Le Gouvernement, en recourant à une loi d'exception qui permet de déclarer l'état d'urgence, utilisée notamment lors des événements d'Algérie, reconnaît d'ailleurs l'ampleur extraordinaire de ces violences urbaines.
Cette crise a surtout touché durement les habitants des quartiers dits sensibles, y compris dans leurs biens propres. Si les responsabilités individuelles doivent être recherchées, il est évident que cela ne permettra pas de tout régler.
La fédération française des sociétés d'assurance évalue le coût des émeutes à environ 200 millions d'euros, dont une vingtaine de millions au titre des 9 000 véhicules incendiés. Les mutuelles d'assurance indiquent à cet égard que les victimes seront indemnisées sans franchise, quelles que soient les garanties souscrites, et ce dans les meilleurs délais.
Quant à M. Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, il se félicite que tout cela n'ait « pas d'impact au niveau macro-économique ». Nous voilà rassurés !
Pourtant, le Gouvernement refuse d'en tirer toutes les conséquences. Toutes les victimes, qu'elles soient personnes privées, personnes morales ou collectivités locales, doivent se tourner vers leurs assurances, mais le Gouvernement refuse d'assumer sa responsabilité.
D'un côté, vous recourez à des mesures exceptionnelles, d'un autre, vous minimisez l'ampleur des violences... Comprenne qui pourra !
Rappelons ici que toutes les victimes se comptent parmi les personnes ou les familles les moins riches de France. Les conséquences en seront d'autant plus lourdes pour elles.
Les familles risquent de voir leurs primes d'assurance atteindre des niveaux insupportables, ou de ne plus trouver de compagnie qui accepte de les assurer. Quant aux personnes, certaines d'entre elles se voient, de surcroît, privées du véhicule qui leur était indispensable pour aller travailler.
Ces violences touchent aussi les collectivités locales. Ainsi, la SMACL, la Société mutuelle d'assurance des collectivités locales, qui assure plus de 80 % des communes de plus de 20 000 habitants, appelle l'État à assumer ses responsabilités. Elle craint que certaines agglomérations sensibles ne soient lâchées par leurs assureurs, les contrats prévoyant cette possibilité en cas « d'émeute ou de mouvement populaire ».
Il existe pourtant une solution simple pour éviter toutes ces dérives.
La loi du 7 janvier 1983 pourrait être appliquée. Elle permet d'engager la responsabilité de l'État pour des dommages causés par des « attroupements armés ou non armés ». Elle précise que « l'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis par des attroupements ou rassemblements armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ».
Elle permettrait d'indemniser intégralement les victimes, au-delà des franchises prévues par les contrats d'assurance. Elle permettrait d'indemniser les victimes qui sont peu ou qui ne sont pas assurées. Enfin, elle permettrait d'indemniser les communes touchées.
Du reste, ce texte a été déjà utilisé une fois : en 1991, après que, pendant deux nuits, à Meaux, des groupes de jeunes gens se furent livrés à diverses destructions. Le Conseil d'État, par une décision de décembre 2000, a jugé que le ministère de l'intérieur pouvait être considéré comme responsable et a condamné l'État à rembourser les sommes versées par les assurances.
Dès lors, il est piquant d'entendre aujourd'hui l'ancien maire de Meaux, devenu ministre délégué au budget, renvoyer le « bébé » aux assureurs !
Le refus d'appliquer cette loi, et donc l'absence d'engagement du Gouvernement, est purement et simplement scandaleux. En effet, cela signifie que le Gouvernement n'assume pas ses responsabilités ! Les habitants de ces quartiers subissent déjà chaque jour l'abandon de l'État et, une nouvelle fois, on leur signifie qu'il ne peut rien !
Nous souhaitons rappeler que cette situation est la conséquence directe de la politique menée par le ministre de l'intérieur. Nous considérons que c'est un minimum que de faire porter la charge financière de ces violences à l'État qui a permis une telle dérive.
À défaut, il faudra qu'on nous explique pourquoi l'État refuse de verser 200 millions d'euros aux victimes alors qu'il accorde un cadeau fiscal d'un montant plus important aux contribuables redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune.