Le titre III a un objectif très ambitieux, « améliorer la lisibilité et l'efficacité des politiques publiques du logement », qui s'incarne en quatre idées : plus de transparence dans le secteur du logement social, surtout pour les demandeurs ; développer les coopérations, voire les regroupements, tout en préservant les spécificités de chacun ; l'intercommunalité comme pivot de la stratégie territoriale ; enfin, des relations entre l'État et le mouvement HLM fondées sur un partenariat contractuel, car la réussite de la politique du logement passe par la mobilisation volontaire des acteurs.
L'Assemblée nationale a ajouté quelques articles mais a globalement respecté l'esprit initial du titre III du projet de loi.
L'article 47 simplifie la demande de logement social, et, surtout, facilite l'information du demandeur sur l'état d'avancement de son dossier. En outre, il oblige les intervenants qui traitent les demandes à partager l'information et à se coordonner, autour d'un système national d'enregistrement des demandes mieux tenu à jour.
La coordination se fera à l'échelle de l'intercommunalité, avec un plan partenarial de gestion de la demande - obligatoire pour les EPCI dotés de la compétence habitat, renvoyé à la responsabilité du préfet pour les autres. Ce plan indiquera comment les bailleurs et les collectivités travailleront ensemble, mais aussi comment sera dispensée l'information auprès des demandeurs.
Les articles 49 et suivants confortent les missions des organismes HLM, quel que soit leur statut. Le texte les autorise à intervenir davantage dans les copropriétés dégradées, dans l'habitat participatif, mais aussi à jouer un rôle social. La séparation entre hébergement et logement est artificielle. La palette des outils dont disposent les organismes HLM est élargie, mais ils devront respecter la réglementation européenne, stricte en matière d'aides publiques, afin de ne pas surcompenser les charges résultant du service d'intérêt économique général que rendent ces organismes. Le régime juridique applicable aux sociétés d'économie mixte, qui peuvent elles aussi intervenir dans le secteur commercial classique, est précisé par l'article 50.
Le rôle pivot des intercommunalités est rappelé par l'article 52 relatif au rattachement automatique des offices publics de l'habitat communaux aux intercommunalités, au plus tard en 2017.
L'article 56 renforce aussi la place du programme local de l'habitat (PLH) dans les politiques territoriales du logement : élaboré par l'intercommunalité, il fixe pour six ans les objectifs et identifie les actions à mener. Les délégations d'aides à la pierre lancées en 2004 ayant été un succès, la liste des instruments que l'État peut déléguer aux EPCI est élargie : aides à la pierre dans le parc public, aides de l'Anah, droit au logement opposable, réquisitions de logements vacants, hébergements d'urgence. Le projet de loi améliore aussi la gouvernance et l'organisation du secteur du logement social, mais sans provoquer de révolution.
L'objet de l'article 48 était initialement restreint mais l'amendement adopté à l'Assemblée nationale organise une plus vaste réforme avec la fusion de la mission interministérielle d'inspection du logement social (Miilos) avec l'agence nationale pour la participation des employeurs à l'effort de construction (Anpeec) pour donner naissance à un organisme unique de contrôle et d'évaluation de l'ensemble des acteurs du logement social, l'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols). L'article 55 étend les missions de la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS).
Ces deux modifications sont très prudentes. L'unification du contrôle des bailleurs sociaux et des collecteurs du 1 % a été préconisée par plusieurs rapports et fait consensus. De même, concernant la CGLLS, le texte ne va pas jusqu'à siphonner ses réserves pour financer le logement social.
L'article 57, enfin, réforme la gouvernance du 1 % logement. On revient à une définition contractuelle entre l'État et l'Union des entreprises et salariés pour le logement (UESL) pour décider de l'utilisation des ressources, alors que la loi de mobilisation pour le logement et de lutte contre l'exclusion de 2009 consacrait la prééminence à l'État. L'UESL est renforcée comme tête de réseau, pour imposer aux collecteurs le respect des objectifs de la convention. Enfin, il est demandé aux collecteurs du 1 % de travailler non seulement pour les salariés mais aussi pour les populations en difficulté.
L'Assemblée nationale a enrichi le texte initial sans le dénaturer, en élargissant l'accès au logement social pour les personnes âgées, défalquant du calcul du plafond de ressources les dépenses d'hébergement du conjoint en maison de retraite, en facilitant le dépôt de demandes de logements sociaux pour les couples en instance de divorce. Le nouveau plan partenarial de gestion de la demande de logement pose un délai maximum d'un mois pour recevoir le demandeur. La voie est ouverte, prudemment, à un système de cotation des demandes. Le supplément de loyer de solidarité sera affecté à des remises sur loyers pour les plus défavorisés, la mobilité au sein du parc HLM sera encouragée. Le plafonnement des augmentations de loyers est prolongé de trois ans.
Les députés ont étendu les missions des bailleurs sociaux, qui pourront ainsi s'associer à des sociétés civiles immobilières dans des projets de construction. Ils ont protégé les bailleurs sociaux en prévoyant que leurs opérations dans les copropriétés dégradées bénéficieraient de la même exonération d'impôt que leurs autres activités. Ils ont permis enfin aux bailleurs sociaux d'avoir plusieurs comptes bancaires, en particulier plusieurs livrets A.
Les députés ont aussi favorisé l'accession sociale à la propriété en imposant une décote - de 10 %, et non 35 % - pour la vente de logements sociaux à leurs occupants éligibles au prêt à taux zéro. Il s'agit là encore de permettre aux bailleurs sociaux de récupérer des moyens pour investir dans de nouveaux projets. De même, la CGLLS abondera un fonds de soutien à l'innovation des bailleurs sociaux. Les députés ont également cherché à faciliter la mise en oeuvre du dispositif de mutualisation entre bailleurs, sur lequel l'Union sociale de l'habitat et l'État se sont accordés dans la convention signée en juillet 2013. Pour aider à la rénovation du parc, ils ont aussi créé un statut pour le tiers financement dans le cadre de rénovations thermiques des bâtiments.
Je proposerai peu de modifications sur le titre III. Hormis la suppression d'un rapport au Parlement et des amendements rédactionnels, je souhaite, à l'article 47, confier la gestion du système national d'enregistrement non pas à l'Association nationale d'information sur le logement (Anil) mais à un GIP afin d'associer l'ensemble des organismes qui reçoivent les demandes de logement. Un autre amendement prévoit l'expression des diverses opinions en annexe des rapports de l'Ancols, comme pour les rapports de la Cour des comptes.
Je proposerai de ne pas pénaliser les sociétés d'économie mixte par rapport aux organismes HLM. Dès lors que leur activité est identique, les mêmes règles doivent s'appliquer, dans le respect de la réglementation européenne. Un amendement conforte le dispositif de mutualisation entre bailleurs sociaux, afin d'obliger tous les acteurs à agir dans le même sens. Enfin, je serai favorable aux amendements étendant encore les missions des bailleurs sociaux, même s'il ne faut pas trop disperser leurs interventions, pour éviter l'illisibilité de la politique du logement.
J'en viens au titre IV consacré à la réforme des documents de planification urbanistique et des outils d'aménagement opérationnel. Comme le reste du projet de loi, cette partie du texte s'est beaucoup enrichie au cours des débats à l'Assemblée : 27 articles initialement, 43 maintenant. La lutte contre la consommation excessive d'espace et les mesures en faveur de la densification du bâti tiennent ici une place importante. Une révision sera exigée pour ouvrir à l'urbanisation les zones à urbaniser créées depuis plus de neuf ans. La réforme des outils de maîtrise foncière et d'aménagement opérationnel est le complément indispensable d'une politique ambitieuse de construction de logements.
Le code de l'urbanisme n'est pas bouleversé, mais certains blocages seront levés : évolution des documents des lotissements, création des associations foncières urbaines de projet (Afup) pour fédérer des propriétaires privés sur la conduite d'opérations d'aménagement délaissées par les aménageurs classiques, simplification du régime des zones d'aménagement concerté (ZAC) et des conventions de mandat d'aménagement, création des projets d'intérêts majeurs associant les collectivités territoriales et l'État, à l'image des contrats de développement territorial du Grand Paris.
En ce qui concerne les établissements publics fonciers, l'objectif est d'assurer la couverture intégrale du territoire par des outils d'ingénierie foncière et financière performants au service des territoires. La superposition des établissements publics fonciers (EPF) d'État sur le périmètre d'EPF locaux préexistants sera désormais encadrée, afin de garantir une bonne complémentarité.
Afin de faciliter la mobilisation des gisements fonciers dans le cadre d'opérations d'aménagement d'intérêt général, l'exercice du droit de préemption sera juridiquement sécurisé, en s'inspirant de l'étude du Conseil d'État de 2007 et de la proposition de loi du président Daniel Raoul de 2011, qui visait « à faire du droit de préemption urbain un véritable outil de politique foncière au service de l'aménagement des territoires ».
Un autre grand volet du titre IV concerne les documents de planification. Diverses dispositions faciliteront l'élaboration et la gestion des documents d'urbanisme et les sécuriseront sur le plan juridique. Ainsi, l'article 58 renforce le rôle des schémas de cohérence territoriale (Scot). Pas de grande rupture, mais des améliorations, dans la continuité du Grenelle II. Ainsi, la hiérarchie des normes d'urbanisme autour du pivot, le Scot, est clarifiée ; la règle d'urbanisation limitée est durcie.
Les procédures d'élaboration des cartes communales seront précisées et les servitudes d'utilité publiques leur seront annexées, comme c'est déjà le cas pour les PLU. Le texte prévoit la caducité des plans d'occupation des sols (POS). Les communes ou les EPCI dotés d'un POS, qui n'auront pas engagé sa révision et sa mise en forme de plan local d'urbanisme (PLU) avant le 31 décembre 2015 seront soumises au règlement national d'urbanisme.
La principale réforme des documents d'urbanisme concerne les plans locaux d'urbanisme (PLU), avec le transfert automatique de la compétence aux communautés d'agglomération et de communes. Ce point est au centre des préoccupations de tous. Certains, dont je suis, sont plutôt favorables à la mesure, estimant que l'intercommunalité est le bon niveau d'organisation de l'espace aujourd'hui. Question de moyens d'une part, car c'est à l'échelle intercommunale qu'on peut le plus aisément rassembler la capacité d'ingénierie indispensable à la réalisation d'un PLU de qualité. Surtout, logements, services publics et équipements collectifs, commerces, transports, tous ces éléments qui structurent les modes de vie de nos concitoyens sont dispersés sur un territoire intercommunal.
Certains craignent que ce faisant on dépouille les communes de l'une de leur compétence fondamentale. Sur ce point, je redis avec force que la compétence en matière d'autorisation du droit des sols reste aux maires. Je rappelle aussi qu'environ 6 000 communes sont couvertes par une carte communale, 7 500 par un POS et 10 500 par un PLU. Les 13 000 autres, surtout rurales, ne sont couvertes par aucun document et sont soumises de plein droit au règlement national d'urbanisme. Le transfert de compétences est donc pour ces communes non pas la perte d'une compétence mais la reconquête au niveau intercommunal d'une compétence perdue de facto au niveau communal ! Du reste, les retours d'expérience des élus qui se sont engagés dans un PLU intercommunal montrent que les peurs sont largement déconnectées de la réalité.
En tant que rapporteur, je me dois toutefois de prendre en compte les interrogations, sinon la franche opposition, que cette réforme suscite. Le texte de l'Assemblée nationale ne peut être adopté en l'état au Sénat...