Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à me faire l'écho du soutien de la commission des lois aux forces de police et de gendarmerie qui, dans des conditions difficiles, au péril de leur vie, se dévouent pour assurer la sécurité de nos concitoyens.
En 2004, quatre policiers et gendarmes sont décédés et 4 418 autres ont été blessés au cours d'opérations de police. Qu'il me soit permis, ainsi qu'à notre commission, de leur rendre un hommage particulier.
Le projet de loi de finances pour 2006 est le premier à être examiné, et voté, selon les règles de la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001, la LOLF.
Organisée en fonction des politiques publiques, la LOLF doit permettre de passer d'une logique de moyens à une logique de résultats et d'efficacité de la dépense publique. Appliquée à la sécurité, elle parachève les efforts entrepris dans le cadre de la LOPSI, afin de rapprocher et coordonner l'action de la police et de la gendarmerie nationales, et de développer une culture du résultat et de l'efficacité.
Les crédits de la mission « Sécurité », tels qu'ils apparaissent dans le bleu budgétaire, atteindraient, en autorisations d'engagement, 15, 372 milliards d'euros, en hausse de 8, 67 %, et, en crédits de paiements, 14, 668 milliards d'euros, en hausse de 3, 25 %. Toutefois, compte tenu du passage à la LOLF, il est difficile de chiffrer ces évolutions, le périmètre des crédits ayant changé.
D'ailleurs, nous pouvons encore nous attendre à des changements, comme l'illustre le transfert par l'Assemblée nationale, sur l'initiative du Gouvernement, de plus de 600 millions d'euros, qui concourent à l'action de la gendarmerie nationale et relèvent de la mission « Défense », vers la mission « Sécurité ».
Une analyse d'ensemble de ces questions de périmètre reste encore à mener. Toutefois, une stabilisation rapide des périmètres internes et externes des programmes est souhaitable, afin de faciliter, à l'avenir, les comparaisons dans le temps.
À l'issue de la quatrième année de son exécution, le taux de réalisation des objectifs de la LOPSI, en termes d'effectifs, devrait s'établir, pour la police et la gendarmerie, respectivement à 80 % et 73 %.
L'ensemble des grandes orientations de la politique de sécurité sont poursuivies, voire approfondies. Il en va de même pour les programmes d'équipement lancés les années précédentes, qu'il s'agisse du déploiement du réseau de communication ACROPOL, de l'armement ou du nouvel uniforme.
Rarement, j'y insiste, une loi de programmation aura été autant respectée. À cet égard, cet effort financier considérable, dans un contexte budgétaire général contraint, témoigne de la priorité fixée pour la sécurité publique et appelle en retour une attention particulière sur l'efficacité de la dépense.
Cette année encore, les chiffres de la délinquance sont, globalement, très bons. Ce résultat conforte l'inversion de tendance de la délinquance enregistrée depuis le second semestre de 2002. Au premier semestre de 2005, la délinquance a baissé de 2, 2 % par rapport au premier semestre de 2004. Seuls les crimes et délits contre les personnes continuent de progresser de manière inquiétante. La hausse de la catégorie « autres infractions, dont stupéfiants » doit être interprétée avec prudence, car elle concerne principalement des crimes et délits révélés par l'action des services.
Cette exigence de résultat est d'autant plus forte que le terme de la LOPSI se rapproche. Les crédits supplémentaires consentis, depuis 2002, l'ont été pour remettre à niveau les moyens de nos forces de police et de gendarmerie. À l'avenir, celles-ci seront contraintes de faire aussi bien, et même mieux, avec des moyens progressant moins vite.
Concernant le choix des objectifs et des indicateurs de performance, plusieurs critiques peuvent être adressées.
En premier lieu, en dépit d'un effort important de rapprochement des programmes « Police » et « Gendarmerie », des disparités subsistent dans l'approche de certains problèmes, qui ne peuvent s'expliquer uniquement par les spécificités de ces deux forces de sécurité. Ainsi, la police des étrangers et le contrôle des frontières ne font pas l'objet d'une action spécifique pour la gendarmerie, alors que cette dernière y contribue de manière importante.
En deuxième lieu, il est regrettable, pour cette première année d'application de la LOLF, que plusieurs indicateurs ne soient pas renseignés ! Ce retard reporte de facto d'au moins un an la possibilité d'évaluer la mission « Sécurité » au regard de ces indicateurs.
En troisième lieu, les indicateurs choisis ne sont pas toujours judicieux, et sont parfois redondants. Ainsi, pour évaluer l'action de la police judiciaire, un seul type d'indicateur a été retenu, le taux d'élucidation selon les différentes catégories d'infraction. Il est très intéressant, certes, mais un domaine, quel qu'il soit, mérite toujours d'être évalué sous plusieurs angles !
Une piste intéressante pourrait être de nous inspirer de l'un des indicateurs qui mesurent l'efficacité des éloignements d'étrangers. Celui-ci évalue le taux de remise en liberté de personnes placées en rétention administrative par le juge des libertés et de la détention pour vices de procédure imputables aux services de police ; il mesure, à la fois, la qualité de la formation juridique des policiers, le respect de la légalité et, pour une part, celui de la déontologie. Rien ne sert, en effet, d'instruire de nombreuses procédures si c'est dans la précipitation ou si elles sont bâclées, car elles sont alors inefficaces au final, coûtent cher, démoralisent les personnels et renforcent le sentiment d'impunité.
Un tel indicateur pourrait être adapté, afin d'évaluer l'action de la police judiciaire. Il mesurerait ainsi le nombre de procédures annulées pour vices de procédure imputables aux services de police.
En dernier lieu, certaines tâches ou objectifs de la police et de la gendarmerie ne sont mesurés par aucun indicateur. Au cours de mes auditions avec les syndicats de policiers, la remarque m'en a plusieurs fois été faite. Ainsi, la prévention, le renseignement, le poids des charges dites « indues », l'accueil des victimes ou la déontologie ne sont pas pris en compte.
En matière de déontologie, le nombre de policiers et gendarmes condamnés pour des faits intervenus dans l'exercice de leurs fonctions pourrait constituer un indicateur. L'attention portée à l'accueil du public et des victimes serait aussi susceptible d'être mesurée grâce à des enquêtes de satisfaction.
Au vu de toutes ces observations, madame le ministre, monsieur le ministre délégué, envisagez-vous de réviser le choix des indicateurs ainsi que la répartition des actions ? Des progrès importants sont encore possibles, mais doivent être réalisés rapidement.
Monsieur le ministre délégué, je souhaite également vous interroger sur les adjoints de sécurité. Au cours de mes auditions, la crainte de voir les crédits prévus pour les adjoints de sécurité partiellement transférés au profit des cadets de la police nationale a été exprimée. Pouvez-vous nous confirmer que ce ne sera pas le cas ? Incidemment, pouvez-vous assurer que les effectifs des adjoints de sécurité seront stabilisés ?
Ma dernière question, monsieur le ministre, portera sur l'équipement des forces de police. Au cours des événements de novembre, certains commissariats ont subi une pénurie de matériels de protection, tels que casques ou boucliers. Envisagez-vous des investissements particuliers pour des équipements de ce genre au vu des violences urbaines du mois dernier ? En outre, à quel rythme seront livrés les pistolets à impulsion électrique du type Tazer ?
Madame le ministre, je souhaiterais vous interroger sur les communautés de brigade. La mutualisation des moyens des brigades a permis de faire progresser considérablement leur efficacité, sans accroître leurs moyens. Toutefois, il semblerait que les communautés de brigade ne soient pas toutes reliées au réseau informatique. Quelles actions envisagez-vous pour y remédier ?
Ma dernière question, madame le ministre, portera sur le projet d'externalisation de la gestion du parc immobilier de la gendarmerie. L'État, notamment, concèderait pour trente ans des logements, qu'il s'engagerait ensuite à louer à un gestionnaire privé.
Depuis le lancement de ce grand projet en 2003, les études préparatoires qui ont été menées semblent pourtant indiquer que l'intérêt financier de cette opération ne serait pas évident. J'ai pu moi-même percevoir une telle inquiétude au cours de mes auditions, en tout cas pour ce qui concerne la gestion du parc immobilier existant. L'intérêt de l'externalisation est sans doute plus net pour les nouvelles constructions. Pouvez-vous nous préciser, madame le ministre, l'état d'avancement de ce projet, qui engagerait la gendarmerie pour plusieurs dizaines d'années ?
Sous le bénéfice de ces observations et interrogations, la commission des lois a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurité » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2006.