Intervention de Paul Raoult

Réunion du 6 décembre 2005 à 15h00
Loi de finances pour 2006 — Compte d'affectation spéciale : développement agricole et rural

Photo de Paul RaoultPaul Raoult :

L'obligation pour les agriculteurs d'appliquer le code de l'environnement est certes judicieuse, mais encore faut-il qu'ils soient tous informés des espèces protégées ou des habitats naturels, par exemple.

Entre les contrôles de la direction départementale de l'agriculture et de la forêt, la DDAF, de la direction régionale de l'agriculture et de la forêt, la DRAF, de la direction départementale des services vétérinaires, la DDSV, ou de l'Office national interprofessionnel des céréales, de l'ONIC, qui vérifie les bonnes conditions globales agricoles et environnementales, les agriculteurs ont parfois le sentiment d'être les souffre-douleur de l'administration.

Je souhaiterais qu'ils disposent d'un délai supérieur à dix jours pour formuler leurs observations après un contrôle. À mon sens, ce serait une mesure judicieuse. Sans faire de la démagogie, ce qui m'importe, c'est l'esprit dans lequel ces contrôles sont opérés.

Si nous ajoutons encore les formulaires à remplir pour les demandes de remboursement partiel de la TIPP, le diagnostic amiante à réaliser avant la fin de l'année ou encore des dispositifs tels que la mise en place des bandes enherbées le long des rivières, nous constatons que toutes ces mesures tendent à créer un climat de découragement qui est préjudiciable aux agriculteurs. Certains jeunes agriculteurs désirant s'installer sont même effrayés à l'idée de devoir remplir toutes ces paperasseries et de subir ces contrôles plus ou moins vexatoires. Dans le parc naturel de ma région, j'ai rencontré, au cours de mes permanences, des agriculteurs vraiment désespérés face à une administration parfois un peu dure.

Les crédits nécessaires à la mise en place du programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, le PMPOA sont en volume a priori suffisants, grâce notamment à l'aide des départements, des régions et des agences de l'eau. Au-delà de cette question, je souhaiterais que les éleveurs disposent d'un délai supplémentaire pour finaliser leur dossier. Cet assouplissement permettrait de ne laisser personne de côté. En effet, on enregistre ces dernières semaines une inflation importante du nombre de dossiers. Je ne pense pas que l'administration aura le temps de les examiner tous ; il faut donc accorder un délai supplémentaire.

Par ailleurs, je veux également vous sensibiliser, monsieur le ministre, sur la situation difficile des éleveurs laitiers.

Les producteurs voient le prix du lait baisser, et les compensations par les subventions ne sont pas suffisantes. Les industriels coopératifs ou privés sont alarmés par la concurrence étrangère sur le marché du lait. Or la baisse des crédits que vous proposez dans votre projet de budget est ressentie comme une provocation et fait apparaître un écart entre les discours et les actes.

J'en viens maintenant à une remarque plus générale.

Certes, on a alerté l'opinion publique sur les risques que présente la peste aviaire mais, en même temps, c'est toute la filière volaille que l'on met en jeu. Dans mon département, un maire a interdit que la cantine scolaire serve du poulet ! On ne peut tolérer de tels excès, qui conduisent à remettre en cause cette filière. Face à une campagne médiatique mal maîtrisée, il ne faut pas créer un sentiment de panique. Le principe de précaution est certes souhaitable, mais la situation est vraiment fâcheuse.

En outre, je souhaite également que vous mettiez très rapidement en oeuvre, monsieur le ministre, le plan de développement des biocarburants que vous avez annoncé.

Ce plan soulève de nombreux espoirs chez les agriculteurs ; je pense aux céréaliers, mais surtout aux betteraviers. Vous le savez, le nouveau règlement du Conseil prévoit une baisse du prix du sucre de 39 %. Or, je peux en témoigner dans ma propre région, il n'y a pas que les gros agriculteurs qui produisent des betteraves à sucre. Il faut que la fabrication du bioéthanol apparaisse comme une chance ; cela suppose la mise en oeuvre d'un projet industriel fort et une volonté politique ferme.

Je lancerai enfin une piste de réflexion.

Nous devons apporter un soutien plus actif aux filières plus courtes liées à un terroir ; il faut revenir au maximum au terroir et aux traditions alimentaires et infléchir le modèle global de consommation. Les consommateurs des pays développés sont prêts à payer plus cher les produits lorsque ceux-ci sont de qualité. N'est-il pas temps de demander la création d'un répertoire mondial des produits d'origine ? Il faut protéger la propriété intellectuelle des noms, des dénominations et des pratiques ; le Roquefort et le champagne illustrent la viabilité économique potentielle de cette nouvelle logique de terroir.

En conclusion, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous favorisiez un peu plus encore l'agriculture bio, l'agriculture raisonnée.

Certes, dans le cadre de ce programme, vous avez accordé, cette année, une prime, mais la diminution du nombre de contrats d'agriculture durable va contrarier, à mon avis, cet objectif. L'agriculture raisonnée doit être vécue comme une chance, comme un défi à relever. En la matière, votre politique est encore un peu trop timide.

Les négociations prévues à Hong Kong créent un climat d'incertitude chez les agriculteurs. Je regrette toujours que l'on ait abandonné l'idée de la préférence communautaire. De plus, nous faisons aujourd'hui des propositions sans aucune garantie de contrepartie.

Les Américains continuent d'aider leurs agriculteurs par le biais des marketing loans, des aides alimentaires ou des crédits à l'exportation. Or les discussions sur le Farm Bill ne commenceront qu'en 2007, soit après nos négociations. J'ajoute qu'un dollar faible crée aujourd'hui des écarts dans les taux de change, et donc des distorsions monétaires. Le différentiel de compétitivité est d'origine purement monétaire. Je crains que le jeu de la négociation ne soit biaisé ; on joue en réalité au poker menteur.

Il nous faut manifester une très grande pugnacité pour défendre les intérêts de nos agriculteurs, et nous devons toujours avoir à l'esprit le fait que l'indépendance alimentaire est aussi importante que l'indépendance énergétique ou militaire.

Eu égard à ces enjeux, votre projet de budget ne répond pas à toutes ces attentes, monsieur le ministre. C'est pourquoi le groupe socialiste votera contre.

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