Mon premier motif de très large satisfaction est le maintien du versement compensateur.
Vous savez à quel point nous nous sommes battus en ce sens. Pour la troisième année, budget après budget, nous maintenons ce crédit, indispensable pour que vive le régime forestier grâce auquel les communes forestières assurent une bonne partie de l'approvisionnement en bois de la filière - 7, 5 millions de mètres cubes par an.
Je rappelle que la loi du 9 juillet 2001 d'orientation sur la forêt dispose que « les forêts publiques satisfont de manière spécifique à des besoins d'intérêt général, soit par l'accomplissement d'obligations particulières dans le cadre du régime forestier, soit par une promotion des activités telles que l'accueil du public, la conservation des milieux, la prise en compte de la biodiversité et la recherche scientifique. »
Toutefois, je ne suis pas tout à fait d'accord avec l'interprétation selon laquelle le versement compensateur devrait être considéré comme une subvention versée à un opérateur de programme, en l'occurrence l'Office national des forêts, l'ONF.
Il est bien plus que cela. C'est une subvention de fonctionnement destinée à financer la gestion durable des forêts communales. Ce n'est donc pas une dépense de fonctionnement, c'est bien plutôt un investissement « moral », si je puis inventer cette notion dont la pertinence financière n'est pas forcément avérée...
En effet, il permet de planifier la gestion forestière grâce à l'aménagement forestier, qui organise durant quinze à vingt ans la vie de la forêt, la sylviculture, la croissance et la régénération des peuplements, les travaux de culture ou d'équipement de la forêt, la vie technique et économique de la forêt - la désignation des arbres à abattre, la vente des bois, les coupes, la programmation des actes de gestion -, et, bien entendu, la protection de la forêt.
Cependant, nous avons quelque crainte quant à la pérennité de ce versement compensateur. S'il a été maintenu durant trois ans, nous appréhendons l'issue de la négociation du futur contrat de plan entre l'État et l'ONF.
Monsieur le ministre, vous serez saisi, après le prochain bureau de la Fédération nationale des communes forestières de France, d'une motion qui vous rappellera, si vous l'aviez oubliée, l'importance extrême que nous accordons à ce versement.
Mon deuxième motif de satisfaction n'est pas à proprement parler budgétaire. Il tient à l'existence du fonds d'épargne forestière que le Parlement avait créé et que nous avons eu tant de mal à faire passer dans les faits. Nous sommes tout de même très contents que vous ayez mené à bien ce projet. Non seulement la loi visant à sa création a été votée, mais encore les décrets ont été publiés et le correspondant bancaire a été sélectionné - c'est le Crédit agricole. Peut-être nous confirmerez-vous que les premiers comptes d'épargne forestière pourront être signés dès le début de 2006.
C'est une bonne nouvelle pour les communes forestières, c'est une bonne nouvelle pour l'investissement, c'est une bonne nouvelle pour la forêt et pour notre pays !
Il reste à souhaiter que le marché du bois recouvrera quelque peu la santé pour permettre aux communes de constituer une épargne, aussi modeste soit-elle. Si nous avions pu disposer de ce fonds d'épargne forestière au moment où les chablis étaient nombreux, nous serions plus avancés.
J'en viens maintenant aux motifs de grimaces.
Premièrement, le budget général pour la forêt est en baisse. Pour cette raison, vous avez d'ailleurs été un peu tancé devant l'Assemblée nationale. Les crédits de paiement diminuent de 5, 5 %. Les autorisations d'engagement représentent 295 millions d'euros, soit seulement 6 % du budget de votre ministère, pour 27 % du territoire métropolitain.
Deuxièmement, les moyens consacrés à l'amélioration de la gestion et de l'organisation de la forêt enregistrent une forte baisse. Les crédits de paiement diminuent de 14, 8 %. Les moyens consacrés à l'investissement forestier sont faibles : ils se montent à 35, 5 millions d'euros pour les autorisations d'engagement et à 46, 4 millions d'euros pour les crédits de paiement, sans compter, il est vrai, les 6 millions d'euros du programme des interventions territoriales de l'État, le PITE, de la filière bois Auvergne-Limousin et la hausse de la participation de l'Europe.
Pour le nettoyage et la reconstitution des forêts détruites par les tempêtes - hélas ! il faut encore parler de cet événement dramatique -, les autorisations d'engagement se montent à 28 millions d'euros, et à 56 millions d'euros si l'on y ajoute les crédits du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, à parité. C'est bien peu, compte tenu des besoins. Pour les seules forêts communales, comme je vous l'écrivais dans ma lettre du 23 décembre 2004, 24 millions d'euros par an pendant cinq ans seraient nécessaires pour achever de reconstituer les 60 000 hectares qui doivent encore l'être.
S'agissant des autres investissements forestiers- boisement, reboisement, amélioration et desserte des peuplements -, il ne reste que 7, 5 millions d'euros en autorisations d'engagement. À ce compte-là, il n'est pas facile d'assurer une gestion de qualité, comme nous en avons l'ambition.
Troisièmement, je regrette la disparition de l'aide à l'acquisition de forêts par les communes.
Bien que ce fût une petite ligne budgétaire, monsieur le ministre, elle n'en était pas moins intéressante. En effet, nous avons à lutter contre les conséquences d'un décret « scélérat » qui a obligé les caisses de retraite complémentaire à vendre leurs actifs forestiers. On se demande bien pourquoi !
Un certain nombre de communes voudraient pouvoir éviter que ce patrimoine ne se disperse. Bien qu'elles aient le plus grand respect pour la forêt privée, je comprends qu'elles soient attachées à ce patrimoine. C'est peu de chose, mais les maires auraient apprécié que ce crédit fût maintenu.
Il règne dans les communes forestières une atmosphère de nervosité. Sont intervenues récemment l'augmentation des frais de certification PEFC - le programme européen des forêts certifiées -, l'augmentation des honoraires de l'ONF et la cotisation volontaire obligatoire sur toutes les ventes de bois effectuées à compter du 1er septembre 2005. Cette dernière est d'autant moins acceptée que nous ne sommes pas assurés que l'association interprofessionnelle France Bois Forêt, que nous avons eu tellement de mal à mettre sur pied, et au profit de laquelle cette cotisation est collectée, saura utilement l'utiliser.
Nous voulons vous aider, monsieur le ministre, à construire un marché du bois dynamique, qui permette d'appuyer une industrie du bois modernisée. Je sais que vous avez cette volonté. Il faut aussi pouvoir vous en donner les moyens.