Intervention de Louis Nègre

Réunion du 15 octobre 2013 à 21h30
Débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l'industrie du tourisme en france

Photo de Louis NègreLouis Nègre :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, madame la ministre, mes chers collègues, le tourisme est un atout majeur pour notre pays. Tout le monde en convient, il s’agit d’un secteur de premier plan pour notre économie et pour nos territoires.

Avec 81, 4 millions de visiteurs étrangers en 2011, la France est la première destination mondiale, devant les États-Unis, la Chine, l’Espagne et l’Italie !

D’un point de vue purement économique, les retombées directes du secteur du tourisme dans notre pays sont estimées à plus de 7 % du PIB - 9 % si l’on inclut les retombées indirectes.

Le secteur emploie directement près d’un million de personnes dans les 235 000 entreprises et un autre million, indirectement. C'est une véritable industrie !

Néanmoins, ce gisement d’emplois et de devises, ce moteur économique puissant, connaît une baisse de régime en raison de la concurrence au plan mondial. Madame la ministre, avec mes collègues Luc Carvounas et Jean-Jacques Lasserre, nous avons voulu tirer la sonnette d’alarme dans notre rapport.

En effet, la place du tourisme français à l’international s’érode : notre pays est au troisième rang mondial, derrière les États-Unis et l’Espagne en recettes globales et seulement au septième rang européen pour le montant des recettes moyennes par touriste. De surcroît, la part de marché de la France dans le tourisme mondial est passée de 6, 4 % en 2000 à 5, 7 % en 2009.

La France est devenue un pays de transit où les visiteurs ne séjournent pas suffisamment longtemps.

Notre pays souffre d’un essoufflement indéniable de son modèle touristique. Avec 39, 2 milliards d’euros de recettes liées au tourisme en 2011, la France est – je le disais – le troisième pays du monde en termes de revenus liés à ce secteur d’activité. Elle devance la Chine et l’Italie et fait presque jeu égal avec l’Espagne, dont les recettes sont de 43 milliards d’euros, mais se situe loin des États-Unis, dont les recettes s’élèvent à 83 milliards d’euros, soit plus du double !

J’en viens aux points positifs de la loi de 2009.

Depuis le vote de cette loi, la France dispose d’un opérateur unique, Atout France, chargé du développement et de la promotion de la « destination France ». Sa création en tant qu’opérateur de l’État s’est réalisée de façon satisfaisante, mais ses ressources financières, publiques et privées, demeurent nettement inférieures à celle de son principal concurrent européen, l’Espagne, qui dispose d’un budget cinq fois plus élevé. C'est un véritable problème pour la France.

Le budget de l’Agence, de près de 74 millions d’euros, est insuffisant, comme l’a indiqué Luc Carvounas. Il est moins important que celui des deux entités qu’il remplace, et il a reculé de 4, 5 % cette année, du fait de la baisse de la dotation publique de l’État. Cette situation conduit à une faiblesse structurelle de notre principal outil au service du développement du tourisme, qui ne lui permet pas de mener les actions nécessaires en matière de promotion de notre pays à l’étranger.

La loi de 2009 a aussi permis de réformer le classement des offices de tourisme.

Le réseau représente aujourd’hui 12 000 salariés pour 2 800 structures. À 80 % associatives, ces dernières ont des tailles et des activités très différentes. La loi a simplifié leur procédure de classement, autrefois présentée sous forme d’étoiles. Elle se fait désormais en trois catégories : du III, pour les plus importantes structures, au I, pour les plus petites.

Cette réforme est bonne dans son principe, car elle a incité à une montée en qualité globale des services rendus par les offices.

Le domaine du transport de tourisme avec chauffeur a également été concerné par la loi de 2009. Cette activité, dite autrefois « de grande remise », est différente de celle de taxi : elle consiste à prendre des clients sur commande pour des tarifs forfaitaires préétablis. La loi a remplacé l’obligation de détenir une licence par celle d’être immatriculé sur un registre national.

Cette simplification a cependant conduit à une confusion des rôles entre les préfectures et Atout France, et les professionnels du secteur souhaitent un renforcement de la réglementation pour améliorer la qualité et éviter les dérives. Le Gouvernement vient de prendre quelques dispositions en ce sens qui conviennent, me semble-t-il, parfaitement aux professionnels.

Autre point positif, la loi de 2009 a opéré une réforme du régime des opérateurs de voyage.

Sous la pression de l’Europe, la loi a substitué aux quatre régimes précédents un régime unique d’immatriculation. De même, les agences de voyage ont perdu l’exclusivité de leur activité, mais ont vu en compensation la gamme de leurs activités potentielles élargie.

C’est sur internet, et les réseaux sociaux, que se situe désormais la concurrence pour les agences de voyage. Ces dernières devront tenir compte de l’évolution des pratiques des consommateurs et de ces nouvelles technologies.

Pour conclure sur les aspects positifs de la loi de 2009, on peut dire que, d’un point de vue formel, le texte est applicable aujourd’hui à 100 %. Les trente mesures réglementaires d’application ont bien été prises, huit mesures non attendues ayant même été ajoutées.

Seuls quatre rapports prévus par la loi n’ont pas été remis par le Gouvernement, quatre ans après l’adoption de la loi. Ils concernent respectivement les difficultés de mise aux normes des hôtels, la réforme du classement des hébergements touristiques, l’offre d’hébergement et le régime des chèques-vacances. Comme nous l’avons souligné dans notre rapport, il est regrettable que ces rapports n’aient pas été rédigés, car il s’agit de sujets majeurs.

La loi du 22 juillet 2009 comporte donc des points positifs, mais elle mérite à mon sens des améliorations significatives.

Dans un marché du tourisme globalisé, notre pays, s’il reste une référence dans le monde entier, souffre cependant d’équipements insuffisamment modernisés, d’une promotion en deçà des besoins ou encore d’une insuffisante coordination des acteurs.

Ainsi, il convient d’agir sur la réforme du classement des offices de tourisme. Le rythme de classement est insuffisant : en effet, au 31 mars 2013, 150 offices de tourisme seulement, sur les 2 800 existants, avaient été reclassés.

Par ailleurs, mais c’est un point plus technique, il faudrait assouplir le ratio qui rapporte le nombre d’habitants aux capacités d’hébergement dans les critères exigés pour être classé en catégorie II ou I. Ce ratio est en effet trop élevé actuellement, car il est « calé » sur les seules communes touristiques et stations classées, empêchant donc de nombreux offices d’accéder à des classements auxquels ils peuvent pourtant légitimement prétendre.

Il faudrait également moderniser l’offre touristique.

L’ancien système de classement a été modifié pour aligner la France sur les standards internationaux et inciter les professionnels à « monter en gamme ». Or des efforts significatifs doivent encore être faits en la matière, afin de rendre ce classement plus conforme aux standards internationaux et nous permettre de mieux faire face à la concurrence.

S’agissant de la baisse de la TVA dans la restauration, elle a fait l’objet d’un bilan contrasté et contesté. Dans le dernier rapport établi par le Gouvernement, il m’a semblé qu’il était possible d’en discuter.

En tout cas, l’évolution – négative, à mes yeux – de la TVA, dont le taux passe à 10 %, n’est pas un bon signal, d’autant que cette augmentation s’ajoute à une pluie de taxes supplémentaires. Oui, mes chers collègues, il est dommage que l’on ait passé le taux de TVA sur la restauration à 10 % !

Enfin, sur la diffusion des chèques-vacances, je rappelle que ce dispositif, instauré en 1982 et abondé par une participation de l’État, connaît un vif succès.

Il est maintenant ouvert aux entreprises de moins de 50 salariés, ainsi qu’à leurs dirigeants salariés. Or il y a eu seulement 127 000 bénéficiaires supplémentaires sur les 500 000 attendus. Là encore, il faut aller de l’avant, et de manière plus vigoureuse.

En conclusion, je souhaiterais rappeler de nouveau que le tourisme est un gisement exceptionnel d’emplois et de ressources pour notre pays. Cependant, il doit faire face à une concurrence internationale féroce, et ce dans un contexte de diminution de l’aide publique.

Notre pays doit impérativement prendre conscience aujourd’hui de la nouvelle donne mondiale dans le secteur du tourisme, afin de le renforcer et de le valoriser au maximum, compte tenu de son impact extrêmement favorable pour l’économie de la France.

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