Nous arrivons au terme de l’examen d’un texte qui était vaste. Chacun y a contribué à sa façon, à commencer par notre rapporteur et l’ensemble de la commission des lois, dont il faut saluer le travail.
En première lecture, nous avions formulé des critiques relatives au caractère partiel de cette discussion. En effet, même si ce texte est vaste, l’ensemble de la réforme a été découpé en plusieurs morceaux. Affirmer les métropoles, sans traiter des régions et des départements alors qu’ils sont touchés par rebond relevait de la quadrature du cercle, et l’exercice n’était pas simple en lui-même. Nous pouvons convenir ici que la création des pôles d’équilibre et de coordination territoriaux contribue en partie à rétablir l’équilibre de l’ensemble : tant mieux si c’est un progrès !
J’exprime de nouveau notre satisfaction concernant la métropole lyonnaise, qui constitue à bien des égards un exemple, mais l’essentiel avait été acquis dès la première lecture. Par ailleurs, nous ne revenons pas sur la métropole qui sera construite autour de Marseille, car le vote de notre assemblée a été conforme sur ce point à la première lecture.
En ce qui concerne la conférence territoriale de l’action publique et la clause de compétence générale, nous avions exposé nos préventions en première lecture. Je pense que le rôle du Sénat aura été plutôt positif dans l’évolution du texte, même si les changements sont relativement modestes.
Le principal désaccord qui nous sépare, vous le savez, est relatif à la métropole du Grand Paris. Ce désaccord porte non pas sur l’objectif visé, mais sur les conséquences du dispositif envisagé. Je passe rapidement sur la question du logement, qui mériterait sans doute un plus long développement. Je me limiterai à une seule question : y a-t-il aujourd’hui une seule opération bloquée que le nouveau dispositif débloquera ? Je n’en vois aucune.
Quand j’évoque les conséquences du projet de métropole, tel qu’il est conçu, je me dois de les illustrer quelque peu. L’exercice peut paraître un peu laborieux, voire scolaire, mais il reflète la réalité des collectivités locales. Je rejoins d’ailleurs sur ce point Christian Favier, qui vient de donner un exemple à l’instant.
La suppression des EPCI à fiscalité propre provoquera l’arrêt de très nombreux projets, du fait de la mort programmée des communautés d’agglomération. Prenons un exemple : je dois lancer une opération d’aménagement destinée à l’accueil d’entreprises internationales. Celles-ci s’interrogent sur notre offre et se demandent qui sera leur interlocuteur demain ; or il s’agit d’entreprises aéronautiques qui peuvent très bien s’installer en Grande-Bretagne.
Les questions qu’elles se posent sont les suivantes : qui, demain, sera l’aménageur ? Sera-t-il solvable à terme ? Va-t-il tenir les délais ? Qui portera l’endettement et qui sera présent au terme de l’opération ? Nous nous posons exactement les mêmes questions : en effet, pourquoi contracter une dette aujourd’hui sans savoir à qui elle sera transférée demain, ni si nous pourrons la financer ? À ce jour, nous n’avons pas obtenu de réponses à ces questions, et l’examen de ce projet de loi n’a pas permis au Gouvernement de nous en donner. Pour aménager dix hectares, il nous faudra demain faire voter cinq cents élus… N’est-ce pas disproportionné ?
Je passe sur les transferts de contrats en cours, car la métropole devra faire le tri et se fixer une règle dans la manière d’exercer ses compétences : vaste sujet et jolis contentieux en perspective !
Resteront encore à régler les questions du devenir du patrimoine, des dettes et des personnels des agglomérations, sans oublier que les communes pourront refuser de reprendre des compétences dans un cadre financier pour le moins incertain en ce qui les concerne. Qui exercera alors ces compétences et, en tout cas, dans quelles difficultés financières placez-vous les villes ? Vous les invitez à recréer des syndicats, sans recul de l’intercommunalité : elles avaient constitué des EPCI à fiscalité propre, mais de quelles ressources disposeront demain ces syndicats ? Nous n’avons pas non plus obtenu de réponse à ce stade de la discussion.
Lorsqu’un territoire voudra exercer une nouvelle compétence, il lui faudra saisir le conseil de métropole. Celui-ci ne manquera pas de crouler sous les délibérations et les initiatives… Or nous savons bien que ces territoires ne pourront recevoir que des délégations.
Tout ceci peut paraître prosaïque, mais il s’agit de la réalité de la vie des collectivités locales. Ces quelques exemples témoignent de ce que la construction proposée est sensiblement éloignée des réalités du terrain. Elle ne fonctionnera pas !
Je ne peux donc qu’être défavorable à ce système et voterai contre, avec un certain nombre de mes collègues. La majorité des membres de notre groupe s’abstiendra et quelques votes seront positifs, car nous avons gardé à l’esprit qu’il faut que le Sénat puisse adopter une version de ce texte.