Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des finances propose au Sénat d’adopter sans modification la présente proposition de loi organique, que j’ai rédigée en compagnie de notre collègue Michèle André.
Si un tel dispositif devait entrer en vigueur, la prochaine nomination du président de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, serait alors effectuée par le Président de la République, selon la procédure prévue par le cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Les commissions compétentes du Parlement émettraient ainsi un avis public, le chef de l’État ne pouvant pas procéder à la nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans ces deux commissions représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Pourquoi une telle procédure ? Nous le savons tous, en France, l’État considère que les jeux sont son affaire. Cela vient de loin : ce sont deux lois du XIXe siècle qui ont établi les grands principes sur lesquels repose aujourd’hui encore notre droit en la matière.
Pour les loteries, il s'agit d'une loi de la Monarchie de Juillet, la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries, complétée en 1983 et abrogée seulement l’année dernière, afin d’être codifiée.
Pour les courses hippiques, il s'agit d'une loi de la Troisième République, la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l’autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux. La distinction entre Pari mutuel sur les hippodromes et Pari mutuel urbain, ou PMU, a été établie par une loi du 16 avril 1930.
Les jeux et paris ont été organisés et exploités par deux monopoles, l'un, sur les paris hippiques et, l'autre, sur les loteries, jeux de grattage et paris sportifs. Le groupement d’intérêt économique Pari mutuel urbain a ainsi été constitué en 1983 par les sociétés de courses, et la Française des jeux a succédé à France Loto en 1990, sous la forme d’une société anonyme publique détenue à 72 % par l’État.
C’est dire si la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne a bousculé des principes plus que séculaires s’agissant des jeux d’argent et de hasard en ligne en posant le principe de l’ouverture à la concurrence du secteur.
Pour autant, chacun le sait, les jeux se trouvent au carrefour de préoccupations multiples de grande importance pour l’État, en particulier la lutte contre le blanchiment d’argent, la prévention de l’addiction, la préservation de l’intégrité des compétitions, ainsi que la préservation des recettes publiques et du financement de certaines filières, notamment le sport amateur, à travers le Centre national pour le développement du sport.
J’attire votre attention sur le montant total de ces prélèvements, qui est de l’ordre de 5, 6 milliards d’euros en 2012.
Les jeux en ligne ne sont pas épargnés a priori par les risques associés aux jeux, bien au contraire. Le fait de pouvoir jouer chez soi sur des supports dématérialisés peut même accentuer certains de ces risques.
Le législateur de 2010 a donc dû pallier l’absence de contrôle direct des opérateurs par l’État en établissant des règles strictes en matière de conflits d’intérêts, de limitation de la publicité, de conditions d’enregistrement des joueurs, etc.
Un régulateur sectoriel a été créé afin de veiller à la bonne application de ces règles par chacun ; il s'agit de l’Autorité de régulation des jeux en ligne, que j'ai déjà mentionnée.
Le rôle de l’ARJEL est évidemment d’une grande importance. Il lui revient de définir les catégories de compétition et les phases de jeu pouvant faire l’objet de paris sportifs en ligne, d’octroyer les agréments aux opérateurs, puis de contrôler le respect de leurs obligations, voire, le cas échéant, d’enclencher le processus de sanction, d’évaluer les résultats des actions menées par les opérateurs agréés en matière de prévention du jeu excessif ou pathologique, d’effectuer les contrôles nécessaires en matière de lutte contre les conflits d’intérêts, de lutter contre les sites illégaux et, enfin, de proposer aux pouvoirs publics les évolutions législatives et réglementaires qui lui semblent nécessaires.
Au regard de ces éléments, la commission des finances a estimé utile que le Parlement, via ses commissions compétentes, soit associé à la nomination du président de cette Autorité, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution.
Pour mémoire, un grand nombre de présidents d’autorité de régulation relèvent déjà de ce régime. Je pourrais évoquer, entre autres, les présidents de l'Autorité de la concurrence, de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, de l'Autorité des marchés financiers ou de l'Autorité des normes comptable.
Ce texte, si le Sénat l’adopte, ce que je souhaite, suivra un parcours parallèle avec le projet de loi relatif à la consommation, que nous avons examiné ici voilà quelques jours et dans lequel notre assemblée a déjà introduit une disposition attribuant la compétence pour une telle nomination aux commissions des finances, sur l’initiative de notre collègue Michèle André, rapporteur pour avis sur ce texte.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi organique, que j'invite le Sénat à adopter.