Intervention de Antoine Durrleman

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 2 octobre 2013 : 1ère réunion
Gestion du patrimoine immobilier des centres hospitaliers universitaires chu — Audition pour suite à donner à enquête de la cour des comptes

Antoine Durrleman :

Nous nous trouvons actuellement à une période où les lignes sont en train de bouger. Nous avons constaté que ce mouvement est nécessaire mais qu'il nécessite ordre et méthode pour aboutir à l'hôpital du futur. Les CHU doivent être en situation d'anticiper les progrès et la médecine de demain, ce qui n'a pas été le cas avec les plans « Hôpital 2007 » et « Hôpital 2012 ». Nous l'avons notamment observé à travers l'exemple de l'ambulatoire : le virage de l'ambulatoire, aujourd'hui érigé au rang d'objectif de politique publique, n'a pas été pris en compte à temps dans les investissements immobiliers. Dans le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de septembre 2013, nous constatons qu'actuellement, l'assurance maladie paie deux fois : d'une part en finançant le maintien d'un parc de chirurgie conventionnelle, qui ne s'est pas réduit depuis dix ans, et d'autre part en surpayant les interventions réalisées en ambulatoire. Bien sûr, des financements incitatifs peuvent avoir un sens, mais maintenir le double paiement d'activités qui pourraient se substituer l'une à l'autre ne nous paraît pas normal.

Il en va de même de l'investissement hospitalier. Aujourd'hui, il est principalement financé par l'emprunt des établissements. Cette dette est supportée par des abondements de l'assurance maladie. Mais comment sont-ils financés ? Ils sont financés, en réalité, par la dette sociale. Les déficits de l'assurance maladie sont récurrents depuis plus de vingt ans. Cette dette n'est pas consolidée ; elle est pour une bonne part encore portée, à très court terme, par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Il ne s'agit pas d'arrêter d'investir, mais d'investir sobrement et en tenant compte de la médecine de demain. C'est pour cela que nous appelons à porter notre regard vers l'étranger : l'hôpital de demain s'invente, non seulement dans les CHU français, mais aussi dans les pays d'Europe et d'Amérique du Nord.

Nous insistons aussi sur un autre point : privilégier l'investissement immobilier, surtout dans une logique de surdimensionnement, comporte un risque d'éviction par rapport à d'autres besoins hospitaliers, en particulier les besoins en équipements médicaux, en imagerie ou en systèmes d'information. Ce qui a été par le passé le parent pauvre de l'investissement hospitalier doit être aujourd'hui au coeur des CHU. Ces derniers doivent incarner le fer de lance de la médecine, conformément à la vision du professeur Robert Debré.

Pour cela, l'effort de tous est nécessaire. Dans notre rapport, nous montrons bien qu'il y a partout des exemples de bonnes pratiques : aux niveaux des administrations centrales, des ARS et des établissements. Mais la mutualisation de ces bonnes pratiques nous paraît encore insuffisante. Nous appelons donc à un pilotage raffermi. Si l'on souhaite que tous les progrès constatés convergent, ceci est nécessaire.

Je souhaiterais réagir aux propos de Philippe Domy concernant les urgences. Ce qu'il a dit est très juste, je l'ai moi-même vécu. Une réflexion est nécessaire sur l'organisation de notre système de soins : il n'est pas normal que la permanence des soins fonctionne aussi mal aujourd'hui. Comme cela est démontré dans le dernier rapport sur la sécurité sociale, on y met beaucoup d'argent pour peu d'efficacité. De même, nous avons étudié l'an dernier, dans le rapport public annuel, la question de la prise en charge des personnes âgées et leur proportion importante aux urgences. De nombreuses expériences ont été lancées pour améliorer la prise en charge en médecine de ville de ces personnes, mais très peu ont été évaluées et aucune n'est en situation d'être généralisée.

Nous considérons que les CHU sont l'essence même de l'hospitalisation publique. Ils ont déjà beaucoup bougé mais chaque CHU ne pourra se réinventer que dans un cadre clarifié. Sinon, le risque serait que chaque communauté médicale et hospitalière se réinvente « dans son coin » si j'ose m'exprimer ainsi.

De ce point de vue, je souhaiterais saluer le rôle de la conférence des directeurs généraux de CHU. Il s'agit d'une enceinte de partage et de maturation des réflexions très importante, même si son rôle est encore insuffisant.

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