Intervention de Gérard Cornu

Réunion du 6 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Gérard CornuGérard Cornu :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre agriculture est confrontée à des enjeux de taille.

Si elle est, sans conteste, performante sur les marchés internationaux, elle doit néanmoins s'adapter en permanence à un environnement international marqué par les négociations au sein de l'OMC et par la réforme de la PAC de juin 2003.

Cette évolution globale s'accompagne d'une crise d'identité au sein d'un monde agricole dont la situation est incontestablement de plus en plus fragile.

L'année 2006 sera cruciale. Elle marquera à la fois la mise en oeuvre des droits à paiement unique et l'entrée en vigueur des règles d'écoconditionnalité pour le versement des aides communautaires.

Outre la nécessaire simplification de la PAC, souvent évoquée, certes, mais pour laquelle il apparaît que de nombreux efforts restent encore à fournir, tant par nos agriculteurs que par les fonctionnaires, je voudrais soulever quelques questions.

Je me ferai, pour commencer, le porte-parole des producteurs de cultures COP qui caractérisent, notamment, mon département, l'Eure-et-Loir. Il est une équation qui vaut pour la majorité des filières agricoles, à savoir, d'une part, la hausse des charges de production - fuel, engrais, produits phytosanitaires - et, d'autre part, la baisse des prix des produits agricoles.

Vous n'êtes pas sans savoir combien les échéances financières de l'automne posent de sérieux problèmes à la profession et qu'un versement anticipé des aides au titre de la PAC aurait permis de soulager la trésorerie des exploitations. Dès lors, la question est simple : comment faire mieux la prochaine fois et comment aller plus vite, monsieur le ministre ?

Je voudrais aborder, dans un deuxième temps, la question des énergies nouvelles, dites renouvelables, dont il n'est plus besoin de vanter les mérites tant en termes de débouchés pour l'agriculture qu'en termes d'avantages environnementaux.

La future loi d'orientation agricole contient, certes, des mesures fiscales incitatives au profit des biocarburants, sans compter les possibilités de recours à l'autoconsommation d'huiles végétales pures comme carburant par les exploitations agricoles.

La France a, par ailleurs, pris des engagements en matière de politique énergétique pour augmenter progressivement l'incorporation de biocarburants. Elle a même prévu d'aller au-delà de ce que prévoit le droit communautaire. Cependant, pour atteindre l'objectif de 5, 75 % en 2008, un appel d'offres doit encore être lancé par le Gouvernement.

Pouvez-vous nous en dire plus aujourd'hui, monsieur le ministre ? Sait-on comment va se faire la répartition des volumes entre les filières ? Tous les moyens sont-ils déployés pour satisfaire l'échéancier d'objectifs que nous nous sommes fixé ?

Le troisième point de mon intervention concerne le sort réservé, l'année même de la modulation, au financement des contrats d'agriculture durable, les CAD.

Malgré l'intérêt qu'il présente et l'espoir qu'il suscite, je déplore la trop grande rigidité de cet outil qui demeure trop inadapté aux situations les plus couramment rencontrées par les exploitants et de facto j'appelle de mes voeux la mise au point de nouveaux concepts de contractualisation plus conformes aux réalités et aux attentes du monde rural ; je sais, monsieur le ministre, que vous y êtes très sensible.

Je voudrais, enfin, évoquer un sujet qui me tient à coeur, celui de l'enseignement technique agricole, dont nombre de mes collègues ont déjà parlé.

Cette filière subit depuis plusieurs années des réductions de crédits qui menacent son activité et conduisent même, depuis l'an passé, à des fermetures de classes, alors que cette voie est - c'est un fait avéré - performante et synonyme d'intégration sociale pour de nombreux jeunes. J'en veux pour preuve l'employabilité importante des jeunes scolarisés, l'excellent taux de remplissage des formations proposées et la dynamique ainsi créée en termes de développement de nos territoires.

Or le ministère de l'éducation nationale n'a pas bien estimé les besoins et n'a pas doté la filière des crédits qui lui sont nécessaires pour assumer efficacement sa mission.

Après un premier rattrapage à l'Assemblée nationale, le Sénat, jeudi dernier, sur proposition de notre commission des finances, a voté un abondement supplémentaire de 5 millions d'euros. Le Gouvernement, à son tour, a présenté en séance un amendement tendant à transférer 10 millions d'euros supplémentaires, dont six millions proviennent du ministère de l'éducation nationale.

Il semble indispensable que le ministère de l'agriculture fasse, lui aussi, un effort substantiel en direction des établissements concernés, à l'instar de ce que vous avez octroyé aux maisons familiales rurales, monsieur le ministre.

Pouvez-vous confirmer devant nous que tel sera bien le cas et que vous abonderez à hauteur de 4 millions d'euros la somme dégagée par votre collègue Gilles de Robien, ce qui nous permettrait d'atteindre la somme globale de 15 millions d'euros ?

Telles sont, monsieur le ministre, quelques-unes des préoccupations dont je voulais vous faire part. Je n'ignore pas que votre tâche est rude et que vous déployez beaucoup d'énergie pour faire entendre la voix de la France sur la scène européenne.

Tenez bon ! Sachons ne pas sacrifier les valeurs et les fondements de notre agriculture sur l'autel de la mondialisation et agissons, au plan national, pour faire tout ce qui est en notre pouvoir afin de faciliter le quotidien du monde agricole et de ses acteurs.

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