Je remercie Marie-Noëlle Lienemann pour son hommage au travail en commun. La collaboration avec les parlementaires fut aussi utile que satisfaisante, et le projet de loi, déjà enrichi par son passage à l'Assemblée nationale, le sera certainement encore au Sénat.
La GUL a plusieurs finalités, dont l'accès au logement. Une de mes premières préoccupations fut la mise en oeuvre d'une caution solidaire pour les jeunes. Or celle-ci est facilitée par l'universalité - les dispositifs spécifiques mis en place par certaines régions n'ont pas fonctionné. La GUL ne se réduit donc pas à la garantie des impayés. Il y a aussi la prévention des expulsions, vis-à-vis des familles comme des propriétaires.
L'encadrement des loyers serait un problème parisien ? Là où il n'y a pas de problème de loyers, l'encadrement sera indolore, et tant mieux s'il est inutile. Mireille Schurch s'inquiétait de l'inflation : ce dispositif n'a pas vocation à bloquer les loyers mais à les contenir durablement à un niveau compatible avec les revenus. Cela concerne non seulement l'Ile-de-France, mais aussi la région Rhône-Alpes, les zones littorales, le Sud-Est, le Sud-Ouest : autour de Bayonne, par exemple, les jeunes familles sont obligées de partir faute de trouver à se loger. En dix ans, les loyers ont augmenté de 40 % à la relocation dans les zones tendues, ce qui n'a aucun rapport avec l'évolution des revenus. De nombreux ménages, y compris des classes moyennes, non concernés par le logement social, se trouvent dans des logements trop petits car les loyers sont trop élevés.
Le logement est un bien de première nécessité. L'investissement immobilier est un investissement durable, sans risques - la GUL renforcera la sécurité - mais à faible rentabilité : il faut le dire clairement. De même la défiscalisation Duflot a une contrepartie, avec le plafonnement de loyer. Or la rentabilité des investissements dans l'ancien, en Ile-de-France, dépasse aujourd'hui les 20 %. Le marché immobilier est donc déséquilibré. Nous visons la régulation, non l'administration, de ce marché. C'était l'engagement n° 22 du président de la République. Le niveau des prix de l'immobilier est d'ailleurs un facteur important de dégradation de notre compétitivité : il stérilise une partie de l'épargne et freine la mobilité professionnelle.
Tous les députés ont voté les dispositions en faveur de la lutte contre l'habitat indigne. Nous ne pouvons pas laisser les élus désarmés face à des personnes de mauvaise foi qui utilisent les failles de la loi. Je suis allée à Saint-Denis dans un immeuble où trois personnes sont mortes dans un incendie ; un pompier a été grièvement blessé. Cet immeuble était surveillé par la mairie, des procédures étaient en cours, mais le propriétaire, un avocat très habile, avait échappé à toute contrainte pendant des années. La fin de l'histoire est triste aussi : la commune a décidé de racheter l'immeuble, mais le prix estimé est deux fois et demie supérieur au prix d'acquisition. C'est indécent et scandaleux.
J'ai compris l'offensive menée par les professionnels de l'immobilier. Le dirigeant de Century 21 m'a expliqué qu'il fallait transformer les bureaux en logements et favoriser la surélévation des immeubles, plutôt que d'encadrer les loyers. Or les ordonnances sont déjà publiées ! Il ne s'agit donc que d'une volonté de faire obstacle à la régulation.
Comment pouvez-vous dire que le mouvement HLM n'est pas au rendez-vous ? Il a décidé la mutualisation de ses fonds propres, et les premiers chiffres indiqués par le président de l'USH montre que les constructions ont augmenté de 5 % au moins par rapport à l'an dernier. Ne disons pas n'importe quoi, donc ! Les professionnels savent bien que le secteur du bâtiment est l'un de ceux qui souffrent le plus en période de crise - et l'un de ceux qui repartent le plus vite ensuite. La confiance est primordiale. Un dirigeant m'a avoué qu'il regrettait d'avoir trop décrié le dispositif Duflot, car cela se ressent sur les ventes : c'est ce qu'on appelle une prophétie auto-réalisatrice ! Lorsque le projet de loi sera voté, le climat changera. Le secteur a vocation à repartir.
Nous souhaitons à la fois soutenir la construction et réformer en profondeur une situation insatisfaisante pour tout le monde. Si le marché libre avait été une solution, nous ne connaîtrions pas une crise aujourd'hui. La hausse de rentabilité a renchéri le foncier, ce qui a diminué la clientèle solvable : le système s'est embolisé. C'est ce que disent certains grands promoteurs, qui ne sont pas hostiles à l'idée d'un plafonnement du prix du foncier pour empêcher cette augmentation infernale des prix.
Nous avons tenu compte du travail de concertation sur les aides personnalisées au logement (APL), ainsi que des leçons de la conférence de lutte contre la pauvreté. Le monde HLM ne se détourne pas des plus fragiles. Ce qui est certain en revanche, c'est que les bailleurs sociaux doivent faire face à une paupérisation de leurs locataires ; et que les niveaux de loyers sont plus élevés depuis quelques années. D'où l'importance des APL et d'un super-PLAI, abondé par les amendes infligées aux communes qui ne respectent pas les 25 % de logements sociaux. Nous doublerons aussi le forfait charges dans l'APL pour rendre solvables les ménages les plus fragiles.
Notre travail tient compte des réflexions de chacune et chacun. Nous respectons l'inquiétude exprimée à propos des PLUI. Mais à l'Assemblée nationale, le débat a duré un quart d'heure et l'article a été adopté à l'unanimité. La position des députés est claire, car ce débat est ancien, depuis un rapport de 1976... Le caractère obligatoire rendra le PLUI automatique, sauf si les élus ont de bonnes raisons de s'y opposer. Pourquoi ? Parce que lorsqu'un élu propose un PLUI, les autres peuvent avoir un doute sur sa motivation secrète. Une obligation impersonnelle rendra le débat plus serein, et il sera possible de s'opposer au projet. Gérard Bailly a lu un écrit de la DDT, qui confirme le risque de nécrose des bourgs-centres. Il ne s'agit pas d'y concentrer la population au détriment de l'espace rural, mais nous le savons tous, dans des milliers de petites villes, du fait de l'inadaptation des bâtiments, construits dans les années quarante et cinquante, les habitants partent, ainsi que les commerces : les volets sont fermés en permanence, il y a des risques de squat...
Nous travaillons sur l'idée de donner à la GUL le privilège du Trésor public, dont le taux de recouvrement est deux fois plus élevé que la normale. Cela aurait un effet dissuasif vis-à-vis des mauvais payeurs. L'Anil a réalisé une étude sur les impayés : 60 % résultent de ruptures sociales ou familiales, 40 % de comportements de mauvaise foi. Nous aurons donc un double dispositif, dont nous vérifions actuellement les modalités. Notre méthode fait une large part à vos observations. Dans quelques années, chacun se demandera comment l'on faisait avant la création de la GUL.