Intervention de Paul Girod

Réunion du 6 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Paul GirodPaul Girod :

Bien sûr, cette force animale était moins efficace que celle que nous connaissons maintenant, mais elle n'en était pas moins fondamentale pour l'agriculture de l'époque.

Eh bien, aujourd'hui, d'une façon qui n'est qu'apparemment paradoxale, je me trouve un peu replongé dans cette époque. En effet, après avoir vécu pendant cinquante ans sur l'illusion d'un pétrole inépuisable et bon marché, nous revenons à cette réalité d'une énergie fossile rare, aussi bien dans notre pays que dans le reste du monde, réalité qui se fera encore plus sentir dans les années qui viennent.

C'est ainsi que l'agriculture retrouve des perspectives qui s'étaient éloignées pendant longtemps, ce qui n'avait d'ailleurs fait qu'aggraver, dans notre pays, un fait auquel on n'a peut-être pas suffisamment prêté attention : la France est un pays vide, en ce sens qu'il est peu peuplé au regard de sa superficie.

À cet égard, la comparaison avec les autres pays d'Europe en termes d'occupation de l'espace est tout à fait éclairante : notre pays détient le record avec environ 65 ares de surface cultivable par habitant ; il est suivi par l'Espagne, qui affiche une moyenne d'à peu près 45 ares ; quant aux autres pays, ils ont des chiffres nettement inférieurs, allant même jusqu'à moins de 15 ares par habitant.

En découle la situation particulière de la France au sein de l'Union européenne : nous sommes acculés ou bien à mettre la moitié de notre territoire en jachère ou bien à trouver des débouchés extérieurs à l'Hexagone qui soient suffisamment rémunérateurs pour que nos agriculteurs puissent vivre et se maintenir.

Dans l'ambiance actuelle de déréglementation généralisée des marchés, de référence permanente aux prix du marché international - lequel ne concerne en fait que 10 % de la production agricole mondiale -, l'agriculture française se trouve tout naturellement accusée par le reste de l'Europe d'être un frein à la mise en place d'une économie libéralisée.

Or il me souvient que, après la guerre, alors que je n'étais pas encore agriculteur, mais un adolescent simple consommateur, la France est sortie de la période des restrictions avec quatre ou cinq ans d'avance par rapport à la Grande-Bretagne. Pourquoi ? Parce qu'il y avait une agriculture française et qu'il n'y avait pas d'agriculture britannique, l'existence du Commonwealth n'y changeant rien. Autrement dit, la sécurité alimentaire, ce n'est pas rien !

J'en viens à ma première question.

Monsieur le ministre, nous nous trouvons actuellement devant une réorganisation générale de l'agriculture, en particulier avec une reconversion possible vers la production de biocarburants.

Vous avez d'ailleurs présidé, le 21 novembre dernier, avec votre collègue M. François Loos, ministre de l'industrie, une table ronde consacrée aux biocarburants et qui semble avoir abouti de manière positive, ce dont je me réjouis. Je me réjouis surtout de constater que, s'agissant des biocarburants, la position de nos entreprises pétrolières évolue. En effet, quand le baril de pétrole était à 20 dollars, elles nous expliquaient qu'il fallait attendre qu'il soit à 40 dollars pour que les biocarburants deviennent rentables, mais, quand il atteignait 40 dollars le baril, il fallait attendre qu'il soit à 50, etc. Aujourd'hui, elles paraissent commencer à admettre l'utilité et la rentabilité des biocarburants, ou au moins de certains d'entre eux, et c'est une bonne chose.

Ainsi, de nouvelles perspectives s'ouvrent pour notre agriculture. Mais, en même temps, nous vivons une mondialisation effrénée. C'est pourquoi, monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre sentiment devant le risque d'une arrivée massive de biocarburants de l'extérieur de nos frontières.

N'oublions pas que, dans les négociations de l'OMC, les pays qui s'expriment le plus, ce ne sont pas les pays pauvres : ce sont ceux du groupe de Cairns, en particulier le Brésil, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, qui se préparent à inonder le monde d'un certain nombre de produits sur lesquels nous comptons pour sauver notre agriculture, notamment les biocarburants.

Je rappelle que le Brésil est en train de mettre au point une loi par laquelle il s'autorise lui-même à raser la forêt amazonienne sur une surface qui équivaut à deux fois l'étendue du Portugal ! Ce n'est certainement pas pour satisfaire les besoins des seuls consommateurs brésiliens !

Ma deuxième question rejoint l'une de celles que vous a posées l'orateur précédent et a trait à la forêt.

Élu d'un département forestier, je suis un peu perturbé par les décisions prises - de manière, semble-t-il, non coordonnée - par la SNCF et par l'ONF, décisions qui jettent un trouble certain dans les entreprises de sciage et chez les exploitants forestiers.

Quelles consignes donnez-vous à l'ONF, qui vit tout de même des deniers publics, pour aboutir à une commercialisation plus dynamique des bois dans notre pays ? Je sais bien qu'il y a eu la catastrophe provoquée par la tempête de 1999, mais cela ne suffit pas à expliquer toutes les difficultés que la filière forestière rencontre actuellement.

Ma troisième question concerne la politique agro-environnementale.

Moi, je veux bien que les agriculteurs soient des « nuls », des « bourreaux de la nature », etc., mais je ne suis pas certain que la manière dont on s'adresse à eux pour les amener à adopter des comportements plus écologiques soit vraiment la bonne. Il existe d'autres méthodes que le contrôle et la punition ! Vous avez d'ailleurs, dès votre arrivée à ce ministère, mis fin à un certain nombre d'excès qu'on avait pu constater, et je vous en remercie.

Cela dit, est-il bien sérieux que, à différents échelons, des responsables des contrôles effectués auprès des agriculteurs prennent leur plume pour leur imposer soudain des réglementations du type : « Si vous décidez de semer un engrais vert à telle date, vous n'aurez le droit de labourer que tel jour, et cela quelles que soient les conditions climatiques » ?

Monsieur le ministre, dans les crédits que vous sollicitez et que nous allons bien entendu vous accorder parce que nous avons confiance en vous et que nous savons que votre action va dans le bon sens, ne pourrait-il y avoir une petite place pour la formation des agents de contrôle de l'agriculture à la réalité des contraintes de l'agriculture ? Je crois que les agriculteurs vous en sauraient gré !

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