Nous arrivons au terme de l’examen en deuxième lecture d’un texte qui bouleverse profondément l’organisation territoriale de notre pays et qui, j’en suis persuadé, laissera un goût amer à nombre d’entre nous.
Sous couvert de rendre l’action publique plus proche des besoins, ce projet de loi sacrifie en effet l’unité d’action tendant à assurer l’égalité entre les citoyens.
Ce texte relatif à l’émergence des métropoles place nos territoires en concurrence. C’est là l’abandon d’une conception harmonieuse et équilibrée du territoire national. De nouvelles entités administratives, plus nombreuses et plus puissantes, telles que les communautés urbaines et les métropoles, vont se développer au détriment de nos communes et de nos départements, dont l’action est pourtant plébiscitée par nos concitoyens.
En recentralisant les pouvoirs, on le sait, ces nouvelles structures éloigneront toujours plus les Français des lieux de décision, pour mieux les inscrire dans une mondialisation à la fois uniforme, stéréotypée et financiarisée, exigeant toujours plus de concentration humaine pour disposer à bas coût d’une main d’œuvre qualifiée, diversifiée et immédiatement disponible.
Partout en Europe et dans le monde, ces puissants agglomérats urbains polarisent à la fois les richesses, l’exclusion et les discriminations de toutes sortes. Partout, ces espaces concentrés se développent de fait au détriment des territoires périphériques, poussés un peu plus vers la relégation.
On le sait par expérience : nulle part dans le monde ces grandes métropoles n’ont permis de réduire les inégalités sociales et territoriales. La concurrence libre et non faussée contamine jusqu’à l’organisation territoriale de notre République. Au nom d’une compétition européenne et mondiale, c’est dans les faits la concurrence entre nos propres territoires qui va s’exacerber.
Avec le présent projet de loi, le choc des territoires devient la norme et la réduction des dépenses publiques l’objectif essentiel pour répondre aux injonctions de Bruxelles. La territorialisation de l’action publique que traduit ce texte, c’est bel et bien l’inégalité des territoires en action et une société éclatée qui s’instaure. Les communes vont se regrouper en pôles – ruraux d’un côté, urbains de l’autre – et notre territoire s’en trouvera de plus en plus fracturé, au détriment évidemment du vivre-ensemble, qui puise sa richesse dans la diversité des parcours de vie et des situations sociales.
Concernant la future métropole de Paris, nous avons voulu éviter que les débats du Sénat ne débouchent sur une page blanche. Pour autant, et malgré les efforts accomplis, notamment, par notre rapporteur pour faire évoluer la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, il s’agit, à nos yeux, d’un projet mort-né.