Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de résolution dont nous débattons aujourd'hui a un objet à la fois fort simple et très ambitieux.
Il s’agit de favoriser une européanisation du débat public, une meilleure connaissance de l’Europe dans toute sa diversité et de le faire notamment par la création d’une nouvelle station de radio, qui serait provisoirement baptisée Radio France Europe, en référence à Radio France Internationale.
Je signale toutefois que cette nouvelle antenne radiophonique n’aurait pas la même visée que sa vénérable consœur et n’entrerait en aucun cas en concurrence frontale avec elle. Vu les craintes émises par certains de mes collègues depuis quelques jours, je tiens à le préciser à ce stade de mon intervention, afin d’évacuer la fausse controverse qui pourrait se développer à ce sujet...
RFI relève de l’audiovisuel extérieur de la France. La station, ou plutôt la myriade de stations qu’elle regroupe avec des programmes spécifiques en différentes langues, vise les publics installés ou vivant en permanence hors de France. Son périmètre est, sinon véritablement planétaire, tout au moins pluri-continental. À l’exception de la région parisienne, et encore de manière parfois assez inconfortable pour son écoute, RFI ne dispose pas d’un réseau national de fréquences sur notre territoire.
Certes, une part des programmes de RFI, très minoritaire d’ailleurs, traitent de l’actualité européenne, qu’elle soit institutionnelle ou qu’elle se rapporte aux nouvelles spécifiques à chacun de nos vingt-sept partenaires de l’Union européenne.
Mais, outre leur volume très réduit au regard de l’offre globale proposée par RFI, ces programmes sont épars, difficilement identifiables, et, comme je l’ai souligné, non captables par une très large majorité de nos concitoyens.
L’objet de Radio France Europe est précisément d’offrir à ces derniers, et à l’instar de ce que fait RFI à l’échelle mondiale, une information de qualité et facilement identifiable à propos de l’Europe sur l’ensemble du territoire national.
Car l’Europe demeure encore aujourd’hui le grand fantôme qui hante notre vie publique et qui, en dépit de son omniprésence, ne se révèle que de manière très fugace dans notre vie quotidienne. Comme tout ce qui est masqué ou recouvert d’un voile, l’Europe est aujourd’hui en France l’objet de tous les fantasmes. Hier, il s’agissait sans doute de fantasmes exagérément positifs. Aujourd’hui, il s’agit presque systématiquement de fantasmes négatifs et anxiogènes...
L’enlisement dans la crise et les replis nationaux qu’elle suscite sont évidemment passés par là !
Nous, parlementaires, savons bien la place majeure qu’occupe aujourd’hui l’Union européenne dans les choix et les orientations prises à l’échelle nationale. Mais notre comportement politique est souvent des plus ambigus…
Lorsque l’Europe conduit à de réelles avancées pour nos concitoyens et engendre des subsides importants pour nos territoires, nous avons une fâcheuse tendance à occulter son rôle et à nous attribuer les mérites de la situation. À l’inverse, dès lors qu’une mesure prise à l’échelle européenne est impopulaire, et quand bien même elle a obtenu l’aval de notre gouvernement au sein du Conseil européen, nous sommes souvent prompts à fustiger Bruxelles et à nous dédouaner de nos propres responsabilités...
Soyons clairs, bien qu’européiste convaincu, je ne suis pas, loin s’en faut, en train de dire que le fonctionnement de l’Union européenne me satisfasse. Je veux simplement souligner que la mise en scène à laquelle nous nous prêtons parfois, relayée et amplifiée par de nombreux médias, consistant à ne faire apparaître le fantôme européen que pour le fustiger lorsque les choses vont mal, est sans doute la principale raison qui conduit nos concitoyens à l’euro-indifférence, voire à l’anti-européanisme qui sévit aujourd’hui dans notre société.
La résolution qui vous est proposée a justement pour ambition de renverser ce malheureux état de fait.
Il ne s’agit évidemment pas de créer un média propagandiste dont la fonction serait de porter la bonne parole d’une Europe où tout serait merveilleux. Non ! Il s’agit en premier lieu de donner à savoir et à comprendre, hors du seul périmètre étroit de l’information hexagonale, la dimension européenne de ce qui nous traverse au quotidien dans nos réalités de tous les jours. L’objet de cette radio serait précisément de faire toucher du doigt cette Europe-là, alors qu’elle est si mal connue.
Bien sûr, on nous objectera le coût d’un tel média. C’est un argument que je trouve malheureux, surtout en 2013, année de la citoyenneté européenne ! À quoi bon développer tout un discours sur cette belle notion et chercher à démocratiser l’Europe si nous ne nous donnons pas les moyens pour cela ?
Après un rapide calcul, le budget annuel de cette station se situerait aux alentours de 15 millions d’euros annuels, soit un peu moins que le budget du Mouv’, la station de Radio France à destination de la jeunesse. C’est, certes, une somme non négligeable, mais qui reste très raisonnable au regard de l’utilité publique d’un tel projet.
Radio France Europe, qui devra impérativement être sous la double tutelle de Radio France et de l’audiovisuel extérieur, et construite en étroite collaboration avec Radio France Internationale, pourra naturellement développer certains contenus propres. C’est souhaitable. Mais elle devra aussi fonctionner comme une radio de rattrapage pour les émissions à vocation européenne qui existent déjà sur le service public, notamment sur RFI, mais que nous avons du mal à capter ou à entendre parce qu’elles sont diffusées à des horaires tardifs.
Elle pourra également conclure des accords avec des médias publics européens pour reprendre certaines de leurs productions. Il serait bon, également, en partenariat avec EuroparlTV, la chaîne développée par le Parlement européen, qu’elle puisse aussi diffuser certaines sessions de l’Assemblée de Strasbourg.
Bref, ce sont autant de possibilités qui réduiraient le coût de cette nouvelle radio tout en apportant énormément à la qualité du débat public.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous n’ignorons pas qu’un débat se fait jour actuellement sur l’opportunité et la faisabilité d’une telle initiative, y compris d’ailleurs au sein du groupe écologiste : ses membres ne sont pas tous d’accord sur le sujet, et ils voteront de manière différenciée.
À titre personnel, et avec un certain nombre d’autres collègues, je voterai résolument en faveur de ce texte.
Néanmoins, quel que soit le jugement que l’on peut avoir sur cette proposition de résolution précise, nous ne pouvons plus ignorer la nécessité de parler davantage d’Europe, sur nos ondes et dans nos débats. Il y a urgence, nous sommes tous d’accord sur ce point. Reste encore à trouver la façon la plus efficace d’y contribuer !