Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de pouvoir vous parler d’Europe !
Comme tous les orateurs l’ont souligné, c’est par une meilleure connaissance mutuelle des peuples européens que nous pourrons relancer le désir d’Europe et faire progresser l’idéal européen. Le Gouvernement souscrit entièrement à cette ambition et à cet idéal.
Monsieur Bernard-Reymond, je pourrais vous objecter des considérations techniques et financières, en invoquant notamment les contraintes qui pèsent sur Radio France ; du reste, je le ferai dans quelques instants. Pour commencer, toutefois, je tiens à me placer d’un point de vue politique, à la suite de M. Mercier.
En effet, parmi les raisons qui expliquent le désamour actuel pour l’Europe, signalé notamment par M. Le Scouarnec, je crois qu’il y a la tendance à parler de l’Europe comme d’une finalité en soi, alors qu’il faut parler de ce qui fait vivre l’Europe : de la culture, à travers les artistes européens, de la science, à travers les grands scientifiques européens et les projets d’étude et de recherche, et de toutes les avancées, par exemple dans le domaine des transports.
Or je crains que la création d’une radio consacrée uniquement à l’Europe – elle aurait donc un caractère non pas généraliste, mais thématique –, n’enferme l’idée européenne, que nous voulons tous défendre, et ne conduise à la création d’une sorte de radio ghetto. Celle-ci verrait se détourner nos concitoyens les plus sceptiques ou les plus réticents à l’égard de l’Europe, ou tout simplement les plus indifférents, parce qu’ils ne voient pas dans leur vie quotidienne l’apport de l’Europe, sans que les radios généralistes soient incitées à élargir et à renforcer leurs programmes consacrés à l’Europe et à ce qui s’y passe.
Telle est, monsieur Bernard-Reymond, ma principale objection à votre proposition. Moi qui suis élue de la circonscription où vivait Robert Schuman, je puis vous assurer que l’on sait, en Moselle, ce que l’on doit à l’Europe ! Ce n’est donc pas par méfiance vis-à-vis de l’Europe que je prends cette position, mais parce que je crois que nous devons, tous ensemble, nous interroger sur la manière de recréer un idéal européen.
De fait, le temps est peut-être venu d’examiner les intentions, les déclarations et les moyens d’action auxquels nous sommes restés attachés pendant des années, et dont il apparaît aujourd’hui qu’ils ne conduisent pas nos concitoyens à avoir une vision juste et profonde de l’Europe et de ce qu’elle peut leur apporter. Nous aurons prochainement l’occasion d’en débattre, pendant la campagne pour les élections européennes.
Pour ce qui concerne les aspects techniques, je ne répéterai pas les observations présentées par Claudine Lepage s’agissant de l’action déjà menée par les entreprises de l’audiovisuel public, sur les différentes antennes de la radio et de la télévision, pour promouvoir une meilleure connaissance des peuples européens.
Mme Lepage a eu raison de signaler l’émission I like Europe, sur France Inter, qui a proposé neuf documentaires mettant en lumière les vies et les désirs de jeunes de l’Union européenne, ainsi que les projets qui les animent à brève échéance.
De son côté, France Info propose l’émission C’est en France, c’est en Europe, qui examine de grands sujets de société du point de vue de différents pays européens.
Bien entendu, je pense aussi à RFI, dont je souhaite qu’elle puisse se développer dans plusieurs villes de notre territoire ; nous allons y travailler.
Il faut encore mentionner les quarante-quatre stations du réseau France Bleu, qui diffusent Tous Européens, un grand rendez-vous quotidien consacré à l’actualité européenne.
S’agissant de la télévision, n’oublions pas la mission toute particulière d’ARTE, qui est sans doute l’un des outils les plus efficaces pour consolider l’amitié franco-allemande, mais aussi pour favoriser l’unification d’autres pays européens, qui considèrent cette chaîne avec une certaine envie.
Ce n’est pas tant qu’ARTE e originale en soi ; c’est surtout qu’elle parle de culture, en s’adressant à la fois aux Français et aux Allemands, et qu’ainsi elle offre une illustration concrète de la construction européenne et de ses apports. Je pense notamment à Yourope, le magazine hebdomadaire de société qui traite de la diversité des cultures et des modèles économiques en Europe.
Quant à France Télévisions, je vous rappelle que les gouvernements ont scrupuleusement veillé à ce qu’elle intègre la dimension européenne dans ses différents programmes ; cette clause est prévue à l’article 16 de son cahier des charges. Les éditions d’information, mais aussi des reportages et des témoignages, abordent les modes de vie, les pratiques culturelles et les modèles économiques et sociaux en Europe, ainsi que le fonctionnement démocratique des institutions européennes – ce qui n’est pas toujours simple. Pour ne donner que cet exemple, je citerai Avenue de l’Europe, le magazine européen de France 3.
Reste qu’il est important de ne pas se satisfaire de toutes les émissions qui existent. De fait, monsieur Bernard-Reymond, vous avez raison : on pourrait faire davantage, et il faut aller plus loin. Or le service public a une mission toute particulière, qui consiste à approfondir les sujets européens, ou plutôt la dimension européenne dans le traitement de l’information et des différents programmes, et à ouvrir davantage encore ses antennes vers l’Europe.
À mon sens, c’est par le renforcement et la diversification des programmes qui sont d’ores et déjà diffusés par les chaînes du service public audiovisuel que nous parviendrons à nos fins. Mesdames, messieurs les sénateurs, redoutons qu’une radio spécifique n’enregistre des taux d’audience très faibles : ce ne serait pas bon pour l’Europe !
Cela étant, une station de la radio nationale publique ne saurait être spécifiquement consacrée à l’Europe, au risque de n’atteindre qu’un public d’initiés. Les radios de cette stature, comme France Info, France Inter, France Culture et bien sûr RFI, dans la mesure où elles sont généralistes, sont plus aptes à amener de larges publics vers les émissions qu’elles consacrent à l’Europe.
Enfin, la création de toute nouvelle radio de service public engendrerait un coût important dans l’actuel contexte tendu des finances publiques.
Quoi qu’il en soit, eu égard au paysage radiophonique saturé, caractérisé par la rareté des fréquences FM disponibles, en particulier dans les grandes agglomérations, il ne serait pas réaliste d’imaginer que Radio France Europe puisse bénéficier à court voire à moyen terme d’une couverture sur l’ensemble du territoire national. Par conséquent, la seule possibilité qui s’offrirait à nous, et que le Gouvernement écarte totalement, serait de supprimer une radio du groupe Radio France pour lui substituer RFE.
Je conclurai en évoquant la question d’Euranet Plus. Le groupe Radio France, alors qu’il était membre de ce réseau, a choisi de ne pas renouveler son adhésion pour des raisons qui tiennent à la complexité administrative du décompte des minutes d’antenne consacrées aux programmes européens. En effet, le service public remplit la condition fixée en la matière par Euranet Plus, à savoir soixante-quinze minutes d’antenne par semaine dédiées à ces sujets, mais les modalités de décompte ne sont pas celles que pratique habituellement le groupe Radio France. De ce fait, il faudrait pratiquement un salarié à temps plein pour mener à bien la mission de comptabilisation.
Cela étant, je demanderai un réexamen approfondi des conditions qui permettraient d’envisager un retour au sein d’Euranet Plus, car il me paraît tout à fait important de vouloir s’inscrire dans un réseau européen et de chercher à utiliser les médias, en particulier le service public, pour faire connaître les apports de l’Europe à nos concitoyens.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il me semble donc que le renforcement des thématiques européennes dans les grilles des programmes des différentes antennes du service public audiovisuel est la réponse la plus efficace, la plus rapide aussi, à la préoccupation que vous avez exprimée ce soir. En conséquence, je suis au regret de vous informer que le Gouvernement est défavorable à cette proposition de résolution.