Ce texte était particulièrement attendu. Vous l'aviez annoncé l'année dernière, Madame la ministre, à l'occasion de la discussion de la loi relative à la mobilisation du foncier public. Vous avez tenu parole. Le projet de loi a été déposé le 26 juin par le gouvernement et adopté le 17 septembre par l'Assemblée nationale qui l'a considérablement modifié et enrichi. Il comptait initialement 84 articles et 220 pages ; il comprend à présent plus de 150 articles, près de 320 pages. C'est un des plus longs de la Vème République ! Ambitieux, il est une nouvelle illustration de la priorité donnée par le gouvernement à la politique du logement. Depuis mai 2012, de nombreuses mesures importantes ont été prises : le 1er août 2012, décret sur l'évolution des loyers en zones tendues, destiné à lutter contre la spéculation et les hausses abusives des loyers ; en octobre 2012 puis en octobre 2013, relèvement du plafond du livret A, qui finance le logement social ; le 18 janvier 2013, loi relative à la mobilisation du foncier public, qui autorise la cession de terrains publics avec décote (jusqu'à 100 %) pour la construction de logements sociaux. Les obligations de construction de logements sociaux dans les communes soumises à l'article 55 de la loi SRU ont été relevées. Dans la loi de finances pour 2013, un nouveau dispositif fiscal en faveur de l'investissement locatif, le « Duflot », a été adopté avec un plafond de loyer fixé à 80 % des loyers du marché en fonction des zones. Le 12 novembre 2012, une lettre d'engagement a été signée entre l'État et Action Logement, afin de renforcer l'intervention de ce dernier en faveur du logement social. Un pacte d'objectifs et de moyens a été conclu en juillet entre l'État et le mouvement HLM, comprenant un engagement de l'État de réduire à 5 % au 1er janvier 2014 le taux de TVA pour la construction et les travaux de rénovation de logements sociaux, mais aussi un dispositif de mutualisation financière entre les organismes. Enfin, la loi d'habilitation du 1er juillet a réduit les délais de procédure pour les chantiers de construction et l'ordonnance relative aux recours abusifs a été publiée le 17 juillet.
Le présent projet de loi s'inscrit donc dans la continuité de toutes ces initiatives, qui visent à répondre à la crise du logement. Compte tenu de l'ampleur du texte, notre commission m'a désigné pour examiner les titres Ier et II, et M. Claude Bérit-Débat est chargé des titres III et IV.
Le titre Ier vise à favoriser l'accès de tous à un logement digne et de prix abordable : il comprenait initialement 23 articles, les députés en ont ajouté 20. Il réforme la loi Malandain-Mermaz de 1989 relative aux rapports locatifs. Il comprend plusieurs mesures importantes, certaines votées par le Sénat en 2011 lors de l'examen de la « loi Lefebvre ». Un contrat de location type et un modèle type d'état des lieux sont créés, les obligations du locataire en matière d'assurance renforcées. Le propriétaire pourra, se substituant au locataire négligeant, souscrire une assurance dont il répercutera le montant dans les charges locatives. Le délai de préavis de congé donné par les locataires est réduit à un mois dans les « zones tendues ». La plupart des dispositions de la loi de 1989 sont étendues aux logements meublés en résidence principale. Une sanction est prévue en cas de non restitution du dépôt de garantie par le bailleur dans le délai légal de deux mois.
L'encadrement de l'évolution des loyers dans les zones tendues est la mesure phare de ce volet du projet de loi. Sur la base des données collectées par les futurs observatoires locaux des loyers, le préfet fixera un loyer médian de référence et les loyers ne pourront lui être supérieurs de plus de 20 %. Cette mesure était très attendue par nos concitoyens. Au cours des vingt dernières années, les loyers ont en effet augmenté plus vite que les revenus des locataires : sur la base d'un indice 100 en 1993, les loyers atteignaient 137 en 2006, quand le revenu moyen des locataires se trouvait à 117. Mesure inflationniste, crient certains, mais les députés ont écarté tout risque de ce type. Les loyers situés sous le loyer médian minoré, fixé à 70 % du loyer médian de référence, pourront être réévalués par le bailleur lors du renouvellement du bail, mais ils ne pourront excéder le niveau du loyer minoré.
Les députés ont également beaucoup amendé la loi de 1989 et je vous proposerai d'encadrer davantage les pénalités pour impayés, ainsi que l'évolution des loyers dans les « zones non tendues ».
Les députés ont introduit sept articles relatifs à la location meublée de courte durée. Cette question pose problème dans les zones tendues, notamment à Paris, où 20 000 logements seraient transformés en locaux meublés temporaires. Des rues entières sont devenues des hôtels de tourisme alors que des familles attendent un logement. Il convient donc de renforcer la régulation de cette activité.
Le deuxième volet du titre Ier porte sur la garantie universelle des loyers (GUL). L'article 8 voté par les députés se contente de fixer le principe de cette garantie. Je me réjouis donc que le gouvernement ait déposé un amendement pour en préciser les modalités. La GUL fait débat ; et pourtant, elle transcende les clivages politiques puisque Marie-Noëlle Lienemann y est favorable, tout comme Jean-Louis Borloo ou Benoist Apparu. J'ai été convaincu de son intérêt par deux éléments : les dispositifs antérieurs ont mal fonctionné puisqu'on compte à peine 250 000 contrats de garantie des risques locatifs (GRL). L'échec tient à l'absence de caractère universel, comme l'a d'ailleurs noté l'association pour l'accès aux garanties locatives (APAGL), organisme paritaire qui gère la GRL, et dont plusieurs membres du conseil d'administration ont pris position en faveur de la GUL.
Second élément, certains estiment que le dispositif est trop favorable aux locataires. Je ne partage pas ce jugement. L'agence de la GUL récupérera les impayés à la place des bailleurs. Il faudrait sans doute aller plus loin, et qu'elle puisse s'appuyer sur le Trésor public.
Le troisième volet de ce titre porte sur la réforme de la loi Hoguet de 1970. Il convient de renforcer la formation, la déontologie et le contrôle des professions de l'immobilier. La création d'un Conseil national de la transaction et de la gestion immobilière, chargé de représenter les professionnels et qui sera consulté par les pouvoirs publics, est très attendu, tout comme les commissions régionales de contrôle, organes disciplinaires.
Le quatrième volet porte sur la prévention des expulsions, notamment par un traitement des impayés le plus en amont possible. Les locataires seront informés très précisément de leurs droits. Huissiers, préfets, commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX), fonds de solidarité pour le logement (FSL) devront communiquer entre eux, pour proposer des solutions précoces et adaptées. Je vous proposerai des ajustements, l'Assemblée nationale ayant principalement introduit une possibilité d'élargissement de la trêve hivernale.
Le cinquième volet vise à faciliter les parcours de l'hébergement au logement. Il donne une base législative et une reconnaissance aux services intégrés d'accueil et d'orientation, qui relevaient d'une circulaire. Le pilotage de l'État est renforcé, tout comme l'articulation entre logement et hébergement ou la gouvernance des mécanismes au niveau régional : la compétence du comité régional de l'habitat est étendue aux politiques de l'hébergement ; les plans départementaux consacrés aux personnes sans domicile et les plans départementaux relatifs aux personnes défavorisées sont fusionnés ; les règles de fonctionnement du FSL sont précisées pour favoriser non seulement le maintien dans le logement, mais aussi les solutions de relogement après apurement des dettes.
Ce volet traite de plusieurs sujets sensibles, comme l'attribution de logements sociaux en bail glissant à des ménages relevant du droit au logement opposable : choix difficile... Je vous proposerai de nous rallier au pragmatisme, assorti de garanties. Les règles de domiciliation sont simplifiées, mais les centres communaux d'action sociale (CCAS) pourraient voir leur charge de travail augmenter sans contrepartie. Enfin, je vous proposerai de préciser les conditions de la prolongation de l'expérimentation de l'occupation de locaux vacants par des résidents temporaires.
Le dernier volet de ce titre porte sur l'habitat participatif, qui ne concerne que quelques centaines de logements en France contre plusieurs centaines de milliers dans les pays du nord de l'Europe. C'est dire les marges de progression de cette « troisième voie » de logement, et qui justifie d'en parfaire l'encadrement juridique. Le projet de loi crée deux formes de sociétés d'habitat participatif : les coopératives d'habitants et les sociétés d'autopromotion. Ces dernières attribuent à leurs associés personnes physiques la jouissance d'un logement et leur en accordent la propriété. Les auditions ont été très animées sur cette question et nous devrons nous prononcer sur l'ouverture de ces sociétés aux capitaux et aux personnes qui souhaitent s'engager dans cette voie. Pour la valorisation des parts sociales, il est raisonnable de choisir comme base de référence l'évolution des loyers, afin d'éviter la spéculation.
Le titre II porte sur la lutte contre l'habitat indigne et les copropriétés dégradées. Les articles 23 à 40, auxquels je suis particulièrement attaché, concernent les copropriétés. Ces dispositions attendues et consensuelles s'inspirent du rapport de notre ancien collègue Dominique Braye, président de l'agence nationale de l'habitat (Anah), et des propositions que j'avais formulées comme parlementaire en mission en avril dernier. La création d'un registre des syndicats de copropriétaires devrait dissiper le flou actuel. Les informations fournies dans les annonces immobilières et lors de la vente d'un lot de copropriété seront plus précises. L'ouverture d'un compte séparé pour le syndicat de copropriétaires deviendra obligatoire.
En outre, un copropriétaire en impayé de charges ne pourra pas acquérir un autre lot dans la même copropriété : je remercie la ministre d'avoir introduit cette disposition fondamentale pour lutter contre les marchands de sommeil. Les procédures prévues pour redresser les copropriétés dégradées, celle du mandataire ad hoc, l'administration provisoire ou encore l'état de carence, seront renforcées. Enfin, le texte prévoit des opérations de requalification des copropriétés dégradées et des opérations de requalification des copropriétés dégradées d'intérêt national, lorsque leur complexité ou l'ampleur des financements excèdent les capacités d'intervention des collectivités territoriales.
Une disposition importante a été introduite à l'Assemblée nationale : le fonds de prévoyance - proposé dans le rapport Braye - constitue une assurance contre la dégradation des copropriétés. Les députés ont proposé que ce fonds ne concerne que les copropriétés de plus de 50 lots non couvertes par la garantie décennale. Je proposerai d'abaisser ce seuil à 10 lots. Un autre amendement impose aux copropriétaires, bailleurs ou occupants, de prendre une assurance : près de la moitié des copropriétaires non occupants n'en ont pas pour les risques dont ils doivent répondre en tant que propriétaires ! Or cela peut mettre en difficulté certaines copropriétés.
L'autre volet de ce titre porte sur la lutte contre l'habitat indigne. Ce sujet me tient également à coeur. La persistance d'un habitat indigne rentabilisé sans scrupule par des marchands de sommeil est une réalité très préoccupante dans les zones tendues, où l'offre de logement est cruellement insuffisante. L'article 41 vise à unifier les polices spéciales en matière d'habitat au bénéfice des présidents d'EPCI. Ceci n'épuise pas le sujet de l'extrême complexité des procédures, tant concernant l'insalubrité que le péril, ou encore la sécurité des équipements communs dans les immeubles collectifs d'habitation. Un amendement sécurisera ce transfert, tout en préservant la liberté de choix des maires.
S'agissant de la lutte contre les marchands de sommeil, les articles 42 et 43 bis C instaurent des peines complémentaires à la condamnation pénale, interdisant l'achat d'un bien immobilier à usage d'habitation pendant cinq ans ou confisquant l'usufruit de l'immeuble ayant servi à commettre l'infraction.
Introduits par l'Assemblée nationale, les articles 46 sexies A, 46 septies et 46 octies permettraient d'instaurer des zones dans lesquelles sont soumis à autorisation préalable du maire ou du président de l'EPCI les travaux entraînant la division d'un logement existant en plusieurs locaux d'habitation ou la mise en location d'un logement. Je vous proposerai de supprimer l'autorisation préalable de mise en location, qui soulève trop de difficultés pratiques et juridiques.