Dans notre pays, nous avons malheureusement un peu trop tendance à sectoriser les choses. Pour ma part, j'aurais préféré que, dans la LOLF, il y ait une mission globale de défense, de défense civile et de défense militaire, à la place des segmentations qui existent actuellement et qui me semblent aller à rebours de l'idée que nous devons faire passer, à savoir que le monde dans lequel nous vivons est un monde dangereux, pour des raisons naturelles, technologiques et humaines, un monde dans lequel le terrorisme n'est pas la moindre des menaces.
Cela dit, j'observe que l'interministérialité a fait quelques menus progrès depuis trois ans. Elle était indispensable.
Je prendrai un exemple. La modernisation de la loi de 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires fait actuellement l'objet d'une réflexion menée au niveau du secrétariat général de la défense nationale, le SGDN, avec la participation des ministères de la défense, de l'intérieur, de l'industrie et de l'économie et des finances, dans le but d'instituer un système à peu près cohérent face aux menaces qui nous guettent.
De nombreux problèmes ont surgi avec les opérateurs. J'ai eu récemment l'occasion d'assister à une explication intéressante entre les opérateurs et les représentants du SGDN au cours de laquelle chacun apportait des éléments, mais où les uns et les autres n'avaient pas toujours la volonté de s'écouter mutuellement.
L'interministérialité peine à s'imposer au sein même du Gouvernement, et la collaboration entre les autorités nationales et les grands opérateurs d'infrastructures ou les entreprises privées, en vue de définir les menaces qui sont devant nous et de prévoir les systèmes dont nous avons besoin pour nous en protéger, a du mal à prendre corps.
Pour illustrer cette situation, je reprendrai un exemple qui a été évoqué ce matin : l'affaire de Cambrai.
Il y a trois ans, le ministre de l'intérieur de l'époque, M. Sarkozy, annonçait la création d'une école supérieure de formation aux problèmes de la défense civile. Nous pensions que chacun avait enfin compris la nécessité de faire travailler ensemble tous les intervenants. Finalement, la gendarmerie a dit qu'elle n'avait pas besoin d'une école supérieure, les pompiers ont dit qu'ils avaient l'école de Nainville-les-Roches et qu'ils allaient avoir le nouveau site d'Aix-en-Provence, la police a tenu un discours similaire.
Chacun a critiqué le choix de Cambrai en prétendant que ce n'est pas très bien situé, ce qui est faux dans la mesure où Cambrai est à cent kilomètres de Bruxelles et, par conséquent, au coeur des problématiques européennes.
Résultat : ce chantier n'avance pas. En outre, parmi les oppositions qui se manifestent contre Cambrai, il n'est question que des seules administrations alors que, si l'on veut créer un véritable pôle de défense civile dans la dimension globale que j'appelle de mes voeux, le seul moyen est d'y intégrer non seulement les administrations, les corps d'intervention, mais aussi tous les responsables de la sécurité dans les entreprises.
Or, quand on élargit un peu la réflexion, on s'aperçoit que l'Europe est demanderesse d'un premier geste dans ce sens. En effet, en cherchant à organiser une sécurité commune, elle s'est aperçue, ne serait-ce qu'à travers l'exercice Euratox, que le langage des entreprises et des services d'intervention était très différent d'un pays à l'autre.
Monsieur le ministre, pourquoi n'avançons-nous pas ? Comment se fait-il que l'on se réfugie derrière des formules de partenariat public-privé ? Les appels d'offres ne débouchent pas, on ne sent aucune volonté de rassembler les efforts de tous ceux qui ont à intervenir au titre de la défense globale de nos concitoyens. Finalement, on n'a pas plus avancé en ce domaine que dans celui de l'alerte aux populations.
À ce propos, je dis souvent que si, par hasard, des sirènes se mettaient à sonner en pleine nuit, nos concitoyens qui les entendraient - il manque à peu près les deux tiers du réseau - croiraient que l'on est mercredi à midi et les autres -- si elles sont modulées - penseraient qu'il y a une rave party dans le secteur.