Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 10 octobre 2013 à 9h00
Contrôle des comptes des comités d'entreprise — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre assemblée est réunie aujourd’hui pour débattre de la proposition de loi présentée par notre collègue Catherine Procaccia, visant à établir un contrôle des comptes des comités d’entreprise.

Je veux à mon tour commencer par saluer l’important travail réalisé par l’auteur et rapporteur de ce texte, Catherine Procaccia, à laquelle j’associe bien sûr Caroline Cayeux, auteur de la proposition de loi relative à la gestion des comités d’entreprise, jointe à la proposition que nous examinons aujourd’hui.

Le texte proposé ici par la commission est le fruit de nombreuses auditions, témoignant d’un souci de dialogue et de concertation qui mérite d’être salué.

Cette proposition de loi vise à renforcer le contrôle des comptes des comités d’entreprise et à soumettre leur fonctionnement à plus de transparence.

Il est bien entendu normal que les comités d’entreprise gèrent librement les fonds dont ils disposent, que ce soit dans le cadre de leurs attributions économiques ou dans celui des activités sociales et culturelles qu’ils organisent.

Cette liberté de gestion est d’ailleurs protégée par le code du travail et ne fait pas débat.

Toutefois, chacun sait que la liberté, pour être réelle, implique des règles.

Dans le cadre des activités sociales et culturelles, les comités d’entreprise, outre la subvention de fonctionnement, reçoivent une contribution de l’employeur qui ne peut être inférieure au total des sommes affectées aux dépenses sociales de l’entreprise au cours de l’une des trois dernières années, sauf, bien sûr, si la masse salariale baisse. Dans ce cas, la contribution diminue à proportion, ce qui peut parfois être source de difficultés pour des comités d’entreprise dans la gestion des activités engagées sur plusieurs années au bénéfice des salariés.

La plupart des comités d’entreprise gèrent des sommes relativement modestes. Toutefois, certains, dans des groupes importants, disposent de fonds conséquents.

Quoi qu’il en soit, tous, à l’égal des autres organismes publics et privés, doivent se soumettre à des procédures de contrôle de leurs comptes et de leur gestion, qui peuvent être adaptées en fonction de leur taille.

Il y a à cela deux motifs.

Il s’agit, tout d’abord, de mettre un terme à des erreurs, voire à des errements de gestion dont la presse s’est fait l’écho et que la Cour des comptes a soulignés dans un rapport récent.

Comme l’a indiqué Mme la rapporteur, cela ne concerne que quelques cas sur les 53 000 comités d’entreprise que compte notre pays, et qui travaillent à la satisfaction de leurs mandants. Mais ces cas nous alertent sur les inconvénients d’une gestion non contrôlée. Ces faits de mauvaise gestion, souvent découverts a posteriori, révèlent surtout, a priori, une carence de conseil et de prévention des difficultés.

Par ailleurs, l’application du principe de transparence doit précisément permettre d’anticiper et de venir en aide aux gestionnaires, ce qui est particulièrement nécessaire dans le contexte de la crise économique et de la multiplication des plans sociaux.

La revendication d’une plus grande transparence n’est d’ailleurs pas nouvelle. La loi du 20 août 2008 a constitué une première étape pour clarifier la représentativité et le financement des organisations syndicales. Dans la même perspective, en février 2011, ce sont les organisations syndicales elles-mêmes qui ont sollicité le ministère du travail pour entamer une concertation sur les comités d’entreprise.

Un groupe de travail, piloté par la direction générale du travail et regroupant partenaires sociaux et pouvoirs publics, a alors été mis en place début 2012. Il s’est réuni plusieurs fois et a abouti à des conclusions validées unanimement en avril 2012.

Sur le fond, deux grands principes généraux ont été retenus : l’obligation d’établir des comptes et la transparence à l’égard des salariés par la publicité de ces comptes.

Les prescriptions attachées à ces principes seraient les suivantes : la tenue de compte, dont le niveau d’exigence varierait en fonction des ressources du comité d’entreprise ; la certification des comptes par un commissaire aux comptes pour les comités d’entreprise les plus importants ; une appréciation des seuils de ressources prenant en compte la subvention de fonctionnement et les ressources contribuant aux activités sociales et culturelles du comité d’entreprise, mais pas les cotisations des salariés, ni les recettes des manifestations organisées par le comité ; enfin, seuls les membres élus seraient habilités à approuver et à arrêter les comptes.

La proposition de loi qui nous est soumise tient compte des exigences de fond et des principes dégagés par le groupe de travail.

Si elle va dans le bon sens – vous aurez compris que, au nom de mon groupe, j’en partage les grandes lignes –, je ne peux néanmoins l’approuver, tout simplement parce que le tempo n’est pas le bon.

Un double argument explique mon futur vote.

En premier lieu, à la suite de la position commune des membres du groupe de travail tripartite, le ministère de l’économie et des finances a mis en place, sous l’égide de l’Autorité des normes comptables, un groupe chargé de préciser les normes applicables aux comités d’entreprise. Mais ce travail n’est pas tout à fait terminé.

Or, il n’est pas possible d’inciter les partenaires sociaux à engager un travail de concertation et de ne pas les laisser le mener jusqu’à son terme. Ce serait une incohérence, une négation de la démocratie sociale à laquelle nous sommes tous attachés, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons dans cet hémicycle.

Le travail parlementaire ne saurait interférer dans un processus amorcé depuis deux ans et qui, au demeurant, arrivera prochainement à son terme. La précipitation, que nous pouvons néanmoins comprendre, serait en l’espèce contraire à l’efficacité.

En second lieu, lors de la conférence sociale des 20 et 21 juin dernier, le Gouvernement s’est engagé à intégrer le résultat des négociations dans la législation d’ici à la fin de cette année.

Comme vient publiquement de l’évoquer M. le ministre, le projet de loi relatif à la formation professionnelle qui nous sera présenté dans les prochaines semaines intégrera plusieurs mesures de renforcement de la démocratie sociale. Je pense notamment au financement du paritarisme et aux critères de la représentativité patronale.

Mes chers collègues, si ces critères ont été fixés pour les organisations syndicales de salariés, rien, sauf erreur de ma part, n’a pu être décidé à ce jour pour les organisations patronales, qu’il s’agisse du MEDEF, de la CGPME, de l’UPA ou d’autres encore qui frappent à la porte, telles que l’Union de syndicats et groupements d’employeurs représentatifs dans l’économie sociale, ou USGERES, l’Union nationale des professions libérales, ou UNAPL, etc.

Ces différents points ne peuvent être déconnectés les uns des autres. Il est de bonne méthode, et donc de bonne politique, d’attendre quelques semaines. Nous pourrons ainsi élaborer un texte conforme aux résultats précis de la concertation des partenaires sociaux et prenant en compte l’expertise des services de l’État.

Le travail que vous aurez réalisé, madame la rapporteur, ne sera pas à passer en pertes et profits.

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