Séance en hémicycle du 15 octobre 2013 à 17h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures vingt, est reprise à dix-sept heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’ordre du jour appelle le débat sur les conclusions de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage (rapport n° 782 [2012–2013]), débat organisé à la demande de la commission d’enquête.

La parole est à M. le président de la commission d’enquête. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en février dernier, j’ai eu la chance d’être désigné président de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Avec Jean-Jacques Lozach, notre rapporteur, nous nous sommes rapidement attelés à la tâche : il s’agissait de réaliser, en moins de six mois, un travail d’écoute de l’ensemble des parties et acteurs concernés, sans discrimination ni partialité, et de produire des conclusions qui puissent faire l’objet d’un consensus parlementaire. Je crois que la mission a bien été remplie.

Le 24 juillet dernier, soit cinq mois après sa création, la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage rendait son rapport.

Je crois pouvoir dire qu’un tel travail sur la lutte contre le dopage était une première du point de vue parlementaire ; nous pouvons tous nous féliciter de l’audience et du résultat obtenus.

Un rapport de plus de sept cents pages, fouillé et précis, a été produit. Un travail considérable a été effectué pendant cinq mois : soixante-trois auditions et deux tables rondes ont été organisées ; quatre-vingt-six personnes ont été entendues sous serment, avec obligation de dire la vérité.

Nous avons eu le plaisir, pour certains d’entre nous, de participer à soixante-neuf heures et quarante-sept minutes d’échanges sur la lutte contre le dopage. Chacun a pu poser ses questions, et j’estime que les auditions ont globalement été menées avec respect, mais sans complaisance.

Les huis clos demandés ont été acceptés. Lorsque les débats étaient publics, ils ont été largement suivis, si l’on en croit les nombreux retours que nous avons reçus, notamment par courrier. Le débat entre les personnes auditionnées et les sénateurs s’est ainsi accompagné d’une discussion entre les personnes auditionnées elles-mêmes.

Cinq déplacements ont été organisés, dont trois à l’étranger : aux États-Unis, en Suisse, en Espagne, au laboratoire de Châtenay-Malabry et à l’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique, l’OCLAESP. Le rapport fait d’ailleurs son miel de nombreux exemples étrangers qui viennent éclairer notre propre lutte antidopage. Je vous renvoie, notamment, aux annexes du rapport qui proposent un compte rendu des auditions réalisées dans les trois pays que je viens de citer.

Nous avons également été heureux de constater que nos travaux rencontraient une audience internationale. L’Agence américaine, dont le directeur a été auditionné au Sénat, suivait ainsi les auditions que nous avons menées.

Par ailleurs, le dopage est un sujet à caractère particulièrement transnational, et les outils mis en place à l’étranger peuvent être de réelles sources d’inspiration.

Pour l’organisation des auditions, un objectif avait été fixé : celui de ne pas se concentrer sur le seul cyclisme, mais d’élargir notre panorama à l’ensemble des disciplines. Il s’agissait, comme je l’ai dit pendant la conférence de presse, de « lever le nez du guidon », si vous me permettez cette expression.

Dix-huit disciplines ont ainsi été représentées sans que le cyclisme soit mis au premier plan.

Cet état d’esprit d’équité et ce souhait de ne pas stigmatiser tel ou tel sport nous ont aussi conduits, comme vous le savez, à repousser la date de publication du rapport après le Tour de France. Par respect envers les sportifs, nous avons été ainsi en léger décalage par rapport à la date initialement envisagée.

S’agissant de l’audience, le succès a été au rendez-vous. Le rapport a été au hit-parade des rapports sénatoriaux pendant l’été. La notice du tome I a été consultée près de 9 000 fois. Dans leur totalité, les pages du rapport ont été vues environ 10 000 fois. Les fameuses annexes ont, quant à elles, été consultées plus de 35 000 fois. De même la page index de toutes les vidéos de la commission d’enquête a été vue plus de 5 000 fois.

Enfin, le jour de la présentation à la presse des conclusions de la commission d’enquête, le site sur lequel cette conférence de presse était retransmise a été consulté 25 000 fois en trois jours, entre la veille et le lendemain de la conférence de presse. Pour ceux qui étaient présents lors de la présentation du rapport à la presse, cela correspond bien à l’affluence des journalistes ce jour-là et au nombre d’articles parus sur le sujet.

Un peu moins de trois mois après, et avec un peu de recul, nous voilà rassemblés pour évoquer les conclusions du rapport et débattre, notamment avec Mme la ministre, de l’application qui pourrait rapidement en être faite.

Je tiens d’emblée à signaler que le groupe auquel j’appartiens a souhaité jouer pleinement le jeu de cette commission d’enquête issue d’un droit de tirage du groupe socialiste. En effet, il nous a semblé que la lutte antidopage pouvait rassembler largement les parlementaires que nous sommes, tous attachés à l’éthique du sport et à la préservation de la santé des sportifs.

Dans les dix dernières années, les lois Lamour de 2006 et Laporte de 2008, sur le trafic de produits dopants, avaient d’ailleurs fait l’objet de débats consensuels. Nous étions convaincus que des améliorations pouvaient être apportées aux dispositifs existants. Les conclusions de notre commission d’enquête vont clairement dans ce sens.

Nous avons donc souhaité construire un climat apaisé et coopératif et nous avons, au final, exprimé notre soutien aux propositions du rapport, que nous avons contribué à faire émerger.

J’apprécie, quant à moi, que les soixante propositions, que nous présentera sans doute tout à l’heure M. le rapporteur, soient précises, réalistes et applicables à budget constant. C’est parce que je les soutiens qu’il m’apparaît aujourd’hui comme particulièrement important de disposer d’informations précises en matière de calendrier d’application.

Convaincus de leur importance, nous sommes en effet tentés de transformer l’essai et de faire de l’ensemble de ces préconisations une proposition de loi tendant à améliorer l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Deux engagements du Gouvernement pourraient toutefois nous amener à différer une telle initiative.

La première question est celle de savoir si le Gouvernement va déposer rapidement un projet de loi-cadre sur le sport, qui contiendrait un volet relatif à la lutte contre le dopage. Ce texte pourrait-il être discuté au cours du premier semestre 2014 ? Pouvez-vous nous donner des informations précises sur les dates ? Madame la ministre, seriez-vous, en outre, prête à déposer ce texte en premier lieu au Sénat

MM. René Garrec, Jean-Claude Carle et Bernard Saugey marquent leur approbation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

… au vu des efforts qu’il a déployés pour approfondir la réflexion ?

La seconde question est celle de votre adhésion aux préconisations que nous avons pu faire.

J’en cite quelques-unes, choisies parmi les grandes rubriques fixées dans le rapport.

Pour améliorer notre connaissance du dopage, nous avons proposé que les fédérations potentiellement les plus concernées puissent établir une analyse des risques de dopage. Estimez-vous qu’une telle proposition soit viable et qu’elle puisse être intégrée dans les conventions d’objectifs ?

Sur la prévention, l’idée de passer des conventions portant sur les risques du dopage entre l’Agence française de lutte contre le dopage et les associations de sport scolaire dans le second degré nous paraissait pertinente. Estimez-vous que de telles initiatives puissent être menées ? Savez-vous si des actions de prévention spécifique en direction des professeurs d’éducation physique et des éducateurs ont été mises en place ?

Enfin, il nous est apparu, en France comme à l’étranger, que des centres de remise en forme pouvaient jouer un rôle important dans les trafics de produits dopants. Que comptez-vous faire sur cette question ?

En matière de contrôle, nous avions proposé de donner un temps d’avance aux contrôleurs, en leur permettant de disposer prioritairement des résultats du passeport biologique, avant les athlètes eux-mêmes. Un tel souhait a-t-il été porté à l’échelon international et quels sont, madame la ministre, les retours que vous pouvez nous donner sur ce sujet ?

De même, nombre de pays, dont la France, soutiennent la suppression de la distinction entre les substances interdites en permanence et celles qui le sont uniquement en compétition. Où en est-on sur ce point ?

Nous avons aussi réfléchi très longuement à l’amélioration des sanctions en matière de dopage. À cet égard, l’exemple américain est frappant. Lance Armstrong a fini par être rattrapé non pas grâce à un contrôle positif, mais par le témoignage de ses anciens coéquipiers. Cet été, la ligue américaine de baseball, que nous avions rencontrée l’année dernière, a frappé un grand coup en suspendant pour 211 matchs l’une des stars de son championnat, Alex Rodriguez. Cette suspension a fait suite à une enquête de plusieurs mois, menée par la ligue elle-même.

Il nous apparaît donc que l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, qui n’a quasiment jamais pris de sanctions sur la base de preuves non analytiques, est grandement en retard sur cette question. Par quels moyens, madame la ministre, comptez-vous lui permettre de mener de réelles investigations et de prendre des sanctions sur la base de ses découvertes ?

Les sanctions pécuniaires, qui peuvent être utilisées comme un moyen de négociation avec des dopés repentis, vous paraissent-elles, par exemple, constituer une voie d’amélioration intéressante ?

J’en viens à la pénalisation de la lutte antidopage. Après une très longue analyse, la commission d’enquête n’a pas choisi de proposer la pénalisation de l’usage de produits, considérant que les sportifs, quand ils prennent des substances dopantes, étaient avant tout des victimes. En revanche, nous avons préconisé de renforcer l’arsenal applicable à l’entourage du sportif, en pénalisant, notamment, la détention de produits dopants par des personnes non licenciées présentes dans les salles de remise en forme.

S’agissant de la coopération, nous avons suggéré que des données de renseignement puissent être échangées entre l’AFLD et les services de police. Là encore, il nous est apparu qu’il était de plus en plus difficile d’atteindre les sportifs au moyen des contrôles. Les problématiques en matière de libertés publiques sont, en effet, de plus en plus complexes. La coopération administrative, policière et douanière est sans doute la voie de l’avenir en matière de lutte contre le dopage. À notre sens, cette coopération passe par des outils juridiques précis à insérer dans le code du sport. Avez-vous déjà des propositions sur ce sujet ?

Enfin, je souhaiterais vous soumettre, madame la ministre, deux questions qui me tiennent particulièrement à cœur.

L’Europe du sport est une réalité de plus en plus forte. Les institutions européennes, d’une part, et les acteurs privés européens, d’autre part, jouent dorénavant un rôle majeur dans l’organisation et la régulation des compétitions. La force d’une organisation comme l’UEFA est assez caractéristique en ce domaine.

En matière de dopage, le Conseil de l’Europe a longtemps été à la pointe. Qu’en est-il aujourd’hui ? La commission d’enquête a souhaité que soit encouragée l’adoption par l’Union européenne de directives d’harmonisation en matière de lutte contre le trafic de produits dopants. Selon quel calendrier de telles directives pourraient-elles aboutir, madame la ministre ?

Une autre question est celle du traitement réservé aux problèmes relatifs aux paris en ligne. Dans le droit actuel, les sanctions liées au trucage de matchs sont prises par les fédérations sportives. L’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, a un rôle de régulation du secteur, notamment sur les opérateurs de paris en ligne. En revanche, elle ne joue pas de rôle particulier en matière de surveillance des matchs truqués. C’est la raison pour laquelle la commission d’enquête n’a pas proposé une fusion de l’AFLD et de l’ARJEL, qui ont des fonctions bien distinctes.

Néanmoins, quel pourrait être le rôle d’une autorité de régulation qui disposerait d’un pouvoir particulier en matière de corruption dans le sport ? Si l’Agence mondiale antidopage, l’AMA, disposait d’un certain nombre de compétences en la matière, comme le propose notamment Jean-François Lamour, l’AFLD pourrait-elle voir à son tour ses attributions élargies ?

Pour résumer, êtes-vous favorable, madame la ministre, à une extension des pouvoirs de l’AMA à la corruption dans le sport et quels seraient les effets d’une telle évolution en droit français ?

Nous avons travaillé de manière particulièrement approfondie la question de la lutte contre le dopage. J’aurais donc encore de très nombreux points à aborder. Cependant, parce que le temps de parole qui m’est imparti est limité, et parce que j’aperçois dans l’hémicycle un certain nombre des vingt et un membres composant la commission d’enquête, j’ai bon espoir que ces sujets pourront être abordés par eux, et notamment par le rapporteur Jean-Jacques Lozach.

Madame la ministre, je vous remercie par avance des réponses que vous voudrez bien apporter à nos interrogations.

Mes chers collègues, je vous encourage de nouveau à couvrir l’ensemble de ce vaste sujet qu’est le dopage. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage a plus que jamais marqué l’intérêt des parlementaires pour cette problématique. Le débat de ce jour nous permet de donner suite à ses cinq mois de travaux voulus par le Sénat, lequel est le représentant des collectivités territoriales, qui sont les premiers financeurs publics du sport en France.

Plus largement, et le Sénat peut le porter à son crédit, elle a contribué à créer un débat public autour du dopage et à éveiller de nombreuses consciences, qui étaient jusqu’à présent restées sourdes au problème. A posteriori, notre motivation première s’est trouvée justifiée par le rapport de l’ancien président de l’AMA, Dick Pound, en date de mai 2013 et portant sur « le manque d’efficacité des programmes de dépistage ».

J’ai eu des échos de nos propositions de la part de sportifs, d’éducateurs, de médecins, d’élus locaux ou encore de nombreux bénévoles engagés dans la vie sportive de la nation. Ils sont très positifs ; nos concitoyens ont, je le crois, apprécié que les parlementaires se penchent sur ce sujet, sans tabou, et qu’ils dégagent des voies pour l’avenir.

Enfin, ne nous voilons pas la face, les révélations que nous avons faites ont eu quelques conséquences très concrètes. Des démissions en cascade ont suivi la publication des documents sur les éditions 1998 et 1999 du Tour de France. De nombreux anciens dopés travaillaient et travaillent encore dans le monde du sport. Ce n’est pas forcément un problème, mais cela risque parfois de renforcer l’omerta, qui nuit à la lutte antidopage. La parole méritait donc d’être libérée.

Des révélations ont été faites dans le monde du tennis, avec des cas de dopage qui n’avaient pas été rendus publics, comme celui de Marin Čilić.

Le nouveau président de l’Union cycliste internationale – l’UCI –, Brian Cookson, a enfin proposé la création d’une commission « vérité et réconciliation », comme nous le recommandions. C’est une excellente nouvelle. Nous serons évidemment attentifs à la mise en œuvre de cette proposition.

Je considère que nous devons la notoriété du rapport que nous avons rendu au caractère consensuel et constructif de nos travaux. À cet égard, je souhaite remercier l’ensemble des collègues qui ont fait partie de la commission d’enquête – ils sont nombreux dans l’hémicycle – et notamment son président Jean-François Humbert. Ils ont contribué en son sein à approfondir la réflexion. Ils ont parlé d’une même voix et c’est pour cela qu’elle a porté aussi loin.

Je tiens également à remercier Mme la ministre, qui a mis ses équipes au service de la commission d’enquête. Nous avons pu sans cesse étoffer notre analyse grâce à la qualité des réponses apportées. Après le dépôt des conclusions, elle est également intervenue à plusieurs reprises pour les soutenir. Merci encore !

Je sais que ces sujets vous tiennent particulièrement à cœur, madame la ministre, et que vous les portez à l’échelon international. Nous sommes d’autant plus impatients de vous entendre répondre à nos questions.

La commission d’enquête s’était donné quatre objectifs : travailler sur un état des lieux du dopage, faire le bilan de la lutte antidopage, apporter un éclairage sur les enjeux internationaux et, enfin, formuler des propositions.

Je crois que notre analyse sur le bilan est consensuelle : le dopage traverse les disciplines, traverse les pays et traverse les niveaux de performance. Sa prévalence est indéniablement plus forte que le taux de sportifs contrôlés positifs. Il existe un réel décalage entre les chiffres officiels du dopage et sa réalité. En effet, le nombre de contrôles positifs se situe généralement entre 1 % et 2 % des contrôles, quels que soient l’année, le pays et le sport concerné, notamment collectif, individuel, olympique ou non.

Nous faisons ce constat : parler de dopage ne nuit pas au sport et, au contraire, contribue, à moyen et long termes, à lui redonner ses lettres de noblesse. Ne pas en parler, c’est souvent ne rien faire. C’est, finalement, contribuer à l’imaginaire collectif, qui veut que tous les sportifs soient dopés. Or c’est aussi ce préjugé que nous avons voulu combattre.

Nous sommes animés par le souhait de promouvoir une vision humaniste et vertueuse du sport, dans laquelle l’égalité des chances face à la performance prend toute sa place.

L’examen de notre politique antidopage fait également plutôt l’objet d’un consensus.

Le point satisfaisant est que la France reste plutôt en pointe en matière de lutte contre cette pratique prohibée.

Néanmoins, des difficultés réelles sont rencontrées, qui expliquent que la lutte a souvent encore un temps de retard sur ceux qui se dopent ou alimentent les réseaux et circuits concernés.

En effet, nous avons des difficultés à avoir une bonne connaissance statistique des pratiques dopantes, des trafics qui y sont liés et des molécules utilisées.

En matière de prévention, notre politique est à la fois trop peu dynamique et mal ciblée. Nous entendrons avec grand intérêt Mme la ministre sur cette question de la prévention.

Le dispositif de contrôle est plutôt solide. Le renforcement de son efficacité passe aujourd’hui par une politique de qualité, avec une priorité donnée aux contrôles inopinés et à un meilleur ciblage. Ce ciblage passe par la mise en place du passeport sanguin, étendu au profilage stéroïdien. Il serait utile qu’un point d’étape puisse être fait sur ce sujet, le passeport étant censé être mis en place depuis le mois de juillet dernier.

Notre laboratoire d’analyses de Châtenay-Malabry est toujours reconnu à l’échelle internationale, mais nos efforts en matière de recherche sont clairement insuffisants par rapport à d’autres laboratoires, notamment européens, comme Lausanne ou Cologne. Un éclairage sur les causes de ce constat pourra probablement être donné.

La politique de sanction mériterait, quant à elle, d’être clarifiée. Le partage des compétences actuelles entre les fédérations et l’AFLD nuit clairement à l’uniformisation des sanctions, mais surtout à leur originalité.

Cette politique reste souvent centrée sur le contrôle positif et la suspension, alors que d’autres pays insistent davantage sur les sanctions fondées sur des preuves non analytiques comme les témoignages ou les contributions des services de police.

Les sanctions pécuniaires sont enfin peu utilisées, ainsi que le pouvoir de modulation de sanctions en fonction du comportement du sportif.

Je donnerai quelques chiffres sur le sujet : une seule sanction sur la base de preuves non analytiques a été prononcée depuis la création de l’AFLD contre 20 % par l’Agence américaine, une seule sanction pécuniaire l’a été également ; en outre, à notre connaissance, la possibilité de réduire une sanction en cas de coopération du sportif n’a jamais été utilisée en France. Peut-être le code du sport n’est-il pas assez explicite sur cette modulation.

Enfin, en matière de lutte contre les trafics, nous butons notamment sur une définition restrictive du sportif et sur une certaine complexité de nos dispositifs juridiques. Surtout, nous avons constaté une incroyable incapacité des instances à coopérer entre elles, avec des témoignages accablants : l’AFLD, l’OCLAESP et les douanes ont tous des informations sur le dopage, mais ils ne les partagent pas ou très peu. La lutte antidopage serait beaucoup plus efficace si les différents acteurs sportifs, policiers et judiciaires coopéraient.

Sur le plan international, nous avons conscience que, par-delà les questions budgétaires ou de volonté politique, l’existence de différences culturelles dans le rapport au dopage constitue également un obstacle à l’harmonisation des législations nationales.

Voilà quelques éléments de l’état des lieux établi par la commission d’enquête à la suite des déplacements, tables rondes et auditions organisés au printemps dernier sur une problématique comportant de nombreux enjeux : éthiques, sanitaires, économiques, sociaux mais aussi d’ordre public.

Pour répondre aux différentes difficultés constatées, nous avons avancé soixante propositions, réparties en sept piliers.

S’agissant de la nature de ces propositions, je pense vraiment qu’elles sont concrètes, réalistes, parfois même de bon sens, à moyens financiers constants ou quasi constants, les plus rassembleuses possibles – je rappelle que notre rapport fut adopté à l’unanimité –, relevant parfois de la loi, du décret ou d’un simple règlement fédéral. Ces propositions reflètent une stratégie globale concernant toutes les disciplines et non un dispositif orienté vers tel ou tel sport particulier, qui serait alors en droit de s’estimer stigmatisé.

Le premier pilier est la connaissance.

La commission a proposé que le ministère des sports et l’AFLD financent des études sur la réalité du dopage, les risques encourus et sur le trafic de produits dopants. On ne combat bien que ce que l’on connaît bien. Ces études existent souvent à l’étranger, mais elles manquent en France. Le mouvement sportif devrait quant à lui se saisir du sujet pour faire parler ouvertement les sportifs, notamment ceux qui ont été contrôlés positifs. Leur prise de parole serait à mon avis intéressante. Dans le cyclisme, la commission qui pourrait être mise en place par l’UCI serait un premier pas. Le mouvement sportif dans son ensemble pourrait également travailler sur ce sujet.

Le deuxième pilier est la prévention.

La commission a mis en avant dix-sept propositions, car la situation actuelle nous semble très perfectible.

Le retour de la prévention dans le giron de l’Agence française de lutte contre le dopage paraît constituer un premier pas important. Le message de prévention doit être incarné dans la continuité, et l’Agence paraît constituer le vecteur idoine de la communication sur ce sujet. Celle-ci pourrait aussi remettre sur les rails les antennes médicales de prévention, ainsi que les commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage.

La première question que je poserai à Mme la ministre est donc la suivante : pensez-vous que l’Agence puisse exercer ces compétences de prévention en lieu et place du ministère des sports ou considérez-vous que leur complémentarité doive être renforcée ?

Deux axes pourraient ensuite animer la politique de prévention.

La politique de sensibilisation des sportifs amateurs est une nécessité. Elle peut avoir lieu à travers les associations de sport scolaire, les clubs, les centres de formation, mais nous avons estimé qu’une action choc et ciblée, comme l’a dit M. le président de la commission d’enquête, vers les salles de musculation – ou de remise en forme, de façon générale – était un impératif. D’après les renseignements que nous avons reçus, ce sont souvent des plaques tournantes de la consommation et du trafic ; or rien n’y est fait actuellement.

Le second axe doit être orienté vers le sport professionnel. Les calendriers sportifs de certaines ligues et fédérations sont aujourd’hui devenus délirants, notamment avec la multiplication de compétitions internationales. Tout le monde le sait. La lourdeur des calendriers est un facteur incitatif avec, d’un côté, un accroissement des charges d’entraînement et, de l’autre, une réduction des temps de récupération.

Le ministère est déjà destinataire des calendriers, et nous avons estimé qu’il devait pouvoir s’opposer à ceux qui seraient abusifs, sur la base évidemment des risques pesant sur la santé des sportifs.

Madame la ministre, pensez-vous qu’une telle proposition soit réaliste ?

Le troisième pilier est celui de la politique des contrôles.

Il nous faut impérativement permettre à l’AFLD d’être présente sur un certain nombre de compétitions qui lui échappent actuellement.

Toutes les compétitions se déroulant en France doivent être considérées, par principe, comme nationales, sous réserve de la communication par la fédération internationale d’une liste annuelle des manifestations internationales qu’elle entend effectivement contrôler. Je pense qu’on resterait comme cela dans le cadre du code mondial.

Je crois savoir que nous avons avec Mme la ministre des points de vue convergents sur cette question.

Afin d’améliorer le ciblage des contrôles, une spécialisation des responsables régionaux de la lutte antidopage nous paraît également indispensable.

Nous avons donc proposé de mettre en place huit correspondants antidopage interrégionaux mis à la disposition de l’AFLD à temps plein, chargés de définir, en lien avec le directeur des contrôles, le programme interrégional des contrôles. Ils sont aujourd’hui vingt-quatre correspondants en tout, mais leur réel investissement est très disparate. Il vaut clairement mieux huit temps pleins que vingt-quatre tiers-temps. Ce serait un moyen de remotiver les troupes, d’éviter la dispersion, de professionnaliser les intervenants, et ce à coût constant.

Nous avons conscience qu’une telle préconisation se heurte à des difficultés de mise en œuvre. Néanmoins, souhaitez-vous vous orienter vers un tel fonctionnement ? Des négociations dans ce sens ont-elles commencé ?

Le quatrième pilier est celui des analyses.

Aujourd’hui, il existe de nombreux échantillons collectés qui ne sont pas analysés pour toutes les substances, pour des raisons d’économie. Comme l’AMA l’a recommandé, il semble pourtant que des produits comme l’EPO ou l’hormone de croissance devraient être plus systématiquement recherchés, quitte à réduire le nombre global de contrôles. Cela aurait un effet dissuasif et réduirait le sentiment d’impunité que pourraient ressentir certains sportifs dopés.

Afin d’accentuer l’orientation du laboratoire français vers la recherche, nous avons aussi estimé qu’il pourrait être rattaché à l’Université et non plus à l’AFLD. Pour étudier la faisabilité d’un tel rattachement, il est suggéré que l’Inspection générale de la jeunesse et des sports soit chargée d’une mission sur la pertinence et les modalités d’un adossement du laboratoire national de Châtenay-Malabry à une université. Idéalement, ce rapport devrait être rendu avant nos discussions sur la future loi-cadre sur le sport.

Pensez-vous qu’une telle mission puisse être diligentée rapidement ?

Le cinquième pilier est celui des sanctions disciplinaires.

Nous nous sommes prononcés en faveur d’un transfert du pouvoir de sanction des sportifs des fédérations nationales à l’Agence française de lutte contre le dopage, comme socle nécessaire à la réforme globale de la politique de sanction.

Ce transfert permettrait de mettre fin aux risques de conflits d’intérêts pesant sur les fédérations, mais surtout de professionnaliser la sanction afin de favoriser la prise de sanctions pécuniaires, de sanctions collectives et de sanctions fondées sur des éléments non analytiques.

Une réforme législative est nécessaire. Une telle disposition est-elle envisageable dans le texte de modernisation du sport que vous préparez ?

Nous avons également proposé que puisse être mis en place un véritable mécanisme de repentis. L’omerta est en effet un sujet majeur dans le dopage, et les sportifs nient systématiquement, du moins dans un premier temps, quand ils sont contrôlés positifs.

Il y a donc un réel intérêt général, pour la politique de lutte contre le dopage, à réduire la sanction de quelques-uns, en fonction du degré de coopération du sportif et des éléments d’information qu’il fournit. Cela aurait le triple intérêt d’apporter des renseignements sur les produits utilisés, de permettre de mieux remonter les filières de trafiquants et de renforcer les liens entre autorités antidopage et services de police et de gendarmerie.

Le sixième pilier est celui de la politique pénale.

Premier élément, la commission d’enquête n’a pas proposé de pénaliser l’usage de produits dopants. Nous avons entendu l’argument selon lequel l’idée serait de pouvoir disposer de moyens supplémentaires pour remonter les filières, et non de mettre en prison les sportifs.

Néanmoins, j’ai aussi soutenu l’idée que ce serait une erreur de créer une concurrence entre les sanctions disciplinaires et les sanctions pénales.

Nous disposons au demeurant déjà d’une incrimination de détention de produits dopants pour les sportifs, qui permet de lancer les enquêtes policières.

En revanche, cette incrimination est pour l’instant limitée aux seuls sportifs, au sens du code du sport. Or cette notion n’est pas très claire et exclut par exemple les membres des salles de sport ou de musculation, que nous évoquions voilà un instant. Nous proposons donc tout simplement que l’incrimination pénale de la détention de produits dopants soit élargie à l’ensemble des personnes pratiquant un sport dans le cadre d’un établissement d’activités physiques et sportives.

Enfin, le septième et dernier pilier, et non le moindre, est celui de la coopération.

L’AFLD ne pourra pas prendre des sanctions non analytiques si les services de police, de gendarmerie ou des douanes ne lui fournissent aucun élément. Il est, à l’inverse, extrêmement difficile de remonter les filières si les sportifs contrôlés positifs ne livrent aucune information. Il faut sortir chacun de son isolement contre-productif en imposant une coopération entre les acteurs.

Nous avons donc souhaité, parmi d’autres préconisations, que les informations recueillies par l’AFLD impliquant des faits de dopage soient systématiquement portées à la connaissance de l’OCLAESP, qui est aujourd’hui censé centraliser les informations.

Inversement, l’AFLD devra être destinataire de tous les procès-verbaux de garde à vue de personnes soupçonnées d’avoir commis un délit relatif au trafic de produits dopants ou, plus généralement, des éléments tirés des enquêtes menées.

Les services du ministère des sports se sont-ils déjà rapprochés de ceux de la justice pour savoir si une telle mesure pourrait être mise en place, avec une éventuelle base législative ?

Par ailleurs, sur la question du financement, nous avons proposé d’élargir la taxe Buffet et d’en affecter une partie à l’AFLD. Madame la ministre, que pensez-vous d’une telle évolution ? Est-elle envisageable dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014 ?

Ces mesures nous ont semblé être le seul moyen pour que la lutte contre le dopage ait « une longueur d’avance » sur le phénomène qu’elle combat, notre conviction étant de consolider notre savoir-faire français, souvent reconnu au niveau international, et de ne pas baisser la garde.

Nous serons évidemment ravis, madame la ministre, d’entendre votre analyse sur les propositions que je viens d’évoquer ou sur toute autre qui vous paraîtrait digne d’intérêt. §

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sport est confronté à des dérives qui l’éloignent des valeurs humanistes qu’il devrait incarner et véhiculer. Il l’a fait autrefois.

L’argent et le profit se sont introduits au cœur de la compétition sportive.

Le partage, le vivre-ensemble, le collectif et le dépassement de soi perdent peu à peu de leur sens et de leur importance pour se diluer dans les millions, voire les milliards d’euros que certaines de ces disciplines génèrent.

Le sport perd sa spécificité et surtout son éthique, devient une activité économique comme une autre.

Nous nous éloignons petit à petit de la conception si noble du sport de Pierre de Coubertin, qui disait : « Le sport va chercher la peur pour la dominer, la fatigue pour en triompher, la difficulté pour la vaincre. »

De cette dérive financière résulte en partie le recours à la tricherie, au dopage qui brise l’égalité des chances.

Il ne s’agit pas de pointer du doigt tel ou tel sportif, pas plus que de nier absolument leur responsabilité, mais de comprendre pourquoi autant d’entre eux peuvent y recourir. La pression médiatique, les enjeux financiers, les calendriers sportifs toujours plus chargés sont autant d’éléments qui accentuent son usage.

Les sportifs sont victimes d’une « surcompétition » quelque peu inhumaine qui prend le pas sur le sens du sport lui-même.

Nous pensons qu’il faut réfléchir globalement au fonctionnement du sport mondial et agir sur ce système complexe, sans se limiter au traitement de l’une de ses conséquences, le dopage, et à la sanction du seul sportif.

Le groupe CRC a toujours considéré avec le plus grand sérieux et la plus grande gravité le problème du dopage, qui nuit autant au sport qu’aux sportifs et à leur santé.

Loin de la vision caricaturale d’un usage généralisé des substances dopantes, nous pensons néanmoins que ce problème doit être traité à bras-le-corps, et qu’une lutte efficace contre ce fléau du sport appelle un certain nombre d’actions fortes et de changements.

La France peut se féliciter d’avoir eu une « longueur d’avance » en la matière, comme cela est souligné dans le rapport.

Nous nous rappelons tous encore la loi Buffet de 1998, par laquelle notre collègue Marie-George Buffet, alors ministre des sports, avait engagé avec conviction la lutte contre le dopage. D’autres ministres ont ensuite apporté leur pierre à l’édifice. Cette loi d’avant-garde a permis à la France de se saisir de ce problème et a ouvert la voie à une réflexion internationale, pour finalement déboucher sur la création en février 1999 de l’Agence mondiale antidopage.

Mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce rôle de précurseur, et face aux moyens et aux effets limités de la lutte contre le dopage, nous avons encore une fois le devoir d’initier des changements innovants, tant ce combat est difficile.

Je partage à la fois le diagnostic que dresse la commission d’enquête à laquelle j’ai participé et l’essentiel de ses conclusions et recommandations.

Nous nous joignons à nos collègues pour appeler de nos vœux, madame la ministre, la traduction de ces propositions en actes.

Un engagement fort de l’État est nécessaire, impulsant une dynamique internationale. Il faut donc une volonté politique, des changements, mais aussi des moyens humains et financiers supplémentaires pour les accompagner et en assurer l’efficacité.

C’est là notre seul point de divergence avec la commission d’enquête, dont le postulat de départ est l’amélioration de la lutte contre le dopage à moyens constants. Nous affirmons que, pour être pleinement efficace, la lutte contre le dopage doit être accompagnée des moyens financiers à la hauteur des enjeux.

Comme le préconise le rapport, nous jugeons qu’il faut en premier lieu disposer d’une meilleure connaissance de ce phénomène. La prévention doit être un axe fort de cette lutte, et il nous paraît pertinent que l’Agence française de lutte contre le dopage voit ses missions élargies en ce sens.

Contrairement aux idées reçues, le dopage n’est pas le fait de quelques sportifs de haut niveau. Les sportifs amateurs et même les jeunes y ont recours, notamment dans les salles de sport. Il est donc essentiel de sensibiliser l’ensemble du monde sportif aux méfaits de ces substances sur la santé, et ce de la manière la plus pédagogique et efficace possible. Il faut donner aux jeunes sportifs, à tous les niveaux de compétition, les moyens de refuser et de dénoncer le dopage, afin qu’ils soient acteurs de ce combat.

Quant à la possibilité pour le ministère de s’opposer aux calendriers sportifs, nous ne nous berçons pas d’illusions sur son effet. Toutefois, cette mesure va, à nos yeux, dans le bon sens. Trop intenses, les saisons sportives favorisent en effet la prise de produits dopants. Ce constat a été unanimement admis lors de nos auditions.

Bien sûr, les politiques de contrôles doivent être améliorées. C’est la base. Mais les contrôles sur les compétitions ne suffisent pas, et la mise en cause de leur efficacité et de leur valeur en est la conséquence. Il faut donc renforcer les contrôles inopinés, étendre systématiquement les analyses à toutes les substances et développer des suivis tout au long de l’année, notamment par le biais des passeports biologiques.

Permettre à l’AFLD d’être présente lors de toutes les compétitions ayant lieu en France est une disposition qui nous agrée, même s’il nous paraît étonnant de demander une multiplication des contrôles sans parler de l’augmentation des moyens de cette agence au-delà des huit correspondants interrégionaux mis à sa disposition. Cette mesure n’en est pas moins positive.

Vient ensuite le volet « sanctions », indissociable de toutes les actions précédemment évoquées. Les sanctions doivent être renforcées, nous en convenons, mais de manière collective et pas pour le seul sportif.

Il est également indispensable de transférer l’exclusivité du pouvoir de contrôle des fédérations sportives nationales à l’AFLD. Afin d’éviter les conflits d’intérêts et d’assurer la plus grande indépendance des contrôles, il faut détacher ces derniers des acteurs directs du monde sportif. L’AFLD semble à même d’assurer cette indépendance et cette professionnalisation.

Enfin, nous nous joignons à l’injonction de coopération des différents organismes luttant contre le dopage, à savoir l’AFLD, les services de police, de gendarmerie et de douane.

En conclusion, je salue la grande qualité du travail accompli par la commission d’enquête. Son président, Jean-François Humbert, et son rapporteur, Jean-Jacques Lozach, ont beaucoup œuvré pour mener à bien cette lourde tâche, avec ses multiples auditions. Celles-ci se sont toutes révélées d’un très grand intérêt pour nous comme pour l’ensemble du monde sportif et même pour la population tout entière. Je précise que nos travaux se sont déroulés dans un climat très cordial et constructif.

Nous serons particulièrement attentifs à ce que les préconisations de notre rapport ne restent pas lettre morte et qu’elles produisent pleinement leurs effets, pour que, demain, la morale triomphe et pour que le sport soit synonyme de réussite et de bonheur pour tous. §

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Mazars

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à remercier le groupe socialiste d’avoir choisi ce sujet ambitieux et à féliciter le rapporteur, Jean-Jacques Lozach, pour la qualité de son travail. Sa parfaite connaissance de la chose sportive et sa totale implication dans cette mission sont indéniablement à l’origine de son audience.

Je tiens également à féliciter le président de la commission d’enquête, Jean-François Humbert, qui a su rassurer l’ensemble de nos interlocuteurs sur les réelles motivations de notre travail et, partant, établir avec eux un dialogue de confiance et de vérité.

Aussi ancienne que la pratique sportive elle-même, l’utilisation de substances et méthodes destinées à améliorer la performance des sportifs répond à l’accroissement permanent des exigences des athlètes envers eux-mêmes, de leur entourage ou encore du public, qu’il soit spectateur ou téléspectateur.

Les limites sont constamment repoussées : ainsi, à l’épreuve reine de l’athlétisme, le 100 mètres, Usain Bolt a battu le record du monde en 2009 avec 9 secondes 58, que Jesse Owens, en 1936, avait réalisé quant à lui en 10 secondes 30. Pour l’épreuve du saut à la perche, le record détenu en 1940 par Cornelius Warmerdam avec 4, 60 mètres fut largement dépassé par Sergueï Bubka en 1994 avec 6, 14 mètres.

Alors que le sport est associé à l’éthique et à la santé, qu’il fait appel au dépassement de soi, qu’il impose le respect des règles du jeu et celui des adversaires, il devient aujourd’hui trop souvent un spectacle où ces valeurs n’ont plus cours.

En effet, le public et les médias attendent des exploits de plus en plus retentissants. Les entraîneurs, les fédérations, les médecins, les soigneurs et même l’entourage familial des sportifs font peser une pression parfois insoutenable sur les épaules de ceux-ci.

De surcroît, les calendriers surchargés n’accordent aucun répit aux sportifs, qui ne bénéficient du droit au repos qu’une fois blessés... Et encore lorsqu’ils ne continuent pas leur entraînement sous autorisation d’usage à des fins thérapeutiques, pratique du reste particulièrement contestable, comme le relève le rapport de la commission d’enquête.

Dans un entretien accordé en juin 2013 au journal Le Monde, Lance Armstrong déclare qu’il est impossible de gagner le Tour de France sans se doper. §Tricheur ou victime ? Il me semble que le débat sur la responsabilité du sportif est légitime.

Certes, la responsabilisation du sportif requiert des actions de prévention dès le plus jeune âge. Les campagnes de sensibilisation, appuyées sur des études sur les effets indésirables des substances consommées, concourent à la lutte contre le dopage, notamment lorsqu’elles visent les jeunes amateurs. Ces études doivent être régulièrement actualisées pour alimenter nos connaissances en la matière. Des autopsies systématiques lors des décès prématurés des sportifs pourraient en déterminer les causes et contribuer ainsi à la rédaction de notices sur la fréquence des pathologies associées aux différents produits employés.

Cependant, il semblerait que la prévention ne soit pas toujours suffisante. Quoique souvent conscients des risques de pathologies, de morts subites et du possible raccourcissement de leur espérance de vie, les sportifs professionnels continuent de recourir au dopage.

L’argent, nous le savons, n’est pas leur principale motivation. Lors des auditions, le docteur Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport spécialiste du dopage, a affirmé que « le vrai moteur du dopage n’a jamais été l’argent » mais « l’ego, la compétition ».

Ces propos trouvent leur confirmation dans la bande-annonce du documentaire réalisé par Alex Gibney, dans lequel Lance Armstrong déclare : « J’aime gagner, et plus que tout, je déteste l’idée de perdre. Pour moi, ça équivaut à la mort. »

La prévention ne pourra jamais répondre au « tout ou rien ». C’est pourquoi, à titre personnel, avant de suivre les auditions menées par notre commission d’enquête, la pénalisation de l’usage de produits dopants me semblait pertinente.

La pénalisation de l’usage pouvait effectivement sembler efficace.

Au premier chef, il s’agissait d’un message dissuasif, notamment à destination des plus jeunes et des amateurs.

En outre, ce procédé permettait de recourir à des pouvoirs d’enquête élargis, de même que pour les produits stupéfiants, ou comme en Italie où une loi récente a qualifié de délit le simple usage d’un produit dopant.

Néanmoins, les arguments développés à l’encontre d’une telle solution me semblent aujourd’hui pertinents, pour ne pas dire convaincants.

En effet, nous avons l’expérience de la loi du 1er juin 1965, qui pénalisait l’usage de stimulants à l’occasion de compétitions sportives. L’application de ce texte s’est heurtée à des obstacles, en raison de la difficulté de prouver le caractère intentionnel de cet usage. Quarante-huit ans plus tard, il resterait aussi difficile d’établir cet élément moral de l’infraction, et partant la responsabilité pénale des sportifs eux-mêmes.

Au surplus, le rapport de la commission d’enquête rappelle la difficile articulation entre la sanction pénale, d’une part, et les sanctions disciplinaires, d’autre part, la première et les secondes pouvant, dans certains cas, se contredire.

Qui plus est, les procédures judiciaires sont toujours plus longues que les procédures disciplinaires ou administratives. Cette situation contrevient à l’objectif d’une réponse rapide à la tricherie et aux atteintes portées à la santé.

La réponse pénale est sans aucun doute plus adaptée à la détention ou au trafic de produits et de méthodes interdites, comme le prévoit du reste notre droit actuel. En effet, il est plus opportun de pénaliser ceux qui tirent un profit direct de cette atteinte à la santé publique. Nous savons qu’il peut parfois s’agir de réseaux particulièrement bien organisés, aux activités multiples.

À ce titre, il faut relever qu’en dépit d’un cadre juridique pénal très élaboré la France connaît quelques lacunes dans la lutte contre les trafiquants, faute d’échange systématique d’informations entre les services répressifs, les services douaniers et l’Agence française de lutte contre le dopage. Or cette coopération est un moyen essentiel pour appréhender le fléau à sa source et, ce faisant, entraver la diffusion de ces produits, destinés non seulement aux initiés mais aussi au grand public.

Voilà pourquoi nous soutenons pleinement toutes les propositions du rapport allant dans le sens d’une collaboration renforcée et systématique entre tous les acteurs de la lutte contre le dopage.

Parmi les sanctions disciplinaires, seules sont dissuasives celles qui sont susceptibles d’avoir une influence réelle sur la carrière des sportifs. Ainsi, il serait intéressant de porter les suspensions de deux à quatre ans en cas de consommation de produits lourds.

Par ailleurs, il est évident que les fédérations nationales ou internationales ne doivent plus disposer à la fois des pouvoirs de contrôler, d’instruire le dossier et de prononcer la sanction. L’indépendance à l’égard du monde sportif doit être garantie pour éviter tout conflit d’intérêts patent.

De même, pour être indépendants, les contrôles doivent être confiés aux agences nationales de lutte contre le dopage, sans que soit requise l’autorisation de la fédération internationale ou, à défaut, de l’Agence mondiale antidopage, l’AMA.

Une fois les fédérations dessaisies de ces pouvoirs de contrôle, la sanction collective mériterait d’être étudiée. Au demeurant, pourquoi ne pas aller plus loin, notamment en modulant les sanctions financières selon les bénéfices tirés de la tricherie ?

Enfin, les dispositifs de sanction ne peuvent s’appliquer si les moyens de contrôle n’évoluent pas. La création du passeport biologique en 2008 au sein de certaines fédérations, comme l’UCI, puis sa mise en œuvre pour tous les sportifs de France – de haut niveau, espoirs et professionnels – permettra de contrer les évolutions technologiques visant à passer entre les filets de la détection. Associé à un accroissement des contrôles inopinés, à un ciblage plus aléatoire des substances et au recours à des témoignages, le passeport biologique constituera un outil redoutable pour déceler les infractions à l’éthique sportive.

Madame la ministre, nous connaissons votre attachement aux valeurs fondamentales du sport et votre engagement indéfectible sur le front de la lutte antidopage.

Nous savons qu’un projet de loi relatif au sport sera soumis au Parlement l’année prochaine, et nous ne doutons pas que vous retiendrez bon nombre des soixante propositions contenues dans le présent rapport.

Nous espérons que vos responsabilités au sein de l’AMA permettront à la voix de la France, qui, dans ce combat a toujours compté parmi les plus fortes, d’être entendue par tous et en tout lieu. Il s’agit, là aussi, de faire respecter l’égalité entre tous, entre nos athlètes et les autres.

C’est un dur combat, que d’aucuns pourraient croire perdu d’avance, …

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Mazars

… ou juger sans intérêt.

Aux yeux des membres de mon groupe, ce combat n’en mérite pas moins d’être mené, car il est noble. En effet, il dépasse largement le seul fléau de la tricherie et le seul cadre du sport. Roland Barthes disait : « Doper le coureur est aussi criminel, aussi sacrilège que de vouloir imiter Dieu ; c’est voler à Dieu le privilège de l’étincelle. »

Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste ainsi que sur plusieurs travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission d’enquête, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes tous sensibles au sport, d’une manière ou d’une autre, que l’on aime le regarder, encourager une équipe, ou bien que l’on s’y adonne régulièrement pour rester en forme.

Le sport pour toutes et tous, c’est un vecteur de dynamisme collectif et de santé. C’est également un moyen de diffuser des valeurs très positives, comme l’égalité des chances, le dépassement de soi, la solidarité et le respect des autres.

Toutefois, le sport peut présenter un côté sombre, objet de scandales financiers ou urbains. N’oublions pas, au demeurant, que le sport a souvent été employé par les dictatures, cherchant à asseoir leur puissance, au détriment de la santé des sportifs.

Ainsi, il est de la responsabilité de l’État de fixer les bonnes orientations stratégiques sans s’immiscer de manière trop autoritaire dans la vie des associations sportives.

Cela étant, s’il existe un sujet sur lequel la puissance publique doit se montrer intransigeante, c’est bien le dopage. Alors que la pratique sportive est globalement synonyme de santé et d’équilibre, le problème du dopage relève de l’exact opposé. Le revers de la médaille de nos champions, c’est le caractère inhumain et ultra-compétitif de la politique actuellement menée : il suffit d’observer l’ensemble des saisons de la plupart des championnats, leur durée et leur intensité, au détriment du repos et tout simplement des vacances des sportifs.

Nous devons sortir d’une logique de sport business qui a poussé à l’utilisation de méthodes contraires à l’esprit sportif, mises en lumière par les révélations particulièrement graves autour de la carrière de Lance Armstrong et le retrait de ses sept titres de maillot jaune du Tour de France, notamment. Le site Internet du Tour de France fait maintenant apparaître des trous dans le palmarès de l’épreuve, qui laissent l’observateur songeur.

Comme l’a très bien développé l’excellent rapport de nos collègues Jean-François Humbert, président de la commission d’enquête, qui n’est plus présent, et Jean-Jacques Lozach, rapporteur, qui, lui, est là, le dopage touche à la fois les professionnels et, de plus en plus, les sportifs amateurs, démontrant l’opacité et l’ampleur du trafic de produits dopants, que l’on peut considérer comme de réels stupéfiants au fort pouvoir addictif.

À l’échelle individuelle, les conséquences médicales peuvent être dramatiques. Overdoses, dépendance toxique, les risques encourus sont graves, d’autant plus que la pratique du dopage échappe à tout contrôle sanitaire, de l’élaboration des substances à leur vente, jusqu’à la prise par l’athlète, les substances dopantes étant parfaitement illégales.

Pourtant, par manque de coopération, les trafiquants ont souvent une longueur d’avance sur la police, la gendarmerie et la douane. Ces forces doivent davantage collaborer pour parvenir à démanteler ces réseaux d’acheminement clandestins.

Par ailleurs, les fédérations sportives et les agences régionales ou nationales de lutte contre le dopage rencontrent des difficultés organisationnelles, scientifiques et matérielles, notamment budgétaires, ainsi que l’indiquait notre collègue Michel Le Scouarnec.

Les fédérations peinent à mobiliser les moyens techniques suffisants pour organiser des contrôles appropriés, individualisés et inopinés. C’est pourquoi la réforme de l’AFLD, envisagée dans ce rapport, semble très souhaitable, afin de conférer à cet organisme les moyens humains et matériels de gérer de manière autonome son rôle de prévention, de contrôle et de sanction.

À l’échelle internationale, la question de la coopération à tous les niveaux est au cœur des préoccupations. Nous sommes souvent, comme le soulignait notre collègue Stéphane Mazars, à la pointe du combat, parfois au détriment de nos propres performances. Ce n’est certes pas le seul sujet, mais tous deux amoureux du sport et de notre pays, nous y sommes également sensibles ! §

Une entente entre les fédérations nationales est nécessaire pour soulager des calendriers de compétition et en ralentir le rythme, pour répartir raisonnablement la responsabilité des contrôles lors des compétitions, et pour harmoniser – c’est très important – les sanctions à travers les disciplines et les pays.

J’ajouterai qu’une révision de l’organisation mondiale du sport est souhaitable afin de l’orienter dans un sens moins mercantile et d’encadrer le financement et la gestion des fédérations sportives nationales.

Pour les écologistes, la pratique de la compétition à un haut niveau de performance n’est pas forcément contradictoire avec une vision humaniste et coopérative. Certains de mes collègues écologistes se sont fait une spécialité de l’opposition aux subventions sportives, ce n’est pas mon cas. Étant moi-même un amoureux du Paris-Saint-Germain

Mme Françoise Laborde s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Pour conclure, je tiens à remercier, au nom de mon groupe, les auteurs de ce rapport pour la qualité du travail et des analyses qui y sont développées. Nous nous inscrivons dans les recommandations formulées.

La pratique du dopage, parce qu’elle concerne tous les sports, tous les pays et tous les niveaux, doit être combattue de manière transversale dans l’ensemble des disciplines, à l’échelle nationale et internationale. La France, qui est un des premiers pays à avoir adopté une réglementation en la matière, dès 1965, ne doit pas relâcher ses efforts en faveur de la transparence, de l’éthique et de la lutte contre le dopage, à l’échelle tant nationale qu’européenne et mondiale. Ainsi, le sport continuera d’être reconnu comme un élément de santé publique, et non le contraire, mais aussi comme un moteur pour la jeunesse.

Je fais confiance, comme mes collègues, à notre ministre de la jeunesse et des sports pour présenter l’année prochaine un projet de loi portant cette préoccupation très forte de la lutte contre le dopage. Je me souviens des débats à ce sujet entre certains députés, auprès desquels je travaillais comme jeune assistant parlementaire, et Marie-George Buffet, qui avait fait un travail remarquable. J’espère que nous resterons dans cette continuité afin de peser davantage sur cette politique très importante pour notre pays, pour le sport et pour notre jeunesse.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste . – Mme Chantal Jouanno et M. Stéphane Mazars applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens au nom du groupe UDI-UC dans une position un peu ambiguë. En effet, madame la ministre, j’ai exercé vos responsabilités, et j’ai eu le plaisir d’être membre de cette commission d’enquête. Je me souviens d’un certain sentiment d’impuissance quand j’occupais votre place, car depuis 1998 et le scandale Festina, la question du dopage a toujours sali le cyclisme, de manière quelque peu injuste, dans la mesure où ce sport est l’un des plus contrôlés, tous les sports sont concernés, comme l’a très bien montré cette commission d’enquête et la France est, il faut le rappeler, un des pays les plus engagés dans la lutte contre le dopage. Mais nous échouons souvent.

C’est pourquoi je ne peux que me réjouir, avec l’ensemble des membres du groupe UDI-UC, de voir que le Sénat, à travers notre commission d’enquête, s’est emparé de cette question, avec la volonté partagée d’engager un débat aussi objectif et dépassionné que possible. On ne peut empêcher la survenue de quelques hérésies médiatiques, mais tel a bien été le souhait de chacun au sein cette commission d’enquête. Celle-ci a abouti de fait à un constat, que vous connaissez : concernant le sport, on est toujours confronté à un paradoxe.

En effet, face à ce monde toujours plus traversé, voire secoué, d’enjeux financiers, d’enjeux médiatiques, de demandes de performances toujours plus importantes – le Paris-Saint-Germain, cher Jean-Vincent Placé, en est un bon exemple –, et donc à un appétit pour le spectacle, la société demande toujours plus de lutte contre le dopage, de transparence, d’éthique, voire de morale.

Le parti pris de la commission, qui est en fin de compte un choix politique, a été de ne pas souhaiter que le sport s’oriente toujours vers le sport spectacle. Nous considérons fondamentalement, et de manière tout à fait unanime, qu’il s’agit d’un enjeu et d’une question de société.

Pour avoir une vision objective du sujet, soyons clairs, la commission a dû dépasser le silence, voire l’omerta, qui frappe le monde sportif. Le rapport final, notamment dans son annexe relative aux auditions, illustre particulièrement bien le phénomène. À écouter les représentants des différentes fédérations, et on connaît bien le sujet, tous les sports semblent « naturellement » épargnés.

L’escrime ou le judo, pour ne pas citer le karaté, bien évidemment

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Chantal Jouanno

Si ce mutisme, cette omerta est compréhensible du point de vue des fédérations – trop communiquer sur le dopage c’est aussi faire fuir des licenciés potentiels –, elle n’en est pas pour autant soutenable ou acceptable de notre point de vue, car le sport est une question de santé publique, d’éducation, d’éthique et donc, fondamentalement, une question de société, et par là même une question politique.

Partant de cette idée, la commission est parvenue à dresser un tableau assez édifiant des pratiques, anciennes et nouvelles, qui tient en une phrase : Tous les sports sont concernés, tous les sportifs sont concernés.

Tous les sports sont concernés, même si la commission a pu démontrer que les outils de mesure actuels sont insuffisants à donner l’ampleur exacte du phénomène. Les contrôles sont en effet trop rares, trop prévisibles et trop circonscrits. Pourtant, aucun sport n’est épargné.

Tous les sportifs sont concernés, on n’insiste jamais assez sur ce point. La commission a dévoilé la partie immergée de l’iceberg. On ne connaît du dopage que ses manifestations les plus médiatiques, or la prolifération des pratiques dopantes est constantes chez les non-professionnels. Elle est même terrifiante parce qu’elle touche les plus jeunes.

À ce sujet, si vous ne l’avez pas déjà fait, madame la ministre, je vous invite à lire le compte rendu de l’audition de Jean-Pierre Verdy, représentant de l’AFLD, qui nous décrivait une situation épouvantable : « Ce qui se passe chez les amateurs est très grave. Les produits utilisés sont les mêmes que chez les professionnels, mais ils le sont de manière anarchique et en quantité impressionnante : on a vu un père injecter à son fils deux à trois fois la dose d’EPO que reçoivent les professionnels. » L’OCLAESP faisait exactement le même constat.

C’est d’autant plus grave que les circuits commerciaux, les circuits d’accès à ces produits dopants sont, ainsi que l’a montré la commission, extrêmement faciles à pratiquer. On peut se procurer des produits dopants bien évidemment sur Internet, auprès de certains pharmaciens, ou auprès de certains responsables de salle de sport.

La commission considère donc unanimement le dopage comme un fléau social qui mine les fondements de la République. Il faut le dire : les sportifs et les sportives de très haut niveau sont des exemples pour la société et pour les jeunes, même s’ils adoptent des comportements violents, inadaptés, dopés. Un Franck Ribéry, un Nicolas Anelka ou un Lance Armstrong restent des exemples pour les jeunes, voilà le plus grave.

Cela nous invite donc à considérer le dopage comme un fléau social et comme un fléau sanitaire. La commission a ainsi très bien montré que les produits dopants présentaient une dangerosité particulièrement lourde. La consommation d’anabolisants n’a bien sûr pas les mêmes effets que celle d’amphétamines, mais, pour autant, les risques sanitaires sont là : dépendance, agressivité, changement du comportement, risques cardiovasculaires, cancers prématurés, vous connaissez cela mieux que nous tous.

L’avenir est angoissant, car, au-delà des produits que nous connaissons et que nous avons beaucoup de mal à détecter, arrivent sur le marché du dopage le dopage génétique et les biotechnologies, qui seront plus difficiles encore à identifier dans le cadre du système actuel qui tend à cibler les contrôles sur certains produits. C’est dire à quel point l’intelligence peut, hélas, être vénale.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les travaux de la commission ont non seulement lancé un signal d’alarme, mais également et surtout préconisé des mesures très précises.

Au nom du groupe UDI-UC, je veux dire au président de la commission et au rapporteur que nous soutenons l’ensemble des propositions présentées, conçues, en outre, pour être mises en œuvre à coût budgétaire constant et qui sont donc potentiellement directement opérationnelles – je dis bien « potentiellement » car certaines d’entre elles concernent aussi les fédérations internationales.

Je voudrais en évoquer quelques-unes.

Une proposition phare porte sur la révélation du dopage, et donc sur la création de comités « vérité et réconciliation ». S’il faut vraiment, à travers le mécanisme qui les concerne, tendre la main aux repentis, donc aux sportifs qui vont s’exprimer, il faut, pour lever l’omerta, vraiment taper du poing sur la table vis-à-vis des fédérations, qui ne mettent pas toujours en œuvre les politiques de prévention que nous leur demandons. Notamment sur le plan médiatique, on cible beaucoup trop le sportif et pas suffisamment l’ensemble du système qui l’entoure et qui, parfois, le contraint à se doper.

Je veux aussi revenir sur deux propositions majeures. La première est la généralisation du passeport biologique. C’est une nécessité afin de sortir du principe actuel de preuve matérielle pour aller vers le principe de faisceau d’indices de dopage. La mise en relation systématique des informations entre l’OCLAESP et l’AFLD est probablement un des points les plus importants pour aller vers ce faisceau d’indices.

Un tel dispositif permettrait d’assurer une veille sanitaire individuelle des athlètes en temps réel, tout en permettant de mieux déterminer le moment le plus opportun pour un contrôle inopiné.

La seconde proposition majeure sur laquelle je veux insister est la création d’une instance indépendante des fédérations qui soit en charge des sanctions. Ce n’est pas le plus simple, j’en ai bien conscience. Cependant, il n’y a pas d’autre moyen de lever cette suspicion permanente autour des sanctions, que nous avons encore connue l’été dernier, et de faire que la lutte antidopage devienne véritablement une affaire d’État. Car il s’agit bien de cela. Nous avons d’ailleurs pu constater que la plupart des circuits étaient directement liés aux circuits de drogue. C’est donc bien une affaire régalienne, au sens propre.

Le consensus existe autour des propositions entre les membres de la commission, c’est vrai, et je doute qu’il soit rompu.

Je n’exprimerai qu’une réserve : nous aurions aimé, comme le président de la commission l’a rappelé précédemment, débattre non pas des conclusions de la commission d’enquête, mais d’une proposition de loi ou d’un projet de loi. Si un texte doit être présenté au Parlement – et il y en aura un ! –, nous souhaitons vivement qu’il soit discuté en premier lieu au Sénat, ne serait-ce que pour s’inscrire dans la droite ligne des travaux qui ont été menés ici. Madame la ministre, j’espère que la présente discussion vous donnera l’occasion de prendre date pour un futur débat législatif sur la mise en œuvre effective des propositions formulées dans ce rapport.

Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées du RDSE . – MM. Michel Le Scouarnec et Jean-Jacques Lozach applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Danielle Michel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en guise de propos liminaires, je tiens à saluer le travail effectué par la commission d’enquête, l’investissement de son président, Jean-François Humbert, ainsi que l’engagement de son rapporteur, Jean-Jacques Lozach, dont nous connaissons et apprécions l’implication de longue date et l’expertise sur ces questions.

Un travail considérable a été réalisé six mois durant. De très nombreuses personnes ont été auditionnées, comme cela a été souligné ; cinq déplacements ont été organisés, dont un au laboratoire de Châtenay-Malabry, l’un des trente-trois départements d’analyse accrédité par l’Agence mondiale antidopage, à la pointe de la lutte. Soyons-en fiers !

Un large éventail de disciplines a également été représenté. Une règle a guidé notre démarche : ne pas stigmatiser, ne pas pointer du doigt les bons ou les mauvais élèves. Cette règle a été, me semble-t-il, respectée.

Monsieur Lozach, vous citez Zola dans votre rapport : « Quand on enferme la vérité sous terre, elle s’y amasse, elle y prend une force telle d’explosion que, le jour où elle éclate, elle fait tout sauter avec elle. » C’est bien cela qu’il nous faut éviter !

Ainsi, cette commission d’enquête aura, dans son principe même, dirais-je, rappelé une vérité : certains disent qu’on parle trop du dopage, mais nous, nous disons, à l’inverse, que nous n’en parlons jamais assez et peut-être jamais assez bien !

Le dopage est, il est vrai, un phénomène complexe. Compte tenu de la tendance générale au culte de la performance et à la médicalisation de notre société, notamment du sport, les pratiques dopantes peuvent apparaître comme une réalité mouvante et sont donc difficiles à cerner.

Associé à certains sports en particulier, le dopage est pourtant un phénomène qui n’épargne aucune discipline, aucun pays, aucun niveau, aucun âge non plus. La prévalence du dopage est bien plus forte que les réalités statistiques.

Par l’état des lieux et le bilan qu’il dresse de trente ans de politiques publiques en la matière, ce rapport contribue à éclairer certaines réalités restées dans l’ombre. Rompre le silence est nécessaire parce que l’omerta qui entoure les pratiques dopantes nuit au sport. L’omerta nuit au travail de prévention, d’information et de pédagogie, en particulier auprès des jeunes.

Citons quelques chiffres : neuf Français sur dix pratiquent une activité physique ou sportive, et près de seize millions de Françaises et Français étaient licenciés dans une fédération sportive agréée en 2012.

Rappelons une évidence : nos sportives et nos sportifs sont des « modèles » pour des millions d’enfants. Nos enfants sont les futurs sportives et sportifs de demain.

La pratique sportive est au cœur de notre société et son impact sur la santé, l’éducation, les loisirs et l’économie implique, de la part des responsables publics et des parlementaires que nous sommes, une action forte et continue pour éviter les dérives liées au dopage.

Si un certain nombre de discours se révèlent sceptiques, voire fatalistes, quant à l’efficacité de la lutte antidopage, telle n’est certainement pas la tonalité de ce rapport, qui se veut, au contraire, très volontariste.

Dans la lutte contre le dopage, plusieurs champs d’action existent : sept ont été définis par la commission. Permettez-moi d’insister, mes chers collègues, sur le volet prévention.

Près d’une proposition sur trois est directement liée à mieux « prévenir » les risques. Ce rapport fait de la prévention un axe majeur de la lutte contre le dopage, et je m’en félicite.

Si la lutte a trop souvent un temps de retard sur le dopage, la prévention s’inscrit dans l’anticipation et les résultats à moyen et long termes. Pour que la prévention soit efficace, il faut, à notre avis, la débuter précocement, puis la poursuivre tout au long de la vie. Il convient aussi de la traiter de manière globale, c'est-à-dire autant auprès des professionnels que des licenciés et des amateurs. Il faut également renforcer la compétence des acteurs et des relais responsables, ainsi que redynamiser et coordonner les différentes structures compétentes.

La jeunesse est évidemment le cœur de cible des messages préventifs. Devant notre commission, Michel Rieu a notamment fait état d’une étude menée au sein du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, le CPLD, au sujet du sport scolaire : « Près de 10 % des jeunes avaient été confrontés, à un moment ou à un autre, au problème du dopage. » Ce chiffre est pour le moins inquiétant !

Si des actions existent en France, de grands progrès sont encore possibles dans la prévention du dopage à l’école, qu’il s’agisse du temps scolaire ou périscolaire.

Compte tenu des nombreuses missions déjà confiées aux enseignants, une action plus ciblée pourrait être entreprise dans le second degré en direction des jeunes les plus intéressés par les activités sportives. Ainsi, des conventions entre l’Agence française de lutte contre le dopage, l’AFLD, et les associations de sport scolaire du second degré devraient être mises en place.

Par ailleurs, la prévention doit non pas se limiter aux jeunes, aux licenciés et aux fédérations, mais cibler le grand public, les amateurs, là où ils sont le plus exposés.

Jean-Pierre Verdy, directeur du département des contrôles à l’Agence française de lutte contre le dopage a déclaré – des propos que Chantal Jouanno vient de rappeler – : « Ce qui se passe chez les amateurs est très grave. Les produits utilisés sont les mêmes que chez les professionnels, mais ils le sont de manière anarchique ».

La prévention des pratiques dopantes chez les non-licenciés doit constituer l’un des axes forts de la politique de lutte contre le dopage. Parce que les amateurs échappent de fait aux dispositifs traditionnels, ceux du code du sport, le rapport préconise d’inclure dans la stratégie de prévention un programme de contrôles à visée éducative à l’intention des non-licenciés.

En effet, selon une source venue témoigner à huis clos, les établissements d’activités physiques et sportives en France seraient des lieux privilégiés de vente, voire de consommation, de produits dopants. Étant donné que l’on recense entre 5 et 6 millions de pratiquants dans ces salles, plusieurs propositions les visent directement : la mise en place d’une charte antidopage – de l’adhésion à cette charte dépendrait l’accès aux établissements –, le lancement de campagnes de sensibilisation spécifiques sur les risques liés à la prise de produits dopants auprès des pratiquants des clubs de remise en forme. De même que la création d’un dispositif d’alerte s’agissant des ventes de stimulants, d’hormones de croissance ou de stéroïdes anabolisants sur Internet.

Pour bien informer les jeunes et tous les publics, il faut renforcer les compétences ainsi que la connaissance des acteurs et des relais de prévention : les fédérations, les services déconcentrés, les médecins, les éducateurs, mais aussi les enseignants.

Auditionnée le 20 mars par notre commission, Marie-George Buffet a rappelé avec justesse que, outre le fait d’alerter la jeunesse, il était nécessaire d’agir auprès des personnels encadrants. Cela implique le ministère des sports et les fédérations. Leur responsabilité en matière de prévention est d’ailleurs inscrite dans le code du sport depuis les lois de 1999 et 2006.

Ces actions, rappelons-le, dépendent largement de la volonté du mouvement sportif de mener ce travail à l’intérieur des fédérations. Saluons, au passage, le remarquable travail de la fédération d’athlétisme dirigée par Bernard Amsalem. Souhaitons qu’il fasse école !

Cela implique également une responsabilité interministérielle puisque les pratiques dopantes ne sont pas l’apanage des licenciés. Parmi les acteurs de premier plan, le rôle des médecins est à souligner, même si ces derniers ont souvent des priorités éloignées de ces problématiques spécifiques.

Pour éviter les certificats médicaux de complaisance et combler la méconnaissance des règles antidopage, des substances et des méthodes, il est proposé de développer la sensibilisation aux questions du dopage dans la formation initiale et continue des médecins, notamment celle des généralistes.

En outre, il semblerait utile d’interdire aux sportifs de collaborer avec certains médecins ayant participé à des pratiques dopantes.

Enfin, pour que cette prévention fonctionne mieux, il est nécessaire de la redynamiser et de mieux coordonner les structures existantes. La première structure à étoffer est l’Agence française de lutte contre le dopage, dont le rôle doit être considérablement renforcé, et ce pour trois raisons au moins. Tout d’abord, pour favoriser une plus grande cohérence avec les contrôles, qui peuvent revêtir à de nombreux égards une dimension préventive. Ensuite, pour donner une meilleure lisibilité et visibilité aux actions de prévention à l’égard des sportifs et du grand public. Enfin, pour développer les relations, la connaissance réciproque et les partenariats entre les fédérations sportives et l’AFLD.

La proposition 19 du rapport vise à conférer à l’AFLD la compétence en matière de prévention du dopage. Ainsi, la coordination des politiques régionales, l’animation des antennes médicales de prévention du dopage et la gestion du numéro vert seraient de sa responsabilité. Par voie réglementaire, il serait souhaitable de relancer les commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage et de prévoir que ces dernières soient animées par des correspondants antidopage interrégionaux.

Les vingt-quatre antennes médicales de prévention du dopage, les AMPD, créées en 1999 visent à donner des informations et des conseils, y compris médicaux, aux sportifs, ainsi qu’à leur entourage. Il s’agit de leur redonner les moyens de poursuivre leur mission. Avec les campagnes régulières lancées par le ministère des sports ou ses services déconcentrés, ces structures sont des relais territoriaux précieux. D’autres mesures vont dans ce sens.

Ainsi, l’animation des antennes médicales de prévention du dopage pourrait être de nouveau confiée à l’AFLD, ce qui garantirait un pilotage national. Par ailleurs, le monopole des AMPD en matière d’attestation avant remise de licences pour les sportifs sanctionnés pourrait être rétabli. Enfin, la carte des AMPD pourrait être rationalisée et le cadre d’implantation de celles-ci pourrait être assoupli, en vue d’une meilleure lisibilité.

Dès lors, et par cohérence, pourquoi ne pas renommer l’Agence française de lutte contre le dopage Agence de prévention et de lutte contre le dopage, ce qui constituerait un symbole fort ?

Au final, toutes ces mesures tendent à rendre la place de l’AFLD prépondérante dans la prévention de la lutte antidopage, en la chargeant aussi de la coordination des politiques régionales.

En effet, il s’avère important de redynamiser les trois principales structures permanentes chargées de la prévention, à savoir les commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage, les antennes médicales de prévention du dopage et le numéro vert Écoute Dopage.

Dans le schéma ainsi proposé, le ministère conserverait l’action internationale en faveur de la lutte antidopage et le volet de prévention lié à l’exercice de sa tutelle sur les fédérations.

Rappelons que cette mission essentielle de prévention subit les contraintes imposées par le modèle économique du sport et une économie du spectacle qui impose un rythme de compétition toujours plus soutenu. Il est vrai que les calendriers sportifs des ligues et des fédérations deviennent démentiels. Le ministère est déjà destinataire des calendriers. La commission estime qu’il doit pouvoir s’opposer à ceux qui seraient abusifs, sur la base des risques pesant sur la santé des sportifs.

Cette pression amène parfois à la prise de substances interdites, plus encore à certains moments clés de la saison ou d’une carrière. Cette pression éloigne aussi les professionnels d’un accompagnement efficace pour prévenir les risques qu’ils prennent pour leur santé.

Les premiers auxiliaires de l’État dans sa politique de prévention du dopage sont bien entendu les fédérations. Le sportif qui prend une licence dans une fédération accepte un certain nombre de règles, auxquelles il se soumet lorsqu’il pratique son sport et qu’il participe à une manifestation sportive.

Toutefois, pour conserver leur réputation et leur attractivité, notamment auprès du grand public, il est essentiel, pour les fédérations, que leur sport soit assimilé à la protection de la santé, un message incompatible avec le dopage. D’où l’omerta qui peut régner sur ce sujet. D’où la nécessité de l’intervention de la puissance publique face à des fédérations hésitantes.

De nombreuses personnes auditionnées par la commission d’enquête ont insisté sur la prévention comme outil essentiel de la lutte contre le dopage. Parce que le dopage met à mal l’intégrité du sport et la crédibilité des sportifs et de la performance, parce qu’il met à mal l’intégrité des sportifs eux-mêmes, sur les plans physique et psychique, il faut, en effet, que la prévention prenne toute sa place.

À cet égard, les messages traditionnels ne sont plus efficaces, qu’ils soient moralisateurs ou qu’ils mettent en lumière les dangers sanitaires à long terme : à vingt ans, on est éternel ! Aussi serait-il judicieux de revoir le contenu des messages pour les formuler de manière positive, en faisant la promotion de la santé par le sport ; il conviendrait aussi de recourir aux nouveaux supports de communication, comme les réseaux sociaux, afin de rendre ces messages plus audibles par les jeunes.

Pour que la prévention soit efficace, il faut lui donner un souffle nouveau, la redynamiser, en lui donnant des moyens et en coordonnant les structures existantes. C’est à ces conditions que les sportifs, qu’ils soient de haut niveau ou amateurs, seront accompagnés sur le long terme.

Si les actions de prévention nous semblent importantes, c’est parce que nous croyons à l’éducation et au slogan : « le sport, c’est la santé ! ». Toutefois, nous savons bien qu’elles ne suffiraient pas pour éradiquer le dopage et que, sans dispositif de contrôle et de sanction, la lutte serait vaine.

Aussi, c’est bien la mise en œuvre de toutes les préconisations du rapport additionnées, dont nous espérons qu’elles seront reprises dans la prochaine loi-cadre sur le sport, qui rendra la lutte contre le dopage efficace. Nous attendons cette loi, madame la ministre !

Madame la ministre, mes chers collègues, sportez-vous bien !

Sourires et applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de féliciter à mon tour le président et le rapporteur de la commission d’enquête, MM. Jean-François Humbert et Jean-Jacques Lozach, pour la qualité des échanges qu’ils ont animés, des auditions qu’ils ont organisées et du rapport qu’ils ont rédigé. Après avoir participé à de nombreuses réunions à leur côté, je crois que, en six mois, nous avons fait du bon travail pour faire avancer efficacement la lutte contre le dopage.

Si ce combat est une priorité, ce n’est pas en réponse à un phénomène médiatique, mais tout simplement en vertu de notre responsabilité vis-à-vis des sportifs qui mettent gravement en danger leur santé, et quelquefois leur vie ; c’est aussi au nom de la lutte contre la triche, qui bafoue l’éthique sportive et ruine tous les principes universels et intemporels du sport et, bien souvent, de l’olympisme.

Les avancées réalisées au cours des dernières décennies grâce aux précédents ministres des sports, notamment Marie-George Buffet et, plus récemment, Jean-François Lamour, ont conduit à la mise en place d’un véritable arsenal juridique et matériel permettant de mieux contrôler les pratiques sportives et de lutter plus efficacement contre les pratiques dopantes.

Pour ma part, j’ai eu le privilège d’être le rapporteur, dans cet hémicycle, de plusieurs projets de loi sur ce sujet. Je pense en particulier au projet de loi relatif à la lutte contre le dopage et à la protection de la santé des sportifs, présenté par Jean-François Lamour en 2005 : ce texte important a consacré l’indépendance de l’Agence française de lutte contre le dopage.

J’ai également été le rapporteur du projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale contre le dopage dans le sport, en 2007, et du projet de loi relatif à la lutte contre le trafic de produits dopants, en 2008, qui permettait de faciliter la tâche des enquêteurs, en particulier des gendarmes, pour remonter les filières de produits dopants.

L’autorité reconnue à l’Agence française de lutte contre le dopage et les moyens qui lui ont été accordés, associés à la compétence, mondialement reconnue, du laboratoire national de Châtenay-Malabry, ont permis de mettre au jour certaines pratiques dopantes qui gangrenaient le sport depuis des années.

À ce point de mon propos, et puisqu’il se trouvait, il y a quelques instants, dans les tribunes du public, je tiens à rendre un hommage mérité à l’ancien président de l’AFLD, Pierre Bordry : par son action, il a su assurer pleinement l’autonomie de l’Agence dès sa création.

Je tiens également à rappeler que le dopage est un phénomène général. De fait, il n’est pas limité à certains sports, comme le cyclisme, contrairement à ce que la presse mondiale laisse trop facilement croire. Par ailleurs, il est bon de souligner qu’il touche aussi le monde amateur, dans sa globalité, et même les jeunes sportifs.

Du reste, on peut souhaiter que les sports de masse, qui drainent des sommes d’argent supérieures à ce que génère le cyclisme, fassent l’objet de contrôles plus approfondis et indépendants, et que les résultats soient mieux médiatisés.

Notre commission d’enquête formule dans son rapport soixante propositions concrètes destinées à améliorer la lutte antidopage. Le groupe UMP, au nom duquel j’interviens ce soir, les approuve et les soutient largement. Pour ma part, je désire insister plus particulièrement sur les propositions relatives à la prévention et au contrôle, car je considère que, dans les textes précédents, la prévention a quelquefois été un peu oubliée.

Plusieurs de nos propositions visent clairement à approfondir la prévention du dopage : nous suggérons notamment de confier un poids accru à l’Agence française de lutte contre le dopage pour en faire l’acteur clé de cette lutte, son changement d’appellation pouvant être, d’ailleurs, un élément de publicité évident.

Comme M. Jean-François Humbert l’a souligné, la prévention est la clé du succès : elle permettra de mieux informer les pratiquants d’une activité sportive des conséquences à court, moyen et long terme d’une pratique dopante, même à faible intensité.

S’adresser aussi aux non-licenciés est essentiel, car la lutte antidopage n’a pas seulement pour enjeu la sanction de la triche et de ses conséquences sur le plan de l’éthique sportive ; elle vise aussi et surtout la prévention de maladies et de pathologies graves chez des sportifs ou d’anciens sportifs, professionnels ou amateurs, qui, pour réussir une performance, mettent leur vie en danger.

Par ailleurs, la prévention dès le plus jeune âge, par exemple dans l’enseignement secondaire, est à mes yeux tout à fait nécessaire. En effet, c’est à cet âge que, se croyant invulnérable, on peut commencer à être tenté d’utiliser des moyens illégaux pour briller, se distinguer, et, pourquoi pas, être repéré par des grands clubs ou par des équipes professionnelles, quand on n’est pas aussi - hélas, cela arrive - mal conseillé par des éducateurs peu scrupuleux.

Agir dès le second degré est donc un acte nécessaire d’éducation et de santé publique.

Donner à l’AFLD la possibilité d’interdire aux sportifs de collaborer avec certains médecins ayant participé à des pratiques dopantes est également une excellente idée. Cette mesure permettrait de mettre un terme à un véritable marché de niche, sur lequel certains praticiens sont passés maîtres ; il existe des exemples célèbres, celui du docteur Ferrari étant le plus connu.

Mes chers collègues, la médecine a pour but de guérir et de soigner, pas de transformer les athlètes en machines de guerre : les docteurs Mabuse doivent être ciblés, et leur activité impitoyablement brisée !

Enfin, la validation, par le ministère des sports, des calendriers sportifs pour que l’on puisse vérifier qu’ils sont raisonnables et plus proches des possibilités physiques, serait évidemment une avancée fondamentale. Comment peut-on encore croire que les calendriers de plus en plus chargés, au point de devenir délirants, comme l’a dit Jean-Jacques Lozach, ne mettent pas en danger les sportifs de toutes les disciplines, individuelles ou collectives, en les poussant à tirer toujours plus sur leurs capacités physiques et à utiliser des produits dopants ?

La création d’un droit au repos est également une proposition à étudier. Du reste, par le passé, j’ai toujours prôné un plus grand nombre de jours de repos sur le Tour de France.

En ce qui concerne les contrôles, je soutiens la proposition consistant à favoriser la surveillance des manifestations sportives se déroulant en France par l’AFLD, en lieu et place des fédérations. Considérer par défaut toute compétition sportive comme nationale forcera les fédérations sportives internationales à prendre leurs responsabilités et à assurer un meilleur contrôle des événements sportifs qu’elles auront pris sous leur propre responsabilité.

Je pense en particulier à la prochaine coupe d’Europe de football, dont vous savez qu’elle aura lieu en France, en 2016, ainsi qu’aux futures coupes du monde de football, à commencer par celle qui se déroulera au Qatar, et au sujet de laquelle il y a beaucoup à dire.

Mme Chantal Jouanno acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Dufaut

Compte tenu des informations diffusées par la presse concernant la destruction rapide, opportunément rapide, des échantillons prélevés lors de la coupe du monde de football de 1998, il est évident que nous serons vigilants lors de la prochaine coupe d’Europe de football, un événement d’ampleur médiatique mondiale.

De même, obtenir de l’Agence mondiale antidopage que les compétences des fédérations internationales soient limitées aux seules manifestations dans lesquelles elles sont réellement impliquées est à mon avis une idée novatrice et intéressante. En effet, plus nos contrôles seront proches du terrain et des moyens des organisateurs, plus nous limiterons les cas de dopage non sanctionnés.

En définitive, le sport doit être et rester un moyen de développement de l’individu, de valorisation de l’effort et, surtout, de préservation d’une bonne santé. Toutes les actions qui servent ces objectifs doivent être soutenues ; le dopage, comme toutes les pratiques qui leur sont contraires, doit être combattu par tous les moyens.

Soyez assurée, madame la ministre, que le Sénat sera toujours présent pour mener ce combat, et que nous attendons avec impatience le futur débat législatif sur ce sujet !

Applaudissements.

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à remercier le Sénat pour l’importance qu’il a accordée au problème du dopage, et pour le travail inédit et extrêmement approfondi qui a été accompli en son sein.

MM. Jean-François Humbert et Jean-Jacques Lozach, respectivement président et rapporteur de la commission d’enquête, ont rappelé combien d’heures d’auditions ont eu lieu et quels déplacements ils ont effectués, tant en France qu’à l’étranger.

Pour la ministre des sports, il est essentiel de pouvoir s’inspirer d’un rapport aussi complet et d’aussi bonne qualité ; en vérité, il me facilite la tâche, d’autant qu’il comporte non pas des vœux pieux ou des incantations, mais des propositions extrêmement concrètes et opérationnelles.

Avant de passer en revue ces propositions, que j’ai examinées avec soin, je désire souligner que, comme l’illustrent ce rapport et les propos qui viennent d’être tenus par tous les orateurs, l’intransigeance en matière de lutte contre le dopage est une priorité largement partagée en France, …

Debut de section - Permalien
Valérie Fourneyron, ministre

… ce dont je me félicite.

En 2012, l’agence américaine antidopage, l’USADA, a montré aux yeux du monde entier que celui qui prétendait être le plus grand des champions était, en fait, le plus grand des tricheurs. À cette occasion, j’ai répété à de nombreuses reprises que nous ne devions pas laisser passer l’« affaire Armstrong » comme une affaire de plus, s’ajoutant à la liste des affaires de dopage, comme Festina ou Puerto, mais qu’il devait y avoir un avant et un après.

Il est de notre responsabilité à tous de faire qu’il en soit ainsi. Le Sénat s’est pleinement saisi du sujet en décidant de créer cette commission d’enquête, dont je remercie tous les membres, en particulier le président et le rapporteur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous ai écoutés lors des auditions que vous avez menées, et encore à l’instant, en séance publique ; je vous ai lus, aussi.

Vous connaissez l’intérêt majeur que je porte à la lutte contre le dopage : cette question qui me préoccupe dans mes responsabilités présentes, je m’y intéressais déjà lorsque j’étais médecin du sport ou lorsque je travaillais au ministère des sports, quand il a fallu rédiger la loi du 28 juin 1989 ou quand, en liaison avec le ministère de la santé, un comité interministériel avait été créé à la suite de l’affaire Festina.

À mes yeux, le premier élément d’importance de votre rapport, c’est sa première partie, qui s’intitule fort justement « Le dopage, un enjeu éthique et sanitaire ». Il s’agit bien sûr d’une évidence, mais nous devons sans cesse la rappeler.

J’ai encore eu l’occasion de revenir sur cet aspect il y a quelques semaines, à l’occasion du travail mené par l’Agence mondiale antidopage sur le nouveau code mondial antidopage et la nouvelle liste des substances qui doit être arrêtée. Le débat a été particulièrement difficile. En effet, pour établir cette liste, il fallait retenir les critères non seulement d’augmentation de la performance, mais aussi de santé publique et de mise en danger de la santé des sportifs.

L’action publique que nous menons ensemble, je le sais, dans le cadre de la lutte contre le dopage, vise à préserver à la fois l’éthique du sport et la santé des sportifs.

C’est vrai, le dopage remet fondamentalement en cause l’égalité des chances qui caractérise le sport, puisqu’il modifie les paramètres sanguins, la puissance musculaire, la capacité de récupération, et permet de développer une puissance mesurée par certains en nombre de watts par minute. C’est pour cette raison qu’il existe une liste de produits interdits : les sportifs ne peuvent pas prendre toutes les substances, ne peuvent pas utiliser toutes les techniques.

Ces interdictions visent aussi à préserver la santé des sportifs, de tous les sportifs, quel que soit le niveau de leur pratique sportive, professionnels ou amateurs. Car tous sont concernés, dans une société comme la nôtre, où l’on a toujours tendance à croire que le médicament peut tout.

Oui, le dopage est dangereux pour la santé. Oui, les pratiques dopantes font courir un risque majeur pour la santé. Malheureusement, les sportifs eux-mêmes nous ont montré les effets secondaires du dopage. Les substances sont détournées de leurs fins et les sportifs deviennent les cobayes de ce que les laboratoires n’ont pas pu tester lors des études pharmaceutiques, avant que ces produits ne soient mis sur le marché.

Comment peut-on respecter des règles éthiques et donner à des sportifs, des êtres humains, des produits dont ils n’ont pas besoin à des doses supérieures aux posologies indiquées dans le cadre de l’autorisation de mise sur le marché ?

Nous allons travailler au quotidien sur l’ensemble de ces aspects : l’éthique, qui constitue l’essence même du sport - sincérité du résultat, exemplarité pour la jeunesse -, mais aussi la protection de la santé. Le rapport de la commission d’enquête nous livre sur ces registres quelques clefs pour lutter efficacement contre le dopage.

Le premier rôle du ministère des sports est bien sûr de faire respecter l’arsenal législatif existant, et de contribuer, avec l’aide du Parlement, à l’améliorer en permanence.

Depuis la loi Herzog de 1965, qui a fait de la France le premier grand pays européen à se doter d’une législation réprimant le dopage, jusqu’à la promulgation de l’ordonnance du 14 avril 2010, en passant par la loi Buffet et la loi Lamour, la lutte contre le dopage a été motivée par la préoccupation de promouvoir l’éthique du sport et la santé des sportifs, ainsi que par la volonté de se conformer aux conventions internationales de lutte contre le dopage auxquelles la France a adhéré : celle du Conseil de l’Europe, de 1989, et celle de l’UNESCO, de 2005, qui comporte en appendice le code mondial antidopage.

C’est donc la préservation de la santé des sportifs qui, outre la lutte contre la tricherie, a toujours conditionné la position du ministère des sports, en cohérence avec le mouvement sportif sur le sujet. J’insiste sur ce point, car, comme j’ai eu l’occasion de l’exprimer à plusieurs reprises – et je vois que le débat a eu lieu au sein de votre commission d’enquête et qu’il a été tranché –, je suis opposée, de concert, effectivement, avec le mouvement sportif, à la pénalisation de l’usage des produits dopants parce que je suis convaincue que le sportif doit être protégé et non pas condamné.

Selon moi, le problème du dopage est un enjeu de santé publique avant d’être un enjeu pénal. Les sportifs se dopent pour gagner, se mettent en danger en recourant à des produits dont les effets sont, à terme, parfois inconnus. C’est aussi sous cet aspect qu’il faut considérer la lutte contre le dopage : condamner pénalement les tricheurs, c’est se mettre en position de défiance envers les sportifs et les fédérations. Le rôle du ministère des sports n’est pas de créer un climat pénal autour du sport, mais bien de protéger les sportifs et, ce faisant, de protéger le sport.

Cette conviction n’enlève rien à ma détermination à lutter contre le dopage. Stéphane Mazars l’a rappelé, au moment de la loi de 1989, on a finalement pris conscience que les délais de la procédure pénale étaient incompatibles avec le calendrier sportif. On a également mesuré combien la question de l’intentionnalité de la faute était complexe en matière de dopage.

Concernant l’arsenal législatif, il me faut évoquer, pour compléter mon propos, la loi du 12 mars 2012, qui, grâce à votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs, et aux amendements que vous aviez déposés, a instauré le « profil biologique », fondé sur certains paramètres sanguins des sportifs, tout en en réservant l’usage aux sportifs de haut niveau, aux sportifs Espoirs, aux sportifs professionnels et aux sportifs ayant déjà fait l’objet d’une sanction. Tous ces sportifs sont parallèlement assujettis aux obligations de géolocalisation.

Sur ce sujet comme sur d’autres, la France est en pointe. Un comité de préfiguration, présidé par l’Agence française de lutte contre le dopage, a rendu ses conclusions. Ce n’est plus qu’une question de semaines pour que soient publiés les décrets permettant la mise en place effective du passeport biologique.

Comme vous le voyez, l’arsenal législatif, important, est en perpétuelle évolution, notamment pour assurer sa mise en conformité avec les textes internationaux. La législation continuera de s’enrichir, notamment avec les propositions de votre commission d’enquête, qui pourront s’intégrer dans la loi de modernisation du sport que je prépare actuellement pour 2014. Ce texte sera consacré non pas uniquement au dopage et à l’éthique, mais à l’ensemble des enjeux de la politique sportive.

Mais le rôle du ministère ne se limite pas à rédiger des textes et à les faire appliquer. J’ai ainsi souhaité que la Direction des sports s’engage activement sur le sujet majeur de la lutte contre le dopage, en particulier en matière de prévention. Ses actions se décomposent en deux volets majeurs.

S’agissant tout d’abord du volet « grand public », je citerai l’association, pour la première fois, de la Direction des sports aux travaux du Conseil supérieur de l’audiovisuel pour ce qui concerne la diffusion de programmes concernant la lutte contre le dopage, notamment par la mise à disposition de kits de communication.

Je citerai également la sensibilisation des clubs de remise en forme et de leurs usagers, plan important porté avec le mouvement sportif, notamment la Fédération française d’haltérophilie, ou encore la mise en place d’un numéro vert Écoute Dopage, assuré par Dopage info service, et la création d’antennes médicales de prévention du dopage, qui effectuent environ 1000 consultations par mois et bénéficient de près de 600 000 euros aujourd’hui, ce qui représente un pourcentage important de la part territoriale du CNDS, le Centre national pour le développement du sport.

Je citerai enfin la mise à disposition d’outils de sensibilisation et de communication réalisés en partenariat avec la MILDT, la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie. Le message diffusé, vous avez raison, doit être beaucoup plus positif et porter sur la pratique sportive en tant qu’outil de santé publique, et non sur les punitions : le message doit insister moins sur ce que le sport interdit que sur ce qu’il permet !

J’en viens au second grand volet de notre action, à destination cette fois du mouvement sportif.

Nous soutenons les fédérations qui s’engagent dans des programmes de prévention du dopage par le biais de conventions d’objectifs ou d’appels à projets. Sur ce chapitre, en dépit de contraintes budgétaires que chacun connaît, j’ai tenu à ce que tous les moyens soient préservés dans les budgets 2013 et 2014.

Nous soutenons également les territoires, par le biais des projets de clubs intégrant dans leur volet éducatif des actions de sensibilisation à la prévention du dopage.

Enfin, nous avons défini, le 6 juillet 2012, une norme qualité AFNOR, qui certifie la qualité des compléments alimentaires. Vous savez combien les sportifs, dans les salles de remise en forme, mais pas uniquement, sont friands de ces compléments alimentaires, qui ont parfois défrayé la chronique dans le cadre d’affaires de lutte contre le dopage. Cette norme permet donc de garantir que ces compléments alimentaires ne contiennent pas des produits interdits, et plus particulièrement des anabolisants.

Vous le voyez, les actions de la Direction des sports sont nombreuses ; elles doivent être sans cesse approfondies et améliorées. J’ai souhaité installer un comité de suivi permanent entre le ministère des sports, l’Agence française de lutte contre le dopage et le CNOSF, le Comité national olympique et sportif français, afin que la dimension préventive des actions portées par les uns et les autres se transforme en un véritable travail collectif.

Le ministère des sports, enfin, est, pour ce qui relève de la puissance publique, le financeur majeur de l’autre acteur principal de la lutte contre le dopage. Je veux parler, bien sûr, de l’AFLD, autorité administrative indépendante qui accomplit un travail considérable. Aujourd'hui, je tiens à saluer, en un clin d’œil complice, Jean-Pierre Verdy, le directeur du département des contrôles. Pierre Bordry, l’ancien président de l’AFLD, lui remettra dans quelques minutes les insignes de l’ordre national du Mérite, pour l’ensemble de son engagement dans la lutte contre le dopage.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous en sommes conscients vous comme moi, toutes ces actions restent insuffisantes. Nous avons besoin de mieux les coordonner encore, et de fédérer tous les acteurs du sport autour de l’objectif qui est le nôtre.

Vous avez évoqué, monsieur Le Scouarnec, la nécessité de moyens complémentaires. Or la commission d’enquête a travaillé sur la base de moyens constants, ce dont je la remercie. En effet, comme je l’ai dit à l’instant, ces moyens n’ont pas été diminués.

Vous avez suggéré qu’une partie de la taxe Buffet soit affectée à l’Agence française de lutte contre le dopage. La proposition n° 46 du rapport, à savoir l’attribution à l’AFLD du produit des amendes financières payées par les tricheurs, doit d’être confrontée à deux réalités : d’abord, tous les moyens de l’AFLD ont été confortés ; ensuite, il ne faudrait pas, en nous engageant plus loin sur la taxe Buffet, affaiblir le Centre national pour le développement du sport.

Aujourd'hui, il faut en prendre conscience, d’une part, le rendement de la taxe Buffet, du fait de la diminution des droits audiovisuels, est en baisse, mais, malgré tout, nous avons voulu maintenir les moyens du CNDS ; d’autre part, les administrateurs du CNDS ont dû voter à l’unanimité un plan de redressement, qui s’étale jusqu’en 2016, car le Centre national pour le développement du sport avait engagé jusqu’à deux fois son budget. Par conséquent, tout moyen qui serait retiré au CNDS serait retiré à l’ensemble de la solidarité en faveur du développement du sport français.

Je veux insister sur l’importance de l’international. L’une des missions de mon ministère est aussi d’assurer ce rôle moteur qui a toujours été celui de la France dans ce domaine.

Il existe plusieurs instances incontournables dans la lutte contre le dopage : le Conseil de l’Europe, précurseur sur le sujet avec le texte de 1989 ; l’UNESCO – la convention internationale de 2005 a été adoptée à ce jour par plus de 170 pays – ; l’AMA, l’Agence mondiale antidopage, qui a la responsabilité de la lutte antidopage à l’échelle internationale et celle, essentielle, de la rédaction du code mondiale antidopage, qui s’impose à toutes les fédérations internationales et dont les principes engagent également les États signataires de la convention de l’UNESCO.

J’ai la chance et l’honneur d’être la représentante de l’Europe au sein du comité exécutif de l’Agence mondiale antidopage depuis le 1er janvier 2013. Composée à 50 % de représentants du monde sportif et à 50 % des autorités publiques, l’Agence est aujourd’hui l’institution centrale de la lutte contre le dopage parce qu’elle édicte les règles du code mondial antidopage et parce qu’elle exerce un rôle moteur dans la recherche.

La dernière recherche qui vient d’être publiée par l’AMA – l’un d’entre vous l’a évoquée – porte sur la sortie du profil stéroïdien, que nous attendions pour pouvoir progresser sur le passeport biologique. Cette recherche est fondamentale dans la lutte contre le dopage.

L’AMA mise également sur l’éducation et la prévention. La France et l’Europe consacrent, en la matière, des moyens très différents de ceux qu’y consacrent d’autres, sur d’autres continents. Je pense en particulier à l’Afrique, qui ne compte plus qu’un seul laboratoire antidopage… La lutte contre le dopage doit s’exercer solidairement à l’échelle de la planète.

L’AMA est une institution centrale parce qu’elle accrédite les laboratoires et travaille en lien avec les pays accueillant de grandes compétitions, mais qui sont parfois en retard par manque de volonté ou par manque de moyens.

Certaines évolutions majeures dans la lutte contre le dopage, certaines préconisations de votre rapport, trouvent leur concrétisation dans la révision du code mondial antidopage, qui sera validé par l’ensemble des acteurs à Johannesburg, lors de la conférence mondiale antidopage de novembre prochain.

Ce n’est pas l’objet de ce débat de dresser la longue liste des évolutions qu’a connues le code mondial antidopage, mais certaines ont été évoquées dans votre rapport et trouveront donc évidemment leur traduction à cette occasion.

Concernant les sanctions – et c’est l’une des préconisations de votre commission d’enquête –, il est prévu de porter de deux à quatre ans la durée de la suspension en cas de contrôle positif à une substance « lourde ».

Concernant les pouvoirs d’investigation, l’Agence se verra confier la possibilité de lancer ses propres enquêtes sur les violations des règles antidopage.

Concernant le rôle des acteurs – nous retrouvons également ici les préconisations de la commission d’enquête –, le rôle des agences nationales sera renforcé, notamment par rapport aux fédérations internationales. C’est cette mesure que nous avions prise à l’occasion du Tour de France 2013.

En effet, les organisations nationales antidopage auront désormais la possibilité automatique d’effectuer des contrôles additionnels lors des compétitions internationales organisées sur leur territoire dès lors que la fédération internationale les aura mandatées pour prendre en charge les contrôles durant cette compétition.

Il est également à noter que de nouvelles décisions pratiques seront prises concernant les autorisations à usage thérapeutique – on a vu qu’elles proliféraient –, qui pourront désormais être contestées par les agences nationales.

L’utilisation des données du passeport biologique et du suivi longitudinal comme preuves de dopage sera renforcée.

En novembre 2012, l’AMA avait organisé à Paris, dans les locaux de l’Assemblée nationale, en collaboration avec les autorités françaises, le Conseil de l’Europe et l’UNESCO, un symposium avec l’industrie pharmaceutique pour échanger sur les collaborations possibles. C’est, là aussi, une voie d’avenir.

Au moment où la présidence de l’AMA s’apprête à basculer et alors que va être édicté le nouveau code mondial antidopage, il est important de poursuivre le débat entre les autorités politiques et les autorités sportives. Si le mouvement sportif international envisage plutôt l’AMA comme un prestataire de services à sa disposition, nous, autorités politiques et gouvernements, nous campons fermement sur notre position et considérons l’AMA comme un outil de régulation à disposition de l’ensemble des pays, de leurs autorités de contrôle, de leurs laboratoires de contrôle. C’est la position que je défends au sein de l’AMA au nom de l’Europe et de la France.

J’en viens maintenant aux soixante propositions de la commission d’enquête sénatoriale sur la lutte contre le dopage, à l’exclusion de celles qui trouveront une traduction dans ce code mondial. J’articulerai mon propos autour des sept piliers de la lutte contre le dopage qu’elle a identifiés, en m’efforçant de répondre à l’ensemble de vos interrogations.

Commençons par le premier pilier : « Connaître ».

Comme je l’ai précisé voilà quelques minutes, connaître le dopage est essentiel. Ici encore, le Sénat a fait un travail majeur.

Je ne peux pas parler de cette commission d’enquête et de son rapport sans évoquer les noms de sportifs dopés qui ont été cités à cette occasion. Je regrette que certains médias ne se soient focalisés que sur cet aspect du rapport, sur un sport particulier, privilégiant le scoop aux propositions de fond faites par le Sénat.

Mais ces révélations ne seront utiles que si elles incitent des coureurs à expliquer comment fonctionnait le système du dopage, si elles permettent de rompre la loi du silence, si elles permettent de faire le ménage dans les entourages des équipes actuelles.

Trois types d’attitude desservent le sport.

D’abord, le « tous dopés ». C’est faux ! Je suis convaincue qu’il y a un recul des pratiques dopantes. Les années noires sont sans aucun doute derrière nous, mesdames, messieurs les sénateurs, mais rien n’est définitivement acquis dans la durée

Ensuite, « la lutte contre le dopage ne sert à rien ». C’est encore faux ! Il arrive que des contrôles soient positifs, même si, parfois, les affaires sont connues des années plus tard. Il y a des saisies de douane. Il n’existe aucune impunité : les tricheurs tombent !

Enfin, le « ne parlons pas du dopage ». Vous en avez heureusement pris le contre-pied. Justement, on ne vaincra le dopage que si l’on en parle. C’est pourquoi je verrais d’un œil favorable la création d’une commission « vérité et réconciliation », sous l’égide du mouvement sportif.

Il est indispensable que les sportifs qui ont eu recours au dopage parlent : s’il faut, pour ce faire, qu’une commission « vérité et réconciliation » soit mise en place, allons-y ! Ce sont les témoignages du passé qui nous aideront à lutter contre le dopage à l’avenir. L’omerta, ne l’oublions pas, est un frein pour le sport, mais surtout un poids pour les sportifs.

Pour que ces commissions « vérité et réconciliation » puissent se mettre en place, il faut que le principe en soit accepté au niveau international. Je crois savoir que les instances internationales travaillent en ce sens. Nous serons tous solidaires pour progresser dans cette voie.

Je suis également favorable au financement d’études épidémiologiques pour améliorer la connaissance sur les pratiques dopantes et les risques sanitaires. Cela permettra de lutter contre certains discours irresponsables, parfois entendus au cours de la commission d’enquête, selon lesquels il faudrait autoriser un dopage prétendument inhérent au sport.

Ces études, il faut les imaginer au niveau français et au niveau international. J’évoquais la direction de la recherche de l’AMA, qui publie des travaux passionnants. Depuis 2001, 56 millions de dollars ont été consacrés au financement de projets internationaux de recherche.

L’AMA lance chaque année un appel d’offres pour des projets de recherche scientifique et épidémiologique. Il serait important que la France y réponde plus qu’elle ne le fait aujourd’hui afin de pouvoir bénéficier de ces moyens financiers.

S’agissant du deuxième pilier, « Prévenir », j’ai bien noté la proposition de redonner à l’AFLD la compétence en matière de prévention en la chargeant notamment de la coordination de l’animation des antennes médicales.

Permettez-moi de rappeler, à cette occasion, que le ministère des sports a hérité du champ de la prévention du dopage parce qu’il est en relation avec l’ensemble des acteurs de la lutte contre le dopage, en premier lieu les fédérations sportives via les conventions d’objectifs. Ce cadre conventionnel, qui explique notre travail permanent d’échanges, donne toute légitimité au ministère pour conduire les fédérations à s’inscrire dans une démarche de prévention.

Il est également prévu de mettre en place, dans les jours qui viennent, un comité de pilotage pour le suivi des actions figurant dans le plan national de prévention du dopage que nous avons arrêté pour la période 2013-2016. Il associera le CNOSF, l’AFLD et l’OCLAESP, l’Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique. Cela permettra au ministère de jouer pleinement son rôle de pivot et de coordination des actions de prévention contre le dopage, cette coordination qui nous fait tant défaut.

Je reste persuadée que le ministère des sports est le plus légitime pour agir dans le champ de la prévention, pas seul, mais comme pilote et comme coordonnateur. Il est vrai que nous devons progresser. C’est pourquoi j’ai diligenté une enquête de l’Inspection générale de la jeunesse et des sports pour déterminer la pertinence du dispositif actuel des antennes régionales et la manière dont elles pourraient mieux fonctionner, ainsi que pour analyser l’efficacité du numéro vert Écoute dopage.

Il est une autre proposition qui entre dans ce champ de la prévention, reprise par plusieurs d’entre vous : établir une procédure de validation des calendriers sportifs par le ministère. L’idée est intéressante, mais cela reviendrait à exercer une tutelle sur le mouvement sportif, ce à quoi je me refuse.

Je suis plutôt favorable à une responsabilisation du mouvement sportif et à une autorégulation accrue en la matière. C’est un sujet qui doit être débattu avec le CNOSF et au sein de la commission « éthique » du Conseil national du sport. Il me semble essentiel qu’il y ait un vrai dialogue social. Pourquoi le sport serait-il le seul secteur où l’on n’entend pas les syndicats de salariés que sont les joueurs ? Il est indispensable que ce dialogue social avec les représentants des joueurs puisse sortir de cette phase de balbutiement dans laquelle il se trouve aujourd’hui.

S’agissant du troisième pilier, « Contrôler », j’ai bien noté la proposition visant à considérer par défaut toute manifestation sportive se déroulant en France comme nationale. Dans nos travaux préparatoires au projet de loi, nous nous employons à remédier à l’imperfection actuelle de la notion de « compétitions internationales », qui, par son caractère extensif, peut constituer un frein au rôle de l’AFLD.

Nous allons donc proposer de modifier l’article L.230-2 du code du sport afin de définir plus strictement la notion de « manifestations internationales », en se fondant sur la qualité des organisateurs. Seraient ainsi considérées comme manifestations internationales celles qui sont organisées uniquement par le Comité international olympique, le Comité international paralympique ou par une fédération internationale. Les autres critères utilisés aujourd’hui, trop généraux, seraient supprimés. Il conviendra toutefois de tenir compte des évolutions possibles dans la définition de la notion de « manifestations internationales » qui pourraient résulter de la conférence de Johannesburg.

Par ailleurs, nous avons fait paraître, le 26 juin dernier, un décret élargissant la liste des agents habilités à rechercher et à constater les trafics de produits dopants. C’est une vraie réponse à certaines des orientations proposées par le Sénat dans son pilier « Contrôler ».

Jusqu’à présent, en effet, seuls les officiers et agents de police judiciaire, ainsi que certains personnels du ministère des sports et les représentants assermentés de l’AFLD, étaient habilités, aux termes de l’article L. 232-20 du code du sport, à s’attaquer aux trafics de produits dopants.

Ce décret renforce donc la coopération interministérielle dans ce domaine, en ajoutant désormais à cette liste les agents des services des impôts, de la concurrence et de la répression des fraudes. Tous peuvent dorénavant échanger leurs informations sur de possibles trafics de substances dopantes, comme les caractéristiques des substances en circulation et celles des circuits frauduleux – mode d’acquisition et d’approvisionnement, moyens d’acheminement ou typologie des filières.

Je note également votre proposition de mettre en place huit correspondants médecins antidopage interrégionaux à temps plein, en lieu et place des vingt-quatre correspondants actuels, employés à tiers temps. Il faut aussi prendre en compte l’ensemble des missions assignées à ces médecins, qui travaillent sur la dimension « sport et santé », avec les agences régionales de santé. Un équilibre doit être trouvé entre les deux faces de la lutte contre le dopage : l’éthique, avec la lutte contre la tricherie, d’un côté, et la santé publique, de l’autre, que nous avons évoquée les uns et les autres.

Sur le quatrième pilier, « Analyser », j'ai bien lu la proposition de séparation du laboratoire et de l'AFLD. Nous travaillons très sérieusement à cette option, notamment sur la faisabilité juridique de cette séparation au regard du statut d’autorité administrative indépendante de l’Agence, afin d’en évaluer l’ensemble des conséquences.

Je reste persuadée de l'intérêt de développer les liens avec la recherche scientifique sur ces sujets. La France a été un précurseur voici quelques années en ce qui concerne la détection de l’érythropoïétine, l’EPO. Or nous sommes aujourd’hui engagés dans une course en avant en matière de molécules nouvelles, de procédés de dopage au moyen de substances toujours plus microdosées et, demain sans doute, d’interventions génétiques. Nous devons cependant rester performants en permanence dans notre lutte contre le dopage.

J’ai été sensible également à la proposition n° 6 de porter devant l'AMA, la volonté d'avoir une seule et même liste de produits interdits, pour les compétitions et pour les entraînements. Je me suis une nouvelle fois exprimée sur ce sujet il y a quelques semaines à Buenos Aires, lors du Comité exécutif de l’AMA, afin de faire entendre la position que nous partageons.

En effet, je ne comprends toujours pas l'intérêt d'avoir deux listes. Comment un même produit pourrait-il être non dopant à l'entraînement et dopant en compétition ? Un tel produit augmente au moins la capacité de travail à l'entraînement et je considère donc, comme vous tous, qu’il s’agit bien de dopage. Cette seconde liste est une véritable aberration : qui connaît les effets secondaires des corticoïdes ne saurait accepter que des sportifs puissent en prendre, même à l'entraînement ! Or c’est précisément ce qu’autorise l’absence de certaines substances de cette seconde liste…

Si nous en revenions à une liste unique, me dit-on, nous serions confrontés à une augmentation considérable du nombre d’autorisations d’usage thérapeutiques. Cet argument ne me suffit pas : il faudra que l’AMA rouvre ce dossier des AUT et de la liste unique des produits interdits, qui est indispensable pour éviter certaines aberrations et pour offrir plus de lisibilité aux sportifs eux-mêmes.

Sur le cinquième pilier, « Sanctionner », en particulier la proposition de transférer des fédérations nationales à l’AFLD le pouvoir de sanctions des sportifs, je reconnais avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il est difficile d'être à la fois juge et partie – on m’a beaucoup entendue sur ce sujet, notamment au moment où vous m’avez auditionnée –, et de devoir, comme les fédérations internationales aujourd'hui, tout à la fois assurer la promotion du sport, lutter contre le dopage et sanctionner.

Il nous faut néanmoins, je crois, réfléchir au processus exact que nous pourrions mettre en place. Peut-être les fédérations doivent-elles rester compétentes en première instance et l’AFLD n'être saisie qu'en appel. Nous devons approfondir notre réflexion afin de trouver le mécanisme idéal qui permette de réduire les délais – effectivement bien longs entre la première instance et l’appel, voire jusqu’à l’intervention éventuelle de l’AFLD – tout en offrant plus de transparence et plus de garanties sur la qualité juridique des décisions, et ce sans exclure le mouvement sportif de la lutte contre le dopage.

Sur le sixième pilier, « Pénaliser » et la volonté de pénalisation de la détention de produits – et non seulement de l’usage – par des personnes pratiquant un sport dans le cadre d'un établissement d’activités physiques et sportives, il nous faut impérativement approfondir notre réflexion juridique. Les services du ministère travaillent activement pour faire évoluer la législation dans le sens de la pénalisation de la détention dans ces salles.

Enfin, sur le septième et dernier pilier proposé dans son rapport par la commission d'enquête, « Coopérer », j'ai bien lu la volonté des sénateurs de voir se renforcer les échanges d'informations, notamment entre l’AFLD et l’OCLAESP. Comme je l’ai dit à l’instant, nous avons commencé à travailler en ce sens. Une coopération accrue donnera plus de place aux preuves non analytiques et au travail hors des contrôles. C’est le sens de nombreuses réunions qui ont eu lieu en amont du Tour de France avec tous les services concernés - douane, police, OCLAESP. C’est aussi le sens du travail qui est porté au niveau international et de celui que nous poursuivons sur le plan national.

Cette coopération doit également se décliner au niveau régional. Agents du ministère chargé des sports, agents de l’Agence française de lutte contre le dopage, police judiciaire, gendarmerie, agents des administrations des douanes, des impôts ou de la concurrence et de la répression des fraudes, c’est ensemble qu’ils peuvent faire progresser la lutte contre le dopage, en particulier en ce qui concerne les trafics et les techniques. Le décret pris le 26 juin 2013 confie au directeur des sports et au directeur des affaires criminelles et des grâces– il s’agit donc là, pour la première fois, d’un travail mené avec le ministère de la justice – l'animation et la coordination des commissions régionales de lutte contre les trafics de substances ou méthodes dopantes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vos soixante propositions, qui concernent l'ensemble des acteurs de la lutte contre le dopage, ne sont pas toutes destinées à mon ministère. En effet, certaines d’entre elles s’adressent au mouvement sportif, à l’AFLD, ou aux instances internationales, et tous devront se saisir des voies d'amélioration que vous avez suggérées.

Vos soixante propositions ne sont pas non plus toutes de nature législative – vous l’avez évoqué. Certaines relèvent de décrets, d'autres de la simple organisation de la lutte contre le dopage entre les différents acteurs.

Il me semble nécessaire de revenir sur un certain nombre de préconisations qui sont, elles, d'ordre législatif.

Commençons par la proposition n° 9, c’est-à-dire la pénalisation de la détention de produits par des personnes pratiquant un sport dans le cadre d'établissements d’activités physiques et sportives.

En ce qui concerne les sportifs, la pénalisation de la détention est prévue par le code du sport depuis la loi du 3 juillet 2008 relative à la lutte contre le trafic de produits dopants. En revanche, la pénalisation de la détention des substances dopantes par des culturistes – ce ne sont pas des sportifs au sens du code du sport - ne peut être fondée, quand il s'agit de substances vénéneuses, que sur le code de la santé publique et, quand il s’agit de stupéfiants, que sur le code pénal.

Cet émiettement des fondements juridiques nuit à la lutte contre les trafics. Aussi est-il intéressant que le code du sport comporte à l’avenir des outils de nature à sanctionner pénalement la détention des substances et méthodes dopantes détenues par les pratiquants des salles de sport, afin d'assurer une meilleure lutte contre le trafic de produits dopants.

Relancer des commissions régionales de prévention et de lutte contre le dopage, animées par les correspondants antidopage interrégionaux : je viens d’évoquer cette proposition.

Les propositions n° 27 à 30, relatives aux prérogatives des fédérations internationales dans le nouveau code mondial, devront se traduire dans la législation française en 2014. Sur ce sujet précis, j’ai évoqué ce que sont les propositions portées aujourd’hui au sein du comité exécutif de l'Agence mondiale antidopage. Nous devrons évidemment, dans notre texte de loi, traduire ensuite ce code mondial.

Confier à l’AFLD le pouvoir de sanction dès la première instance, avec appel devant le Conseil d’État, serait important. De même, il me semble souhaitable de créer une commission des sanctions distincte du collège et chargée de prononcer les sanctions disciplinaires sur la base des dossiers instruits par l’AFLD.

En effet, depuis la loi Buffet, la compétence en matière disciplinaire est assurée par les fédérations sportives agréées, qui sont compétentes en premier ressort et en appel. L’AFLD n'intervient par conséquent que de façon supplétive, si le sportif n’est pas licencié, ou en cas de carence d'un organe disciplinaire d'une fédération sportive, ou encore pour réformer ou étendre les décisions prises par les organes fédéraux compétents.

Cette chaîne de décisions multiples mérite aujourd’hui d’être revue et simplifiée. La question est de savoir si l’AFLD doit être compétente en appel, ou directement en première instance, comme le préconise le Sénat.

Voilà pourquoi aussi il est indispensable qu’une autorité administrative indépendante dispose de pouvoirs de sanctions analogues à ceux que détiennent, dans d’autres domaines, l’Autorité des marchés financiers ou l'Autorité de contrôle prudentiel. Il serait donc essentiel, comme c’est le cas pour ces autres autorités indépendantes, de distinguer, au sein de l’AFLD, une commission disciplinaire appelée à statuer sur les dossiers soumis en appel, bien distincte du collège, lequel resterait chargé de diligenter la politique de contrôle et d'analyses antidopage.

L’ensemble de ce qui a été évoqué en matière de sanctions et, en particulier, ce qui a trait aux évolutions du code mondial antidopage, ainsi que le passage des sanctions de deux à quatre ans que vous préconisez, figurera dans le texte définitif qui sera voté dans quelques jours, à Johannesburg.

La lutte contre le dopage se jouera effectivement en partie à Johannesburg, sur le plan international, avec le positionnement de l’Agence mondiale antidopage, mais elle se jouera aussi dans cet hémicycle, puisque, l'année prochaine, nous aurons à discuter ensemble du projet de loi de modernisation du sport.

Pour répondre à votre demande, je ferai en sorte que le Sénat soit saisi en premier de ce projet de loi de modernisation du sport, dont l’un des enjeux importants tient précisément au rééquilibrage de la place des collectivités locales dans la gouvernance du sport français. Par conséquent, il me semble que le Sénat est l’assemblée indiquée pour entamer les travaux sur une loi qui prendra en compte non seulement l’éthique, non seulement le dopage, mais aussi l’ensemble des enjeux de la gouvernance du sport ainsi que de la régulation du sport professionnel. Sur ce registre, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons encore de beaux débats devant nous !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Madame la ministre, mes chers collègues, nous en avons terminé avec le débat consacré aux conclusions de la commission d’enquête sur l’efficacité de la lutte contre le dopage.

Nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente, pour le débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l’industrie du tourisme en France.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.