Intervention de Éric Doligé

Réunion du 7 octobre 2013 à 15h00
Création d'un conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi et en procédure accélérée d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission, amendement 1

Photo de Éric DoligéÉric Doligé :

… à part vous, ils sont en effet tous absents aujourd’hui !

Le cumul, vous le voyez, n’est donc pas forcément un motif d’absence. Nombre de nos collègues qui assument plusieurs fonctions sont d’ailleurs présents parmi nous.

Le texte dont nous allons débattre de nouveau aujourd’hui est fort simple, puisqu’il vise à créer un conseil national, à définir sa composition et ses missions. Nos collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur en ont déposé les premiers éléments le 12 novembre 2012, il y a près d’un an, et il a fallu tout ce temps pour qu’il nous revienne en deuxième lecture, après avoir été adopté par l’Assemblée nationale avec quelques modifications.

Je me permets d’insister sur ce marathon puisqu’il s’agit d’un texte qui porte sur la création d’un « conseil national d’évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics ».

Nous sommes un certain nombre à chercher, par tous les moyens, à simplifier.

Le Président Sarkozy, dans le courant de l’année 2011, avait lancé la machine à simplifier, et le Président Hollande a fait part en 2012, lors des états généraux de la démocratie territoriale, de sa volonté d’aller vite, et pris un certain nombre de dispositions.

Nous voyons bien que la complexité de notre système ne permet pas de mettre facilement en musique les paroles.

La simplification consiste à réduire les délais, à supprimer les textes superflus, à éviter que la contrainte nouvelle ne soit supérieure à l’avantage retiré, à vérifier si le texte nouveau n’existe pas déjà sous une autre forme au niveau national ou s’il n’est pas supérieur â un texte européen. Mais cela consiste également à pouvoir expérimenter sous certaines conditions.

Pour obtenir une réponse à ces questions, il faut mettre en place une structure nouvelle qui ait un pouvoir certain, qui sera malheureusement relatif, et il faut que ce pouvoir soit reconnu.

Ce cheminement d’une année du présent texte – nous ne sommes pas encore tout à fait au bout du chemin ! – démontre, s’il en était besoin, la complexité de notre fonctionnement en raison de nos normes administratives résultant de notre Constitution, laquelle est devenue au fil du temps de plus en plus normative, mais aussi de nos règles internes.

Pour des textes majeurs très complexes tels que celui qui porte sur notre organisation territoriale, applicable en 2017, nous travaillons dans l’urgence, et pour des textes simples émanant de nos assemblées, nous devons subir le parcours du combattant alors que, là, il y a urgence à agir et à simplifier. La raison aurait voulu qu’en trois mois une telle proposition, qui ne rencontre pas d’obstacle majeur, puisse être appliquée.

Par ailleurs, pour complexifier un peu la donne, il a été nécessaire de nous soumettre en procédure accélérée une proposition de loi organique visant à renforcer les avis du conseil national d’évaluation des normes.

Comme je l’avais dit en première lecture, il est indispensable de maîtriser les flux et de gérer les stocks. Il restera là un vrai problème, celui de la gestion des stocks, qui paralyse notre société. J’ai bien compris, car cela vient d’être rappelé à deux reprises, que, théoriquement, une norme nouvelle supprimerait une norme ancienne, mais les stocks demeureront toujours.

Vous connaissez le fameux chiffre de 400 000 ; il est affolant. Comment allons-nous le traiter ?

J’avais souhaité, dans ma proposition de loi, toujours en navette à l’Assemblée nationale pour sa dernière lecture, organiser un nouveau dispositif au sein du Comité des finances locales dont relève la Commission consultative d’évaluation des normes. Cela évitait la création d’un organe supplémentaire, mais il fallait donner corps à un texte qui soit issu de la volonté présidentielle.

Vous avez donc choisi une autre voie et je vous ai suivi, car il me paraît essentiel d’aboutir afin de freiner l’inflation normative et, en ce domaine, il me semble nécessaire de dépasser les clivages habituels.

Nous pourrions, si nous en avions le temps, essayer d’évaluer le nombre de normes nouvelles qui nous sont imposées, ou que nous nous sommes imposées depuis un an, sans supprimer la moindre norme existante.

Notre collègue Jean-Noël Cardoux, qui a fait récemment un important travail sur le coût des agences sanitaires et sociales, a constaté qu’il y avait en ce domaine plusieurs dizaines d’agences nationales ou hauts conseils, que le budget de fonctionnement des seules agences sanitaires s’élevait à 1, 4 milliard d’euros et que le nombre de collaborateurs sur l’ensemble du secteur étudié avoisinerait 25 000.

Loin de moi l’idée de porter un jugement sur l’efficacité et le rôle de chacun des organismes, n’en connaissant pas les compétences exactes. On saura probablement nous démontrer que chaque structure a sa place, mais je ne peux m’empêcher de penser que plus le système est diffus, plus il devient opaque et plus l’efficacité globale en souffre.

Chaque structure crée ses règles, ses normes, et s’auto-alimente.

D’ailleurs, j’ai lu dans l’un des multiples rapports établis hier par des parlementaires de la majorité d’aujourd’hui que les agences sanitaires étouffent le système de santé, que le foisonnement des taxes affectées contribue à la complexité de la fiscalité et à son instabilité – cette opacité contribue à la difficulté de réformer le système –, et que l’autonomie de gestion a tendance à affaiblir les pouvoirs de contrôle du Parlement.

Nous sommes bien là dans la problématique d’un système qui a créé des normes de fonctionnement, puis de contrôle, puis de financement. Ce système s’emballe et devient incontrôlable par le Parlement.

Cela démontre qu’il faut enfin prendre le dossier au sérieux et mettre en place une structure qui devrait pouvoir servir de gendarme, même si son pouvoir n’est en réalité que consultatif, et non décisionnaire.

Le rôle du conseil national est multiple.

Il examine l’évolution de la réglementation, évalue sa mise en œuvre, les impacts techniques et financiers. Il peut proposer des adaptations afin de ne pas entraîner des conséquences matérielles, techniques ou financières disproportionnées ; je pense que nous aurons un débat sur ce point particulier. Il peut aller jusqu’à proposer des modalités de simplification, voire d’abrogation.

Souhaitons que ses propositions et ses avis soient pris en compte.

Nous avons là l’essentiel de ses attributions.

Je pense toutefois, comme mon collègue Pierre Morel-A-L’Huissier, que nous aurions dû mettre à profit ce texte pour aller plus loin, et ne pas nous limiter à la seule création de mécanismes de régulation et de contrôle.

J’ai toujours la conviction que nous aurions dû intégrer dans le droit français un double principe d’adaptabilité et de subsidiarité.

Ce principe qui était posé à l’article 1er de ma proposition de loi en a été retiré ici même sur demande du Gouvernement. À l’Assemblée nationale, Pierre Morel-A-L’Huissier n’a pas eu plus de succès. Le motif invoqué était l’inconstitutionnalité et le traitement de ce sujet lors des futures lois de décentralisation.

J’ai toujours appris qu’il ne fallait jamais remettre au lendemain ce que l’on peut faire le jour même. Nous en avons la démonstration ici.

La grande loi de décentralisation est mort-née et les trois petites lois ne sauront gérer ce problème majeur de l’adaptabilité.

La mise en place de normes différenciées est certainement tout à fait possible et réglerait bien des problèmes. Cela existe bien en matière électorale, ou dans certains territoires métropolitains ou ultramarins, où il est tenu compte des spécificités locales. Peut-être le conseil national parviendra-t-il à établir une jurisprudence sur le sujet.

Aujourd’hui, vous êtes toujours très hermétique à cette problématique de l’adaptabilité. Pourtant, je suis certain que vous y viendrez nécessairement, comme dans beaucoup de domaines.

Une part non négligeable du texte qui nous est présenté a trait à la composition du conseil national.

Chacun a pu voir que, pour composer un conseil de 36 membres faisant partie de sept collèges différents avec des nombres pairs et impairs, il faut faire quelques efforts normatifs pour respecter deux critères : la parité et la présence d’exécutifs locaux par moitié pour certains collèges.

L’essentiel n’est heureusement pas là. Il s’agit d’aboutir rapidement, afin que le conseil puisse être installé et entrer dans le vif du sujet.

Nous croulons sous le poids des normes. Elles ne sont pas réservées aux collectivités. Les commerçants, les artisans, les agriculteurs, les entreprises et les associations sont entravés par la folie normative, qui est un frein à la compétitivité et à l’innovation.

N’oublions pas que la compétitivité se mesure sur les marchés internationaux. Celui qui ne maîtrise pas ses charges et contraintes perd de la compétitivité. Chaque norme supérieure à celle de notre concurrent nous pénalise.

Je m’interroge ainsi sur nos normes relatives aux 35 heures ou à l’âge de départ à la retraite. Un maire allemand ami me disait vendredi soir, dans le cadre d’un jumelage : « Vous les Français, tant que vous n’aurez pas réglé votre problème des 35 heures et de la retraite, vous ne serez pas compétitif. » À chacun sa lecture !

Permettez-moi de citer un autre exemple, celui des études de médecine en France, qui faisaient l’objet d’un reportage diffusé hier à la télévision et qu’un certain nombre d’entre vous ont dû voir.

Sur les 50 000 étudiants qui sont en première année de médecine, 90 % vont échouer, non parce qu’ils sont mauvais, mais parce que nos normes ne sont pas adaptées. Ainsi, on décourage la jeunesse, et des milliers d’étudiants brillants partent en Belgique ou en Roumanie faire leurs études, puis reviennent en France exercer. Quel gâchis !

Souhaitons que le texte que nous allons voter soit un début et permette une véritable prise de conscience de certaines absurdités en matière de normes pour nos collectivités et, bien au-delà, pour notre pays.

J’ai pensé aux propos tenus par Jacqueline Gourault sur l’équilibre nutritionnel, ce que notre ancien collègue Alain Lambert appelait « l’arrêté saucisse ». Je vous en parle car, lorsque j’ai présenté mon texte devant le Conseil d’État, nous avons passé beaucoup de temps sur ce fameux problème nutritionnel dans les cantines, auxquels les conseillers accordent manifestement une grande importance. Vous voyez que nous continuons à en parler…

Le groupe UMP et moi-même savons que vous souhaitez que le texte soit adopté sans modification. Nous avons cependant voulu, sur l’initiative de Jean-Pierre Vial et Philippe Bas, présenter un amendement autorisant l’expérimentation de l’évolution du cadre normatif pour un projet innovant adapté. Cela peut correspondre à la possibilité offerte au conseil national de « proposer des adaptations afin de ne pas entraîner des conséquences matérielles, techniques ou financières disproportionnées », que j’évoquais précédemment.

Nous verrons bien dans la suite du débat quelle sera votre réponse sur ce point. Je souhaite que la discussion puisse avoir lieu et que vous fassiez preuve d’ouverture. Notre vote dépendra de la qualité de nos échanges.

Vous avez rappelé que, le 19 septembre, l’Assemblée nationale avait émis un vote unanime sur notre texte amendé. Il nous est demandé de voter de façon unanime, sans amendements.

En fonction de votre réponse sur notre amendement n° 1, madame la ministre, nous saurons si vous nous suivez.

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