Absolument, mais il convient de ne pas passer cette attente sous silence.
Sur la simplification des normes, ce travail construit – connaissant Alain Richard, cela ne m’étonne pas ! – présente aussi le mérite d’offrir un cadre juridique stable et des moyens précis pour accomplir ce travail de Sisyphe.
Je mentionnerai en particulier le champ de l’urbanisme. Mme Gourault a exprimé sa préoccupation au sujet des plans locaux d’urbanisme intercommunaux. Huit cents pages du code de l’urbanisme sont issues des lois Grenelle 1 et Grenelle 2, avec tantôt une kyrielle de normes, tantôt une kyrielle de schémas qui ne sont pas tous parfaitement articulés les uns avec les autres.
Dans ces conditions, comment voulez-vous que les maires conservent leurs repères, d’autant qu’il existe par ailleurs, à côté de la réglementation nationale, des schémas régionaux d’aménagement et de développement durable du territoire ? À l’instar des dispositions relatives aux chefs de file, ces SRADDT ne sont nullement opposables, sauf à soulever un risque d’inconstitutionnalité lié à la non tutelle d’une collectivité sur une autre.
Il existe également des schémas de cohérence territoriale, ou SCOT, à l’échelle de bassins de vie, avec des règles de compatibilité s’imposant aux documents d’urbanisme infra SCOT. Enfin, il existe des plans locaux d’urbanisme, les PLU, qui jusqu’à présent sont considérés par les maires comme l’apanage essentiel de leur légitimité démocratique. C’est d’ailleurs pour cette raison que le Sénat a tenu à réintégrer très clairement dans le chef de filât du bloc communal la compétence aménagement de l’espace.
Toujours est-il que, sur la question qui nous occupe, au-delà de la CCEN, un travail doit aussi être fait sur l’adaptation du droit.
J’ai lu, ce dimanche, l’étude annuelle du Conseil d’État, Le droit souple, et j’ai constaté, pour la troisième fois, une intervention majeure de la plus haute juridiction administrative en faveur d’une réflexion sur les voies de cet assouplissement.
La commission Labetoulle avait déjà permis de trouver les moyens de lutter contre les recours dilatoires intentés à l’encontre des permis de construire dans le contentieux de l’excès de pouvoir.
De même, l’avis rendu récemment par le Conseil d’État sur la décentralisation du stationnement a, contre les prophètes de mauvais augure, ouvert une perspective.
Là, cette étude annuelle vient dire très clairement, comme M. Doligé l’a souligné tout à l’heure, que, n’en déplaise à Portalis, le droit dur, le droit qui défend, le droit qui commande, peut aussi s’accompagner d’un droit souple, c'est-à-dire s’accompagner de lignes directrices qui permettent, notamment dans le cas de politiques publiques mises en œuvre par des collectivités décentralisées, de procéder à des adaptations. Le législateur doit fixer des lignes directrices et permettre à la collectivité décentralisée d’adapter les règles si un motif d’intérêt général ou une situation particulière le recommande.
Quoi qu’il en soit, je vous recommande vivement la lecture de l’étude du Conseil d’État, qui trace des voies pour l’avenir.
Il est une autre lecture que nous pouvons conseiller, celle du rapport sur les perspectives de la République décentralisée, de nos collègues Jean-Pierre Raffarin et Yves Krattinger, qui reprennent cette idée – ancienne, au Sénat – de reconnaître un pouvoir réglementaire d’adaptation des normes aux collectivités territoriales.
En tout état de cause, je plaide pour un suivi étroit des travaux du conseil national de l’évaluation des normes, et je salue tous ceux qui ont contribué à donner à cette instance un véritable pouvoir de recommandation.
Cette question de la reconnaissance du pouvoir d’adaptation aux collectivités décentralisées pourrait être réexaminée, à l’aune des prochains textes sur la décentralisation.