La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
La séance est reprise.
J’informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi et du projet de loi organique relatifs à l’indépendance de l’audiovisuel public sont parvenues à l’adoption d’un texte commun pour chacun d’eux.
L’ordre du jour appelle le débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l’industrie du tourisme en France, organisé à la demande de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et de la commission des affaires économiques (rapport d’information n° 45).
La parole est à M. le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les corapporteurs, chers collègues, le tourisme revêt pour la France, plus que jamais, une importance capitale dans un environnement collectif où les loisirs et les voyages représentent un enjeu fort.
Tous secteurs confondus, l’industrie du tourisme représente près de deux millions d’emplois – par définition, non délocalisables ! – qui irriguent nos territoires et qui contribuent à l’image et à la réputation de la France dans le monde.
C’est pourquoi la commission pour le contrôle de l’application des lois, en étroite coordination avec la commission des affaires économiques et avec son groupe d’études sur le tourisme et les loisirs, a voulu s’assurer de la pertinence du dispositif légal encadrant cette industrie.
Cette démarche intervient deux ans après un premier rapport de nos collègues André Ferrand et Michel Bécot, publié à peu près en même temps qu’un autre rapport d’information de l’Assemblée nationale présenté par deux députés, Jean-Louis Léonard et Pascale Got.
En 2011, ces quatre parlementaires de sensibilités politiques différentes s’accordaient sur un constat : les décrets d’application de la loi de 2009 avaient bien été publiés, mais le secteur du tourisme avait du mal à s’adapter aux nouvelles attentes des consommateurs et subissait de plein fouet une concurrence internationale de plus en plus vive.
Depuis lors, la situation ne s’est guère améliorée. Les professionnels du secteur doivent en outre faire face aujourd’hui à la montée en puissance de ce que j’appellerai les « nouveaux opérateurs dématérialisés », comme ces sites d’achat en ligne de séjours touristiques, par exemple, ou les sites comparatifs sur internet, dont les pratiques ne sont pas toujours très transparentes.
Certes, à en croire les statistiques, la France resterait « le pays le plus visité au monde ». Mais faut-il accorder beaucoup de crédit à cette appellation globalisante ? En réalité, elle n’a pas grand sens, car elle masque une part considérable de « tourisme de transit » à destination d’autres pays, un tourisme qui suscite peu de valeur ajoutée en France.
Sans détailler les conclusions de nos excellents corapporteurs, Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre, force est d’admettre que les positions françaises ne sont plus aussi solides qu’avant et qu’elles auraient même déjà tendance à s’effriter.
Pour nos corapporteurs, l’heure n’est donc plus seulement à l’optimisme mais aussi à la lucidité : ils diagnostiquent un véritable « essoufflement du modèle touristique français » et nous appellent à « reconquérir une place de leader », pour reprendre le titre de leur rapport.
Plusieurs facteurs contribuent à cette situation en demi-teinte. J’en évoquerai rapidement deux.
Le premier facteur tient aux moyens. En effet, à quoi bon légiférer si, en aval, les moyens consacrés par la puissance publique ne permettent pas d’atteindre les objectifs du législateur ?
Lors de sa réunion, la semaine dernière, notre commission a exprimé cette préoccupation avec une certaine acuité : des incertitudes pèsent sur les crédits budgétaires alloués au tourisme.
Dans quelques jours, l’examen au Sénat du projet de loi de finances nous permettra de faire le point sur cette question, à laquelle nous devons accorder une grande vigilance.
Le second facteur réside dans l’encadrement juridique du tourisme, qui mériterait peut-être d’être reconsidéré sur quelques points, afin d’alléger les contraintes administratives et donner plus de souplesse aux professionnels.
La mise aux normes d’accessibilité des équipements hôteliers aux personnes handicapées a ainsi fait l’objet d’un débat au sein de notre commission, avec des hésitations dont notre rapport écrit rend bien compte.
Peut-on raisonnablement imposer des travaux d’accessibilité dans toutes les chambres de tous les hôtels existants – ce serait extrêmement coûteux –…
… ou pourrait-on imaginer une garantie d’accessibilité offerte, non plus dans chaque hôtel, mais à l’échelon d’un territoire un peu plus vaste ?
L’ensemble des membres de notre commission sont bien sûr très attentifs aux dispositifs prévus pour les personnes handicapées. Il ne s’agit pas d’atténuer leurs droits et leurs possibilités, mais nous nous sommes interrogés sur le coût de ces mises aux normes qui, parfois, peuvent mettre en péril l’activité de petites structures C’est l’une des questions qui sont posées.
En tout cas, les trois corapporteurs, chacun de sensibilité politique différente, se sont accordés sur ce rapport. Notre débat de ce soir, en présence de Mme la ministre permettra, puisque des interrogations pèsent sur le budget du tourisme, d’avoir son évaluation de la situation pointée par les rapporteurs. J’espère que nous aurons, encore une fois, fait œuvre utile dans un domaine où l’application de la loi et son contrôle sont d’une extrême importance.
La parole est à M. Luc Carvounas, corapporteur au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
c’est sur l’initiative conjointe de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois et de celle des affaires économiques – dont je tiens ici à remercier les présidents respectifs – qu’a été mis en place, il y a presque un an, un groupe de travail ayant pour objet le bilan de l’application de la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques.
Les trois sénateurs chargés de l’instruction de ce rapport ont été, outre moi-même, mes collègues Jean-Jacques Lasserre, qui préside par ailleurs le groupe d’études du tourisme et des loisirs de notre assemblée, et Louis Nègre.
Je tiens à souligner l’excellent esprit qui a animé notre travail, au-delà des sensibilités politiques représentées, et le caractère collectif du constat porté par le rapport et des propositions qui l’accompagnent.
Mes chers collègues, vous avez tous ou presque en tête, je l’imagine, que la France est « le » pays du tourisme par excellence. Certes, cela a longtemps été le cas et c’est encore en partie vrai; mais cela risque très rapidement de ne plus l’être si l’on ne se mobilise pas fortement à tous les niveaux de l’action publique.
Il est vrai que notre pays demeure la première destination touristique au monde. Avec 83 millions de visiteurs étrangers accueillis en 2012 selon l’Organisation mondiale du tourisme, la France reste leader devant les États-Unis, la Chine, l’Espagne et l’Italie. Les retombées directes du secteur dans notre économie sont estimées à 7, 1 % du PIB ; elles apportent des excédents considérables à notre balance des paiements, réduisant ainsi son déficit global.
Dans une période de forte inactivité, où la lutte contre le chômage se révèle être la priorité pour nos concitoyens, souvenons-nous que le tourisme emploie près de deux millions de personnes, comme M. Assouline l’a rappelé, dont la moitié directement.
Ces emplois, il faut insister sur ce point, sont par nature difficilement « mécanisables », et encore moins « délocalisables ».
Le tourisme fait vivre nos territoires en valorisant leurs identités, et apporte du travail à des populations souvent peu ou pas qualifiées, qu’il contribue à insérer socialement et professionnellement.
Pourquoi notre pays est-il aussi « en pointe » sur cemonde, et qui fait l’identité de la France à l’étranger.
Pourtant, ne nous laissons pas abuser, le tableau est loinpas fortement et rapidement.
Pour commencer, notre place de leader mondial est underrière les États-Unis et l’Espagne.
Les touristes que nous accueillons sont extrêmementeuropéens. À l’inverse, nous n’attirons pas suffisamment les populations des pays émergents, qui constituent pourtant le « gros » de la demande touristique de demain.
À vrai dire, la vérité des chiffres se concilie mal avec l’autosatisfaction affichée par les responsables, y compris politiques. « Tout va très bien ! », veut-on nous laisser croire, alors que notre pays n’est plus l’Eldorado touristique qu’il a longtemps été.
À ce titre, nous devons être à l’écoute et prendre en compte les inquiétudes des professionnels du secteur. Je pense, par exemple, à celles qui ont été exprimées récemment par le Comité pour la modernisation de l’hôtellerie française, qui nous appelait à sortir d’une « posture de vainqueur, aux sonorités cocoricoesques ».
Selon eux, tout le monde penserait ainsi à tort « que la France est suffisamment et naturellement attractive et que le tourisme est une affaire qui marche toute seule, sans avoir à y regarder de plus près ».
De même, faisons résonner les propos du Président de la République comme un appel vibrant, lorsqu’il déclarait à la conférence des ambassadeurs, le 27 août dernier, que nous devions « faire du tourisme une grande cause nationale ».
Mes chers collègues, l’industrie du tourisme est le fleuron d’une économie territorialisée, pourvoyeuse d’emplois et de points decroissance.
À l’heure où nous devons tous nous engager dans laagir afin d’adapter cette industrie à la mondialisation.
Pour reconquérir notre place de leader sur le marchémondial, nous devrons relever de nombreux défis structurels.
Premier défi : les statistiques en matière de tourisme sont à la fois imprécises et parcellaires. Mes corapporteurs et moi-même proposons donc de mettre en place un véritable observatoire économique du tourisme, fiable, crédible et réaliste, pour renforcer notre connaissance de ce secteur.
Deuxième défi : le budget consacré à la promotion est manifestement insuffisant à l’échelle de ce que représente la concurrence européenne et internationale. L’Agence de développement touristique Atout France dispose ainsi d’un budget cinq à six fois moindre que celui de son homologue espagnol ! D’un milliard de touristes dans le monde aujourd’hui, nous devrions passer à 1, 5 milliard en 2020 et 2 milliards en 2030. Nous ne les attirerons pas dans notre pays sur la seule base de sa réputation.
On peut noter néanmoins, madame la ministre, votre détermination à maintenir le budget de fonctionnement pour 2014 d’Atout France au même niveau qu’en 2013.
Troisième défi : l’environnement technique et normatif est beaucoup trop contraignant pour les professionnels. Je laisserai mes collègues développer ce point ultérieurement, mais il s’agit d’un élément crucial pour l’avenir du secteur du tourisme, qui étouffe sous une réglementation excessivement protectrice et mal adaptée aux réalités de terrain. Nous devrons, là aussi, procéder à un « choc de simplification ».
Quatrième défi : la gouvernance du secteur du tourisme, pour autant qu’il y en ait une, est très délicate à mettre en place. Chaque niveau de collectivité est habilité à y intervenir.
Le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, que nous avons récemment examiné, n’a malheureusement rien changé sur ce point. Souvenons-nous du débat sur le chef de filat ! Si chaque niveau de collectivité a légitimement sa voix à faire entendre en la matière, il faudrait tout de même arriver à mieux articuler les différents champs d’intervention !
Cinquième défi : notre infrastructure touristique reste limitée et vieillissante. Selon les chiffres des professionnels eux-mêmes, un quart de notre hôtellerie classée est obsolète, et un bon tiers carrément « à bout de souffle ». Nos standards d’équipement et de confort ne correspondent plus aux attentes du touriste d’aujourd’hui. Les professionnels en ont bien conscience, mais peinent à financer les travaux de modernisation aujourd’hui si nécessaires.
Sixième défi : le marché « légal » du tourisme se trouve de plus en plus concurrencé par un marché parallèle, qui soit profite de vides juridiques, soit est manifestement illégal.
On peut penser, par exemple, au développement des plates-formes de réservation touristique en ligne, souvent basées à l’étranger, qui empochent des commissions substantielles et qui ne sont même pas imposées dans notre pays.
L’essor du numérique, s’il est une chance pour l’industrie du tourisme, est aussi source d’inquiétude : le poids croissant des sites de notation touristiques, dont certains sont alimentés de façon artificielle par des officines « d’e-réputation », est notamment redouté, car il joue sur le référencement des opérateurs, capital pour leur attractivité.
Au titre des activités cette fois-ci clairement illégales, on constate une recrudescence des offres de services non déclarées et non encadrées, dans les domaines de l’hôtellerie, de la restauration ou du transport. Mes collègues développeront ce sujet pour chacun des domaines concernés.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission sénatoriale, mes chers collègues, l’industrie du tourisme demeure, on l’aura compris, un atout formidable pour notre économie et nos territoires. Nous devons tous en prendre soin et lui donner dès aujourd’hui les moyens de saisir les chances de demain.
Dans cet esprit, je sais que nous pouvons compter sur votre détermination, madame la ministre, comme vous savez pourvoir compter sur celle des sénatrices et des sénateurs.
Mais quelle formidable coïncidence pour moi – pour ne pas parler de symbole – que d’avoir ce débat ce soir, quelques heures à peine après avoir organisé, dans les salons de la présidence, une rencontre sur les territoires visant à porter la candidature de la France à l’accueil de l’Exposition universelle de 2025 !
Alors, oui, mobilisons toutes les énergies pour relever ensemble ces défis !
La parole est à M. Louis Nègre, corapporteur au nom de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, madame la ministre, mes chers collègues, le tourisme est un atout majeur pour notre pays. Tout le monde en convient, il s’agit d’un secteur de premier plan pour notre économie et pour nos territoires.
Avec 81, 4 millions de visiteurs étrangers en 2011, la France est la première destination mondiale, devant les États-Unis, la Chine, l’Espagne et l’Italie !
D’un point de vue purement économique, les retombées directes du secteur du tourisme dans notre pays sont estimées à plus de 7 % du PIB - 9 % si l’on inclut les retombées indirectes.
Le secteur emploie directement près d’un million de personnes dans les 235 000 entreprises et un autre million, indirectement. C'est une véritable industrie !
Néanmoins, ce gisement d’emplois et de devises, ce moteur économique puissant, connaît une baisse de régime en raison de la concurrence au plan mondial. Madame la ministre, avec mes collègues Luc Carvounas et Jean-Jacques Lasserre, nous avons voulu tirer la sonnette d’alarme dans notre rapport.
En effet, la place du tourisme français à l’international s’érode : notre pays est au troisième rang mondial, derrière les États-Unis et l’Espagne en recettes globales et seulement au septième rang européen pour le montant des recettes moyennes par touriste. De surcroît, la part de marché de la France dans le tourisme mondial est passée de 6, 4 % en 2000 à 5, 7 % en 2009.
La France est devenue un pays de transit où les visiteurs ne séjournent pas suffisamment longtemps.
Notre pays souffre d’un essoufflement indéniable de son modèle touristique. Avec 39, 2 milliards d’euros de recettes liées au tourisme en 2011, la France est – je le disais – le troisième pays du monde en termes de revenus liés à ce secteur d’activité. Elle devance la Chine et l’Italie et fait presque jeu égal avec l’Espagne, dont les recettes sont de 43 milliards d’euros, mais se situe loin des États-Unis, dont les recettes s’élèvent à 83 milliards d’euros, soit plus du double !
J’en viens aux points positifs de la loi de 2009.
Depuis le vote de cette loi, la France dispose d’un opérateur unique, Atout France, chargé du développement et de la promotion de la « destination France ». Sa création en tant qu’opérateur de l’État s’est réalisée de façon satisfaisante, mais ses ressources financières, publiques et privées, demeurent nettement inférieures à celle de son principal concurrent européen, l’Espagne, qui dispose d’un budget cinq fois plus élevé. C'est un véritable problème pour la France.
Le budget de l’Agence, de près de 74 millions d’euros, est insuffisant, comme l’a indiqué Luc Carvounas. Il est moins important que celui des deux entités qu’il remplace, et il a reculé de 4, 5 % cette année, du fait de la baisse de la dotation publique de l’État. Cette situation conduit à une faiblesse structurelle de notre principal outil au service du développement du tourisme, qui ne lui permet pas de mener les actions nécessaires en matière de promotion de notre pays à l’étranger.
La loi de 2009 a aussi permis de réformer le classement des offices de tourisme.
Le réseau représente aujourd’hui 12 000 salariés pour 2 800 structures. À 80 % associatives, ces dernières ont des tailles et des activités très différentes. La loi a simplifié leur procédure de classement, autrefois présentée sous forme d’étoiles. Elle se fait désormais en trois catégories : du III, pour les plus importantes structures, au I, pour les plus petites.
Cette réforme est bonne dans son principe, car elle a incité à une montée en qualité globale des services rendus par les offices.
Le domaine du transport de tourisme avec chauffeur a également été concerné par la loi de 2009. Cette activité, dite autrefois « de grande remise », est différente de celle de taxi : elle consiste à prendre des clients sur commande pour des tarifs forfaitaires préétablis. La loi a remplacé l’obligation de détenir une licence par celle d’être immatriculé sur un registre national.
Cette simplification a cependant conduit à une confusion des rôles entre les préfectures et Atout France, et les professionnels du secteur souhaitent un renforcement de la réglementation pour améliorer la qualité et éviter les dérives. Le Gouvernement vient de prendre quelques dispositions en ce sens qui conviennent, me semble-t-il, parfaitement aux professionnels.
Autre point positif, la loi de 2009 a opéré une réforme du régime des opérateurs de voyage.
Sous la pression de l’Europe, la loi a substitué aux quatre régimes précédents un régime unique d’immatriculation. De même, les agences de voyage ont perdu l’exclusivité de leur activité, mais ont vu en compensation la gamme de leurs activités potentielles élargie.
C’est sur internet, et les réseaux sociaux, que se situe désormais la concurrence pour les agences de voyage. Ces dernières devront tenir compte de l’évolution des pratiques des consommateurs et de ces nouvelles technologies.
Pour conclure sur les aspects positifs de la loi de 2009, on peut dire que, d’un point de vue formel, le texte est applicable aujourd’hui à 100 %. Les trente mesures réglementaires d’application ont bien été prises, huit mesures non attendues ayant même été ajoutées.
Seuls quatre rapports prévus par la loi n’ont pas été remis par le Gouvernement, quatre ans après l’adoption de la loi. Ils concernent respectivement les difficultés de mise aux normes des hôtels, la réforme du classement des hébergements touristiques, l’offre d’hébergement et le régime des chèques-vacances. Comme nous l’avons souligné dans notre rapport, il est regrettable que ces rapports n’aient pas été rédigés, car il s’agit de sujets majeurs.
La loi du 22 juillet 2009 comporte donc des points positifs, mais elle mérite à mon sens des améliorations significatives.
Dans un marché du tourisme globalisé, notre pays, s’il reste une référence dans le monde entier, souffre cependant d’équipements insuffisamment modernisés, d’une promotion en deçà des besoins ou encore d’une insuffisante coordination des acteurs.
Ainsi, il convient d’agir sur la réforme du classement des offices de tourisme. Le rythme de classement est insuffisant : en effet, au 31 mars 2013, 150 offices de tourisme seulement, sur les 2 800 existants, avaient été reclassés.
Par ailleurs, mais c’est un point plus technique, il faudrait assouplir le ratio qui rapporte le nombre d’habitants aux capacités d’hébergement dans les critères exigés pour être classé en catégorie II ou I. Ce ratio est en effet trop élevé actuellement, car il est « calé » sur les seules communes touristiques et stations classées, empêchant donc de nombreux offices d’accéder à des classements auxquels ils peuvent pourtant légitimement prétendre.
Il faudrait également moderniser l’offre touristique.
L’ancien système de classement a été modifié pour aligner la France sur les standards internationaux et inciter les professionnels à « monter en gamme ». Or des efforts significatifs doivent encore être faits en la matière, afin de rendre ce classement plus conforme aux standards internationaux et nous permettre de mieux faire face à la concurrence.
S’agissant de la baisse de la TVA dans la restauration, elle a fait l’objet d’un bilan contrasté et contesté. Dans le dernier rapport établi par le Gouvernement, il m’a semblé qu’il était possible d’en discuter.
En tout cas, l’évolution – négative, à mes yeux – de la TVA, dont le taux passe à 10 %, n’est pas un bon signal, d’autant que cette augmentation s’ajoute à une pluie de taxes supplémentaires. Oui, mes chers collègues, il est dommage que l’on ait passé le taux de TVA sur la restauration à 10 % !
Enfin, sur la diffusion des chèques-vacances, je rappelle que ce dispositif, instauré en 1982 et abondé par une participation de l’État, connaît un vif succès.
Il est maintenant ouvert aux entreprises de moins de 50 salariés, ainsi qu’à leurs dirigeants salariés. Or il y a eu seulement 127 000 bénéficiaires supplémentaires sur les 500 000 attendus. Là encore, il faut aller de l’avant, et de manière plus vigoureuse.
En conclusion, je souhaiterais rappeler de nouveau que le tourisme est un gisement exceptionnel d’emplois et de ressources pour notre pays. Cependant, il doit faire face à une concurrence internationale féroce, et ce dans un contexte de diminution de l’aide publique.
Notre pays doit impérativement prendre conscience aujourd’hui de la nouvelle donne mondiale dans le secteur du tourisme, afin de le renforcer et de le valoriser au maximum, compte tenu de son impact extrêmement favorable pour l’économie de la France.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, corapporteur au nom de la commission des affaires économiques.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la loi du 22 juillet 2009 comporte de nombreuses mesures visant à simplifier l’administration des acteurs du tourisme et à renforcer l’offre touristique dans notre pays.
Je voudrais pour ma part me concentrer sur deux grands axes du texte : la réforme du classement des hébergements touristiques et les mesures prises en faveur de la restauration.
La modernisation de la procédure de classement constitue sans doute le cœur du texte de 2009. L’hébergement se trouve en effet au centre de la chaîne de valeur du secteur du tourisme, et il importe que nous soyons performants sur ce point.
Pour ceux qui ne l’auraient plus en tête, je rappelle que l’ancien système, remontant au milieu des années quatre-vingt, était surtout d’ordre administratif. Il reposait sur un classement en étoiles, de zéro étoile à quatre étoiles luxe, peu lisible. Il recourait à quelques critères d’appréciation, à la fois insuffisants en nombre, archaïques et inadaptés aux standards de qualité internationaux. Bref, cet ancien dispositif n’incitait plus les hôteliers à se moderniser et éloignait d’ailleurs les financeurs des projets de modernisation.
Le nouveau système a été conçu de manière à intégrer les standards internationaux les plus récents, et à inciter les professionnels à « monter en gamme ». Des organismes privés habilités par le COFRAC, le Comité français d’accréditation, contrôlent désormais 246 critères aboutissant à un classement par l’autorité préfectorale de une à cinq étoiles, voire en catégorie « palace ». L’ensemble des éléments concourant à la qualité de service est désormais pris en compte. Les nouvelles normes sont révisées tous les cinq ans. Le classement, qui était accordé à vie, fait désormais l’objet de contrôles réguliers. Auparavant gratuite du fait de son caractère administratif, la procédure est désormais payante, à la charge de l’hôtelier, qui est toutefois libre de ne pas y recourir.
Le bilan que l’on peut en faire, quatre ans après, reste en demi-teinte. D’un point de vue quantitatif, 70 % des hôtels et 85 % des chambres sont aujourd’hui reclassés. La situation est toutefois variable selon les types d’hébergement. Les grandes chaînes, qui bénéficient de moyens importants, ont aisément intégré la réforme ; l’hôtellerie de plein air également, le taux de reclassement des campings allant jusqu’à 86 %.
Au contraire, et c'est bien le point que nous voulons souligner, la petite hôtellerie rencontre des difficultés. Ce qui est en cause, c'est non seulement sa fragilité financière - même si le coût du classement est modique, c’est une dépense de plus pour des hôteliers dont la trésorerie est parfois très délicate à gérer - mais également, et même surtout, une réglementation de plus en plus pointilleuse, qui étrangle littéralement nos hôteliers.
Après la sécurité incendie, ce sont les mises aux normes demandées en matière d’accessibilité des handicapés qu’ils doivent aujourd’hui appliquer.
Certes, il convient de tout faire pour permettre à ces populations de profiter des mêmes services que les personnes valides. Mais ne faut-il pas faire preuve de lucidité dans l’application de ce principe et rester raisonnable ? Est-il cohérent d’exiger que l’ensemble des chambres d’un hôtel soient accessibles aux handicapés, lorsque l’on connaît le taux d’utilisation de tels équipements et leur coût pour le professionnel ? Ne peut-on pas adapter ces obligations à la taille et à la configuration de l’hôtel, de sorte que le service puisse être rendu sans pour autant mettre en péril l’équilibre financier de l’établissement ?
Il ne s’agit pas de refaire le débat qui a eu lieu lors de l’adoption de la loi Handicap, mais bien de dénoncer les contraintes lourdes pesant sur l’offre hôtelière. Il en résulte une situation très difficile pour l’hôtellerie d’entrée de gamme, et c’est bien d’elle que nous parlons. Ainsi, selon l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, que nous avons auditionnée, notre pays ne perdrait pas moins d’un hôtel par jour en moyenne…
Dans ces conditions, madame la ministre, j’aimerais connaître votre analyse de la situation et les mesures que vous entendez prendre pour soutenir l’hôtellerie touristique de notre pays, notamment la petite hôtellerie. Ce dossier doit être ouvert d’urgence.
L’hébergement touristique ne se limite cependant pas aux hôtels. Il s’étend à d’autres catégories, dont celle des meublés de tourisme, qui relèvent d’une problématique spécifique.
Tout d’abord, ces meublés sont marqués par la lenteur du processus de reclassement : alors que 45 000 d’entre eux étaient classés avant la réforme, seuls 15 000 le sont aujourd’hui, même si nombre de dossiers sont en cours de traitement. Le coût de la procédure – entre 150 et 300 euros – serait la principale explication de cette situation : il pourrait être dissuasif pour les particuliers.
Par ailleurs, les meublés de tourisme pâtissent de la coexistence de ce système public de classement avec des labels privés, qui introduisent de la confusion chez les consommateurs. Ainsi, le nouveau classement en étoiles est peu utilisé, au contraire des classements privés, par exemple en « clés » – pour Clévacances – ou en « épis » – pour Gîtes de France. Du reste, les deux systèmes ne sont pas harmonisés, de sorte qu’un meublé « trois étoiles » n’est pas de même standing qu’un meublé « trois épis ». Pour couronner le tout, plusieurs organismes interviennent : ceux qui sont accrédités par le COFRAC dans le système public, et une multitude de structures locales dans le système privé.
Sur ce sujet des meublés de tourisme, j’ai déposé un amendement au projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dit « Alur », qui vise à faciliter la mise en location par des particuliers de leur pied-à-terre à des touristes de passage, ce qui permettrait de développer l’offre d’hébergements touristiques, tout en encadrant cette pratique afin d’éviter les abus potentiels. Il serait intéressant, pour la première résidence secondaire, d’exonérer les petits propriétaires de l’obligation de changement d’usage.
J’en viens maintenant aux dispositions en faveur de la restauration.
La première de ces dispositions, qui a été évoquée par M. Nègre, concerne la baisse de TVA pour le secteur. Il s’agissait d’une revendication ancienne de la profession, qui a été accordée par le précédent gouvernement à la fin du mois d’avril 2009, et aménagée, par voie d’amendement, à la fin de cette même année.
Ce passage du taux normal de 19, 6 % à un taux réduit de 5, 5 % a été consenti en échange de différents engagements de la profession, formalisés au sein d’un contrat d’avenir pour la période 2009-2012 : baisse des prix d’au moins 11, 8 %, …
… création de 40 000 emplois dans les deux ans, amélioration de la situation, notamment salariale, des salariés et engagement de nouveaux investissements.
La loi de 2009 a renforcé le dispositif, en prévoyant notamment son extension aux ventes à consommer sur place et la création d’un fonds de modernisation de la restauration, qui a cessé d’exister à ce jour.
Après de nombreux aménagements, et alors que le taux réduit de 5, 5 % sera malheureusement relevé, au 1er janvier prochain, à 10 %, …
M. Jean-Jacques Lasserre, corapporteur au nom de la commission des affaires économiques. … les créations d’emplois ont été au rendez-vous.
Marques de scepticisme sur les travées du RDSE.
Par ailleurs, qu’on le veuille ou non, le dialogue entre chefs d’entreprises et salariés a été renforcé, dans un secteur où il est, traditionnellement, extrêmement difficile, et le régime de prévoyance qui leur est applicable a été amélioré.
Pour ce qui est de l’évolution des prix, elle est très délicate à mesurer, au regard notamment de la diversité de l’offre – du repas à onze euros cinquante, vin et café compris, au dîner dans un restaurant de luxe. Néanmoins, si les résultats diffèrent selon les types de restauration, on peut tout de même considérer que des efforts ont été entrepris, étant entendu que l’importance des intrants n’a pas été neutre pendant la période d’observation – on sait très bien qu’ils ont subi des augmentations importantes. Pour l’heure, il est bien évident que l’on ne peut porter de jugement définitif sur ces niveaux de prix.
La baisse de la TVA ne constituait pas la seule mesure du texte relative à la restauration ; y figurait également la promotion du titre de maître-restaurateur, dont l’instauration devait engendrer une amélioration qualitative de l’offre de restauration.
Délivré pour quatre ans par l’autorité préfectorale à l’issue d’un audit mené par une entreprise privée, ce titre distinctif ouvre droit à un dispositif fiscal incitatif, sous forme d’un crédit d’impôt. À ce jour, le nombre de titres octroyés – 2 500 – est presque conforme aux objectifs fixés – à savoir 3 000 titres.
L’objectif était de 7 000 !
Cela dit, le dispositif souffre d’un manque de visibilité auprès du grand public : les consommateurs connaissent peu ce titre. Le Gouvernement a annoncé son intention de le renforcer et de le promouvoir, ce qui est positif.
Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles actions vous comptez mener à cet effet et quels sont vos objectifs en ce domaine ?
Pour notre part, nous considérons que deux obligations doivent être évoquées devant la profession et acceptées par elle : la reconnaissance de la capacité professionnelle de maître-restaurateur et l’obligation du respect des bonnes pratiques, autre dossier très important, à consolider.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, tels sont les divers points que je voulais évoquer ce soir afin de lancer le débat sur ce beau sujet du soutien à l’industrie du tourisme dans notre pays. Le groupe d’études sénatorial du tourisme et des loisirs, que j’ai l’honneur de présider, a déjà mené plusieurs auditions sur ce point. Il continuera de le faire au cours des prochains mois, afin d’apporter sa contribution au débat.
Le tourisme est un atout majeur pour notre économie et nos territoires. Sachons mettre nos acteurs en condition d’apporter la meilleure offre et de valoriser au mieux notre signe distinctif concurrentiel : le formidable potentiel de la France en la matière !
Applaudissements.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en France, le tourisme peut se résumer à quelques chiffres simples : 83 millions de touristes en 2012, 7, 1 % du PIB, un million d’emplois directs, un million d’emplois indirects. Au-delà, le secteur dispose de nombreux atouts, climatiques, historiques et patrimoniaux et sur un mode de vie que le monde entier nous envie.
Il constitue un secteur à la fois en pleine expansion et en pleine mutation.
En plein développement car, si l’Organisation mondiale du tourisme dénombrait 578 millions de touristes en 2006 – ce n’est pas si lointain –, le seuil du milliard a été dépassé en 2012, et ce chiffre devrait même doubler à l’horizon 2030.
Donc, madame la ministre, le potentiel, pour la France, en termes de croissance et de création d’emplois non délocalisables et en faveur de notre balance des paiements, apparaît donc clairement.
Cependant, cette mondialisation du tourisme s’accompagne d’une compétition accrue entre les destinations, d’une évolution des habitudes en matière de vacances et d’un accroissement de l’exigence des clients.
La loi du 22 juillet 2009 est, selon l’excellent rapport d’information remis notamment au nom de notre commission pour le contrôle de l’application des lois, « applicable à 100 % ».
En tout cas, Atout France apparaît bien comme le bras armé de notre ambition touristique, en concentrant les leviers de promotion de la France au niveau international.
(Sourires.) Malheureusement, cet observatoire a par la suite disparu, alors que son utilité était avérée. Si, madame la ministre, vous décidiez de le ressusciter
Nouveaux sourires.
Et, messieurs les corapporteurs, j’ai relevé que votre première préconisation consistait en la création d’un observatoire économique du tourisme. Pour mémoire, un tel observatoire a déjà existé. Je l’avais moi-même créé, en tant que ministre du tourisme. C’était il y a bien longtemps… §, il permettrait d’éviter que des officines privées, dont la légitimité reste souvent à démontrer, n’imposent leurs propres statistiques, car vous auriez un outil susceptible de donner des informations fiables et incontestables. D’ailleurs, compte tenu des restrictions budgétaires actuelles, cette tâche pourrait, si nécessaire, être confiée à Atout France.
S’agissant de la gouvernance de la politique touristique, les rapporteurs évoquent des compétences « diluées ». En effet, les débats du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles ont abouti à un statu quo. La compétence reste donc, et c’est heureux, partagée entre les différents échelons de collectivités territoriales, qui se sont tous – mais de manière complémentaire – grandement investis dans l’organisation touristique des territoires : la région, pour ce qui concerne la promotion, les conseils généraux, s’agissant de l’aménagement territorial touristique, et les communautés de communes.
Bien sûr, cette situation n’empêche pas des collaborations, entre l’État, les collectivités, mais aussi les acteurs du secteur privé – de telles collaborations sont, d'ailleurs, indispensables.
Le meilleur exemple en est les « contrats de destinations », que vous avez lancés, madame la ministre, et qui ont déjà été expérimentés en Alsace et dans le Tarn-et-Garonne, département qui nous est cher ! Je m’attarderai quelque peu sur ces contrats, dont la particularité tient au fait qu’ils relient un département, une région et un thème afin de mettre en valeur les atouts et la spécificité des territoires.
En Tarn-et-Garonne ont ainsi été mis en avant le tourisme d’itinérance – de Saint-Jacques-de-Compostelle au Canal du Midi –, mais aussi la gastronomie, les produits du terroir, ainsi que le patrimoine bâti et artistique.
Madame la ministre, j’approuve pleinement ce dispositif novateur, car il est souple et permet de densifier l’offre touristique. La « destination France », mes chers collègues, ne doit pas se limiter à Paris et à la Côte d’Azur !
Une autre dimension de l’industrie du tourisme concerne l’aménagement du territoire, en ce qu’elle est un levier pour l’économie locale et en ce qu’elle constitue un complément d’activité pour la ruralité, à travers les gîtes ruraux et les chambres d’hôtes.
L’attractivité des métiers du tourisme nécessite également d’être prise en compte. En effet, environ 50 000 emplois ne sont pas pourvus dans ce secteur d’activité, et ce dans un contexte où les problèmes d’emploi se posent avec une certaine acuité…
Madame la ministre, vous avez confié une mission à M. François Nogué, président du conseil d’administration de Pôle emploi, pour qu’il identifie les obstacles empêchant que ces emplois trouvent preneurs et afin qu’il trace des pistes pour la valorisation de ces professions. Nous attendons ses préconisations avec impatience.
La recherche de l’amélioration de l’accueil des touristes passe aussi par la garantie de leur sécurité. En effet, les touristes constituent malheureusement des proies faciles et l’on a vu, principalement autour des principaux monuments parisiens, s’accroître une délinquance liée à ce public. Nous avons en mémoire les vols subis par des touristes chinois : ces faits divers eurent un grand retentissement dans leur pays et des conséquences dommageables. En réaction, madame la ministre, vous avez œuvré, avec le ministre de l’intérieur, afin de déployer des dispositifs de protection de ces visiteurs. Cette mesure est positive.
Mais l’amélioration constante de notre offre touristique passe aussi par celle de nos établissements hôteliers. La loi de 2009, en refondant leur classification, a modernisé un indicateur obsolète. Cependant, en dépit des efforts, les rapporteurs ont ciblé « un sérieux retard en termes d’équipement et de confort ».
Nous constatons que, si les grands groupes ont bien naturellement les capacités de supporter le poids de cette mise à niveau, les petits établissements peuvent difficilement assumer de tels investissements et doivent faire face à l’accroissement incessant de normes, en particulier en matière de sécurité et d’accessibilité.
Marques d’approbation sur les travées du RDSE.
Madame la ministre, mes chers collègues, internet et les réseaux sociaux ont également bouleversé le secteur, en particulier avec l’apparition de plateformes de réservation, qui entretiennent des relations difficiles avec les hôteliers, principalement à cause des commissions importantes qu’elles prélèvent. Le rapport préconise la définition d’une « véritable stratégie digitale ». Là encore, Atout France me semble être l’interlocuteur idoine.
Parallèlement se sont développées des formes alternatives d’hébergement, à l’instar des chambres d’hôtes ou, plus récemment, des sites de location de vacances entre particuliers, qui soulèvent tout de même des interrogations en matière de réglementation, de concurrence, mais également d’accès au logement.
Enfin, et c’est un sujet important, le problème de l’accessibilité aux vacances pour tous est également posé, et ce pour près d’un Français sur deux, cet été. Si nos compatriotes ne sont pas partis en vacances, c’est principalement pour des raisons économiques.
La question des vacances pour nos compatriotes des milieux les plus populaires est un enjeu majeur. Madame la ministre, quelles actions envisagez-vous ?
En conclusion, ne nous y trompons pas, l’enjeu consiste à conforter notre rang de première destination touristique mondiale. J’ai entendu beaucoup de chiffres et, parfois, des critiques sur la situation de la France en la matière. Mais, quoi que l’on puisse dire, n’oublions pas que la France est, et depuis de nombreuses années, la première destination touristique mondiale. Elle doit naturellement le rester.
Pour ce faire, l’État ne doit pas être omniprésent et omnipotent ; il doit se faire stratège.
Dans ce cadre, le combat que vous avez mené, madame la ministre, pour préserver le budget du tourisme – certes, ce n’est pas le plus important des budgets de l’État, mais il est tout de même de ceux qui n’ont subi aucune réduction – est de bon augure non seulement pour conforter la prospérité du tourisme, que de nombreux autres secteurs d’activité lui envient, mais aussi pour que la France conserve un rang que nombre de ses concurrents lui envient tout autant.
En tout cas, l’attraction du monde, sinon sa fascination, pour la destination France doit sans cesse être amplifiée. Pour vous accompagner dans cette belle et noble ambition, madame la ministre, vous pouvez compter sur le soutien de tout le groupe du RDSE !
Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, comme cela a été mentionné à plusieurs reprises, la France est un pays qui compte énormément en matière d’accueil touristique, et ce secteur d’activité représente, pour elle, une ressource très importante. Par conséquent, ce sujet mérite la tenue du débat de ce jour et le rapport d’excellente qualité de nos collègues Luc Carvounas, Louis Nègre et Jean-Jacques Lasserre.
Les aspects territoriaux et sociétaux, l’emploi et la formation aux métiers du tourisme, la notion de « tourisme et de développement durables », ainsi que le poids économique du tourisme selon les activités et les territoires sont autant de sujets incontournables qui ont été fort bien développés dans ce rapport.
Pour l’essentiel, nous partageons le diagnostic formulé. Néanmoins, mes chers collègues, acceptez que nous puissions, sur deux ou trois points, apporter quelques nuances d’ordre écologique.
On peut lire dans ce rapport, par exemple, que le modèle touristique français souffrirait d’un essoufflement dû à l’environnement technique et normatif. Nous l’entendons bien, mais nous tenons à rappeler que tout ne doit pas être possible pour autant : les normes sont également là pour protéger, notamment l’environnement touristique.
La concurrence accrue, qu’elle soit internationale ou qu’elle se niche dans un « marché gris », un marché parallèle, constitue un sujet extrêmement préoccupant, et nous jugeons indispensable de permettre à chacun de trouver sa place dans l’immense marché touristique.
Je ne vais pas reprendre ici tous les éléments de faiblesse que nos rapporteurs ont fort pertinemment répertoriés. Toutefois, il me semble important d’évoquer quelques points complémentaires, qui n’ont pas forcément été abordés jusqu’à présent ou qui ne seront pas repris ultérieurement.
Tout d’abord, vous le savez comme moi, le secteur touristique a parfois tendance à exercer une pression sur les milieux naturels dans le but d’accueillir un nombre plus important de touristes. Il convient d’être particulièrement vigilants sur ce point car, si nous maltraitons l’environnement par certains comportements inconsidérés, nous risquons de tarir à la source la ressource que nous voulons défendre ce soir.
Par ailleurs, certaines collectivités se sont fortement endettées dans une course dévastatrice au suréquipement, avec, dans certaines zones, des problèmes d’adéquation entre les postes à pourvoir et la main-d’œuvre indisponible.
Je ne développerai pas ici les problématiques liées au travail précaire ou à temps partiel, largement répandu dans le secteur, ou encore la question, cruciale, des saisonniers, qui, même si elle n’est pas frontalement abordée, se trouve en arrière-plan du rapport.
Je n’évoquerai pas non plus, cela a été fait, la dispendieuse course aux publicités dans laquelle se lancent les territoires dans le but d’attirer un nombre croissant de touristes. Plutôt que de placarder en tout lieu des affiches qui ne sont pas toujours très attractives, reconnaissons-le, ne faudrait-il pas réfléchir à mieux organiser la visibilité de nos territoires ?
Enfin, avec la crise, les habitudes des touristes ont fortement changé : en moyenne beaucoup plus âgés, les vacanciers recherchent un tourisme plus doux, plus écologique, plus « à la carte ». Chacun veut des vacances moins standardisées, plus naturelles. Peut-être faut-il, à ce niveau, trouver une adéquation entre ces attentes nouvelles et les offres existantes…
De nouveaux marchés prometteurs apparaissent, mais ils s’accompagnent de risques très importants, notamment pour notre environnement. Je pense, en particulier, au point noir que représentent les fameuses centrales de réservation, sans doute plus nocives que bénéfiques au tourisme. Sur ce sujet également, le rapport met en avant des pistes d’amélioration possibles.
Pour notre part, nous aimerions attirer votre attention sur plusieurs objectifs qui pourraient être fixés à une politique plus écologiste du tourisme.
Il faudrait tout d’abord favoriser le tourisme en milieu rural. Effectivement, il n’y a pas que Paris et la Côte d’Azur en France, même si Paris est une très belle ville et la Côte d’Azur une région magnifique ! De très nombreux territoires sont accueillants et ne demanderaient qu’à recevoir plus de touristes. Or certaines zones sont désertes, notamment l’été, alors que d’autres sont surpeuplées. Ne devrait-on pas travailler à améliorer les équilibres en la matière ?
Autre point très important, mais en arrière-plan du rapport, la question des modes d’accès au tourisme est posée. Ne devrions-nous pas, pour l’avenir, encourager des modes d’accès plus doux et collectifs et revoir la sacro-sainte place de l’automobile, qui reste le modèle dominant au moment des vacances d’été ?
Enfin, l’écotourisme, avec le tourisme social et solidaire, est un point qui nous tient particulièrement à cœur. Peut-être pourrez-vous y consacrer quelques développements, madame la ministre. Il convient, selon nous, d’améliorer encore la qualité et la sécurité des emplois dans ce secteur et, peut-être, de faire en sorte que l’écotourisme, qui est aujourd’hui une branche singulière du tourisme dans notre pays, en devienne une part très importante : nous aurions tous à y gagner !
Je souhaite revenir sur la question des normes et des règles, abordée dans le rapport. Nous sommes très vigilants dans ce domaine, notamment concernant les lois Mer et Littoral. Si l’on veut développer le tourisme, il faut évidemment assouplir certaines règles. Mais nous aimerions que ces assouplissements ne soient pas trop importants, car il s’avérerait totalement contre-productif de s’attaquer aux milieux les plus attractifs pour les touristes.
En outre, il nous semble important d’encourager les bonnes pratiques, cette démarche passant notamment par le développement des « chèques vacances écotourisme ».
L’éducation est un autre levier auquel nous croyons fortement. Pour nous, la mise en place, dans le cadre de la réforme de l’école, de parcours artistiques et culturels ou de dispositifs d’éducation à l’environnement est centrale pour permettre l’émergence de comportements citoyens nouveaux et esquisser, en tout cas à l’échelle de l’Hexagone, les contours d’un tourisme plus respectueux de l’environnement.
Pour conclure, et ce n’est pas qu’une anecdote, nous avons pris connaissance avec intérêt de la composition du conseil d’administration du bras armé du tourisme en France, Atout France. Un point nous a frappés, madame la ministre, et il n’a pas pu vous échapper : si nous nous réjouissons de la présence, au sein de ce conseil, de Mme Bariza Khiari, vice-présidente du Sénat, nous constatons que l’assemblée est à 80 % masculine. Cette surreprésentation masculine nous intrigue beaucoup dans un secteur qui, au demeurant, est entièrement mixte et se doit de l’être dans tous ses compartiments. Une réponse sur ce point sera donc la bienvenue.
Enfin, n’oublions pas que près de la moitié des Français ne partent jamais en vacances. Peut-être cette question représente-t-elle un vrai enjeu, car songez que ces personnes qui, aujourd’hui, ne sont pas des touristes pourraient, demain, être les acteurs d’un tourisme à la fois plus égalitaire et respectueux de l’environnement !
est une activité structurante pour notre économie et nos territoires.
Deux millions d’emplois sont liés au tourisme et 235 000 entreprises exercent dans le secteur, pour une part de valeur ajoutée dans le produit intérieur brut de 41, 6 milliards d’euros : ces chiffres montrent à quel point le tourisme pèse dans notre économie et participe pleinement à l’enjeu majeur que constitue l’aménagement de notre territoire.
Toutefois, au-delà des préoccupations tout à fait légitimes liées au poids économique de cette industrie, le débat qui nous occupe aujourd’hui ne saurait être satisfaisant si étaient ignorés les salariés du secteur, leur statut, leur formation, mais également le droit aux vacances. Vous ne serez donc pas étonnés, mes chers collègues, que j’insiste particulièrement sur ces deux points.
En effet, d’autres réalités s’imposent. Ainsi, un quart des jeunes âgés de cinq à dix-neuf ans, soit trois millions d’enfants, ne sont pas partis en vacances en 2011, selon une étude de l’Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes. Par ailleurs, le secteur du tourisme est l’un de ceux qui enregistrent une très forte proportion de bas salaires. À cela vient s’ajouter l’importance des emplois saisonniers.
Selon nous, mettre tout en œuvre pour que la France garde sa place d’excellence dans ce secteur aurait donc nécessité, dès 2008, d’intégrer dans la mise en œuvre de cette politique des exigences sociales et des objectifs environnementaux. Cela supposait de disposer de l’appui de l’État – et non son désengagement -, mais également de redéfinir en coopération étroite avec les collectivités territoriales un projet national d’ambition, ancré dans nos territoires.
C’est pourquoi nous ne sommes guère surpris que le bilan de la loi de 2009 soit jugé mitigé par certains, mauvais par d’autres.
Lors de l’examen du projet de loi, nous avions émis de fortes réserves sur des dispositions phare du texte. Je pense à la réforme des statuts des agences de voyages et à leur mise en conformité avec la directive Services. Je pense également au désengagement de l’État par le biais d’une toute nouvelle agence de développement touristique de la France, au transfert des missions de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, à des réseaux d’audit au lieu d’un renforcement des moyens de cette administration. Je pense enfin à l’absorption de la Direction générale du tourisme par la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services.
En d’autres termes, nous avons déshabillé le ministère !
Au-delà des dissensions sur le fond, l’austérité budgétaire imposée depuis plusieurs années au tourisme dans les lois de finances a quelque peu neutralisé les annonces bienveillantes en faveur de ce secteur. Dès 2008, nous avions regretté l’absence de moyens pour financer un vaste plan de requalification, pourtant nécessaire, des équipements vieillissants, notamment dans le tourisme social.
On trouve dans le rapport d’information qui vient d’être adopté une autre illustration de cette situation, à travers le cas d’Atout France, agence dont l’insuffisance des moyens ne garantit pas l’effectivité de la mission promotionnelle à l’échelle européenne ou nationale. Mais je veux vous rassurer, madame la ministre, cela ne date pas d’aujourd’hui !
Sourires.
Les communes ont également besoin d’une aide financière et d’ingénierie pour mettre en valeur leur territoire. Elles sont maître d’ouvrage la plupart du temps. L’appui des départements et des régions est aussi nécessaire pour rendre visible et mettre en valeur la diversité des territoires dans leur offre touristique. À l’heure où l’on cherche à développer l’économie circulaire, ils ont un rôle à jouer dans la mise en cohérence de cette offre, en coordonnant, par exemple, les efforts d’hébergement, de transport et de restauration.
Au-delà de ces remarques, je voudrais aborder deux sujets en particulier, peu traités il est vrai dans la loi de 2009, si ce n’est à travers les chèques-vacances pour le second. Il s’agit, d’une part, du statut et de la formation des salariés et, d’autre part, du droit aux vacances.
S’agissant du premier point, nous avions regretté que la loi du 22 juillet 2009 n’aborde pas la question des conditions de travail et de la formation des salariés du secteur. Au contraire, elle soumet ces derniers au moins-disant social en prévoyant l’application du droit du pays d’origine. Or, dans le secteur du tourisme, le travail saisonnier demeure trop souvent synonyme d’atteintes au droit du travail, de précarité et de conditions de logement et de santé dégradées. Cette situation empire sous l’effet de la montée du chômage dans toute l’Europe.
Pourtant, cet état de fait est connu et des solutions existent. On pourrait, par exemple, appliquer le droit existant, dont on a trop souvent une connaissance insuffisante, contrôler sérieusement son effectivité et sanctionner sa violation. On pourrait encore réactiver les négociations collectives dans ce secteur très dispersé, où les conditions de véritables discussions ne sont pas toujours faciles à réunir. On pourrait enfin développer des partenariats nombreux entre l’État, les collectivités territoriales, voire d’autres institutions ou organisations.
Avec le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, vous avez initié, madame la ministre, une mission visant à « optimiser le potentiel emploi de la filière touristique française ». Cette mission a été confiée au président du conseil d’administration de Pôle emploi, François Nogué. Les premières conclusions étaient attendues avant l’été. Pouvez-vous nous donner des indications sur leur contenu ?
Par ailleurs, vous avez confié à Pôle emploi la mission d’identifier et pourvoir les 50 000 emplois aujourd’hui vacants dans le secteur du tourisme en France. Pouvez-vous nous donner des informations, cinq mois plus tard, sur les résultats de cette démarche ?
S’agissant maintenant du second point, je voudrais insister sur la nécessité de garantir à tous un droit aux vacances, aux activités touristiques et culturelles, qui sont vecteurs d’émancipation pour les individus.
Aujourd’hui, près d’un Français sur deux ne part pas en vacances. Ce taux est particulièrement élevé chez les enfants d’agriculteurs, 46 %, chez les enfants d’employés, 31 %, et chez les enfants d’ouvriers, 34 %, ces derniers étant beaucoup plus nombreux dans l’ensemble de la population. L’une des raisons principales de cette impossibilité de partir en vacances est le manque d’argent. La moitié des enfants des familles aux revenus modestes – moins de 1 500 euros nets mensuels – ne sont pas partis en vacances en 2011. À peine 6 % de ceux dont la famille perçoit un revenu annuel compris entre 9 000 et 12 000 euros bénéficient d’aides de la caisse d’allocations familiales pour espérer quitter leur domicile pendant les vacances solaires. Aucun de ceux-là ne reçoit d’aides de comités d’entreprise.
Face à ce constat, les collectivités territoriales ont de moins en moins de moyens pour porter une politique ambitieuse de tourisme social. Le recul de grandes entreprises publiques et de grands comités d’entreprise a eu également des conséquences sur les vacances des familles, particulièrement les moins aisées d’entre elles.
La fracture touristique que vous avez évoquée il y a un an, madame la ministre, est bien là. Le 12 novembre 2012, vous avez lancé une mission pour réduire les inégalités en matière d’accès aux vacances. Vous avez annoncé, au titre de vos priorités, vouloir rendre effectif le droit aux vacances pour tous. Allez-vous concrétiser cet objectif dans le projet de loi de finances pour 2014 et renforcer les moyens alloués au tourisme social ? §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureux de saisir l'opportunité de ce débat sur le tourisme et sur l’impératif, évoqué avant moi, pour la France de reconquérir son leadership pour aborder les enjeux sociaux et économiques lourds qui caractérisent ce secteur, quitte à m'éloigner un peu des termes du rapport. À mon tour, je tiens à saluer le travail des rapporteurs : ils ont traité avec précision le sujet proposé par les deux commissions et se sont attachés à évaluer à la fois l'application et les effets de la loi de 2009.
Nous éprouvons une légitime fierté devant le statut particulier de notre pays dans l’industrie touristique mondiale. Cette place privilégiée est confirmée par les chiffres : le tourisme représente 7 % du PIB et génère plus de 40 milliards d’euros de recettes, classant la France en troisième position derrière l’Espagne et les États-Unis. Notre pays demeure toutefois – faut-il le rappeler ? – la première destination touristique mondiale.
À bien des égards, c’est sur un héritage culturel, historique et géographique que ce secteur d’activité prospère aujourd’hui. C’est aussi le mode de vie – le savoir-vivre « à la française » – qui explique ce succès malgré un certain nombre de difficultés dont on se doit de parler.
Considérer le tourisme comme une simple activité de transit d’un lieu à un autre générant au passage de la consommation serait considérablement réducteur. Évidemment, d’autres motivations doivent animer nos politiques publiques, notamment lorsqu’elles ont pour ambition de réduire la fracture touristique en développant le tourisme social. Les inégalités en matière de départs en vacances sont en effet, malheureusement, une réalité prégnante dans notre pays. Dernièrement, cela a été souligné, 46 % des Français – presque un Français sur deux – ont dû renoncer à partir en vacances ; bien sûr, les ménages les plus pauvres partent deux fois moins que ceux qui sont à peine plus aisés.
Cette approche est parfaitement indissociable de l'ambition, exprimée par le Président de la République, de faire du tourisme une véritable cause nationale. Parmi les moins bien lotis se trouvent aussi les jeunes : 3 millions d’entre eux sont exclus du départ en vacances. Ce constat se fait au mépris du célèbre adage selon lequel les voyages forment la jeunesse : la sédentarité ne saurait permettre de changer d’horizon, de penser différemment ou de renouveler sa vision de l'autre, qui sont autant de conditions nécessaires à l'épanouissement de notre jeunesse.
De ce constat se dégage une priorité qui est aussi la vôtre, madame la ministre, et je salue l’action que vous avez engagée pour mettre un terme à une situation qui ne peut que contribuer à alimenter, à juste titre, le sentiment d’injustice d'un trop grand nombre de nos concitoyens. L’enjeu social, que j’ai évoqué au début de mon intervention, est donc bien présent dans ce débat, et ce n’est pas le moindre.
Je pense ainsi à la mission « vacances pour tous », lancée au mois de novembre 2012, qui a permis de réaliser une vaste enquête destinée à identifier les publics rencontrant des difficultés pour partir en vacances et, ainsi, de dresser un état des lieux des dispositifs portant sur les aides à la personne et sur le soutien aux structures d’accueil. Une meilleure prise en compte des besoins des Français permettra sans doute aux acteurs économiques et associatifs d’offrir une offre plus adaptée.
Je pense également au lancement du label « destination pour tous », conçu pour valoriser les territoires qui favorisent l’accès des personnes handicapées au tourisme. À juste titre, le rapport aborde la problématique de la mise aux normes des infrastructures pour permettre la meilleure accessibilité possible aux lieux de tourisme. On l'a dit, cela demandera du temps. Quoi qu'il en soit, le label que vous proposez, madame la ministre, est une initiative intéressante pour amplifier le mouvement de mise aux normes engagé à la suite de l’adoption de la loi de développement et de modernisation des services touristiques.
Bien sûr, l’impact social de l’activité touristique se traduit également en termes d’emplois, puisqu’elle concerne plus de deux millions de personnes et que 50 000 postes demeurent non-pourvus.
Pour que le tourisme continue à faire vivre notre économie et à nourrir notre tissu social, nous devons renouveler son approche. Cela a été largement souligné, nous avons en quelque sorte tendance à vivre sur nos acquis, alors que cette industrie – comme les autres – doit s'insérer aussi efficacement que possible dans une économie, qu’on le veuille ou non, de plus en plus globalisée.
La demande s’y caractérise par une extrême complexité. Elle est notamment marquée par des demandes variées – tourisme culturel, participatif, récréatif… – et par l’enchevêtrement de clientèles de plus en plus hétérogènes, allant des élites économiques des pays émergents aux classes moyennes européennes… Par ailleurs, elle est gouvernée par des temporalités qui sont de plus en plus difficilement conciliables.
Il n’en reste pas moins que, avec l’essor d’Internet et la massification de la demande et de l’offre, un phénomène de standardisation est à l’œuvre, à tel point qu’un même niveau de prestation peut être attendu de destinations touristiques diamétralement opposées.
Dans un autre registre, soulignons que le pittoresque et le folklore ne pourront plus masquer longtemps une offre de services insuffisante ou des infrastructures d’accueil et de transports vieillissantes, et ce d’autant moins que des économies émergentes, disposant d’une véritable force de frappe en matière d’investissement, font du tourisme leur mode d’entrée privilégié sur la scène mondiale.
Pour conclure, madame la ministre, mes chers collègues, le diagnostic lucide, sans concession et, semble-t-il, partagé par le plus grand nombre, que posent les auteurs de ce rapport, à savoir celui d'une place de leader à reconquérir, constitue la tâche aujourd'hui assignée à notre tourisme.
Le travail de réforme qu’il nous reste à accomplir se trouve bien engagé, dans un premier temps, au travers de la réforme de la gouvernance de l’industrie touristique ; c'est un préalable indispensable pour améliorer le niveau de prestations de notre pays. Cette réforme passe bien sûr par des initiatives innovantes. Je pense, par exemple, aux contrats de destination qui réuniront autour d’un même projet tous les partenaires, aussi bien publics que privés, jouant un rôle dans l’accueil touristique. Ils participent à une approche intégrée de la problématique qui nous intéresse.
Madame la ministre, voilà un beau challenge pour que notre pays continue à tenir son rang ! Le travail effectué sous l’égide de la commission pour le contrôle de l’application des lois et de la commission des affaires économiques nous incite à le relever. Nous sommes – est-il besoin de le préciser ? – pleinement disponibles et serons à vos côtés dans cette tâche. §
Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à exprimer ma satisfaction de voir le tourisme prendre enfin la place qui lui revient dans la vie publique et, plus particulièrement, dans le travail du législateur.
Dans le contexte économique auquel nous devons faire face, le tourisme est, en effet, l’un des atouts principaux de la France. Division internationale du travail, application de la théorie des avantages comparatifs : la mondialisation a cette faculté, bonne ou mauvaise, de pousser chacune des économies nationales vers des activités de plus en plus spécialisées.
Le tourisme est l’une de ces activités où la France peut proposer une valeur ajoutée inégalée. Aussi, même si l'on peut aujourd’hui encore regretter que cette industrie touristique n’ait pas occupé la place qu’elle méritait dans le débat public, la loi du 22 juillet 2009 a eu pour effet de rappeler à chacune des formations politiques participant au débat – et à chacun d’entre nous – que le tourisme serait l'un des leviers de la croissance de demain.
Félicitons-nous de pouvoir alimenter une nouvelle fois ce débat en analysant la pertinence du dispositif légal encadrant l’industrie du tourisme en France.
Je tiens à saluer non seulement l’action du précédent gouvernement, notamment celle d’Hervé Novelli, mais également l’attitude de l’opposition de l’époque, plus particulièrement celle de notre collègue Bariza Khiari qui, quoiqu’opposée à un vote conforme de ce texte en deuxième lecture, s’était abstenue au regard de l’urgence à adopter certaines dispositions.
Aujourd’hui, contrairement à d’autres débats organisés par la commission de contrôle de l’application des lois, nous n’étudierons ni l’état de l’application de la loi ni les causes d’une application partielle. En effet, les trente mesures réglementaires attendues ont bien été prises, ainsi que huit autres qui n’étaient pas prévues. Il faut noter que vingt-deux des trente mesures prévues ont été publiées avant la fin de l’année 2009 ; seul l’arrêté portant approbation du contrat constitutif du groupement d’intérêt économique « Atout France, agence de développement touristique de la France » a été pris en plus de deux ans.
Aussi notre débat doit-il être l’occasion de dresser le bilan de l’application de la loi de 2009 sur le plan non pas juridique, mais économique.
Avec 83 millions de visiteurs pour l’année 2012, la France est le pays le plus visité au monde, mais elle ne se trouve malheureusement qu’au troisième rang en termes de recettes. Certes, beaucoup de nos concurrents voient leur part de marché diminuer, mais plus lentement que nous.
Il faut donc rationaliser et rendre plus efficace notre politique publique en matière de tourisme. Pour cela, nous avons une échéance, 2020. En effet, l’Organisation mondiale du tourisme prévoit que les flux de voyageurs dans le monde atteindront 1, 6 milliard à cette date. C’est une chance unique pour la France !
Parmi les chantiers de la loi de 2009 figurait la réforme des offices de tourisme. Ce texte a apporté, selon moi, plus de souplesse et plus d’efficacité. Je pense tout autant à la possibilité donnée aux offices de commercialiser des prestations de services touristiques qu’à l’obligation pour les offices communautaires de recourir à la forme d’établissement public à caractère industriel et commercial ou à l’autorisation accordée aux offices d’implanter des bureaux chargés de l’information touristique.
Pour partir à la conquête des touristes de demain, principalement issus des pays émergents, la loi de 2009 s’est caractérisée par la création d’Atout France, qui a pour objet de regrouper dans une même entité les fonctions de promotion, d’information, d’édition, d’accueil et d'ingénierie touristique, jusqu’alors réparties entre Maison de la France et ODIT France.
Comme le confirme le premier rapport d’évaluation de 2009, tous les acteurs concernés saluent le travail réalisé par cet opérateur. Malheureusement – et c’est sans doute sur ce point qu’il faudra travailler, madame la ministre –, le budget d’Atout France, qui atteint aujourd’hui péniblement 74 millions d’euros, est très largement insuffisant pour assurer la promotion de la France. Certes, le regroupement a permis des économies d’échelle qui peuvent expliquer que le budget de l’opérateur se soit tassé par rapport au budget cumulé des deux entités qu’Atout France a remplacées, mais cette somme ne permet pas d’assurer de manière satisfaisante la promotion de la marque France à destination des particuliers.
J’en viens maintenant à l'une des avancées significatives de la loi : la modernisation de l’offre touristique, notamment grâce au nouveau classement des hébergements touristiques.
Ce nouveau système, avant le classement à proprement parler, permet aux hôteliers de bénéficier d’un « prédiagnostic » destiné à savoir s’ils respectent un nombre suffisant de critères pour postuler dans une catégorie donnée. Le classement a permis en outre d’identifier 246 critères et d'instaurer un système à points – certains d’entre eux étant obligatoires, d’autres facultatifs – plus lisible pour les professionnels.
Parmi les grandes avancées de ce nouveau classement, on notera l’actualisation des normes tous les cinq ans. On peut par ailleurs estimer que ce système permettra une montée en gamme à moyen terme.
Cette classification permet aussi de s’adapter à la nouvelle concurrence internationale, notamment en ce qui concerne l’industrie hôtelière de luxe, qui s’est quelque peu endormie, forte de ses acquis. J’en veux pour preuve la rénovation de quelques-uns de nos joyaux parisiens, tels le Crillon et le Plaza Athénée, qui devraient se mettre au niveau des standards internationaux en constante progression. Tout cela n’a rien d’anecdotique, puisque ces établissements entraînent dans leur sillage l’ensemble de l’industrie hôtelière française, en participant à la renommée internationale de la marque France.
Le bilan positif que je dresse de cette disposition ne doit cependant pas nous faire oublier les difficultés rencontrées par la petite hôtellerie. En effet, de nombreux établissements se trouvent dans une certaine fragilité au motif qu’ils doivent financer la procédure de classement et les investissements de modernisation nécessaires à la montée en gamme. À cela s’ajoutent les normes en matière d’accessibilité des handicapés. Tout cela concourt à créer un contexte peu propice au développement, pourtant si nécessaire, de l’hôtellerie en France, notre pays souffrant aujourd’hui plus que jamais d’un déficit chronique de chambres.
J’en viens maintenant à la mesure qui fut sans doute la plus sujette à polémique : la baisse de la TVA dans la restauration.
Cette mesure n’était pas un chèque en blanc à l’endroit du secteur de la restauration, puisqu’elle s’accompagnait d’engagements de la part des professionnels, notamment à travers le contrat d’avenir. Ces engagements prévoyaient une baisse des prix, mais aussi des créations d’emplois et l’amélioration de la situation des salariés.
Il convient de rappeler que cette baisse de la TVA est à l’origine de la signature d’un accord majoritaire entre syndicats et patronats sur les salaires dans la restauration, qui comprenait la pérennisation de la prime TVA pour les salariés, l’abaissement à quatre mois de l’ancienneté minimale pour la toucher, la fixation du premier niveau de la grille salariale à 1 % au-dessus du SMIC, la confirmation de la revalorisation moyenne de la grille des salaires à 6 %, sans oublier l’ajout de deux jours fériés et la mise en place d’une mutuelle de santé.
Tout de même ! Dans l’ensemble, la petite restauration, notamment en milieu rural, a tenu ces engagements.
Le dernier rapport que vous avez rendu sur le sujet était pourtant assez contrasté !
À cet égard, notons que, sous votre impulsion, madame la ministre, une nouvelle feuille de route pour le contrat d’avenir a été définie. Je conviens que la mesure laissait espérer une baisse des prix de 3 %. Elle a bien eu lieu, mais varie entre 2, 2 % et 2, 5%, selon l’INSEE.
En ce qui concerne la facilitation de l’accès aux séjours touristiques et les chèques-vacances, la loi de 2009 prévoyait la suppression de la condition de ressources pour le salarié, le bénéfice des chèques-vacances aux dirigeants salariés et consacrait l’obligation pour l’Agence nationale pour les chèques-vacances, l’ANCV, de conclure des conventions afin d’assurer la promotion et la commercialisation des chèques-vacances dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
Pour ma part, je tiens à insister sur la clarification des compétences entre les collectivités, laquelle ne sera pas facilitée par le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, qui dispose que celles-ci seront compétentes dans ce domaine. Comme le précise à juste titre le rapport, il n’y a pas de risques inconstitutionnels à voir une collectivité prendre le leadership en la matière.
Pour conclure, comme l’a souligné fort à propos la commission, de gros efforts devront être consentis pour assouplir et stabiliser le cadre normatif contraignant les professionnels du tourisme.
Aussi, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, soyez assurés que le groupe UMP gardera en mémoire l’évaluation de la loi de 2009, mais aussi et surtout les précieuses recommandations que nous ont livrées les rapporteurs. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je serai brève, puisque de nombreux points que je souhaitais aborder l’ont été par les précédents orateurs.
Au mois d’août dernier, dans son discours devant les ambassadeurs au palais de l’Élysée, le Président de la République a déclaré que le tourisme devait être érigé en grande cause nationale. Nous sommes tous d’accord ! Cette annonce a surtout été perçue comme une nouvelle priorité pour le redressement économique de la France.
Pendant trop longtemps en effet, nous avons considéré que l’activité touristique pouvait fonctionner sans l’intervention des pouvoirs publics. Les bénéfices tirés de nos atouts étaient devenus une sorte de rente. Il est vrai que la Croisette à Cannes, la Promenade des Anglais à Nice, les parfumeries de Grasse, les jardins de Menton ne sont pas plus délocalisables que la tour Eiffel ou le Mont-Saint-Michel. C’était oublier que la clientèle touristique internationale est de plus en plus volatile face à une offre qui ne cesse de se diversifier.
Certes, les touristes dans le monde sont de plus en plus nombreux et le cap du milliard de touristes a été dépassé en 2012, notamment avec l’arrivée sur le marché de la classe moyenne des pays émergents. En dépit de cette croissance du tourisme mondial, la place de la France est en train de reculer.
Notre pays perd des parts de marché et les indicateurs sont au rouge. Première destination mondiale, troisième en volume de recettes, la France se situe désormais en septième position, selon le rapport 2013 sur la compétitivité du secteur du voyage et du tourisme publié au mois de mars dernier par le Forum économique mondial. De ce point de vue, je ne partage pas l’analyse de M. Jean-Michel Baylet. La France aurait donc perdu quatre places en deux ans. §En matière de compétitivité, la Suisse, l’Allemagne, l’Espagne, l’Autriche, le Royaume-Uni et les États-Unis sont désormais devant nous. C’est bien triste !
La loi du 22 juillet 2009 dont nous examinons aujourd’hui les résultats était indispensable. Elle doit être considérée comme un premier outil permettant à l’activité touristique d’engager la reconquête des parts de marché qu’elle a perdues, mais aussi de générer des recettes en rapport avec le niveau de fréquentation de la destination France.
De ce point de vue, j’insisterai sur deux sujets : le classement des hôtels, d’une part, la modernisation du parc hôtelier, d’autre part. Tous les problèmes ne sont pas réglés, mais je constate avec satisfaction l’impact du nouveau classement hôtelier sur la Côte d’Azur, que je connais bien.
Dans la compétition mondiale, la France souffrait d’un véritable handicap, en particulier en matière de tourisme haut de gamme. La catégorie supérieure était trop hétéroclite et le classement était devenu illisible. Cette nouvelle classification a permis d’harmoniser notre législation avec la classification internationale, contribuant ainsi à améliorer l’identification de nos hôtels à l’échelon mondial. Nous pouvons aujourd’hui en mesurer les effets dans les Alpes-Maritimes. Dans ce département, en prenant également en compte la Principauté de Monaco qui n’est pas négligeable, le nombre de nuitées dans les hôtels et résidences de tourisme représente de l’ordre de 66 millions de nuitées pour 12 millions de visiteurs.
La Côte d’Azur reçoit à elle seule 1 % des touristes internationaux dans le monde, ce qui est extraordinaire.
Mme Colette Giudicelli. Le Tarn-et-Garonne est magnifique aussi, ce n’est pas ce que je veux dire !
Nouveaux sourires.
Les dépenses totales de ces touristes sont évaluées à environ 5 milliards d’euros par an.
Grâce à la réforme de 2009, nous avons assisté, comme prévu, à une montée en gamme de l’offre et de la demande hôtelière. La France offre plus de 4 000 hébergements classés, incluant les meublés, dont 636 hôtels. Pour ce qui concerne ces derniers, 78 % ont été reclassés selon les nouvelles normes en vigueur et une centaine d’établissements l’ont été dans une catégorie supérieure à leur ancien classement.
Cette évolution de l’offre dans le sens d’une montée en gamme et d’une élévation constante des prestations a parfaitement répondu à l’attente des nouvelles clientèles provenant notamment des marchés émergents. Les professionnels du tourisme ont pu constater en 2012 une hausse de 13 % du total des nuitées passées dans les hôtels quatre ou cinq étoiles. Ces catégories accueillent ainsi pour la première fois plus de 40 % des nuitées hôtelières.
Comme l’ont souligné les rapporteurs, d’une façon générale, le taux de reclassement peut paraître aujourd’hui satisfaisant pour l’ensemble des hébergements touristiques. C’est exactement ce que nous avons pu constater.
Les petits hôteliers ont éprouvé quelques difficultés financières pour mettre en œuvre la nouvelle procédure de classement et poursuivre simultanément la modernisation de leurs équipements.
Dans le cadre du plan de rénovation du secteur hôtelier lancé en 2008, la Caisse des dépôts et consignations et OSEO avaient créé le prêt participatif pour la rénovation hôtelière, qui bénéficiait d’un taux réduit. En réalité, peu d’hôtels ont pu en profiter. Aussi le fonds d’investissement a-t-il élargi en 2012 son champ d’attribution. Le nouveau dispositif devrait permettre à des structures plus petites d’y souscrire, le montant minimum d’investissement étant désormais abaissé de 120 000 euros à 60 000 euros. Il serait bien que cette politique en faveur de la modernisation du parc hôtelier qui est nécessaire soit poursuivie. À ce propos, je vous remercie, madame la ministre, de nous apporter quelques éléments d’information.
Il est vrai que la politique touristique dans notre pays reste encore trop focalisée sur la question de l’hôtellerie. On peut ainsi regretter que, au moment même où le Président de la République annonce que le tourisme doit être érigé en grande cause nationale, le budget d’Atout France soit en recul. Je ne m’attarde pas sur ce sujet, les intervenants précédents l’ayant développé.
Le tourisme est un véritable levier de croissance. C’est la raison pour laquelle, madame la ministre, nous comptons sur vous pour poursuivre l’action engagée et redonner de la compétitivité à un secteur d’activité qui génère 2 millions d’emplois directs et indirects. §
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, un constat s’impose aujourd’hui : quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi de développement et de modernisation des services touristiques du 22 juillet 2009, les deux bilans successivement présentés, deux ans et quatre ans plus tard, témoignent d’un doute certain quant à l’efficacité réelle de la mise en œuvre de ce texte.
À la lecture du rapport particulièrement bien documenté et bien structuré de mes collègues, des questions doivent encore être posées, certaines l’ont déjà été. Je pense notamment à l’efficacité des politiques publiques en matière de tourisme, au manque manifeste d’organisation des structures touristiques, aux raisons de la baisse de 4, 5 % de la dotation publique de l’État pour Atout France, agent de développement touristique de la France pourtant particulièrement nécessaire, au relèvement de la TVA de 5, 5 % à 10 % dans la restauration. Je pense surtout à la réforme du classement des offices de tourisme qui semble aujourd’hui bloquée.
Ne pouvant évoquer de façon exhaustive l’ensemble des points développés dans le rapport de mes collègues, j’insisterai sur un sujet particulier, étroitement lié à une question qui nous tient à cœur, l’évolution des compétences accordées aux intercommunalités en matière touristique.
En effet, madame la ministre, il paraît nécessaire d’accélérer la mise en place de la réforme du classement des offices de tourisme, avec la création de trois catégories, dont l’entrée en vigueur date du 24 juin 2011. Ce classement, nous le savons, reste une démarche volontaire. Aussi est-il intéressant de s’interroger sur l’intérêt réel pour les offices de tourisme d’être classés.
Le premier intérêt est financier. Il faut rappeler que, pour être classé en première catégorie, un office de tourisme doit mener une démarche de qualité afin que la ville puisse ensuite candidater au label « Commune touristique classée ». Avec ce label, la ville peut alors obtenir un niveau de subventionnement intéressant.
Le second intérêt est une valorisation de l’image de la commune en termes touristiques, ce qui est également extrêmement important. La dénomination de commune touristique classée représente pour les communes qui l’obtiennent un gage certain de qualité offerte aux touristes.
Pour être classé, un office de tourisme doit constituer un dossier, puis faire la demande auprès du maire ou du président du groupement de communes auquel il est rattaché, ce dernier sollicitant alors le classement au représentant de l’État dans son département.
Depuis deux ans, le nouveau classement se substitue à l’ancien système hiérarchisé en quatre catégories d’étoiles. Or le rapport de nos collègues nous apprend que seuls près de 150 offices de tourisme sur les 2 800 existants étaient reclassés au 31 mars dernier !
Sur ce point, madame la ministre, ne faudrait-il pas un véritable engagement de l’État afin d’améliorer la communication sur l’utilité de ce classement auprès des communes, des groupements de communes et, probablement, directement auprès des offices de tourisme, éventuellement par le biais de la Fédération nationale des offices de tourisme et de son réseau ? Il existe un risque certain que des communes soient privées à tort d’un classement qu’elles mériteraient d’obtenir, ce qui aurait pour elles des répercussions négatives.
Prenons l’exemple d’un office de tourisme pouvant être classé en première catégorie, parce qu’il répond aux critères de classement – réaliser des missions commerciales, être apporteur d’affaires, être gestionnaire de centres culturels, de centres de loisirs, etc. –, mais qui ne l’aurait pas encore été. Cela lui fait perdre les avantages dont il pourrait bénéficier. Ne parlons pas des problèmes engendrés par le retard de classement pour les petites et moyennes structures touristiques des catégories deux et trois, dont on connaît les difficultés actuelles !
Il se révèle donc nécessaire que les différents classements puissent être opérés rapidement. Madame la ministre, que comptez-vous faire pour pallier ce retard très important ?
Lors du conseil des ministres du 11 juillet dernier, vous avez présenté les orientations du Gouvernement en matière de tourisme. Elles sont axées sur deux priorités : la création d’une filière de l’industrie touristique et l’amélioration de la qualité de l’offre touristique de la France.
Madame la ministre, vous avez signé les premiers contrats de destinations avant l’été, mais je rappelle que ces contrats, qui visent à promouvoir la fréquentation des territoires, ne sont pas une nouveauté. Un certain nombre d’entre eux ont été signés sous la précédente majorité, notamment pour les Antilles, mais aussi la Bretagne, la Normandie ou les Pays de la Loire.
Sur le problème de la fréquentation des territoires, il me semble que l’engagement du Gouvernement en matière de tourisme pourrait aujourd’hui être plus soutenu ; il faudrait en particulier jouer la carte du tourisme culturel. Une politique touristique réussie en France devra absolument s’appuyer sur notre patrimoine culturel, qui est le principal moteur du tourisme. Cela permettrait d’ailleurs de développer l’attractivité des territoires.
Booster le tourisme qui s’essouffle, madame la ministre, c’est certainement le meilleur moyen de donner à notre économie de nouvelles ressources ! §
Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à saluer la qualité du travail accompli par les rapporteurs et leur implication, qui ont permis la production de ce rapport important. Je remercie également l’ensemble des orateurs de leurs interventions et de l’intérêt qu’ils ont manifesté à l’égard de la politique de développement touristique de notre pays. Ce débat a été riche, intéressant et a été l’occasion d’évoquer des sujets majeurs pour ce secteur.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dresser le bilan de la loi de 2009, qui est largement appliquée, c’est également pour moi l’occasion de vous présenter mes priorités pour ce secteur et, ainsi, de répondre à vos interrogations.
Depuis plus d’un an maintenant, les actions que j’ai engagées s’inscrivent dans l’objectif prioritaire du Gouvernement : le redressement économique de la France et l’emploi. Vous le savez, et le rapport que nous venons d’évoquer le souligne très justement, la France est la première destination touristique au monde. Je ne reprendrai pas les chiffres qui ont été cités ce soir à la tribune, mais il s’agit d’une véritable industrie employant plus de 2 millions de personnes, soit plus que le secteur automobile.
Si le Président de la République a érigé le tourisme au rang de grande cause nationale, alors que le Gouvernement livre une bataille acharnée pour l’emploi et la croissance, c’est bien parce que, pendant trop longtemps, ce secteur, pourtant absolument fondamental pour notre économie, n’a pas été suffisamment considéré. C’est aussi un facteur qui contribue directement au rayonnement de la France à l’étranger, comme l’a évoqué le président de la commission pour le contrôle de l’application des lois, à son attractivité globale et qui sert donc nos entreprises, nos exportations, notre image.
Nous devons donc aujourd’hui nous mobiliser fortement. En effet, si nous avons des atouts, nous ne pouvons plus vivre sur nos seuls acquis, comme l’a bien rappelé le rapporteur Luc Carvounas.
La première priorité que j’ai fixée dès ma nomination, c’est la structuration de la filière touristique et la capacité à jouer collectif. Le rapport pointe justement les difficultés à fédérer les énergies autour d’une stratégie partagée, en raison de l’empilement des compétences entre les différents échelons de collectivités territoriales.
Je ne reviendrai pas sur le débat autour du chef de filat en matière touristique. La solution que j’ai proposée ne remet pas en cause la répartition des compétences ; elle s’appuie au contraire sur des partenariats aussi solides que souples avec tous les acteurs du tourisme pour faire partager cette vision, afin qu’elle devienne le socle du développement de nos secteurs.
La démarche innovante que j’ai initiée autour des contrats de destination, Jean-Michel Baylet l’a rappelé, permet aussi de mieux valoriser l’ensemble des territoires, qui sont des atouts considérables pour renouveler notre offre, de diffuser les bénéfices liés au secteur du tourisme et d’enrichir l’image de la France comme celle d’une mosaïque de destinations très variées, qui doivent devenir attractives et mieux connues des Français comme des visiteurs internationaux.
J’ai déjà signé deux de ces contrats, qui sont de réels préfigurateurs. Ils sont en train de construire les bonnes pratiques, les méthodes que pourront ensuite s’approprier ceux qui veulent se lancer à leur tour dans la signature d’un contrat de destination. Ceux-ci ne manquent d’ailleurs pas, puisque nous dénombrons aujourd’hui près de trente candidatures.
Ces contrats de destination marquent le renouveau de notre politique touristique, trop longtemps considérée comme le parent pauvre du développement économique J’ai la conviction qu’il est essentiel de faire travailler les acteurs publics et privés ensemble. C’est en cela, madame Masson-Maret, que ces contrats sont innovants. Dans leur version précédente, ils équivalaient finalement à un contrat de partenariat entre collectivités territoriales, comme les schémas régionaux, les schémas de développement départementaux en matière touristique. La nouveauté, c’est que nous associons l’ensemble de la filière, les acteurs privés du tourisme et tous ceux qui concourent, de près ou de loin, à l’émergence d’un projet touristique. Nous développons et renforçons ainsi les synergies, dans une logique de collaboration et de partenariat.
Il s’agit en effet de créer de la transversalité entre les secteurs du tourisme, de la culture – à ce sujet, madame la sénatrice, et je vous rejoins, je signerai une convention de partenariat et de collaboration plus étroite avec Aurélie Filippetti –, des transports, mais aussi de la gastronomie, des commerces, de l’artisanat, de l’artisanat d’art, des visites d’entreprise, de l’agriculture, de la plaisance, du nautisme, du sport.
Je n’oublie pas les considérations environnementales. Comme vous l’avez fort justement souligné, madame Bouchoux, structurer l’industrie ne signifie pas que le tourisme ne doive pas présenter une dimension environnementale : l’écotourisme, le développement durable et, plus précisément, les bonnes pratiques en faveur de l’environnement constituent l’une des pistes de réflexion qu’il convient de favoriser. Ces thèmes reviennent régulièrement dans les contrats de destination que j’ai pu signer, notamment celui du Tarn-et-Garonne, comme dans ceux qui sont en cours d’élaboration ; je pense par exemple à la Bourgogne ou au massif des Vosges.
À cet égard, je souhaite saluer le succès des déplacements doux, notamment les projets de vélotourisme qui ont structuré plusieurs territoires le long du canal du Midi, ou encore la Loire à vélo, qui est un exemple particulièrement réussi de cette politique.
En résumé, tout ce qui concourt à l’attractivité du territoire peut figurer dans un contrat de destination.
Je pense aussi spécifiquement aux outremers, même si la question ne m’a pas été posée, dont l’économie repose en très grande partie sur le tourisme et pour lesquels nous développons une approche adaptée.
J’ai par ailleurs voulu rénover la gouvernance de cette politique en renforçant le rôle d’Atout France en tant que cheville ouvrière de la politique touristique. Comme l’a rappelé Jean-Michel Baylet, notre promotion à l’international, axée prioritairement sur les pays à forte croissance, est d’ores et déjà plus lisible et plus cohérente. Son rôle en matière d’accompagnement et d’ingénierie touristique dans nos territoires est également renforcé. Cette expertise enviée est d’ailleurs reconnue internationalement. J’en ai la preuve à chacun de mes déplacements à l’étranger et je reçois régulièrement à Bercy mes homologues ministres du tourisme de pays étrangers, qui viennent chercher chez nous des conseils en stratégie et en développement touristiques. C’est bien la preuve qu’Atout France a réellement la capacité d’être notre bras armé pour le développement de notre filière touristique.
Je vais y venir !
En ce qui concerne l’Observatoire national du tourisme, j’ai demandé à mes services et à Atout France de réfléchir à l’amélioration de l’outil statistique de la France. En outre, j’ai veillé à préserver le budget d’Atout France dans le cadre des lois de finances successives. Certains d’entre vous avaient déjà voté des diminutions des crédits du budget du tourisme et même la réduction des services du ministère. C’était au cours d’une précédente législature, aussi n’y reviendrai-je pas…
En revanche, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite nuancer votre constat sur le budget spécifique de la promotion, qui vous semble insuffisant. Certes, il est inférieur à celui de nos principaux concurrents, notamment à celui de l’Espagne que vous avez tous cité. Toutefois, je suis persuadée que la stratégie de redressement de nos comptes publics nous impose de faire mieux avec le budget actuel, Michel Bécot l’a souligné. Nous devons y parvenir grâce à une meilleure coordination des actions d’Atout France et de celles des collectivités locales.
Je rappelle que le budget cumulé des 96 agences de développement touristique s’est élevé, en 2012, à 220 millions d’euros et celui des 22 comités régionaux du tourisme à 136 millions d’euros, dont près de 50 % pour la promotion, venant ainsi compléter les efforts en faveur du budget d’Atout France.
Madame Bouchoux, vous m’avez interpellée sur un sujet qui me tient à cœur, celui de la parité au sein du conseil d’administration d’Atout France. Il est vrai que ce dernier réunit des personnalités assumant déjà des responsabilités dans le tourisme et représentant souvent des institutions. La faible représentation des femmes traduit malheureusement la faible mixité dans le tourisme. Je m’en suis entretenue à plusieurs reprises avec la présidente de l’association Femmes du tourisme.
Ce constat est particulièrement vrai dans les secteurs de mon périmètre : qu’il s’agisse de l’artisanat, du commerce ou du tourisme, peu de femmes exercent des responsabilités. Toutefois, chaque renouvellement du conseil d’administration d’Atout France est pour moi l’occasion d’améliorer la situation et d’inverser cette tendance : j’ai ainsi nommé deux femmes, dont la présidente du comité régional du tourisme de la Martinique, Karine Roy-Camille. Je vous rassure cependant sur un point important : Atout France est exemplaire sur la parité de ses directeurs ; c’est du 50-50, j’y veille particulièrement.
Au-delà du fonctionnement de cet organisme, nous devons rechercher une plus grande efficacité dans la promotion, par exemple à travers une marque France unique, dont les acteurs se réclameraient ou, dans le cadre des contrats de destination, qui permettront de fédérer nos efforts. Nous devons nous appuyer sur les stratégies d’influence permises par les nouvelles technologies– Internet et les réseaux sociaux – pour des budgets beaucoup plus limités. Il s’agit d’un axe stratégique majeur pour la promotion touristique dans les années à venir ; j’ai demandé au président d’Atout France d’y veiller.
Je souhaite en particulier que la promotion de la France à l’étranger dans les salons, foires et expositions se fasse sous une bannière France unique et non plus en ordre dispersé, comme c’était le cas jusqu’à présent. Nous devons en effet renforcer la destination France ou, plus exactement, les destinations France, pour réduire la fracture de fréquentation existant entre les différents territoires.
Le Conseil national du tourisme, que j’ai renouvelé à la fin de l’année 2012, doit contribuer de manière plus opérationnelle à l’élaboration et à la mise en œuvre de notre politique.
La deuxième priorité sur laquelle j’ai souhaité mettre l’accent, c’est la qualité de l’offre touristique française. Au-delà de la promotion, ce qui compte pour satisfaire et faire revenir les touristes français ou internationaux, c’est de proposer un bon produit, comme l’a souligné Jean-Jacques Mirassou.
L’amélioration de la qualité de l’accueil passe par la prise en compte des différences culturelles de nos visiteurs et se traduit en termes d’apprentissage de langues étrangères, de savoir-faire, de modernisation et d’investissement dans les équipements. L’adaptation des formations aux métiers du tourisme est un enjeu majeur pour le maintien du leadership mondial de la France et pour faire en sorte que les touristes français continuent à voyager sur notre territoire. Je pense que, sur ce point, nos constats se rejoignent parfaitement.
Nous modernisons la formation professionnelle afin de renforcer les compétences des hommes et des femmes qui sont au cœur de la réussite de notre politique touristique ; Corinne Bouchoux et Évelyne Didier en ont parlé.
À cet égard, Michel Sapin et moi-même avons confié une mission à François Nogué, président du conseil d’administration de Pôle emploi, pour professionnaliser la filière, renforcer l’attractivité des métiers, et surtout – l’emploi étant la première de nos priorités – pourvoir les postes vacants pour lesquels les entreprises du tourisme rencontrent de réelles difficultés de recrutement. J’ai également demandé que des propositions spécifiques soient formulées sur les emplois saisonniers, notamment pour sécuriser davantage les parcours professionnels des salariés concernés.
Nous livrerons prochainement le contenu et les conclusions du rapport Nogué. Quatre axes prioritaires se dessinent : anticiper les besoins en compétence avec une optimisation de l’observation sur l’emploi dans le secteur et l’évaluation des métiers ; faire de la filière une voie durable de l’insertion professionnelle pour les jeunes et les demandeurs d’emploi – je pense notamment au développement des emplois d’avenir – ; accélérer la montée en compétence et garantir les parcours professionnels avec l’alternance et l’adaptation des formations ; améliorer la qualité de vie au travail, en termes tant de conditions d’accueil que de santé, considérations particulièrement fortes pour les saisonniers.
Sur ces différents sujets, il sera nécessaire de favoriser la concertation avec les organisations professionnelles et syndicales concernées afin d’agir efficacement.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Président de la République a souhaité ouvrir les emplois d’avenir aux entreprises de ce secteur. J’ai donc mobilisé les préfets pour qu’ils consentent un effort prioritaire sur le tourisme et je suivrai avec beaucoup d’attention la montée en puissance de la conclusion de ces contrats.
L’amélioration de l’accueil, c’est aussi, bien sûr, la facilité d’accès à notre territoire à travers la simplification de la délivrance des visas de circulation, valables entre six mois et cinq ans, non seulement pour les talents étrangers, les hommes d’affaires, les artistes ou encore les scientifiques, mais aussi pour le tourisme. Lors de la conférence des ambassadeurs, le Président de la République a demandé que ce point soit traité avec rapidité.
Dans le cadre de la qualité de l’accueil, j’insiste également sur l’importance de la sécurité des touristes, évoquée par certains d’entre vous. Manuel Valls et moi-même avons immédiatement réagi à certains faits regrettables et mis en place des mesures spécifiques pour assurer la sécurité des touristes : renforcement de la présence policière sur les sites touristiques les plus visités, mise en place d’un partenariat actif avec les ambassades, les professionnels du tourisme, les transporteurs municipaux, la SNCF, la RATP, amélioration de l’accueil des victimes étrangères dans les services de police, édition d’un guide pratique de prévention en six langues. Les résultats sont au rendez-vous, puisque le nombre de vols à la tire à Paris a baissé de 22 % aux mois de juillet et d’août derniers ; cela mérite d’être souligné.
L’amélioration de la qualité de l’offre touristique passe aussi par celle des hébergements. La loi de 2009, dont le bilan nous a été présenté aujourd’hui, instaurait un nouveau classement pour les hôtels, mais aussi pour l’ensemble des autres hébergements tels que les campings ou les résidences de tourisme, afin de leur offrir davantage de visibilité à l’international, vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur Lasserre et monsieur Bécot.
Au 30 septembre 2013, 12 862 hôtels ont été reclassés, soit 75 % de l’ensemble de l’offre d’hôtels et 85 % des chambres. L’efficacité de ce classement est indéniable : une enquête indépendante a montré, au mois de mai 2013, que les établissements classés avaient mieux résisté à la crise que les autres.
Je suis convaincue que nous pouvons encore simplifier l’accès à ce classement et l’adapter aux réalités économiques. J’examinerai avec beaucoup d’intérêt les propositions concrètes qui ont été formulées aujourd’hui, dans la perspective d’une évolution.
Le rapport pointe très justement le fait que le reclassement de la petite hôtellerie indépendante n’a pas été aussi rapide que souhaité. Ces petits hôtels, qui font le charme et le caractère de notre offre touristique dans les territoires, rencontrent des difficultés dans la mise aux normes en matière de sécurité et d’accessibilité. Ils ont donc tendance à retarder les travaux et, ce faisant, leur demande de classement.
La question de l’accessibilité constitue une préoccupation des élus locaux comme des professionnels. Depuis ma prise de fonction, je ne cesse de dire que nous devons, sur ce sujet délicat et complexe, trouver une solution d’équilibre tout en préservant l’intérêt légitime et les droits des personnes à mobilité réduite et des personnes handicapées.
L’entrée en vigueur de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a soulevé de réelles difficultés d’application pour les petits établissements ouverts au public, les commerces de proximité et les hôtels indépendants.
Lors du comité interministériel du handicap du 25 septembre dernier, le Premier ministre n’a pu que constater que le rendez-vous de 2015 fixé par la loi ne serait pas respecté. Il a donc décidé de l’ouverture de deux chantiers, qui porteront respectivement sur les agendas d’accessibilité programmée, permettant aux hôteliers de poursuivre leur démarche de mise aux normes au-delà de 2015, et sur l’ajustement normatif. Ces travaux se dérouleront sous la présidence de la sénatrice Claire-Lise Campion et des propositions concrètes seront formulées d’ici au mois de janvier prochain.
Nous avons là une opportunité unique de trouver un juste équilibre, qui puisse garantir la dynamique de l’accessibilité, voire l’accélérer grâce à un déploiement réaliste de ces normes. Ces décisions correspondent aux recommandations qui ont été opportunément exprimées par les rapporteurs.
Mme Giudicelli s’est interrogée sur le financement de ces mises aux normes. J’ai demandé à la Banque publique d’investissement de travailler sur des offres de financement pour la modernisation, la réhabilitation et l’accessibilité des hôtels indépendants.
Au-delà, nous devons poursuivre nos efforts pour la modernisation des hébergements touristiques français et leur adaptation aux exigences de nouvelles clientèles.
L’investissement touristique global s’élève à 12, 738 milliards d’euros en 2012, soit un recul de 4 % par rapport à 2011. Ce sont les secteurs des équipements touristiques qui concentrent aujourd’hui les investissements : musées, monuments historiques, casinos, parcs de loisirs, thermalisme, thalasso, et ce au détriment de l’offre d’hébergement. Les investissements pour la rénovation de l’existant, notamment dans les zones touristiques de montagne ou du littoral, sont perçus comme insuffisamment rentables par les acteurs privés.
J’ai donc mis en place, au mois de juillet dernier, un groupe de travail sur le tourisme de montagne qui doit formuler des propositions spécifiques sur la rénovation et la réhabilitation, mais aussi sur l’élaboration d’une offre touristique attrayante en dehors des périodes de sports d’hiver, pour renforcer la rentabilité de ces stations et attirer les investisseurs privés.
Je souhaite engager la même démarche pour la réhabilitation en zone littorale. Je suis particulièrement attachée à ce que les propositions qui seront avancées tiennent compte des spécificités locales et constituent une boîte à outils à la disposition des élus locaux. En effet, mesdames, messieurs les sénateurs, vous connaissez aussi bien que moi les enjeux de vos territoires et êtes souvent les mieux placés pour trouver les bonnes méthodes d’accompagnement.
Les autres classements modifiés par la loi de 2009 – je pense notamment aux offices de tourisme – ont contribué à la montée en qualité globale des services, mais restent encore trop complexes à mettre en œuvre.
Je reçois très souvent des sollicitations d’élus locaux qui me signalent les difficultés qu’ils rencontrent : coût des certifications ou marques de qualité exigées sur les périodes d’ouverture minimale, difficulté à remplir le critère portant sur la capacité d’hébergement calculée sur la base d’un ratio rapporté au nombre d’habitants… Le dispositif réglementaire sera amendé pour prendre en compte ces difficultés et je procéderai aux ajustements nécessaires pour inciter les communes où se trouvent ces offices de tourisme à améliorer leurs prestations touristiques.
La modernisation de l’offre touristique française passe également par les technologies du numérique, qui modifient en profondeur la valeur ajoutée dans la filière.
À cet égard, beaucoup de professionnels me font part de leurs difficiles relations avec les sites de réservation en ligne. Si certaines dispositions sont illégales, elles doivent être condamnées. Mais ce que je souhaite surtout, c’est que nous sortions par le haut de ce débat : il faut que les professionnels, avec l’aide de l’État et d’Atout France, prennent définitivement le virage du numérique, se fédèrent et puissent construire ensemble une stratégie numérique. Le numérique constitue en effet un véritable levier pour les acteurs de la filière touristique, qu’il s’agisse des hôteliers, des restaurateurs, du monde des loisirs, de la culture ou des collectivités locales.
Enfin, c’est également dans la perspective de l’amélioration de la qualité de l’offre touristique française que j’ai souhaité mettre en place un comité de filière pour la restauration. Il s’agit de remplacer la démarche du contrat d’avenir, qui n’a pas produit les résultats escomptés, par une véritable démarche partenariale.
Plusieurs d’entre vous m’ont interrogée sur la TVA dans la restauration, dont le taux est passé de 5, 5 % à 7 %. Nous la maintiendrons au taux intermédiaire, après avoir tiré un bilan pour le moins contrasté du contrat d’avenir, dont les résultats furent inégaux. Le débat sur le bilan du contrat d’avenir est désormais clos. J’ai souhaité que, dans le cadre du comité de la filière, nous puissions désormais travailler autour de certaines priorités.
Je rappelle que les restaurateurs et professionnels du secteur sont largement bénéficiaires du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, puisque la masse salariale n’y dépasse pas celle qui est fixée par les critères d’attribution. Ainsi, environ 90 % de la masse salariale du secteur y est éligible, contre 66 % pour les autres secteurs de l’économie. En outre, cette filière bénéficie également des contrats de génération. Ce sont souvent de très petites entreprises, qui peuvent donc percevoir la somme de 4 000 euros pour l’embauche d’un jeune.
Avec la filière et les organisations professionnelles, nous avons défini dix priorités, évoluant autour de la qualité et de l’information des consommateurs, des conditions de travail des salariés et de la valorisation des métiers et des savoir-faire.
J’ai en particulier proposé la mise en place du label « fait maison », dont nous avons discuté avec certains d’entre vous, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi relatif à la consommation, pour valoriser le travail des restaurateurs et mieux informer le consommateur.
Ce label présente l’avantage d’être compréhensible et rassurant pour nos concitoyens et nos visiteurs.
J’ai également tenu à faire évoluer le titre de « maître-restaurateur », évoqué par Jean-Jacques Lasserre. Le contrat d’avenir fixait un objectif de 7 000 labels ; nous en sommes aujourd’hui à 2 000 environ. Il était temps, je crois, de faire évoluer ce titre, de le moderniser, de le simplifier. S’il constitue un atout pour notre filière, il n’a pas réussi à séduire suffisamment de professionnels. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité simplifier la démarche de labellisation, tout en maintenant les exigences de qualité, afin de le rendre plus lisible pour nos touristes et visiteurs internationaux. Il doit donc être plus accessible et plus répandu.
La troisième priorité que j’ai fixée pour le tourisme, et je sais que vous partagez cette préoccupation, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque vous avez été nombreux à me poser la question, est l’accès aux vacances pour tous.
Un Français sur deux ne part pas en vacances. Cette situation est inacceptable, car les vacances sont un moment privilégié pour se retrouver en famille ou entre amis. Je ne peux pas tolérer la montée des inégalités face à ce droit au temps libre, qui a aussi, nous pouvons le dire, des impacts économiques et, surtout, des conséquences positives sur le vivre-ensemble et la mixité sociale.
J’ai confié une mission à Claudie Buisson, membre du Contrôle général économique et financier, le CGEFI, pour identifier les freins au départ et proposer des dispositifs concrets, afin que les vacances soient enfin accessibles au plus grand nombre.
Ces freins, en effet, sont de nature différente. Certains sont financiers. Nous devons y apporter des solutions. D’autres, très puissants, sont sociaux, psychologiques, culturels : ils font que certaines familles s’interdisent de partir en vacances, car elles pensent que ce n’est pas pour elles. À elles aussi, nous devons aussi apporter une réponse.
Dès le mois de février dernier – je ne voulais pas d’une mission qui ne débouche que sur un rapport –, j’ai mis en place des opérations pilotes, en Midi-Pyrénées et en Rhône-Alpes, pour accompagner le départ en vacances de 250 jeunes apprentis qui n’y avaient pas accès. Une deuxième série d’expérimentations, destinée aux familles, notamment monoparentales, a eu lieu cet été, jusqu’au mois de septembre.
Les conclusions du rapport, qui s’appuieront sur le bilan de ces expérimentations, seront établies à partir des retours du terrain et me seront remises à la fin du mois. Elles devraient notamment concerner la diffusion des chèques-vacances, en particulier dans les PME et les TPE, pour lesquelles l’objectif de 500 000 nouveaux bénéficiaires en deux ans, fixé sans réelle étude de faisabilité préalable, est très loin d’être atteint, ainsi que le rapport le souligne très justement.
Nous devons agir aussi bien sur la demande que sur l’offre, en restructurant la filière du tourisme à vocation sociale. Nous devons animer le marché, en rendant plus visible l’offre des acteurs privés et associatifs. Nous devons aussi capitaliser sur la mobilisation des acteurs, puisqu’il existe beaucoup de dispositifs qui souffrent de dispersion et n’atteignent pas leur cible.
Enfin, pour les Français qui achètent des résidences secondaires en temps partagé afin de s’offrir un lieu de vacances à un prix plus abordable, le régime, qui avait été modifié par la loi de 2009, n’est pas encore suffisamment protecteur. Il a donné lieu à des abus de la part de sociétés de gestion peu scrupuleuses, qui entraînent aujourd’hui ces petits propriétaires dans des démêlés judiciaires souvent ubuesques.
Le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, qui sera débattu par votre assemblée à partir de la semaine prochaine, prévoit de nouvelles mesures pour mieux encadrer les sociétés de gestion et faciliter le retrait de ces résidences en temps partagé, sans mettre en péril l’équilibre économique global ni faire peser les charges sur les autres copropriétaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, les conditions sont aujourd’hui réunies pour le succès de notre politique touristique. Des relations de confiance ont été renouées avec l’ensemble des acteurs et partenaires : élus, collectivités territoriales, professionnels du tourisme. Des orientations stratégiques ont été clairement définies.
Il nous reste cependant encore beaucoup à faire.
En 2012, le tourisme mondial a franchi le cap du milliard de touristes annuels et, comme l’a indiqué l’Organisation mondiale du tourisme, l’OMT, le secteur confirme cette année encore sa bonne santé, avec un potentiel de croissance de 3 % à 4 % pour 2013. Un quasi doublement est attendu d’ici à 2030. Ce sont donc de véritables opportunités qui s’offrent à la France.
Le tourisme est un atout et une chance pour notre pays. Ces chiffres montrent aussi que nous avons à faire face à la montée en puissance de nouvelles destinations, qui renforcent la concurrence mondiale.
Le tourisme français devra, dans les années à venir, relever le défi de l’augmentation du nombre de touristes, mais aussi celui de la transformation des manières de voyager.
Le secteur touristique est particulièrement sensible aux évolutions de la société et des comportements des consommateurs. Son modèle économique connaît en ce moment de profondes mutations.
C’est donc sur un marché de plus en plus ouvert, de plus en plus varié, de plus en plus concurrentiel, que nous devons nous placer pour profiter de cette croissance. Ce que je veux pour notre pays, c’est qu’il reste le plus attractif de tous, que le tourisme tire vers le haut la croissance et l’emploi, qui sont les priorités absolues du Gouvernement.
À l’échelle mondiale, nous voyons naître une nouvelle population de touristes, issue des classes moyennes de pays émergents. C’est elle qui sera la première contributrice à la croissance de ce marché. Il faut le prendre en compte, car c’est à elle que devront s’adresser en priorité nos stratégies touristiques ! Vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur Luc Carvounas, les statistiques montrent que nous connaissons une forte augmentation de la fréquentation de touristes de certains pays, notamment de la Chine. Nous devons encore progresser en la matière.
En parallèle, nous constatons également une personnalisation accrue des séjours, grâce aux nouveaux usages du numérique, qui permettent l’élaboration de voyages à la carte par le client final, sans intermédiaire autre que le site Internet. Là encore, nous devons nous positionner pour faire de la France le pays du « e-tourisme ». La diversification et l’innovation sont des facteurs clés de succès dans les territoires et requièrent une vision prospective partagée de la demande touristique.
Notre objectif est triple : fidéliser la clientèle existante, française ou internationale, et faire revenir ceux qui ont apprécié leur premier séjour ; capter les nouvelles clientèles en provenance des pays émergents, qui sont les sources de croissance des prochaines années ; augmenter les retombées économiques du tourisme, car il n’est pas normal que le panier de dépenses moyen d’un touriste étranger en France soit de 64 euros, quand il est de 74 euros en Espagne. C’est l’objectif fixé par le Président de la République : faire de la France la première destination européenne en matière de recettes.
Pour cela, nous devrons enrichir notre offre touristique aujourd’hui centrée sur les destinations classiques – Paris et la Côte d’Azur –, en la structurant autour de nouveaux pôles d’attractivité de renommée mondiale.
Nous devrons aussi créer des circuits thématiques, adaptés aux différents types de clientèle. Par exemple, l’offre sur le tourisme d’affaires, dont les recettes sont en moyenne plus élevées, mérite une attention spécifique. Je pense également à l’œnotourisme, au tourisme rural, au tourisme de plaisance, au tourisme sportif ou encore au tourisme durable.
L’objectif est clair : il faut faire valoir tous nos atouts, afin de retenir plus longtemps nos visiteurs en France et leur donner envie de dépenser davantage. C’est valable pour les clientèles étrangères, mais aussi, bien sûr, pour nos concitoyens.
La promotion de la destination France doit s’accompagner d’une politique d’accessibilité des grands sites de renommée mondiale aux touristes étrangers. Or la fréquentation touristique est directement liée aux moyens de transport qui desservent les destinations : lignes aériennes, intermodalité, connectivité.
La facilité et la rapidité dans la délivrance des visas constituent également un enjeu important pour permettre à la France de redevenir le point d’entrée sur le territoire européen. Le Président de la République s’est engagé sur ces points devant notre diplomatie, cette année.
Mesdames, messieurs les sénateurs, nombreux sont les défis qui nous attendent, qu’ils soient économiques, sociaux ou organisationnels. Aussi, je compte sur votre soutien dans la conduite de cette politique, qui joue un rôle essentiel dans le redressement économique de notre pays. Je souhaite que, ensemble, nous renforcions l’attractivité de la France.
Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE . – M. Jean-Jacques Lasserre, corapporteur au nom de la commission des affaires économiques, applaudit également.
Nous en avons terminé avec le débat sur la pertinence du dispositif légal encadrant l’industrie du tourisme en France.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 16 octobre 2013 :
À quatorze heures trente :
1. Désignation des trente-trois membres de la mission commune d’information sur la réforme des rythmes scolaires afin d’évaluer sa mise en place, les difficultés rencontrées et le coût induit pour l’ensemble des communes ;
2. Proposition de résolution européenne sur les normes européennes en matière de détachement des travailleurs (n° 528, 2012-2013).
3. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 24 et 25 octobre 2013.
À vingt et une heures trente :
4. Débat sur la place des femmes dans l’art et la culture.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures quarante.