Intervention de Louis Nègre

Commission pour le contrôle de l'application des lois — Réunion du 8 octobre 2013 : 1ère réunion
Mise en oeuvre de la loi n° 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques — Examen du rapport d'information

Photo de Louis NègreLouis Nègre, rapporteur :

À cette exception près, le texte est donc entièrement mis en application. En pratique cependant, ses différentes dispositions sont d'une portée et d'une efficacité très variables.

La première partie concerne la règlementation des professions de tourisme. Elle porte sur quatre grands axes.

Le premier axe concerne la mise en place d'Atout France. Il s'agit d'un groupement d'intérêt économique qui associe État, collectivités et sociétés privées. Il remplace deux structures précédentes, la Maison de la France et ODIT France, et rassemble ainsi en une même entité les fonctions de promotion, d'information, d'édition et d'accueil.

Son action en tant qu'opérateur de l'État a été réalisée de façon satisfaisante, aussi bien pour le classement des hébergements touristiques, que pour l'immatriculation des opérateurs de voyage et de séjours ou celle des exploitants de voitures avec chauffeur.

Toutefois, son action en matière de promotion de la « destination France » est limitée par deux types d'obstacles :

- le budget de l'agence, de près de 74 millions, est très insuffisant, comme cela a été évoqué en introduction. Il est moins important que celui des deux entités qu'il remplace. Et il a reculé cette année, de 4,5 %, du fait d'une baisse de la dotation publique venant de l'Etat. Il ne lui permet pas de mener les actions nécessaires en matière de promotion de notre pays à l'étranger. Si l'activité réalisée à l'attention des professionnels est satisfaisante, celle en direction du grand public - c'est-à-dire des touristes potentiels - est notoirement insuffisante. Elle ne nous permettra pas « d'aller chercher » une nouvelle clientèle, plus jeune et d'origine plus diversifiée, qui risque alors de préférer des destinations concurrentes. Nous ne pouvons pas compter que sur la réputation de la « marque France » pour attirer le tourisme du XXIème siècle, il faut que nous lui expliquions pourquoi venir dans notre pays est -et restera- une expérience unique et irremplaçable ;

- par ailleurs, l'organigramme de l'agence illustre son côté très « institutionnalisé » : dominé par les grands acteurs privés du secteur et les pouvoirs publics, il ne rend pas compte de l'extrême diversité des formes de tourisme dans notre pays. Il faut donc davantage l'ouvrir à ces nouvelles pratiques, comme le tourisme durable ou le tourisme chez l'habitant, qui sont aussi les types de tourisme qui croissent le plus aujourd'hui alors que ses acteurs se sentent un peu laissés à eux-mêmes.

Le deuxième axe de cette première partie touche au régime des opérateurs de voyage et de séjours. Sous la pression communautaire, s'est substitué aux quatre régimes précédents un régime unique d'immatriculation de ces professions auprès de l'opérateur Atout France. Par ailleurs, les agents de voyage ont perdu l'exclusivité de leur activité, mais ont vu en compensation la gamme de leurs activités potentielles élargie.

Des difficultés opérationnelles sont apparues en 2012 pour le gestionnaire du registre, Atout France, du fait de la fin de la période transitoire entre anciens et nouveau régime. Toutefois, aux dires de l'opérateur lui-même, celles-ci paraissent à présent évacuées.

En l'état, le nouveau régime d'immatriculation semble avoir peu affecté ce marché, qui connaît aujourd'hui une légère contraction : les consommateurs font moins appel aux agences de voyage et organisent de plus en plus leurs séjours par eux-mêmes, en se servant notamment d'Internet. C'est là en réalité que réside le défi pour la profession : savoir s'adapter aux évolutions des pratiques, et communiquer sur les garanties que le recours à une agence offre aux consommateurs, garanties qui sont absentes lors de l'achat direct de prestations sur Internet.

Le troisième axe porte sur l'activité de voiture de tourisme avec chauffeur, dite autrefois « de grande remise ». Différente de celle de taxi, elle consiste à prendre des clients sur commande pour des tarifs forfaitaires préétablis. La loi a remplacé l'obligation de détenir une licence par celle d'être également immatriculé sur un registre national.

Or, ce nouveau régime aurait provoqué une confusion des rôles entre les préfectures, chargées de contrôler les véhicules, et Atout France, chargé de tenir le registre, les services préfectoraux se déchargeant de leur mission, en quelque sorte, sur l'opérateur d'État.

Excessivement souple, ce régime aurait également eu pour effet de déstructurer profondément le secteur : en baissant le seuil d'exigence de la part des professionnels, il augmenterait l'offre tout en réduisant sa qualité moyenne. C'est donc à un renforcement de la règlementation qu'appellent les professionnels du secteur, pour garantir les compétences techniques et l'honorabilité des opérateurs. Ils s'inquiètent par ailleurs, tout comme les taxis d'ailleurs, d'une recrudescence d'entrepreneurs clandestins qui « cassent le marché » en pratiquant des prix bas et font peser des risques sur la sécurité de leur clientèle.

Le quatrième et dernier axe traite de la réforme des offices de tourisme. Le réseau représente aujourd'hui 2 800 structures pour 12 000 salariés. À 80 % associatives, elles ont des tailles et des activités très différentes : de la simple information à la gestion d'équipements touristiques ou la réalisation de prestations commerciales.

La loi de 2009 a simplifié leur procédure de classement, autrefois présenté sous forme d'étoiles. Elle distingue désormais trois catégories : du III pour les plus importantes structures, au I pour les plus petites.

Cette réforme est bonne dans son principe, car elle incite à une montée en qualité globale des services rendus par les offices. Cependant, il faut aujourd'hui augmenter le rythme de classement : en effet, au 31 mars de cette année, 150 offices de tourisme seulement, sur les 2 800 existants, avaient été reclassés.

Par ailleurs, mais c'est un point plus technique, il faudrait assouplir le ratio « nombre d'habitants/capacités d'hébergement » dans les critères exigés pour être classé en catégorie II ou I. Ce ratio est en effet trop élevé actuellement, car calé sur les seules communes touristiques et stations classées ; il empêche donc de nombreux offices d'accéder à des classements auxquels ils peuvent pourtant légitimement prétendre.

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