Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention vise, sans grande illusion, à attirer votre attention sur un problème qui, pour paraître marginal d'un point de vue financier, n'en est pas moins essentiel pour les départements du sud de la France. Il s'agit, en effet, des incendies de forêts et de la meilleure manière d'y faire face.
On s'obstine à ne pas voir qu'en séparant, d'un côté, ce qui relève de l'intervention et de ses moyens et, d'un autre côté, ce qui relève de l'aménagement de la forêt, de son entretien régulier, des moyens qu'on y consacre, on se condamne à l'impuissance.
Une amélioration des dispositifs d'alerte et d'intervention qui ne s'accompagne pas d'une politique active d'entretien et d'aménagement de la forêt est non seulement vouée à l'échec, mais, à terme, elle sera contre-productive. Le paradoxe, qu'il faudra bien un jour ne pas ignorer, est le suivant : plus un dispositif d'intervention est efficace, plus il risque, à terme, de conduire à une catastrophe.
Je m'explique.
Plus un dispositif de lutte est efficace, moins il y aura d'incendies de moyenne importance durant des années, mais les rares départs de feu qui, un jour, fatalement, ne seront pas circonscrits, seront catastrophiques. Ce n'est qu'une question de temps.
La forêt n'est pas une poudrière, un dépôt de carburant qu'il suffirait de bien garder pour être à l'abri de l'incendie. Elle est plutôt comparable à un dépôt de gaz qui fuirait. La biomasse, produite de manière continue, à défaut d'être détruite par l'homme, l'animal ou le feu, s'accumule sur place et augmente d'autant le risque.
Plus tardive sera sa destruction, plus catastrophique sera l'incendie qui ne manquera pas de se déclarer un jour. Quand ? On ne sait pas, mais tout doute est exclu. C'est d'ailleurs ce que l'on observe.
On aurait donc pu espérer que la LOLF rende plus facile une vue synthétique des interventions de l'État en matière de traitement des incendies de forêts, sous ses deux volets complémentaires, le volet aménagement et entretien de la forêt et le volet lutte proprement dite.
Constatons qu'il n'en est rien et que l'un et l'autre relèvent de missions différentes, ce qui interdit aux parlementaires non seulement toute proposition, même marginale, de redéploiement de crédits, mais aussi toute vue synthétique du problème.
Quant aux indicateurs de performances, on les cherche, et quand on les trouve, on s'interroge. Le seul indicateur retenu en matière de prévention des risques par l'amélioration forestière est « le taux d'extinction des feux de forêt naissants ». Or, il est particulièrement non pertinent. En effet, le nombre de feux naissants éteints mesure probablement l'efficacité des dispositifs d'alerte et d'intervention, mais il ne dit rien de l'efficacité des mesures prises en matière d'entretien et d'aménagements des ouvrages de défense de la forêt contre l'incendie, ou DFCI. La vitesse de propagation des incendies et leur taille seraient probablement des indicateurs plus pertinents.
Constatons aussi que les crédits de l'action n°04 « Prévention des risques et protection de la forêt », du programme 149 « Forêt », avec une dotation de 50, 7 millions d'euros, baissent de 0, 62 %. Les crédits strictement consacrés aux actions de prévention des incendies de forêts régressent aussi : 28 millions d'euros contre 30, 9 millions d'euros en 2004 et 32 millions d'euros en 2003.
Au sein de ceux-ci, le Conservatoire de la forêt méditerranéenne, créé et doté de ressources fiscales spécifiques - taxe sur les briquets et allumettes, fiscalité sur les tabacs en hausse -, après les grands incendies du début des années quatre-vingt-dix, voit ses capacités d'action s'amenuiser encore.
Certes, avec 9, 98 millions d'euros, il conserve sa dotation de 2005, mais, en euros constants, il s'agit d'une régression, surtout par rapport à 2004, puisque la loi de finances rectificative pour 2003 l'avait doté de 11 millions d'euros. Il est vrai que l'été 2003 avait été particulièrement tragique : 58 000 hectares avaient brûlé dans les départements méditerranéens, un record depuis l'instauration de la base de données Prométhée.
L'alerte passée, on en revient aux bonnes vieilles habitudes : pourquoi continuer à dépenser de l'argent pour la forêt puisqu'elle ne brûle plus ? C'est aussi une bonne vieille habitude de réduire les crédits pour les opérations non télégéniques au profit de celles qui le sont plus, comme l'a clairement montré la Cour des comptes dans son rapport de 2000.
Ainsi, en 2005, le ministère de l'intérieur a-t-il bénéficié d'une participation de 1, 3 million d'euros du Conservatoire de la forêt méditerranéenne pour le financement des SDIS. Quand on sait que, lors de sa création, le Conservatoire bénéficiait d'une dotation de 15 millions d'euros, on mesure la régression, en euros courants, et a fortiori en euros constants.
Malheureusement, le constat établi en 2000 par la Cour des comptes demeure d'actualité : « Le constat s'est donc confirmé que l'État négligeait la prévention, peu visible, et privilégiait l'achat d'un matériel » - et toutes les opérations - « destiné à une lutte active et plus spectaculaire contre les incendies. »
Compte tenu de l'enthousiasme et de l'attention que porte M. le ministre à mes propos, il me faudra sans doute les répéter l'an prochain !