Je dirai pour commencer quelques mots sur l'ANAP. Elle résulte de la fusion de trois entités (la mission nationale d'appui à l'investissement hospitalier - MAINH -, la mission nationale d'expertise et d'audit hospitaliers - MEAH - et le groupement pour la modernisation du système d'information hospitalier - GMSIH), ce qui marque un effort de regroupement de la part de l'Etat pour aller dans le sens d'une meilleure prise en compte de l'aspect systémique de l'organisation des établissements de santé. L'Inspection générale des finances nous considère comme un démembrement de l'Etat, et préférerait que nous ayons le statut d'un service à compétence nationale rattaché au ministère de la santé. Le Conseil d'Etat estime pour sa part que, de par son autonomie, l'ANAP est une agence, et qu'elle joue un rôle de structuration et d'accompagnement d'une politique nationale.
Au sein de l'ANAP, nous sommes tous des professionnels de terrain, des docteurs, des ingénieurs, des soignants. Nous ne créons pas de normes supplémentaires, mais nous nous employons à faire émerger les aspects les plus positifs de notre système hospitalier. On s'intéresse à ce qui va bien, en lien avec les professionnels de terrain. Par exemple, dans le domaine de la gestion des lits - la ministre a annoncé une action structurante dans cent-cinquante établissements - nous avons bâti un programme en lien avec les établissements. Nous avons fait ressortir les meilleures idées des établissements à travers une modélisation des bons outils de terrain. Notre mission est de les diffuser à grande échelle.
Quelle est la vision de l'ANAP sur les investissements immobiliers ? J'ai noté avec intérêt vos interventions qui font ressortir la complexité des réflexions auxquelles nous sommes confrontés. Deux mécanismes contradictoires sont à l'oeuvre : d'un côté, un raisonnement qui postule que la durée de séjour va baisser, et que nous aurons donc moins besoin d'une capacité d'investissement du fait d'un moindre recours aux capacités techniques et d'hébergement. Cette position est fausse. De l'autre, un raisonnement inverse, qui postule qu'en raison du vieillissement de la population, les besoins de santé vont croître et qu'il nous faudra donc davantage de lits. Cette position est également erronée. Quelle est la vérité entre ces deux thèses ? On peut faire ressortir quelques points.
Tout d'abord, le vieillissement de la population est indéniable. De plus, 70 % des personnes âgées habitent dans les villes, ce qui pose des problématiques d'accessibilité. De fait, éloigner les centres de soin des centres villes ne semble pas pertinent.
Ensuite, la part des dépenses d'assurance maladie consacrée aux pathologies chroniques ne cesse d'augmenter : elle est de plus de 50 % aujourd'hui, et sera de 70 % dans dix ans. En conséquence, la pression économique agira sur les enveloppes disponibles pour les autres acteurs du système. Il y aura un effet de vase communicant, avec une pression très forte à venir sur les établissements de santé.
Enfin, je voudrais souligner qu'aujourd'hui, on est capable de faire une carte du génome de chacun d'entre nous, mais qu'il n'y a pas encore de lien entre cette carte du génome et les thérapies géniques. Toutefois, dans dix ans, on commencera à faire ce lien, et les modes de prise en charge seront très différents d'aujourd'hui. Il est donc très difficile de faire des prévisions de long terme.
Au regard de ces constats, quelles peuvent être les pistes d'évolution ?
Je pense qu'il faut traiter les problèmes dans l'ordre. La ministre, avec la stratégie nationale de santé, a souligné la nécessité d'accompagner les personnes dans un territoire. Je rappelle que 15 millions de personnes sont concernées par des pathologies chroniques, pour un enjeu financier de 80 milliards d'euros. Il faudra donc se concentrer sur l'organisation des soins. Or, en France, nous avons deux financeurs : l'Etat, via l'assurance maladie, et les conseils généraux. C'est une spécificité par rapport à d'autres pays. Le premier enjeu est de « chaîner » les parcours (en lien avec la problématique des systèmes d'information) ; le second enjeu consiste à essayer de prendre en compte dans les financements le chaînage des parcours des personnes au sein d'un territoire. Un groupe de réflexion sur ce sujet a été lancé par la ministre. Tout cela n'est pas simple : il s'agit de modifier le modèle économique en s'efforçant de financer à due concurrence les phases du parcours de soins de façon plus cohérente.
Enfin, je souhaiterais souligner deux points qui ont seulement été mentionnés au cours de l'audition. Premièrement, s'agissant des partenariats public-privé, il faut impérativement mieux mettre en perspective les coûts d'exploitation de maintenance dans les investissements, car cela a un impact considérable (90 euros TTC le mètre carré par an estimés pour un CHU). Il y a actuellement une sous-valorisation des cycles d'exploitation de maintenance, par rapport à des investissements très coûteux.
Deuxièmement, dans le contact avec mes homologues étrangers, j'ai pu constater que, dans beaucoup de pays, les établissements de santé se préoccupent des normes environnementales, et notamment des conséquences d'une taxe carbone sur leur exploitation. Nos établissements seront confrontés à cette charge à partir de 2017, à travers leurs dépenses de consommation d'énergie et l'absence de maîtrise, par leurs investissements immobiliers, de rejets et consommations particulières. La Cour des comptes a cité le chiffre de 60 millions de mètres carrés de surface. Si l'on part d'une hypothèse de coût de 500 euros par mètre carré, on mesure l'ampleur des investissements à réaliser dans l'isolation des bâtiments des établissements hospitaliers pour éviter le paiement de la taxe carbone.