Intervention de Bernadette Bourzai

Réunion du 9 octobre 2013 à 14h30
Missions de l'établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Bernadette BourzaiBernadette Bourzai :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ma collègue Renée Nicoux, nous avons déposé en juillet dernier une proposition de loi relative aux missions de FranceAgriMer, dans le but, non de transformer le champ d’intervention de l’établissement, mais de régler deux difficultés juridiques qui risquaient de le fragiliser.

Avant toute chose, laissez-moi rappeler brièvement à quel point FranceAgriMer est un acteur essentiel dans le paysage administratif français.

Sa création, en 2009, est le résultat du vaste mouvement de fusion des anciens offices agricoles. Employant plus de 1 200 agents, il s’agit d’un établissement public qui regroupe de nombreuses compétences dans un seul but : assurer la mise en œuvre des politiques agricoles et agroalimentaires nationale et européenne, en gérant, par exemple, les dispositifs de l’organisation commune des marchés, l’OCM, concernant les fruits et légumes et le vin, comme les primes d’arrachage, ou encore les dispositifs nationaux, comme les aides à la mise aux normes ou les actions de promotion.

Au total, plus de 550 millions d’euros ont été répartis par FranceAgriMer l’année dernière.

FranceAgriMer assure de très nombreuses missions dans son domaine de compétence, dont la gestion des programmes d’aide alimentaire, qui sont ensuite mis en œuvre sur le terrain par quatre associations nationales agréées, ou encore la promotion à l’international, par la participation à des salons, foires et expositions.

Au sujet de ces deux dernières missions, nous avons été alertées d’un risque de remise en cause de la place et du rôle de FranceAgriMer, ce qui nous a conduites à présenter la présente proposition de loi.

Ce texte poursuit deux objectifs : permettre à FranceAgriMer de continuer à agir pour l’aide alimentaire à compter du 1er janvier 2014 ; faire de FranceAgriMer le porteur du pavillon français à l’exposition universelle de Milan en 2015 et l’autoriser à passer par un marché de conception-réalisation pour réaliser ce pavillon dans les meilleures conditions.

Le programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD, existe depuis 1987. Il permet de distribuer en France environ 70 millions d’euros par an aux associations caritatives, qui se chargent ensuite de les distribuer aux plus démunis.

Ce programme est progressivement monté en charge, passant, en Europe, d’environ 100 millions d’euros à 500 millions d’euros par an aujourd’hui. Dix-huit millions de personnes en bénéficient. Il est étroitement lié à la politique agricole commune, la PAC, trouvant son origine dans les surplus et les stocks de l’Europe. Avec le temps, il s’est cependant transformé. L’orientation vers les marchés de la PAC a conduit à réduire, voire à supprimer les mesures d’intervention. Il n’y a plus beaucoup de stocks aujourd’hui, si bien que le PEAD a été amendé afin de permettre aux États membres de l’Union européenne d’acheter des produits alimentaires sur les marchés auprès des industriels, par appels d’offres, et ensuite de les répartir.

Seuls dix-neuf États sur les vingt-huit de l’Union ont choisi de bénéficier du PEAD. Certains, comme la France, le complètent par un programme national d’aide alimentaire, ou PNAA, qui représentait pour notre pays 8, 5 millions d’euros l’année dernière, qui s’ajoutent donc aux fonds provenant de l’Europe.

Or, en 2008, l’Allemagne, soutenue par la Suède, a saisi la justice européenne pour contester le rattachement à la PAC du PEAD, estimant que, dans la mesure où il ne s’agit plus d’écouler des stocks excédentaires, le PEAD relevait des politiques sociales, qui ne sont pas de la compétence principale de l’Union européenne.

Un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2011 est venu confirmer cette lecture. La Commission européenne en a immédiatement tiré les conséquences en proposant de réduire l’enveloppe allouée au PEAD de 500 millions d’euros par an environ à seulement 113 millions d’euros, faisant peser un risque majeur sur la survie du système d’aide alimentaire porté par les associations caritatives.

Une bataille s’est engagée pour maintenir l’aide alimentaire, et un compromis a pu être trouvé à la fin de 2011, sauvegardant l’enveloppe de 500 millions d’euros adossée à la PAC en 2012 et 2013, mais supprimant le PEAD à partir de 2014. Or l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit bien que l’Europe a pour mission de renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale. Fournir de l’aide alimentaire entre ainsi parfaitement dans les attributions de l’Union. La proposition de nouveau cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, le CFP, par la Commission européenne en juin 2011 prévoyait donc une enveloppe de 2, 5 milliards d’euros pour l’aide alimentaire, rattachée cependant à la politique de cohésion et non plus à la PAC. Il s’agissait tout de même d’une baisse de 1 milliard d’euros par rapport aux 3, 5 milliards d’euros disponibles sur la période 2007-2013.

Il a fallu se battre jusqu’au bout pour préserver ces 2, 5 milliards d’euros, la Commission européenne ayant envisagé de les réduire à 2, 1 milliards d’euros lors de la difficile négociation du CFP. Finalement, l’accord politique du 8 février dernier au Conseil européen a permis de conserver l’intégralité de la somme prévue. Je salue ici la pugnacité de notre président de la République et du ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, qui ont réussi à imposer ce point de vue à nos partenaires. Ce n’était pas évident, et cela prouve qu’il faut tenir bon lorsque la cause est juste.

L’aide alimentaire s’inscrira dans un nouveau cadre, celui du Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD, qui relèvera de la politique de cohésion. Ce fonds a donc été élargi à des produits non alimentaires de première nécessité. La France semble en outre devoir conserver une enveloppe identique à celle dont elle dispose aujourd’hui, même si les négociations sur ce point ne sont pas achevées.

Or FranceAgriMer n’est pas habilité par la loi à intervenir dans le champ du social. Comme tout établissement public, le principe de spécialité ne lui permet d’agir que dans les limites fixées par les textes. Il faut donc modifier la loi française pour que celle-ci soit parfaitement en accord avec le nouveau cadre européen proposé pour l’aide aux plus démunis. C’est pourquoi la proposition de loi vise à modifier les articles du code rural concernant les missions de FranceAgriMer, condition indispensable pour que l’établissement soit demain l’organisme intermédiaire chargé de passer les appels d’offres et de surveiller les opérations de distribution de l’aide alimentaire, comme il le fait aujourd’hui.

Une quinzaine de personnes s’en occupent déjà, et il est possible de s’appuyer sur les agents dans les régions pour le contrôle. Il est sage de reconduire une organisation qui fonctionne bien. C’est ce que propose l’article 1er de la proposition de loi, tel qu’adopté par la commission des affaires économiques.

L’autre objectif de la proposition de loi est de confier à FranceAgriMer le pilotage des opérations nécessaires à assurer la présence de la France à l’exposition universelle de Milan de 2015, sous l’autorité du commissaire général de l’exposition, nommé en avril 2013, M. Alain Berger. FranceAgriMer a l’expérience des actions de coopération internationale et des actions de promotion, qui entrent dans ses attributions. En avril 2013, l’établissement a ainsi piloté l’espace France du salon Seafood de Bruxelles sur les produits de la mer.

Une exposition universelle est d’une autre ampleur, mais le thème retenu pour l’exposition de Milan en 2015 – « Nourrir la planète, énergie pour la vie » – rend ce choix assez logique. Il permettra à la France de mettre en avant le thème de la sécurité alimentaire et nos compétences non seulement en matière de production, mais aussi d’alimentation, de qualité et de goût.

Les organismes choisis précédemment pour piloter l’équipe de France dans les expositions universelles ont été très divers : l’exposition internationale de Saragosse, en 2008, a été portée par Ubifrance. Pour l’exposition universelle de Shanghai en 2010 et pour l’exposition spécialisée de Yeosu de 2012, une structure porteuse dédiée a été mise en place, sous forme de société anonyme à capitaux publics : la COFRES SAS.

FranceAgriMer est déjà en ordre de bataille pour Milan 2015 où la présence française se traduira par la construction d’un pavillon français qui doit répondre à un cahier des charges très strict. Sous forme de halle alimentaire, de type halle Baltard, le pavillon français sera principalement construit en bois et devra être démontable et remontable, dans un esprit de développement durable. Il s’étendra sur 1 800 mètres carrés sur une emprise d’un peu plus de 3 500 mètres carrés, comprenant des espaces extérieurs d’animation. Véritable vitrine de l’excellence française, il devra être ouvert tous les jours de neuf heures à minuit. Le temps presse, car la construction doit être achevée pour la fin de l’année 2014.

Or une telle opération est soumise au code des marchés publics et à la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique, qui prévoit une séparation stricte, pour la réalisation d’un ouvrage, entre la mission de maîtrise d’œuvre – le concepteur – et celle de réalisation des travaux – les entrepreneurs –, entraînant la nécessité de passer deux marchés distincts : un marché de maîtrise d’œuvre et un marché de travaux.

Certes, l’article 18 de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique autorise à confier à un groupement, par un même marché, à la fois la mission portant sur les études et celle portant sur l’exécution des travaux, dans des cas particuliers : il s’agit du système du marché de conception-réalisation. Mais la jurisprudence est très stricte et n’admet pas facilement l’utilisation de cette exception.

Bien qu’elle paraisse justifiée pour la construction du pavillon de Milan, car les spécificités du bâtiment exigent qu’architecte et entreprises travaillent ensemble à la définition du projet, il existe un risque juridique réel en cas de contentieux. Afin de prévenir ce risque, la proposition de loi autorise expressément FranceAgriMer à passer un marché de conception-réalisation pour construire le pavillon français. Nous procédons ainsi à une sorte de validation législative préventive. De tels marchés ne se traduisent pas par des coûts plus élevés, la Cour des comptes ayant même estimé, par le passé, qu’ils pouvaient créer des économies.

L’ampleur et le retentissement de l’opération paraissent au demeurant suffisants pour qu’une réelle concurrence puisse avoir lieu entre plusieurs groupements pour l’attribution du marché. Cette procédure permettra également d’aller plus vite, en évitant de passer par deux phases d’appel d’offres, répondant ainsi à l’urgence.

La commission des affaires économiques a soutenu unanimement cette proposition de loi, et j’espère qu’il en sera de même pour le Sénat dans son ensemble dans quelques instants.

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