Intervention de Jean-François Humbert

Réunion du 15 octobre 2013 à 17h00
Débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'efficacité de la lutte contre le dopage

Photo de Jean-François HumbertJean-François Humbert, président de la commission d’enquête :

… au vu des efforts qu’il a déployés pour approfondir la réflexion ?

La seconde question est celle de votre adhésion aux préconisations que nous avons pu faire.

J’en cite quelques-unes, choisies parmi les grandes rubriques fixées dans le rapport.

Pour améliorer notre connaissance du dopage, nous avons proposé que les fédérations potentiellement les plus concernées puissent établir une analyse des risques de dopage. Estimez-vous qu’une telle proposition soit viable et qu’elle puisse être intégrée dans les conventions d’objectifs ?

Sur la prévention, l’idée de passer des conventions portant sur les risques du dopage entre l’Agence française de lutte contre le dopage et les associations de sport scolaire dans le second degré nous paraissait pertinente. Estimez-vous que de telles initiatives puissent être menées ? Savez-vous si des actions de prévention spécifique en direction des professeurs d’éducation physique et des éducateurs ont été mises en place ?

Enfin, il nous est apparu, en France comme à l’étranger, que des centres de remise en forme pouvaient jouer un rôle important dans les trafics de produits dopants. Que comptez-vous faire sur cette question ?

En matière de contrôle, nous avions proposé de donner un temps d’avance aux contrôleurs, en leur permettant de disposer prioritairement des résultats du passeport biologique, avant les athlètes eux-mêmes. Un tel souhait a-t-il été porté à l’échelon international et quels sont, madame la ministre, les retours que vous pouvez nous donner sur ce sujet ?

De même, nombre de pays, dont la France, soutiennent la suppression de la distinction entre les substances interdites en permanence et celles qui le sont uniquement en compétition. Où en est-on sur ce point ?

Nous avons aussi réfléchi très longuement à l’amélioration des sanctions en matière de dopage. À cet égard, l’exemple américain est frappant. Lance Armstrong a fini par être rattrapé non pas grâce à un contrôle positif, mais par le témoignage de ses anciens coéquipiers. Cet été, la ligue américaine de baseball, que nous avions rencontrée l’année dernière, a frappé un grand coup en suspendant pour 211 matchs l’une des stars de son championnat, Alex Rodriguez. Cette suspension a fait suite à une enquête de plusieurs mois, menée par la ligue elle-même.

Il nous apparaît donc que l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, qui n’a quasiment jamais pris de sanctions sur la base de preuves non analytiques, est grandement en retard sur cette question. Par quels moyens, madame la ministre, comptez-vous lui permettre de mener de réelles investigations et de prendre des sanctions sur la base de ses découvertes ?

Les sanctions pécuniaires, qui peuvent être utilisées comme un moyen de négociation avec des dopés repentis, vous paraissent-elles, par exemple, constituer une voie d’amélioration intéressante ?

J’en viens à la pénalisation de la lutte antidopage. Après une très longue analyse, la commission d’enquête n’a pas choisi de proposer la pénalisation de l’usage de produits, considérant que les sportifs, quand ils prennent des substances dopantes, étaient avant tout des victimes. En revanche, nous avons préconisé de renforcer l’arsenal applicable à l’entourage du sportif, en pénalisant, notamment, la détention de produits dopants par des personnes non licenciées présentes dans les salles de remise en forme.

S’agissant de la coopération, nous avons suggéré que des données de renseignement puissent être échangées entre l’AFLD et les services de police. Là encore, il nous est apparu qu’il était de plus en plus difficile d’atteindre les sportifs au moyen des contrôles. Les problématiques en matière de libertés publiques sont, en effet, de plus en plus complexes. La coopération administrative, policière et douanière est sans doute la voie de l’avenir en matière de lutte contre le dopage. À notre sens, cette coopération passe par des outils juridiques précis à insérer dans le code du sport. Avez-vous déjà des propositions sur ce sujet ?

Enfin, je souhaiterais vous soumettre, madame la ministre, deux questions qui me tiennent particulièrement à cœur.

L’Europe du sport est une réalité de plus en plus forte. Les institutions européennes, d’une part, et les acteurs privés européens, d’autre part, jouent dorénavant un rôle majeur dans l’organisation et la régulation des compétitions. La force d’une organisation comme l’UEFA est assez caractéristique en ce domaine.

En matière de dopage, le Conseil de l’Europe a longtemps été à la pointe. Qu’en est-il aujourd’hui ? La commission d’enquête a souhaité que soit encouragée l’adoption par l’Union européenne de directives d’harmonisation en matière de lutte contre le trafic de produits dopants. Selon quel calendrier de telles directives pourraient-elles aboutir, madame la ministre ?

Une autre question est celle du traitement réservé aux problèmes relatifs aux paris en ligne. Dans le droit actuel, les sanctions liées au trucage de matchs sont prises par les fédérations sportives. L’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, a un rôle de régulation du secteur, notamment sur les opérateurs de paris en ligne. En revanche, elle ne joue pas de rôle particulier en matière de surveillance des matchs truqués. C’est la raison pour laquelle la commission d’enquête n’a pas proposé une fusion de l’AFLD et de l’ARJEL, qui ont des fonctions bien distinctes.

Néanmoins, quel pourrait être le rôle d’une autorité de régulation qui disposerait d’un pouvoir particulier en matière de corruption dans le sport ? Si l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, disposait d’un certain nombre de compétences en la matière, comme le propose notamment Jean-François Lamour, l’AFLD pourrait-elle voir à son tour ses attributions élargies ?

Pour résumer, êtes-vous favorable, madame la ministre, à une extension des pouvoirs de l’AMA à la corruption dans le sport et quels seraient les effets d’une telle évolution en droit français ?

Nous avons travaillé de manière particulièrement approfondie la question de la lutte contre le dopage. J’aurais donc encore de très nombreux points à aborder. Cependant, parce que le temps de parole qui m’est imparti est limité, et parce que j’aperçois dans l’hémicycle un certain nombre des vingt et un membres composant la commission d’enquête, j’ai bon espoir que ces sujets pourront être abordés par eux, et notamment par le rapporteur Jean-Jacques Lozach.

Madame la ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien apporter à nos interrogations.

Mes chers collègues, je vous encourage de nouveau à couvrir l’ensemble de ce vaste sujet qu’est le dopage. §

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