Intervention de Joël Bourdin

Réunion du 6 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Joël BourdinJoël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission ministérielle « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » regroupe, pour 2006, 4, 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2, 95 milliards d'euros en crédits de paiement, répartis en quatre programmes d'inégale importance détaillés dans mon rapport.

Cette présentation doit toutefois être relativisée pour deux raisons principales.

Tout d'abord, cette mission ne regroupe pas l'ensemble des concours publics en faveur de l'agriculture, puisque les crédits communautaires sont très largement contributifs. En effet, les dépenses agricoles de l'Union européenne devraient s'établir à 10, 5 milliards d'euros en 2006, soit plus de trois fois le montant de la présente mission. A cet égard, je tiens à souligner qu'une amélioration devrait être recherchée dans la présentation des crédits concourant à la mise en oeuvre de la politique agricole, afin de mieux cerner les enjeux liés au cofinancement communautaire.

Ensuite, les dépenses fiscales, qui s'élèveront à près de 2, 5 milliards d'euros en 2006, représentent un montant équivalent aux crédits budgétaires de la mission. Je souhaite que la présentation des mesures fiscales concourant à la mise en oeuvre de chaque programme soit améliorée, afin de permettre une évaluation chiffrée de chaque mesure. En outre, les mesures fiscales du projet de loi d'orientation agricole n'ont pas été incluses dans la présentation de la mission pour 2006.

Cette mission est essentiellement centrée sur les dépenses d'intervention.

Les dépenses d'intervention représentent 55 % du total des crédits de la mission et témoignent du poids des dispositifs d'aide en faveur des agriculteurs ou des marchés.

Je m'attarderai, en outre, sur la présentation des dépenses de personnels de la mission. Celles-ci sont concentrées sur deux programmes et représentent un quart des crédits. Je tiens à souligner que ce découpage n'est pas conforme à l'esprit de la LOLF, pas davantage que l'existence d'un programme support au sein de la mission. À l'avenir, une réflexion doit être engagée par le ministère de l'agriculture et de la pêche, afin d'intégrer dans chacun des programmes de la mission les crédits de personnel nécessaires à sa mise en oeuvre, sinon la LOLF n'aurait plus aucun sens.

Avant de présenter, très succinctement, les quatre programmes de la mission, en formulant des observations et des questions, je ferai deux remarques générales.

Tout d'abord, s'agissant de la définition des objectifs et indicateurs, le ministère de l'agriculture et de la pêche s'est engagé dans une démarche de performance, et bien des remarques formulées par la commission des finances sur la définition des critères de performances de la mission ont été suivies d'effet. Ainsi, de nombreux objectifs et indicateurs portent désormais, spécifiquement, sur l'évaluation de l'impact des dispositifs de soutien à l'agriculture et des politiques d'intervention mises en oeuvre par le ministère.

Ensuite, les différents opérateurs de programme constituent une faille dans l'application de la LOLF dans le budget qui nous est présenté. En effet, l'année 2006 est une transition pour les budgets des opérateurs, puisqu'ils ne seront pas encore élaborés « en mode LOLF ».

La principale difficulté réside dans la gestion des personnels des opérateurs, les administrations de tutelle n'ayant pas encore réglé la question des modalités de suivi des personnels en équivalents temps plein travaillés. De manière générale, je tiens à souligner que les informations relatives aux principaux opérateurs de cette mission, contenues dans le bleu, paraissent insuffisantes pour juger de la performance de ces établissements. Monsieur le ministre, les opérateurs associés à cette mission seront-ils prochainement soumis aux règles de la LOLF ?

J'en viens maintenant au détail de mes observations pour chaque programme.

Dans le programme « Gestion durable de l'agriculture, de la pêche et développement rural », le montant des autorisations d'engagement, pour 2006, correspond à plus de 160 % des crédits de paiement demandés pour cette même année. Le niveau très important des autorisations d'engagement est de nature à limiter les marges de manoeuvre, pour l'avenir, du responsable de programme. D'aucuns pourraient y voir le signe d'une « agriculture de guichet », caractérisée par le versement d'aides et de subventions, sans réel souci de mesure de l'efficacité ou de la performance de ses dispositifs, ce qui est contraire à l'esprit de la LOLF.

La justification au premier euro des crédits de ce programme est très documentée et permet d'identifier les dispositifs prioritaires pour 2006, notamment l'appui au renouvellement des exploitations agricoles, avec la poursuite des actions en faveur des agriculteurs en difficulté et de l'installation des jeunes agriculteurs, ainsi que la modernisation des exploitations et la maîtrise des pollutions d'origine agricole.

Monsieur le ministre, à ce sujet, je formulerai deux questions. Tout d'abord, les crédits en faveur des aides à la mise aux normes des exploitations agricoles, notamment au travers du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA, permettront-ils de répondre à l'ensemble des demandes pour 2006 ? Ensuite, une évaluation des crédits destinés aux contrats d'agriculture durable, les CAD, sera-t-elle menée ? Leur nombre, en effet, est décroissant, alors que leur enveloppe budgétaire reste prédominante ?

Le deuxième programme de la mission s'intitule « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés ». Il est marqué par le poids des subventions versées aux principaux opérateurs que sont les offices d'intervention agricole. La présentation de ces subventions, issue de la justification au premier euro, donne le sentiment d'un versement de crédits incompressibles aux opérateurs.

En outre, je note que les données résultant de la consolidation des emplois des opérateurs, qui figurent dans le bleu, ne sont présentées qu'à titre indicatif. Je souhaite donc obtenir, auprès de vous, monsieur le ministre, des informations supplémentaires relatives à la comptabilisation exacte des ETPT rémunérés par les opérateurs.

Par ailleurs, s'agissant toujours des offices, quelles économies sont attendues de la rationalisation de leur fonctionnement, issue de la réforme mise en oeuvre par le projet de loi d'orientation agricole ?

Enfin, la justification au premier euro des crédits demandés pour ce programme est satisfaisante. Je remarque que le financement des dispositifs de gestion des aléas de production est prioritaire. Toutefois, je me permets d'émettre un doute sur la capacité des crédits en faveur du développement de l'assurance récolte prévus pour 2006, soit 20 millions d'euros, à atteindre les objectifs fixés par le projet de loi d'orientation agricole.

S'agissant du programme « Forêt », le troisième de la mission, il ne dispose d'aucun crédit de personnel propre et se voit transférer, pour financer ses agents, des fonds en provenance de deux autres programmes. Monsieur le ministre, une réflexion sera-t-elle menée afin de respecter les principes de la LOLF, en allant dans le sens d'une intégration dans le programme « Forêt » des crédits de personnel qui participent à la mise en oeuvre de la politique forestière ?

La justification au premier euro témoigne du poids des subventions versées aux opérateurs que sont l'office national des forêts et les centres de propriété forestière, qui recevront, au total, près de 190 millions d'euros en 2006, soit plus de la moitié des crédits inscrits dans ce programme.

Enfin, je ne m'attarderai pas sur le quatrième programme de la mission, un programme support intitulé « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture ». À l'avenir, il est nécessaire de tendre vers l'intégration des crédits de soutien au sein de chaque programme, sinon la lisibilité du budget de la mission dans son ensemble serait remise en cause.

Je ferai toutefois une remarque ponctuelle à propos de la justification au premier euro de ce programme. Les crédits de paiement demandés, en 2006, pour l'action n° 4 « Moyens communs » semblent sous-dotés au regard de ceux qui font l'objet d'une justification au premier euro, le différentiel s'élevant à près de 20 millions d'euros. Monsieur le ministre, comment expliquez-vous cette différence ?

Sous réserve de ces remarques, mes chers collègues, je vous propose d'adopter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » - dont nous avons accepté la mise en place lors de la discussion de la première partie du présent projet de loi de finances -, enfin, d'émettre un avis favorable sur l'article 74 rattaché à la mission.

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