Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’objectif du présent texte est de permettre à toute victime de prise d’otages d’obtenir une réparation intégrale des dommages subis par cette atteinte, quelle que soit leur gravité et sans avoir à se préoccuper des conditions maximales de ressources. Concrètement, il s'agit d’aligner les modalités de leur indemnisation sur celles des victimes d’atteintes graves à la personne, afin d’éviter que la réparation de l’acte ne varie selon les circonstances.
En effet, aujourd’hui, comme vous l’avez rappelé, la réparation des personnes victimes de prise d’otages est de trois ordres.
Soit la prise d’otages constitue un acte de terrorisme, et dans ce cas la victime pourra être indemnisée selon la procédure instaurée par la loi du 9 septembre 1986, qui prévoit une réparation intégrale des dommages résultant d’une atteinte à la personne.
Dans ce cas, le dispositif prévoit une procédure relativement souple en termes de délais, de formalisme et de preuve. Lorsque nos concitoyens sont victimes d’une prise d’otages à visée politique, c’est évidemment la communauté nationale tout entière qui est touchée et qui doit faire face. Dès lors, il ne fait pas de doute que la reconnaissance de ce préjudice, puisqu’il nous touche, n’est pas à démontrer. Très logiquement, la solidarité nationale partage alors la réparation des préjudices subis par la victime.
Soit la prise d’otages ne constitue pas un acte de terrorisme, et la victime peut obtenir une réparation intégrale de son préjudice auprès de la commission d’indemnisation des victimes d’infractions.
Ce dispositif ne vise qu’un certain nombre d’infractions : celles qui ont entraîné la mort, une incapacité permanente ou une incapacité totale de travail supérieure ou égale à un mois, les atteintes résultant de faits constitutifs de viol ou d’agression sexuelle, de traite des êtres humains, d’atteintes sexuelles sur mineurs, d’esclavage ou de travail forcé. Cette procédure juridictionnelle classique se déroule alors sur le fondement de l’article 706-3 du code de procédure pénale.
Soit, enfin, aucune des deux précédentes qualifications n’est possible et la victime ne peut prétendre à une indemnisation auprès de la CIVI que si, après une atteinte faite à sa personne, elle ne peut obtenir une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice.
Dans ce cas, les conditions d’indemnisation sont posées par l’article 706-14 du code de procédure pénale, aux termes duquel il appartient à la victime de démontrer qu’elle « ne peut obtenir à un titre quelconque une réparation ou une indemnisation effective et suffisante de son préjudice » et qu’elle « se trouve de ce fait dans une situation matérielle ou psychologique grave ».
Certains de mes collègues en commission, et je m’interroge également sur ce point, se demandaient quel est l’intérêt de légiférer sur cette question. Je partage bien évidemment les préoccupations liées à ce problème. Toutefois, il ne semble pas présenter d’intérêt réel dès lors que toutes les situations évoquées précédemment paraissent pouvoir être couvertes.
À ce propos, les représentants de la Fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs sont très clairs : aucune victime de prise d’otages n’a, à ce jour, été confrontée à des difficultés en matière d’indemnisation.
Comprenons-nous bien : nous ne remettons pas en cause la nécessaire préoccupation quant à l’accompagnement des victimes de prises d’otage et de leurs familles dans les situations douloureuses qu’elles vivent. Nous ne remettons pas non plus en cause notre attachement au droit pour toute victime d’infraction pénale d’obtenir la réparation de son préjudice. Pour autant, il nous paraîtrait peu opportun d’instaurer une loi dont l’utilité n’est que de principe. Cela pourrait d’ailleurs nous être reproché.
Je comprends le souhait d’unification du régime d’indemnisation des victimes de prises d’otages, mais alors que celui-ci ne fait l’objet d’aucune contestation réelle, et à côté de la demande d’accompagnement à laquelle aucune réponse n’est apportée par ce texte, ce résultat paraîtra bien maigre et inutile pour les victimes.
Nous pourrions, au contraire, nourrir une réflexion plus large sur les dispositifs concrets qui, au-delà de l’indemnisation, permettraient d’organiser un accompagnement plus large. Au fond, il n’est pas inintéressant de se poser la question à cette occasion.
Ce dispositif cherche, en réalité, à donner plus de considération à la détresse psychologique des victimes qui ont vécu, on le comprend, des situations traumatisantes. Pour autant, peut-on imaginer qu’une indemnisation pécuniaire puisse régler réellement et complètement ce problème ?