comprendrez que je m'intéresse à ce sujet. Le Conseil constitutionnel va examiner une question prioritaire de constitutionnalité déposée par la société texane Schuepbach contre la loi du 13 juillet 2011 qui interdit la fracturation hydraulique. Si la loi était censurée, le gouvernement déposerait-il rapidement un projet de loi pour interdire cette fracturation ou préfèrerait-il une proposition de loi déposée par des parlementaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Le niveau des océans est en train de s'élever, d'où des risques accrus de submersion marine. Quelques jours avant le troisième anniversaire de Xynthia, nous avons manifesté notre désarroi car tous nos efforts pour consolider nos digues étaient réduits à néant du fait de la complexité administrative. Votre prédécesseur a désigné deux inspecteurs généraux et leur rapport qui vous a été remis avant l'été prône l'allègement des procédures : que comptez-vous faire ?

L'augmentation du niveau de la mer signifie des submersions marines plus importantes que par le passé et beaucoup plus fréquentes d'après des ingénieurs hollandais.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Je salue votre engagement personnel. Les discours sont toujours excellents mais les actes le sont parfois moins. Ainsi, les transports en commun s'adressent aux catégories les plus modestes de la population, ce qui n'a pas empêché le gouvernement d'augmenter la TVA. C'est dommage pour la transition énergétique, pour les gaz à effet de serre, pour nos concitoyens défavorisés. Quand allez-vous mettre la TVA à 5 % sur les transports ?

Avez-vous l'intention de dédier des voies à l'auto-partage et au covoiturage, comme aux États-Unis ? Quels dispositifs de reconnaissance des véhicules propres avez-vous l'intention d'instaurer ?

L'industrie française des véhicules électriques est une des plus performantes au monde. Récemment, Chicago a lancé un appel d'offre pour implanter des bornes de rechargement : c'est une PME française qui l'a gagné ! Malheureusement, le retard de nos collectivités locales en la matière pénalise le développement de ces véhicules.

Que comptez-vous faire pour éviter de désespérer nos bergers dans le Mercantour dont les troupeaux sont décimés par le loup ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Si les articles 1 et 3 de la loi du 13 juillet 2011 sont censurés par le Conseil constitutionnel, que fera le gouvernement ? En Languedoc-Roussillon, le permis « plaines du Languedoc » a été délivré à la société Lundin International SA. Ce permis, accordé le 2 octobre 2009, n'a pas fait l'objet d'une annulation et il permet de sonder les sous-sols sur 2 348 km2, ce qui touche 163 communes dont 111 dans l'Hérault et 52 dans l'Aude. De plus, cette région souffre de ressources en eau insuffisantes. Quelle est la position du gouvernement en matière de permis exclusifs de recherche d'hydrocarbures non conventionnels ?

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Vaugrenard

La transition énergétique et écologique, avez-vous dit, est une obligation mais non une punition. Le pouvoir d'achat de nos concitoyens ne devra donc pas être réduit, sinon nous ne serons pas compris, pas entendus.

Vous étiez récemment à Cherbourg avec le Président de la République pour parler d'énergie hydrolienne. Cet enjeu énergétique et industriel est majeur : quatre premières fermes pilotes pourraient être installées prochainement. Comment seront-elles financées ? Comment éviter les tracasseries administratives ? Ne serait-il pas opportun de créer une filière hydrolienne avec l'Allemagne, comme ce fut le cas pour EADS ?

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Masson-Maret

Je suis favorable à la création de l'Agence de la biodiversité, mais il faudra veiller à ce que ses membres ne soient pas dogmatiques. Ainsi, une conseillère régionale de Provence-Alpes-Côte-D'azur a récemment estimé que la moitié des éleveurs devraient changer d'activité pour devenir guides de montagne ou « agriculteurs du sauvage ». De tels propos manifestent une incompréhension totale du métier des éleveurs, qui contribuent à la biodiversité.

N'est-il pas temps que la France applique l'article 9 de la convention de Berne autorisant les États à choisir les espèces devant être protégées ? Le loup, qui se multiplie, ne mérite plus d'être protégé aujourd'hui comme il l'était il y a dix ans.

La conférence environnementale a prévu 10 000 projets d'éducation à l'environnement dans les écoles. Par qui allez-vous passer pour les mettre en oeuvre ? Les inspecteurs, les enseignants sont-ils prêts ? Les expériences menées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) ont démontré qu'il était extrêmement difficile de modifier les comportements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Vous souhaitez relancer les énergies renouvelables, mais vous n'avez pas mentionné la biomasse ni l'hydraulique.

La Cour des comptes a publié en juillet un rapport sur la biomasse : celle-ci représente 54,5 % de la production des énergies renouvelables alors que seuls 19,3 % de fonds publics lui sont consacrés. Or, les réseaux de biomasse forestière se développent peu à l'heure actuelle. Que prévoyez-vous en 2014 pour le fonds chaleur, qui devait être doté de 500 millions et qui ne dispose que de la moitié de cette somme ?

L'hydraulique représente 30 % de la production des énergies renouvelables et ne mobilise que 2,8 % des fonds publics, sans doute du fait du renouvellement des concessions en cours. Il faut que la situation se clarifie pour que les investissements prévus puissent avoir lieu, notamment sur la Dordogne.

Enfin, je me réjouis de la contribution climat énergie : n'oubliez pas la filière forêt-bois qui mérite d'être subventionnée, notamment pour les reboisements qui sont effectués.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Bailly

Vous dites tenir à l'adhésion de nos concitoyens, mais celle des agriculteurs n'est pas acquise. Les terres agricoles représentent 55 % de notre territoire, près de 80% si l'on inclut les forêts, et le déplacement du président de la République à Rennes n'a pas atténué les craintes de ceux qui en vivent : la taxe carbone va s'ajouter aux charges qu'ils supportent, sans que sa répercussion sur les prix ne soit garantie. Le président des coopératives de France s'en est indigné : nous allons taxer six fois nos produits agricoles, contre une seule pour ceux que nous importons. Avec 4 milliards d'euros de recettes annoncées, vous devez comprendre l'inquiétude des agriculteurs.

À cela s'ajoute l'augmentation des prix de l'eau : la redevance d'assainissement sur l'agence de l'eau Rhône Méditerranée Corse est passée de 0,038 euro par mètre cube à 0,28 euro par mètre cube en 2012, soit une multiplication par plus de sept.

La biodiversité est un prétexte commode pour empêcher d'agir. D'abord, a-t-on seulement analysé le coût de la création d'une Agence française de la biodiversité ? Ensuite, vous avez dit que la baisse de la part du nucléaire dans notre production d'électricité ne devait en aucun cas renchérir le coût de l'électricité. Le Progrès de Lyon indique pourtant qu'une tranche nucléaire de 1 100 mégawatts représente 1 850 éoliennes, 13 000 hectares de photovoltaïque, ou 360 000 hectares de forêt. En attendant, les règles de protection de la biodiversité empêchent mon département d'avoir le moindre parc photovoltaïque ou la moindre éolienne... Comment sortir de ces contradictions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Tandonnet

Si l'on ajoute le rapport que vous avez publié en tant que député à ceux de M. Lesage, de Mme Leveau, du comité national de l'eau, les rapports sur la gestion de l'eau sont nombreux. Vous avez évoqué les grandes lignes de votre feuille de route. Quel sera le périmètre de l'Agence française de la biodiversité et quel sera son mode de financement ? Quelle politique envisagez-vous de mettre en place pour anticiper les besoins en eau et y répondre de manière adéquate ? Enfin, vos prédécesseurs ont institué un moratoire sur la création de réserves de substitution dans le Sud-Ouest. Ses habitants ont soif : envisagez-vous de le lever ?

Debut de section - PermalienPhoto de Rémy Pointereau

Ce que nous avons sous les pieds est peut-être exploitable, mais allons-nous seulement savoir quelles richesses s'y trouvent ? Va-t-on poursuivre la recherche dans le domaine des gaz de schiste ?

Les agriculteurs sont de plus en plus soumis à des restrictions d'eau dans les forages et les nappes alluviales : allez-vous enfin faciliter la mise en place de retenues collinaires de substitution ? La complexité administrative de ces décisions les rend quasiment inenvisageables dans certains départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Labbé

La biodiversité est une chance à préserver. Je salue par conséquent la loi à venir et la création de l'Agence française de la biodiversité.

Le plan Ecophyto 2018 est loin d'être sur les bons rails : comment rectifier le tir ?

Exemplarité, innovation, excellence : les parcs naturels sont également une chance. Mais ils ont besoin de signaux forts de la part du gouvernement.

Enfin, vous avez parlé du pacte mondial sur le climat et de la conférence de Paris 2015 : ces sujets transcendent le clivage entre les ministères de l'écologie et de l'agriculture. Quelle est, à ce propos, la position française sur la souveraineté alimentaire des pays du Sud ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Lenoir

Le président de la République a annoncé que l'on diminuerait de 50 % la capacité des centrales nucléaires d'ici 2035. Or, le récent rapport de Bruno Sido et Jean-Yves Le Déaut pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) démontre que ce sera impossible avant 2050.

Vous avez en outre affirmé dans le Journal du dimanche vouloir fermer la centrale de Fessenheim avant 2016. Cela ne me semble pas possible, mais pouvez-vous à tout le moins nous préciser le calendrier auquel vous soumet l'Autorité de sûreté nucléaire ?

Ne serait-il pas normal d'abroger la circulaire du 21 septembre 2012 de votre prédécesseur qui, sur un fondement supposément tiré de la loi du 13 juillet 2011, a interdit l'étude sismique des sous-sols ?

Enfin, Christian Bataille et moi-même rentrons des États-Unis pour la mission que nous menons dans le cadre de l'Opecst sur les gaz de schiste. Vous aviez fait le même voyage en 2011 ; nous avons rencontré les mêmes personnes, visité les mêmes sites et assisté aux mêmes opérations de fracturation hydraulique : vous les avez trouvées « violentes et terribles », moi non. Racontez-nous donc ce que vous avez ressenti...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Quelles mesures le gouvernement a-t-il pris depuis avril pour assurer la transmission des informations permettant d'assurer un droit à l'énergie le plus large possible ?

Vous avez dit qu'un nouveau plan serait élaboré pour les zones humides. Nous sommes en train de terminer le zonage sur le territoire : ce nouveau plan implique-t-il un durcissement de la réglementation sur ces zones ?

Debut de section - Permalien
Philippe Martin, ministre

Je suis depuis trois semaines en contact permanent avec le président de la fédération ovine du Mercantour. Il n'avait jamais eu au téléphone un de mes prédécesseurs... Nous avons appris ce matin que 75 % des Français soutenait la protection du loup ; certes, ce sont essentiellement des urbains qui n'en ressentent pas la menace directe, mais il faut tenir compte du fait que le loup est une espèce protégée, notamment par le droit européen, et que le plan loup que nous avons mis en place a été accepté par les associations de protection de l'espèce. Celui-ci prévoit pour trois départements de Provence-Alpes-Côte-d'azur 24 prélèvement dans les deux ans à venir, de sorte que nous n'ayons pas à l'avenir à réintroduire la brebis... Depuis trois semaines, cinq prélèvements ont déjà été effectués.

Dans cette affaire, personne ne peut dire que je fais preuve d'angélisme. Je suis élu d'un des départements les plus ruraux de notre pays. Je ne suis pas un écologiste hors sol. Je connais la réalité à laquelle nos agriculteurs sont confrontés et j'estime que l'État doit épauler ceux qui consacrent leur vie à l'élevage, comme c'est le cas de mon correspondant.

Les mécanismes de soutien aux énergies renouvelables nous permettront d'atteindre notre objectif de 23 % en 2020. Je connais les difficultés de la filière solaire, le nombre d'emplois perdus, j'ai en tête la situation des salariés de l'usine Bosch de Vénissieux. Nous avons mis en place un plan d'urgence pour la filière. L'État peut agir : en lançant des appels d'offre pour toutes les énergies renouvelables, quel que soit leur degré de maturité, et en simplifiant les procédures. J'ai d'ailleurs recruté une chargée de mission déléguée à la simplification du code de l'environnement qui est devenu une montagne inefficace, car les recours sont nombreux mais les condamnations fort rares. Je veillerai à son allègement, mais sans toucher aux protections qu'il apporte. Comme en matière fiscale, chaque norme créée devrait s'accompagner de la suppression d'une autre norme.

Nous travaillons à la simplification du dispositif applicable à l'éolien. Nous avons lancé un deuxième appel d'offres. Un troisième pourra l'être. Les mécanismes de soutien doivent présenter un bon rapport coût - bénéfices. Mes services viennent de me proposer une méthode de concertation avec les différents acteurs qui nous permettra de lancer les appels d'offres sur de meilleures bases.

Restent les difficultés de la filière industrielle solaire : effectivement, le nombre de raccordements baisse. Le gouvernement a rapidement lancé un nouveau dispositif, et les candidatures à l'appel d'offres grande surface - supérieure à 1 500 mégawatts - ont témoigné d'un véritable engouement puisque nous avons d'ores et déjà des inscriptions en file d'attente.

La question de Roland Courteau fait référence au courrier qu'avec deux de mes collègues du gouvernement nous avons adressé au premier président de la Cour des comptes. Nous y plaidions, dans le cadre du renouvellement des concessions hydroélectriques, pour une mise en concurrence. Ce n'était qu'un courrier : nous poursuivons notre dialogue avec les collectivités territoriales. Certaines s'inquiètent de ce que cette procédure ne revienne à confier la gestion des barrages à des opérateurs d'autres pays, moins soucieux de réciprocité. La Commission européenne a ouvert une enquête. Nous pourrons débattre de notre souveraineté à cette occasion : j'évoquerai alors le changement de statut d'EDF, décidé par une précédente majorité, et ses conséquences... Nous voulons simplement répondre aux exigences européennes, et établir un schéma favorisant les électro-intensifs sur le long terme.

La Commission européenne a présenté sa proposition de révision de la directive relative à la taxation des produits énergétiques et de l'électricité en avril 2011. Si elle était modifiée, cette taxation reposerait d'une part sur les émissions de CO2, d'autre part sur le contenu énergétique des produits consommés. La France soutient ce texte, et l'a même anticipé en instaurant un volet carbone dans sa fiscalité. Mais cette décision requiert l'unanimité des États membres, et l'Allemagne, le Royaume-Uni ou encore la Pologne s'y opposent. Nous déplorons l'absence d'ambition en la matière mais restons engagés dans les discussions pour convaincre nos partenaires réticents.

D'une manière générale, nous souffrons de l'absence de politique énergétique européenne. Je mesure à chaque voyage l'incohérence des décisions nationales : l'Allemagne a ainsi décidé unilatéralement sa sortie du nucléaire et la réouverture de ses mines de charbon, tandis que la Pologne mise sur le gaz de schiste par patriotisme, pour moins dépendre de la Russie. Le président de la République a été le premier à proposer que l'on débatte du principe d'une politique européenne de l'énergie : ce sera l'objet du conseil européen du 20 mars prochain. Soyez les relais de notre ambition !

La composante carbone apparaît à certains incompatible avec la stabilisation des prélèvements obligatoires. Mais il y a un prélèvement sur lequel vous ne votez jamais et qui a un impact considérable sur le pouvoir d'achat des ménages et la compétitivité de nos entreprises : c'est le prix de l'énergie. Le gaz a augmenté de 80% entre 2000 et 2012, et l'électricité de 20 %. Mais c'est invisible. Si nous ne faisons rien, la facture énergétique de la France va s'alourdir de 100 à 150 milliards d'euros, qui seront payés par les entreprises et les ménages. La transition énergétique n'est donc pas une lubie, c'est une nécessité.

Prenez l'exemple d'un couple parisien qui possède un véhicule à l'essence et se chauffe au gaz : en 2015, du fait de la taxe, il dépensera 42 euros de plus en gaz et 15 euros de plus en essence, et en 2016 respectivement 64 et 29 euros. Le prix de la tonne dans la composante carbone ne représente que quelques centimes d'euros par litre. Imaginez un autre couple vivant en milieu rural, doté d'une berline au gasoil et d'une cuve de fioul : il paiera en 2015 49 euros de plus en fioul et 97 euros en 2016, et pour le carburant 30 euros de plus en 2015 et 60 euros en 2016. Mais grâce à l'aide de l'État, ils consommeront moins d'énergie. C'est l'objet de la contribution climat énergie : faire gagner du pouvoir d'achat aux ménages et les sortir de l'addiction aux énergies fossiles. Il ne s'agit pas d'une fiscalité punitive, mais d'une fiscalité comportementale...mais je vous le dis tout bas, en espérant que ma voix ne porte pas jusqu'au Conseil constitutionnel !

Hervé Maurey m'a interrogé sur les gaz de schiste. Jean-Louis Borloo, qui appartient au même parti que lui, pourrait répondre, lui qui a signé distraitement des permis de fracturation hydraulique des gaz de schiste - il a reconnu devant nous n'avoir pas fait attention aux impacts éventuels de cette technique sur l'environnement... Heureusement, il y est depuis farouchement opposé. Christian Jacob s'est également montré très hostile à la fracturation hydraulique en Seine-et-Marne.

Je suis effectivement allé en Pennsylvanie : nous avons dû voir, Monsieur Lenoir, les mêmes salariés de Halliburton, l'entreprise de Dick Cheney également connue pour ses armes et ses explosifs utilisés jusqu'au Moyen-Orient. Peut-être vous avaient-ils préparé des paysages Potemkine. Pour ma part, j'ai vu un terrain ravagé, constaté les gigantesques masses d'eau utilisées et entendu le bruit assourdissant de la noria des camions. J'ai surtout observé que le propriétaire du terrain, après avoir touché les redevances auxquelles lui donne droit la législation américaine, s'était empressé de le quitter pour une somptueuse villa en Floride. Mais il faut reconnaître aux Américains une certaine cohérence : lorsque je leur ai demandé « do you know the principe de précaution ? », ils ont souri car leur logique n'est la nôtre : ils ont une âme de foreurs, tiennent à leur indépendance énergétique, et estiment que les générations suivantes sauront se débrouiller, comme eux aujourd'hui. De plus, la superficie dont ils disposent leur permet de forer des puits partout, ce que nos paysages ne supporteraient pas.

Le gaz de schiste est dans le sol : il ne va pas s'enfuir. Le problème est que c'est une nouvelle énergie fossile. Même Christophe de Margerie, le PDG de Total, considère que le modèle économique des gaz de schiste n'est pas encore viable. La fracturation écologique me laisse dubitatif...En attendant que les techniques évoluent, je préfère que nous mettions le paquet sur les énergies renouvelables.

Monsieur Retailleau, vous avez raison de vous inquiéter. Les conclusions du Giec sur les zones côtières du monde sont en effet très préoccupantes. Une montée des océans de 80 à 90 centimètres rayerait de la carte des villes et des îles entières. Les migrations climatiques associées seraient bien plus massives que celles que nous connaissons aujourd'hui. Le coût de ces bouleversements est estimé à 750 à 800 milliards d'euros. S'agissant de la tempête Xynthia, l'instruction relative à la mission de Christian Pitié et Annick Hélias est en cours de signature. Je suis prêt à vous recevoir pour que nous examinions ensemble les conclusions de cette mission.

Debut de section - Permalien
Philippe Martin, ministre

Pourquoi pas. Nous veillerons en outre à ce que les programmes d'action de prévention des inondations et les plans de submersion rapide intègrent plus en amont les enjeux environnementaux.

La loi de transition énergétique sera l'occasion d'introduire de nouvelles dispositions en matière de transports. Je me suis engagé à lancer un débat sur ces questions dans la troisième conférence environnementale. Le gouvernement mesure l'urgence de ce sujet : le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové prévoit des mesures de lutte contre l'étalement urbain.

La mission du conseil général de l'énergie et du développement durable et du conseil général de l'industrie, de l'énergie et des technologies sur l'identification des véhicules propres vient de rendre son rapport. À court terme, il propose notamment d'instaurer une vignette d'une autre couleur que celle de la vignette d'assurance.

Un mot sur la hausse de la TVA sur les transports. Bernard Cazeneuve a pour mission de rétablir les comptes publics. Hélas, le ministre de l'écologie n'est pas le seul ministre du gouvernement. Il faut regarder les décisions dans leur ensemble : nous avons certes fait le choix de maintenir la TVA sur les transports, mais également fait celui de ramener au taux réduit la TVA sur la rénovation thermique, ce qui, en termes d'emplois, est considérable.

Il faut en effet aller plus loin en matière d'infrastructures de recharge des véhicules électriques. L'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dispose de 800 millions d'euros pour les projets d'investissements d'avenir de cette nature.

J'indique à Michel Teston que si la question prioritaire de constitutionnalité déposée sur la loi Jacob du 13 juillet 2011 entrainait son abrogation totale ou partielle, le gouvernement déposerait un nouveau texte maintenant l'interdiction de la fracturation hydraulique. La réponse du juge constitutionnel sera rendue le 11 octobre prochain.

L'énergie hydrolienne est une source d'énergie tout à fait importante. Ce n'est pas la seule. La méthanisation et la biomasse supposeraient une gestion efficace de la forêt à laquelle échappent encore 60 % de notre surface forestière. La loi d'avenir de l'agriculture prévoit d'y remédier, et l'un des 34 volets de la nouvelle France industrielle chers à Arnaud Montebourg s'appuie sur la filière bois. L'hydrolien ne sera pas oublié par les investissements d'avenir. Nous soutenons la recherche et développement dans ce domaine, mais tenons également compte des autres usagers de la mer : le développement des énergies marines ne doit pas réduire la zone d'activité des pêcheurs.

Nous soutenons le fonds chaleur et la cogénération. La procédure d'appels d'offres gérée par la commission de régulation de l'énergie a en effet stagné. Nous aurions pu procéder autrement. L'État doit reprendre la main sur ce dossier. Nous travaillons avec le ministère de l'agriculture à un plan forêt-bois pour jouer sur tous les leviers. Les mécanismes d'utilisation de la rente du nucléaire pourraient abonder le fonds chaleur.

Pour nous convaincre de l'importance de la biodiversité, n'oublions pas que la nature rend à l'Humanité 250 à 300 milliards d'euros de services, qui ne sont comptabilisés nulle part. À l'image de ceux qui organisent les festivals, la nature est le bénévole de l'Humanité. Si nous en avions une à portée de main, nous aurions dû changer de planète le 20 août dernier, date à laquelle nous avons épuisé les ressources naturelles produites en année pleine et commençons à creuser la dette écologique qui sera transmise aux générations futures. L'Ademe sera pleinement mobilisée sur les questions de biodiversité.

L'éducation à l'environnement ne dépend pas que de l'Éducation nationale : elle doit être conduite tout au long de la vie. Les syndicats y sont très attachés.

Les espèces protégées le sont notamment par la convention de Berne, dont les stipulations sont largement reprises dans les directives européennes oiseau et habitat et grâce aux listes d'espèces qui leur sont annexées. Il n'est pas envisagé de les modifier, mais il n'est pas non plus interdit de conduire des actions fortes, comme notre plan loup.

S'agissant des investissements bloqués en attente sur des redevances pour les collectivités, le schéma envisagé maximisera la redevance hydroélectrique pour l'État et les collectivités territoriales, ainsi que je l'ai précisé à Anne-Marie Battistel, auteure d'un rapport sur la question pour la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale.

Pendant quinze ans, j'ai mené dans le département du Gers une politique conciliant objectifs environnementaux et engagements agricoles. Je n'ai pas oublié mon expérience de député, et notamment le rapport que j'ai réalisé sur la gestion quantitative de l'eau d'irrigation. Avec Stéphane Le Foll, nous travaillons de concert.

Debut de section - Permalien
Philippe Martin, ministre

Que les ministres de l'écologie et de l'agriculture travaillent ensemble, c'est assez inédit. Nous voulons améliorer la qualité des masses d'eau et garantir les volumes dont notre agriculture a besoin.

Le mandat que j'ai reçu du président de la République me conduit à introduire dans la loi de transition énergétique un mécanisme juridique prévoyant la fermeture de la centrale de Fessenheim. Deux acteurs en ont aujourd'hui le pouvoir : l'opérateur, pour des raisons économiques, et l'autorité de sûreté nucléaire. Nous souhaitons que l'État reprenne la main et redevienne stratège sur ces questions. L'objectif final est bien évidemment d'atteindre les objectifs relatifs à la part des énergies renouvelables en 2025. La question a été évoquée pour la première fois aujourd'hui même au conseil d'administration d'EDF. La filière nucléaire est une filière d'excellence : nous aurons besoin de ses compétences pour la phase de démantèlement. Nos centrales ont la particularité d'avoir été édifiées à la même période : elles approchent des quarante ans.

Je serai demain à l'assemblée des parcs naturels. Je dirai mon soutien à ces acteurs essentiels du développement durable. De nombreuses dispositions de la loi relative à la biodiversité les concernent ; je compte sur les élus, dont le rôle est déterminant.

Les actions pilotes lancées par le plan Ecophyto ont constitué des avancées importantes. Cela ne suffit certes pas à faire baisser la quantité de pesticides utilisés, mais le ministre de l'agriculture et moi-même avons décidé de relancer le plan en le concentrant sur les 1 000 captages de la feuille de route.

La conférence sur le climat de Paris 2015 nous mobilise tous. Pour être en mesure de parler au monde, nous devons être exemplaires. C'est pourquoi des progrès doivent être faits. Les scientifiques s'accordent à dire qu'il n'est pas trop tard pour agir, mais qu'il le sera à l'issue de la décennie à venir si nous ne faisons rien d'ici là.

La feuille de route relative à l'eau annonce un troisième plan national sur les zones humides, ensemble d'actions décidées conjointement par les parties prenantes. Il n'y a pas de durcissement : le cadre juridique existant ne sera pas modifié.

Enfin, l'Ademe a rendu un rapport relatif aux tarifs sociaux de l'énergie, qui relève notamment que parmi ceux qui y sont éligibles, tous ne bénéficient pas de ces tarifs. Dans un premier temps, quatre millions de foyers supplémentaires devraient être touchés. Nous allons faire en sorte que les opérateurs avec qui nous avons commencé à travailler étendent leurs tarifs sociaux dès cet hiver.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Vall

Monsieur le ministre, merci pour l'ensemble de ces réponses.