Monsieur le président, madame la garde des sceaux, madame la rapporteur, mes chers collègues, la présente proposition de loi part du constat suivant : les prises d’otages augmentent à travers le monde, et la France n’échappe évidemment pas à ce phénomène. Le nombre de nos compatriotes enlevés ou détenus en otages croît de façon inquiétante. L’annonce faite, ce matin, par le Premier ministre que deux nouveaux journalistes français sont détenus en Syrie en atteste malheureusement.
D’ailleurs, comme le souligne dans son excellent rapport ma collègue Esther Benbassa, « l’actualité nous montre [...] que le fait d’être Français peut exposer certains de nos compatriotes présents à l’étranger à en être victimes ». Je salue donc la position de notre commission des lois, qui en a déduit qu’un « effort de solidarité nationale tout particulier s’imposait » à l’égard des victimes et de leurs proches.
Dès lors, le groupe écologiste partage et soutient fermement l’objectif porté par la proposition de loi de Mme Lepage, représentant, comme moi, les Français établis hors de France.
Visant à renforcer la sécurité juridique de ces victimes en reconnaissant explicitement un droit à l’indemnisation et à la réparation intégrale de leur préjudice, ce texte recouvre les valeurs défendues de longue date par les écologistes.
Comme le souligne la Cour des comptes, dans son rapport public de 2012 consacré à la politique d’aide aux victimes d’infractions pénales : « La réparation des dommages causés est un élément essentiel de la ″reconstruction″ de la victime ».
Tout en apportant aux victimes de prise d’otages la reconnaissance symbolique qui leur est due, l’adoption de cette proposition permettra d’harmoniser les modalités d’indemnisation. Ainsi, toutes ces victimes pourront obtenir la réparation intégrale de leur préjudice auprès des CIVI lorsqu’elles ne relèvent pas des mécanismes institués par la loi relative à la lutte contre le terrorisme de 1986.
Enfin, permettez-moi, mes chers collègues, toujours dans le souci de prendre en compte l’ensemble des victimes, d’apporter deux précisions, certes légèrement en marge du texte dont l’examen qui nous réunit aujourd'hui, mais en lien direct avec le sujet qui nous préoccupe.
Je souhaiterais aborder brièvement la question des victimes de prise d’otages relevant de la loi précitée. Comme le souligne notre rapporteur, le ministère des affaires étrangères évalue à une cinquantaine le nombre de Français retenus en otages à l’étranger entre 2009 et 2013, dont trente-cinq dans le cadre d’actes terroristes. Cela signifie que 70 % des prises d’otages dont sont victimes nos compatriotes à l’étranger ne relèvent pas du régime d’indemnisation de droit commun.
Ainsi, lorsque la « prise d’otages », ou plutôt les faits constitutifs de la circonstance aggravante de l’infraction d’enlèvement et de séquestration, est qualifiée d’« actes de terrorisme » au sens de l’article 421-1 du code pénal, le régime d’indemnisation des victimes relève d’une procédure reposant sur le FGTI, le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions.
Je souhaite donc, sur ce point, attirer l’attention de nos collègues Philippe Kaltenbach et Christophe Béchu, à qui notre commission des lois a, à juste titre, confié l’élaboration d’un rapport d’information sur les multiples dispositifs dont disposent les victimes d’infractions pénales pour obtenir réparation de leur préjudice.
Il me semble nécessaire, en effet, qu’une réflexion soit menée autour de ces procédures d’indemnisation relevant du FGTI, et j’espère que ce rapport abordera cette question.
Trois éléments m’interpellent en particulier.
Premièrement, le ministère des affaires étrangères ne fait toujours pas partie des ministères membres du conseil d’administration du FGTI, alors que nous relevons, depuis le début de ce débat, que la majorité des prises d’otages de nature terroriste dont sont victimes nos compatriotes se déroulent à l’étranger, et ce depuis plusieurs années déjà. C'est la raison pour laquelle le ministère des affaires étrangères me semble avoir toute sa place aux côtés des quatre autres ministères membres de ce conseil d’administration.
Deuxièmement, je veux évoquer les modalités d’évaluation de l’offre d’indemnisation proposée aux victimes par le FGTI, en vertu de l’article L. 422-2 du code des assurances. Certaines victimes ont déploré les montants parfois dérisoires de ces offres.
Troisièmement, cela me paraît particulièrement surprenant lorsque l’on sait que ce fonds est alimenté par une contribution forfaitaire de 3, 30 euros, prélevée sur chaque contrat d’assurance de biens et qu’il n’est, dès lors, pas affecté par les contraintes de restriction du budget de l’État. Deux éminents professeurs de droit, Laurent Leveneur et Yvonne Lambert-Faivre, soulignent, d’ailleurs, cette incohérence dans leur précis de droit des assurances.
Je suis donc ravie que ce rapport d’information soit prochainement présenté au Sénat par nos deux collègues, et j’espère, dans l’intérêt des victimes, que certaines de ses recommandations viendront clarifier les modalités d’indemnisation, par le FGTI, des victimes de prises d’otages de nature terroriste, ainsi que le mode de fonctionnement de ce dernier.
Je terminerai mon intervention en formulant une ultime remarque. Comme l’indemnisation des victimes passe par le droit à un procès équitable et un égal accès de tous à la justice, je saisis l’occasion de votre présence, madame la garde des sceaux, pour manifester mon inquiétude quant à la diminution de 10 % du budget de l’aide à l’accès au droit, soit 32 millions d’euros, dans le projet de loi de finances pour 2014, récemment présenté en conseil des ministres.
Je tenais en particulier à saluer votre intention de déposer un amendement, comme vous l’avez annoncé il y a trois jours, afin de revenir sur la refonte envisagée de l’indemnisation de l’aide juridictionnelle. Tout comme vous, madame la garde des sceaux, je pense également que nous avons « raison d’être plus exigeants avec la gauche » !
Après ces deux précisions, je réaffirme, comme vous l’aurez compris, chère Claudine Lepage, que le groupe écologiste votera sans hésitation votre proposition de loi.