Intervention de Christian Favier

Réunion du 7 octobre 2013 à 15h00
Création d'un conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi et en procédure accélérée d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Christian FavierChristian Favier :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, en 1991, voilà déjà plus de vingt ans, dans son rapport public annuel, le Conseil d’État faisait part de ses inquiétudes concernant la complexité du droit, caractérisée par la prolifération désordonnée des textes, l’instabilité croissante des règles et la dégradation manifeste de la norme. Depuis lors, ces préoccupations ont été relayées par de nombreux rapports s’alarmant de la surproduction normative et relevant la situation particulièrement préoccupante des collectivités territoriales.

Encore aujourd’hui, le poids des normes dans les collectivités est considérable, puisque leur stock est évalué à 400 000 par l’Association des maires de France.

Il est de notre responsabilité de trouver enfin une solution au désarroi des élus locaux qui s’est très clairement exprimé lors des états généraux de la démocratie territoriale, l’an dernier.

Les textes dont nous discutons une nouvelle fois aujourd’hui participent à la résolution de ce problème. Le groupe CRC les soutiendra, car, comme nous l’avons dit en première lecture, la création d’une nouvelle instance, le conseil national chargé du contrôle et de la régulation des normes, appelé à remplacer la Commission consultative d’évaluation des normes et doté de pouvoirs et de moyens renforcés, nous paraît indispensable pour agir sur le stock et le flux de normes.

Ainsi, mes chers collègues nous soutenons l’amélioration du fonctionnement de l’actuelle Commission consultative d’évaluation des normes par la mise en place de concertations et le renforcement de son expertise par l’élargissement de sa composition.

Sur ce dernier point, deux de nos amendements visant à augmenter le nombre de représentants des conseils régionaux et des conseils généraux, afin que leur représentation ne soit pas amoindrie à l’occasion de la création de ce nouveau conseil national, ont été adoptés en première lecture. Nous nous en réjouissons.

De même, nous soutenons le renforcement de la portée des avis rendus par le futur conseil national d’évaluation des normes. Les mesures de publicité renforcée qui sont prévues – avis publiés au Journal officiel et avis sur les projets de loi annexés à l’étude d’impact – nous paraissent de nature à responsabiliser davantage les administrations centrales dans leurs travaux de préparation des lois.

En première lecture, nous avions alerté sur le fait que la rédaction du projet de loi obligeait le Gouvernement à modifier son texte de loi chaque fois que le conseil national rendait un avis défavorable, ce qui revenait à rendre ceux-ci contraignants. La navette parlementaire a permis l’amélioration de ce point en posant une alternative. Ainsi, en cas d’avis défavorable du conseil, le Gouvernement peut soit présenter un nouveau texte modifié, soit fournir au conseil de nouveaux des éléments justifiant son projet de loi et, ainsi, le maintenir tel quel, le conseil procédant alors à une nouvelle délibération au vu de ces éléments.

Enfin, nous soutenons l’élargissement des champs de compétences de l’actuel Commission nationale d’évaluation des normes. Le mécanisme ainsi envisagé nous paraît satisfaisant pour ce qui est des nécessaires concertation et prévention.

Toutefois, on le sait, ce nouveau mécanisme de régulation et de contrôle ne pourra, à lui seul, répondre aux attentes des élus.

En effet, mes chers collègues, gardons à l’esprit que l’exaspération des élus est en grande partie liée à l’insuffisance des moyens financiers dont sont dotées les collectivités ainsi qu’au désengagement de l’État et à son absence de soutien technique dans nombre de nos départements. Si les collectivités sont en difficulté, c’est en raison non pas seulement de la prolifération législative, pourtant réelle, mais aussi et d’abord du désengagement massif des gouvernements précédents, qui ont peu à peu restreint les soutiens de l’État : suppression des dotations et subventions, suppression de l’autonomie fiscale, allégements fiscaux bénéficiant aux entreprises, transferts de compétences et nouvelles attributions confiées aux collectivités sans les compensations financières exigées.

L’exemple de la loi sur l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite est éclairant. Ce qui est en cause, ce n’est pas la loi, d’ailleurs votée à l’unanimité, et ses normes, c’est bien l’absence de moyens pour la mettre en œuvre.

C’est donc en redonnant aux collectivités les moyens de faire face aux exigences législatives nécessaires que nous ferons disparaître la principale source du problème, mais non la seule, j’y insiste. Nous en sommes conscients, la prolifération législative est réelle et, en la matière, la concertation et l’alerte sont les meilleurs remèdes.

Aussi, nous ne devons pas céder à la facilité. Au contraire, il nous faut envisager le problème dans sa globalité afin de répondre aux attentes non seulement des élus, essentiellement demandeurs d’expertise et de moyens, mais aussi, plus largement, de l’ensemble de la population.

Enfin, mes chers collègues, je souhaite, comme nous l’avons fait en première lecture, attirer votre attention sur un point. Le conseil national pourrait proposer, dans ses recommandations, des mesures d’adaptation de normes réglementaires en vigueur si l’application de ces dernières entraîne des conséquences matérielles, techniques ou financières disproportionnées au regard des objectifs recherchés pour les collectivités territoriales ou leurs groupements.

On retrouve, en filigrane, le principe de proportionnalité des normes, qui vient d’être évoqué par M. Éric Doligé, que nous avions dénoncé lors de la discussion de la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales.

À nos yeux, ce principe est évidemment inacceptable, car son application ne reviendrait qu’à contourner le problème et à créer de nouvelles sources d’inégalités en fonction des richesses disponibles sur les territoires.

Certes, la présente proposition de loi ne prévoit qu’une simple possibilité. Nous serons extrêmement vigilants sur ce point. Nous devrons veiller à ce que les recommandations du conseil national n’aboutissent pas à mettre en place une forme de déréglementation dans laquelle les objectifs d’accessibilité, de sécurité, de normes sanitaires et de protection de l’environnement ne s’appliqueraient pas de manière égale sur tout notre territoire. Il y aurait là une nouvelle rupture de l’égalité républicaine, que nous ne saurions accepter.

Pour éviter l’écueil de lois utiles mais inapplicables faute de moyens, ne faudrait-il pas prévoir de manière systématique un volet fixant les règles financières de leur mise en œuvre ?

Nonobstant cette réserve et comme je l’ai annoncé, nous voterons en faveur de ces textes. Je ne saurais conclure sans saluer le travail de mes collègues Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur. §

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