Intervention de André Lejeune

Réunion du 6 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de André LejeuneAndré Lejeune :

Si vous annoncez un relèvement du plafond des aides à l'installation, il faut noter qu'une installation sur deux se fait sans aide d'État parce que les critères d'octroi de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, ne prennent pas suffisamment en compte certaines évolutions, notamment les efforts de valorisation de produits sur l'exploitation et l'agrotourisme.

C'est une question fondamentale pour le maintien d'une activité agricole dans les territoires ruraux les moins favorisés, qui ne peuvent se contenter de promesses portant sur un avenir plus ou moins lointain. À trop attendre, certains territoires seront morts.

La politique agro-environnementale fait l'objet, elle aussi, d'un abandon progressif.

Le nombre de contrats d'agriculture durable, les CAD, qui ne sont qu'une pâle copie des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, va encore diminuer pour avoisiner le nombre de 6 000 au lieu de 10 000. Le budget alloué aux CAD ne pourra pas permettre de faire face au renouvellement des mesures « herbe », ni permettre à de nouveaux agriculteurs de s'engager dans des systèmes de production multifonctionnels.

L'orientation que vous avez annoncée dans ce domaine n'est pas de nature à conforter les évolutions agro-environnementales ni la modernisation des exploitations, bien au contraire.

En ce qui concerne les indemnités compensatoires aux handicaps naturels, les ICHN, votre gouvernement ne tiendra pas sa promesse de revalorisation au titre des 25 premiers hectares. Vous devrez assumer cette décision politique qui prive les plus petits agriculteurs d'une aide substantielle dont ils ont bien besoin, surtout en zone de montagne, où ces agriculteurs sont les garants de la vie.

Les crédits affectés au redressement des exploitations en difficulté augmentent cette année, certes, mais nos collègues de l'Assemblée nationale n'ont pas manqué de stigmatiser la situation avec ironie, et ce sur tous les bancs.

L'augmentation, faible en volume, est en effet exponentielle par rapport à l'année passée, puisque cette ligne budgétaire avait été purement et simplement supprimée. Je ne surenchérirai pas, mais ce fonds reste bien inférieur aux besoins prévisibles.

Les dotations budgétaires de la filière bois diminuent de 5 %.

Or la non-application de la loi d'orientation forestière n° 2001-602 du 9 juillet 2001 n'a fait qu'augmenter de façon significative le décalage des dotations budgétaires avec les besoins. Le manque important de pistes forestières ainsi que les fermetures de gares de fret sont un handicap important tant pour la gestion des forêts que pour leur exploitation.

En ce qui concerne la filière lait, je déplore qu'il n'ait pas été envisagé de compenser le désengagement de certains groupes industriels.

Quant à la collecte, qui touche de plus en plus d'éleveurs, notamment en montagne, votre prédécesseur avait promis de s'attaquer à ces problèmes d'écoulement des productions, mais ses promesses, comme celles d'autres ministres auparavant, n'engageaient sans doute que ceux qui les ont écoutées.

Lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, des débats fructueux ont porté sur la réforme de l'institut national d'appellation d'origine. Nous attendons une augmentation substantielle des crédits pour permettre à cet institut de remplir correctement sa mission.

Un autre secteur important pour notre pays, la pêche, ne bénéficie que de 32 millions d'euros alors qu'il est durement touché.

Les restrictions successives, auxquelles s'ajoutent les charges dues à la hausse des produits pétroliers, rendent ce secteur très fragile : c'est toute une filière qui est menacée.

Vos propositions budgétaires, monsieur le ministre, ne résolvent pas non plus le problème du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.

Refusant d'assumer la mensualisation, le gouvernement a demandé à la mutualité sociale agricole, la MSA, d'emprunter, ce qui a déséquilibré sa situation financière. C'était pour le Gouvernement la solution de facilité. Déplacer le problème, ce n'est cependant pas le régler. Un abondement de cette ligne budgétaire est indispensable et nous attendons toujours les mesures relatives à la retraite des conjoints et à l'amélioration de la retraite complémentaire obligatoire.

J'en viens à la formation agricole. L'augmentation de crédits en faveur des maisons familiales est une bonne chose, mais on ne peut pas dans le même temps mettre à mal le budget des lycées agricoles publics. Dans ma région, au lycée agricole d'Ahun, par exemple, la rigueur budgétaire va se traduire par une baisse de 3 % de la dotation horaire globale.

Une lettre de cadrage de la direction générale de l'enseignement et de la recherche ordonne la baisse du budget et l'ajustement de structures éducatives à cette réduction de moyens. En clair, l'administration choisit la fermeture pure et simple d'une filière. C'est une négation complète et explicite du service public d'enseignement qui a pour mission, rappelons-le, de scolariser les enfants et de répondre aux besoins des territoires.

Une de mes préoccupations porte sur le désengagement de votre ministère à l'égard de l'animation rurale ; j'ai déjà eu l'occasion de vous alerter sur cette situation qui ne cesse de se dégrader.

Aujourd'hui, les têtes de réseaux sont quasiment dans une situation de dépôt de bilan, et j'en suis à me demander s'il ne s'agit pas là d'une volonté de votre ministère de faire disparaître les associations.

La fracture avec les zones rurales est grandissante ; c'est pourquoi je vous demande de rétablir le dialogue avec ces associations.

Monsieur le ministre, la rigueur budgétaire est inadaptée à ce secteur d'activité, primordial pour nos zones rurales. Un tel budget ne permet pas d'envisager l'avenir dans de bonnes conditions.

À cette rigueur s'ajoutent des contradictions évidentes puisque, si les autorisations d'engagement sont en augmentation, les crédits de paiement sont en diminution. On peut chiffrer cette diminution à 3 % environ. C'est donc un budget en trompe-l'oeil.

Vous le savez, certaines créances du ministère de l'agriculture ne sont pas assumées.

Pour reprendre une expression de la FNSEA, je dirai que vous avez procédé à un « saupoudrage cosmétique sur la gestion des crises ». C'est au contraire une politique volontariste qu'il faut développer, monsieur le ministre, pour contrecarrer l'intensification de la dérégulation qui expose les agriculteurs aux à-coups du marché, d'autant plus qu'à la dérégulation viennent s'ajouter les inévitables accidents climatiques subis ces dernières années.

Le groupe socialiste ne pourra donc approuver votre budget.

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