Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi Alur, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 17 septembre dernier. Son titre IV modernise les documents d'urbanisme et de planification, notamment pour prévenir la consommation excessive des espaces naturels, agricoles et forestiers - préoccupation constante de notre commission, compétente en matière d'aménagement du territoire et donc de planification de l'espace.
Une première série de dispositions modifie les documents de planification et d'urbanisme. Les députés les ont fait précéder de trois articles. L'article 58 AA reporte d'un an, au 1er janvier 2017, la date à laquelle les plans locaux d'urbanisme (PLU) devront avoir été révisés pour intégrer les dispositions de la loi Grenelle II. L'article 58 A soumet à autorisation préfectorale les ouvrages, plantations, constructions, excavations et clôtures situés en bordure des ouvrages de protection de la Loire. L'article 58 B confie au préfet compétence pour délivrer des autorisations d'affectation des sols et d'utilisation du domaine public fluvial préalablement à la réalisation d'ouvrages sur les bords de la Loire.
L'article 58 modernise le régime du Schéma de cohérence territoriale (SCoT). Clé de voûte du projet de loi en matière de planification stratégique, il clarifie la hiérarchie des normes en confortant le rôle intégrateur du SCoT, ce qui devrait faciliter la vie de nombreux élus. Il renforce également le principe de l'urbanisation limitée en l'absence de SCoT, afin d'accroître le maillage territorial. De nombreuses mesures techniques faciliteront l'articulation du SCoT avec les documents existants, PLU ou chartes des parcs naturels régionaux. L'Assemblée nationale a reporté au 1er janvier 2017 les délais de mise en conformité des SCoT avec la loi Grenelle II et l'application de la règle de l'urbanisation limitée à toutes les communes. L'article 58 ter donne un cadre juridique aux démarches d'inter-SCoT. L'article 59, qui porte sur les habitats mobiles ou démontables, clarifie la situation juridique des yourtes : il pose le principe d'un pastillage en zone naturelle ou agricole permettant d'y implanter ce type de résidence à condition que leur autonomie vis-à-vis des réseaux d'eau, d'électricité et d'assainissement puisse être prouvée. L'article 60 modernise la carte communale en élargissant le champ d'application de l'évaluation environnementale, en renforçant le rôle du conseil municipal dans sa gouvernance et en sécurisant les conséquences des évolutions de périmètre.
L'article 61 prévoit le transfert automatique de la compétence d'application du droit des sols aux maires, au plus tard le 1er janvier 2017. À compter du 1er juillet 2015, le seuil de mise à disposition gratuite des services de l'État est abaissé de vingt à dix mille habitants pour les EPCI compétents : les communes compétentes de moins de dix mille habitants ne pourront plus en bénéficier si elles appartiennent à un EPCI de plus de dix mille habitants. L'article 62 entérine la disparition des plans d'occupation des sols (POS) qui deviendront caducs s'ils n'ont pas été transformés en PLU avant le 31 décembre 2015. En cas de caducité, c'est le règlement national d'urbanisme (RNU) qui s'appliquera.
Mesure-phare du texte, l'article 63 transfère aux communautés de communes et d'agglomération la compétence en matière de PLU. En complément, l'article 64 modernise le PLU intercommunal (PLUI). Long et complexe, cet article comprend de nombreuses mesures, dont celle visant à mieux intégrer le PLUI, le programme local de l'habitat (PLH) et le programme de déplacements urbains (PDU). La gouvernance et l'évaluation du PLUI sont modernisées. Le régime juridique du PLU est également sécurisé. Désormais, le juge administratif pourra surseoir à statuer pour permettre une régularisation en cours d'instance en cas de vice de forme ou de procédure. Il pourra également prononcer une annulation partielle du PLU. Ces mesures devraient alléger le risque de contentieux qui pèse sur les PLU. L'article 64 bis, qui résulte d'un amendement du rapporteur pour avis de la commission du développement durable de l'Assemblée nationale, instaure une commission de conciliation départementale en matière d'élaboration des documents d'urbanisme.
Le chapitre suivant est consacré à la lutte contre l'étalement urbain et la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers. L'article 65 prévoit que les rapports de présentation du SCoT et du PLU comportent une analyse du potentiel de densification des zones urbanisées, et enserre dans un délai de neuf ans l'ouverture effective à l'urbanisation des zones à urbaniser. L'article 66 supprime une possibilité de dérogation au principe de constructibilité limitée qui était offerte aux communes menacées par le risque de diminution de leur population, et élargit le champ d'intervention de la commission départementale des espaces agricoles. Les députés ont redéfini les missions des agences d'urbanisme et autorisé une dérogation à la règle d'urbanisation dans les zones de montagne pour les terrains en friche. L'article 66 bis étend l'accès aux données foncières détenues par l'administration fiscale aux divers acteurs de l'aménagement urbain. L'article 67 rendait obligatoire l'élaboration d'un règlement local de publicité lorsque l'interdiction de construire est levée dans la bande des 100 ou 75 mètres le long des routes à grande circulation ; les députés l'ont supprimé, pour des raisons que j'estime erronées.
Le chapitre suivant est consacré au développement de l'offre de construction. L'article 69 prévoit que les établissements publics fonciers locaux peuvent intervenir pour lutter contre l'étalement urbain, promouvoir le développement durable, et contribuer à la préservation des espaces naturels et agricoles. L'article 73, relatif au PLU, supprime la possibilité de fixer des coefficients d'occupation des sols et des superficies minimales pour les terrains constructibles afin d'encourager la densification, et encadre la possibilité de définir, en zones naturelles et agricoles, des secteurs pouvant être bâtis, dits « pastilles ».
L'article 80 prévoit que, dans les communes qui ne sont couvertes par aucun document d'urbanisme, les projets soumis à permis d'aménager ou de construire sont mis à disposition du public lorsque l'autorité environnementale décide qu'il n'est pas nécessaire de réaliser une étude d'impact. L'article 81 institue une procédure particulière de participation du public pour les directives territoriales d'aménagement et de développement durable et précise les modalités de participation du public pour les unités touristiques nouvelles en zone de montagne, ainsi que pour les aménagements légers dans les espaces remarquables du littoral. L'article 82 prévoit une procédure facultative de concertation, à l'initiative du maître d'ouvrage ou de l'autorité compétente, pour statuer sur la demande de permis de construire ou d'aménager. L'article 85 enfin, résultant d'un amendement du Gouvernement, étend aux bâtiments industriels l'obligation d'équiper les places de stationnement en équipements pour la recharge de véhicules électriques ou hybrides.
Sur ce dispositif, je vous propose quatre séries d'amendements. La première concerne le renforcement de la planification stratégique. Si je suis favorable au principe du SCoT intégrateur -les élus qui élaborent leur PLU n'auront plus qu'un seul document à examiner, ce qui simplifiera leur tâche-, je propose néanmoins quelques compléments aux aménagements apportés par l'Assemblée nationale. La première mesure concerne les « zones blanches » : lorsqu'une commune se retire d'un SCoT sans en intégrer un nouveau, elle ne sera pas soumise au principe d'urbanisation limitée, pour éviter le gel des projets en cours, mais cette exception sera limitée à six ans à compter de la date du retrait. La deuxième mesure permet à un établissement public porteur de SCoT, dans l'attente de son approbation, d'exprimer un avis sur les dérogations au principe d'urbanisation limitée accordées par le préfet. La troisième prévoit que le délai d'un an prévu pour mettre les PLU en compatibilité avec le SCoT ne commence à courir qu'à partir du moment où le SCoT est effectivement devenu exécutoire. La quatrième mesure généralise l'interdiction de délivrer une autorisation d'exploitation commerciale ou cinématographique en l'absence de SCoT. La cinquième mesure impose la végétalisation des aires de stationnement affectées aux bâtiments commerciaux construites après le 1er juillet 2014, à l'instar du parking du Zénith à Strasbourg ; cette végétalisation limite les risques d'inondation et rend la densification des villes plus supportable. Je vous propose enfin de supprimer l'article 58 ter sur les démarches inter-SCoT, qui sont d'ores et déjà mises en oeuvre de façon volontaire et spontanée sur de nombreux territoires. Inutile d'accroître la complexité : va-t-on devoir parler d'inter-inter-SCoT ?
La deuxième série d'amendements concerne les documents d'urbanisme. Pour éviter le gel des projets en cours en cas d'annulation contentieuse d'un PLU, un amendement à l'article 62 déroge à la règle de caducité et revient temporairement au POS antérieur.
Sur la question du PLU intercommunal (PLUI), je vous propose un amendement de compromis. Nous sommes tous d'accord sur le fait que le PLUI est un excellent outil. Ma conviction est qu'à terme, toutes les communes l'adopteront. Mais le dispositif contraignant prévu par le projet de loi envoie un mauvais signal aux maires qui peuvent légitimement se sentir découragés et démobilisés. Ce serait une grave erreur de se priver de leur compétence d'ingénierie territoriale, gratuite de surcroît. Le caractère obligatoire de cette démarche pose problème ; le délai me paraît précipité, deux ans à peine après l'entrée en vigueur de la loi Grenelle II. Je vous propose donc de revenir à des dispositions moins contraignantes. L'idée du PLUI est acceptée par tous, même par l'Association des maires ruraux de France : son président m'a indiqué que l'idée lui convenait, mais qu'il était gêné par le délai imposé. Je vous propose donc de donner à l'EPCI la capacité d'engager un débat sur le PLUI, mais en introduisant une minorité de blocage avec des seuils très bas : 25% des communes adhérentes représentant 10% de la population ou l'inverse. L'EPCI pourra se ressaisir de cette question à chaque révision d'un PLU, ce qui laisse aux maires la possibilité de changer d'avis.
Une troisième série d'amendements reprend certaines des propositions de la mission d'information sur la loi Littoral actuellement conduite par Odette Herviaux et Jean Bizet. Il s'agit de créer une charte régionale d'aménagement, pour une gestion décentralisée de la loi Littoral, conforme à son esprit d'origine. Un autre amendement encadre, de manière très mesurée, l'urbanisation dans les dents creuses des hameaux, notamment dans les zones rétro-littorales.
La quatrième série d'amendements concerne la lutte contre l'étalement urbain et l'incitation à densifier les agglomérations existantes. Un amendement à l'article 66 supprime la disposition, introduite par l'Assemblée nationale, autorisant les communes de montagne à déroger à la règle de constructibilité limitée pour rendre constructibles les terrains en friche depuis plus de dix ans. Il me semble que l'objectif de contrôle de l'urbanisation doit être encore plus strict en montagne qu'ailleurs. Un amendement à l'article 67 rétablit l'obligation faite à la commune d'élaborer un règlement local de publicité (RLP) lorsqu'elle lève l'interdiction de construire dans la bande des 100 ou 75 mètres le long des routes à grande circulation. Il n'y a pas de risque de RLP portant sur les zones hors agglomération, le RLP ne pouvant porter que sur les zones urbanisées ou avoisinant les centres commerciaux hors agglomérations.
Enfin, un amendement portant article additionnel introduit une importante réforme du droit des sites et sols pollués, à laquelle l'administration travaille depuis quatre ans et qui m'a été présentée lors des auditions. La réhabilitation des friches industrielles, qui est l'une des clés de la densification de l'habitat urbain, implique une maîtrise du risque de pollution des sols et un traitement de ceux-ci lorsque la pollution est avérée. Le pivot de cette réforme est la création de zones de vigilance des sites et sols potentiellement pollués, qui reposeront sur l'information rendue publique par l'État et seront annexées aux documents d'urbanisme. Ainsi, l'information sera plus aisément accessible aux acquéreurs de terrains et aux aménageurs. L'amendement simplifie également les procédures de réhabilitation des sites et sols pollués pour permettre leur changement d'usage et clarifie les responsabilités.
Je vous suggère de donner un avis favorable à l'adoption de ce texte, sous réserve des amendements que je vous propose sur la partie dont notre commission s'est saisie pour avis.